Traitement ambulatoire initial des patients hospitalisés
Habitudes thérapeutiques des médecins généralistes libéraux installés en Sarthe en termes d’antibiothérapie dans la prise en charge de l’érysipèle
Population
Cinquante-six médecins généralistes ont répondu à notre étude sur les 195 questionnaires envoyés, soit 28,7% de répondants.
Agés de 30 à 67 ans, les médecins généralistes ont été répartis en quartiles. Les 4 classes d’âge obtenues étaient : 30 à 39 ans, 41 à 50 ans, 54 à 60 ans, 60 à 67 ans.
La moyenne d’âge des médecins généralistes ayant répondu au questionnaire était de 50 ans et la médiane de 52 ans.
Tous les modes d’exercice étaient représentés dans cette étude : 30% exerçaient en milieu rural (n=17), 38% en milieu semi-rural (n=21), et 32% en milieu urbain (n=18).
Avec une expérience professionnelle allant de 2 à 40 ans, les médecins ayant participé à l’étude exerçaient en moyenne depuis 20,7 ans en tant que médecin généraliste. La médiane atteignait 21 ans.
Trente-deux médecins généralistes (57%) utilisaient habituellement des outils d’aide à la prescription comme Antibioclic® en consultation.
Prise en charge de l’érysipèle en pratique
En moyenne, 68% des médecins généralistes (n=38) déclaraient prendre en charge 1 à 5 cas d’érysipèle par an, 27% plus de 5 cas par an (n=15), et 5% moins d’un cas par an (n=3).
La proportion de patients hospitalisés d’emblée était de :
– Moins de 25% pour 91% des médecins généralistes (n=51)
– 25 à 50% pour 7% des médecins généralistes (n=4)
– Plus de 75% pour 2% des médecins généralistes (n=1)
Traitement ambulatoire habituellement prescrit
Pour traiter un érysipèle en ville, six molécules différentes ont été énoncées par les médecins généralistes (Figure 2).
L’amoxicilline, retrouvée chez 57% des médecins généralistes (n=32), était l’antibiothérapie la plus utilisée.
Concernant sa prescription, 84,4% des médecins généralistes (n=27) la prescrivaient à raison de 3 à 4,5 grammes par 24 heures (65,6% des médecins à 3 grammes par 24 heures, 9,4% à 4 grammes par 24 heures, et 9,4% à 4,5 grammes par 24 heures). Dans 12,5% des cas (n=4), elle était prescrite à 2 grammes par 24 heures, et dans 3,1% des cas (n=1) à 1,5 grammes par 24 heures.
Concernant la prescription de pristinamycine, 100% des médecins généralistes (n=11) la prescrivaient à raison de 2 à 3 grammes par 24 heures (45,5% des médecins à 2 grammes par 24 heures, et 55,5% à 3 grammes par 24 heures).
La durée de traitement antibiotique était variable selon les médecins généralistes interrogés. Allant de 7 à 21 jours, elle était en moyenne de 11,4 jours, et la médiane de 10 jours.
Adéquation aux recommandations établies
Parmi les médecins interrogés, 77% (n=43) prescrivaient habituellement l’amoxicilline ou la pristinamycine (respectivement 32 et 11 médecins), molécules recommandées d’après la CDC. Parmi eux, 88% (n=38) avaient une posologie suffisante.
Au total, concernant l’antibiotique choisi et sa posologie, 67,9% des médecins généralistes (n=38) étaient en adéquation vis-à-vis des recommandations de prise en charge de l’érysipèle établies par la CDC de Janvier 2000.Cependant, parmi les médecins en inadéquation, 33,3% (n=6) prescrivaient de l’amoxicilline-acide clavulanique à une posologie d’au moins 3 grammes par 24 heures, traitement comprenant 3 grammes d’amoxicilline et donc efficace sur le streptocoque mais
avec un spectre antibactérien trop large.
Par conséquent, dans 78,6% des cas, l’amoxicilline (n=27), la pristinamycine (n=11) et l’amoxicilline-acide clavulanique (n=6), utilisés habituellement par les médecins généralistes de Sarthe, avaient donc une efficacité sur le(s) germe(s) habituellement incriminé(s) dans l’érysipèle.
Parmi les 38 médecins généralistes en adéquation avec les recommandations concernant l’antibiotique choisi et sa posologie, 86,9% (n=33) avaient prescrit un traitement pendant une durée d’au moins 10 jours.
Adéquation aux recommandations.
(antibiothérapie et posologie) Antibiothérapie utilisée.
Posologie adéquate(n=38).
Posologie inadéquate (n=18).
Antibiothérapie Amoxicilline (n=32) 84,4% (n=27) 15,6% adéquate (n=43) Pristinamycine (n=11). 100% (n=11) 0%.Amoxicilline-acide clavulanique (n=9) Orbénine (n=2).
Josamycine (n=1) Antibiothérapie inadéquate.(n=13) Oracilline (n=1) TOTAL : 67,9% 32,1%.
Au total, concernant l’antibiotique choisi, sa posologie et sa durée de traitement, seuls 58,9% des médecins généralistes (n=33) étaient en adéquation vis-à-vis des recommandations de prise en charge de l’érysipèle établies par la CDC de Janvier 2000.
Proportion de guérison des patients traités en ville
Quelque soit le traitement prescrit, la proportion de guérison des patients traités en ambulatoire était de :
– Plus de 75% pour 75% des médecins généralistes (n=42)
– 51 à 75% pour 21% des médecins généralistes (n=12)
– 25 à 50% pour 4% des médecins généralistes (n=2)
Aucun médecin généraliste n’a déclaré obtenir une guérison inférieure à 25% des cas des patients traités.
Connaissance des recommandations établies en Janvier 2000 concernant l’érysipèle
Parmi les médecins généralistes ayant répondu au questionnaire, seuls 27% (n=15) pensaient connaître les recommandations de Janvier 2000 concernant la prise en charge de l’érysipèle.
Participation des médecins généralistes aux FMC
Parmi les médecins interrogés, 89% (n=50) suivaient régulièrement des journées de formation médicale continue.
Concernant les FMC abordant le thème de l’érysipèle, 18% des médecins ayant répondu au questionnaire (n=10) y avaient participé.
Analyses univariées
Nous avons comparé l’adéquation aux recommandations de l’antibiothérapie mise en place par les médecins généralistes en Sarthe en fonction de leur pratique habituelle (Tableau IV).
La proportion d’hospitalisations d’emblée devant un érysipèle était significativement corrélée à l’adéquation aux recommandations (p=0,002). Tous les médecins généralistes hospitalisant plus de 25% des patients d’emblée n’étaient pas en adéquation vis-à-vis de celles-ci.
En revanche, la proportion de guérison des patients traités en ambulatoire n’était pas associée à l’adéquation aux recommandations, tout comme le nombre de cas d’érysipèles par an et par médecin.
Parmi les médecins interrogés, 67% de ceux déclarant connaître les recommandations étaient en adéquation avec celles-ci. Pourtant, 68% des médecins généralistes déclarant ne pas les connaître étaient tout de même en adéquation.
Il existait une tendance à une plus large utilisation d’outils d’aide à la prescription comme Antibioclic® pour les médecins généralistes pensant connaître les recommandations, puisqu’ils étaient 80% (n=12) à les utiliser (p= 0,06). De même, l’utilisation du logiciel Antibioclic® semblait associée à une meilleure adéquation aux recommandations (p=0,18).
La participation aux FMC paraissait corrélée à un meilleur respect de la CDC de Janvier 2000.
Nous avons comparé les données obtenues en fonction de l’âge des médecins généralistes (Tableau V).
L’utilisation du logiciel Antibioclic® était significativement associée à une population de jeunes médecins généralistes (p=0,03). Les médecins âgés de 30 à 39 ans utilisaient Antibioclic® dans 86% des cas.
Il existait une tendance à une meilleure connaissance des recommandations par les médecins généralistes les plus jeunes et les plus âgés (p=0,14).
Cependant, concernant l’adéquation aux recommandations, il n’y avait pas de différence significative selon les quartiles des médecins pour la classe d’âge.
30 à 39 ans 41 à 50 ans 54 à 60 ans 60 à 67 ans Adéquation aux recommandations (antibiothérapie et posologie).
– En adéquation 57% (n=8) 86% (n=12) 57% (n=8) 71% (n=10).
– En inadéquation 43% (n=6) 14% (n=2) 43% (n=6) 29% (n=4) p= 0,3.
Participation aux FMC abordant le thème de l’érysipèle 7% (n=1) 14% (n=2) 14% (n=2) 36% (n=5) OUI n’abordant pas le thème de l’érysipèle 64% (n=9) 79% (n=11) 86% (n=12) 57% (n=8) NON 29% (n=4) 7% (n=1) 0% 7% (n=1) p= 0,16.
Utilisation Antibioclic® OUI 86% (n=12) 50% (n=7) 43% (n=6) 36% (n=5). NON 14% (n=2) 50% (n=7) 57% (n=8) 64% (n=9) p= 0,03 Connaissance des recommandations (Janv. 2000).
OUI 43% (n=6) 7% (n=1) 21% (n=3) 36% (n=5) NON 57% (n=8) 93% (n=13) 79% (n=11) 64% (n=9) p= 0,14.
Néanmoins, pour la classe d’âge la plus jeune, nous avons pu noter un décalage entre les fortes utilisation d’Antibioclic® (86%) et connaissance des recommandations (43%), et la faible adéquation aux recommandations (57%).
La participation aux FMC « érysipèle » semblait concerner plutôt la classe d’âge la plus âgée de médecins (p=0,16).
Nous avons comparé la participation des médecins généralistes de Sarthe aux FMC abordant le thème de l’érysipèle selon leur pratique habituelle et leur connaissance des recommandations de prise en charge de cette pathologie (Figure 3).
Le nombre moyen de cas d’érysipèle par an et par médecin semblait corrélé à la participation des médecins aux FMC (p=0,07), puisque 80% (n=8) des médecins ayant participé à une FMC « érysipèle » observaient en moyenne 1 à 5 cas par an, 20% (n=2) plus de 5 cas par an, et aucun (n=0) moins d’1 cas par an.
Il existait également une tendance à une moindre proportion d’hospitalisations d’emblée par les médecins généralistes participant à des FMC (p=0,07).
Le fait de participer à une FMC sur l’érysipèle n’était pas significativement associé à une meilleure guérison ambulatoire des patients. La guérison des patients était obtenue dans plus de 75% des cas chez 80% (n=8) des médecins ayant suivi une FMC « érysipèle », chez 75% (n=30) des médecins participant régulièrement à des FMC, et chez 67% (n=4) des médecins ne suivant pas de FMC.
Il n’y avait pas de différence significative concernant la connaissance des recommandations, pour les médecins généralistes ayant participé à une FMC abordant le thème de l’érysipèle.
DISCUSSION
La prise en charge de l’érysipèle est le plus souvent ambulatoire, comme le montrent l’étude de D. Larivière et al. (4) et celle de WG. Goettsch et al. (9), dans lesquelles seuls 7 à 9% des cas étaient hospitalisés. Notre étude réalisée auprès des médecins généralistes en Sarthe a complété le faible nombre d’études en médecine de ville portant sur ce sujet.
Reposant sur des arguments bactériologiques et l’accumulation d’expériences cliniques, l’antibiothérapie de référence recommandée par la CDC est la pénicilline G.
L’amoxicilline est l’antibiothérapie orale préconisée en prise en charge ambulatoire depuis Janvier 2000. En cas d’allergie aux bétalactamines, le choix se porte sur la pristinamycine (1). Une étude randomisée comparant la pristinamycine orale (3 grammes par jour) à la pénicilline G intraveineuse, montre un taux de guérison de 65% dans le groupe pristinamycine versus 53% dans le groupe pénicilline G (10).
Dans la première partie de notre étude, 27% des patients hospitalisés pour un érysipèle en Dermatologie à l’hôpital du Mans en 2015 avaient reçu un traitement ambulatoire préalable. Seuls 39% des traitements étaient en adéquation avec les recommandations. Ces données concordent avec celles de la littérature. Dans l’étude de J.
Jégou et al. sur les motifs d’hospitalisation de l’érysipèle (11), 28 patients sur les 89 patients hospitalisés par leur médecin traitant (soit 31%) avaient reçu un traitement antibiotique préalable à l’hospitalisation ; seuls 43% étaient en adéquation avec les recommandations.
Dans l’étude de P. Bernard et al. sur la prise en charge de l’érysipèle en milieu hospitalier après la CDC (12), 34% des patients hospitalisés avaient reçu une antibiothérapie ambulatoire préalable.
La deuxième partie de notre étude nous a montré une adéquation aux recommandations par 58,9% des médecins généralistes ayant répondu au questionnaire.
Dans la littérature, les enquêtes de pratique en médecine de ville (7,8) retrouvent une adéquation aux recommandations dans plus de la moitié des cas, respectivement dans 50% et 56% des cas.
Notre objectif secondaire consistait à évaluer les connaissances des médecins généralistes sarthois concernant ces recommandations. Seuls 27% des médecins pensaient les connaître, mais un tiers d’entre eux n’était pourtant pas en adéquation. Plus de quinze ans après la conférence de consensus, ces résultats questionnent sur son impact auprès des professionnels de santé. L’étude de P. Bernard et al. réalisée sur la modification de la prise en charge de l’érysipèle en milieu hospitalier après la CDC de Janvier 2000 (12) met en lumière le faible impact de la CDC en milieu hospitalier avec 35% d’inadéquation aux recommandations parmi les 235 cas évalués. Les auteurs expliquent ce faible impact par la diffusion insuffisante des recommandations, la prise en charge de l’érysipèle largement partagée entre médecins généralistes et médecins hospitaliers, et le manque d’études de qualité qui ne permettrait pas de justifier certaines recommandations. A l’inverse, l’impact des recommandations de la CDC concernant la prise en charge du mélanome (13) était très important, probablement en raison du suivi majoritairement par les seuls dermatologues.
Il existe de très nombreuses recommandations concernant des pathologies diverses, qui évoluent au fil du temps, nécessitant une réactualisation perpétuelle des connaissances des médecins. La médecine générale prenant en charge les patients dans leur globalité, il semble difficile de connaître toutes les recommandations, d’où l’importance pour les médecins généralistes de se munir de moyens et outils conformes à celles-ci.
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Table des matières
RESUME
INTRODUCTION
METHODES
RESULTATS
1. Traitement ambulatoire reçu devant un érysipèle par les patients hospitalisés secondairement en Dermatologie devant une aggravation ou l’absence d’amélioration clinique
1.1. Population
1.2. Traitement ambulatoire initial des patients hospitalisés
1.2.1. Antibiothérapie prescrite
1.2.2. Posologie prescrite du traitement antibiotique
1.3. Adéquation aux recommandations établies
2. Habitudes thérapeutiques des médecins généralistes libéraux installés en Sarthe en termes d’antibiothérapie dans la prise en charge de l’érysipèle
2.1. Population
2.2. Prise en charge de l’érysipèle en pratique
2.2.1. Traitement ambulatoire habituellement prescrit
2.2.2. Adéquation aux recommandations établies
2.2.3. Proportion de guérison des patients traités en ville
2.2.4. Connaissance des recommandations établies en Janvier 2000 concernant l’érysipèle
2.2.5. Participation des médecins généralistes aux FMC
2.3. Analyses univariées
DISCUSSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
TABLE DES MATIERES
ANNEXES
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