TRACABILITE AGRO-ALIMENTAIRE
Les racines de la traçabilité agro-alimentaire
Le mot traçabilité a une histoire étymologique très récente. Il a fait son apparition dans le Petit Robert pour la première fois en 1998 (PELLATON et VIRUEGA, 2007). Il est dérivé de l’anglais « traceability » qui n’est apparu dans le dictionnaire anglais qu’en 1994 que nous traduirons par « capacité à tracer ». Le terme est donc relativement « jeune » mais le concept en lui-même et les dimensions qu’il recouvre existent depuis fort longtemps. Comme témoin de ce néologisme, il est amusant de remarquer que les dernières versions des logiciels Word® de Microsoft® ne reconnaissent pas le mot « traçabilité ». La traçabilité dans sa connaissance contemporaine, avant d’être très fortement liée à l’alimentation, a concerné des domaines sensibles et techniques tels que les secteurs des activités militaires, aéronautiques ou spatiales. Cette notion apparaît explicitement pour la première fois dans des manuels militaires américains L’étalonnage a été également un domaine de prédilection du développement de la traçabilité grâce à l’action du NIST (National Institute of Standards and Technology) équivalent nord américain du LNE (Laboratoire National d’Essais). La traçabilité « métrologique » consiste à assurer que des résultats obtenus par des laboratoires sont comparables et transférables. Tout résultat d’une mesure doit être relié par une procédure de référence et une chaîne de comparaisons à un étalon reconnu. Dans le domaine animal, les prémices de ce concept ont été directement liés à la propriété d’animaux vivants de valeur (chevaux ou bétail par exemple) et ce dès l’Antiquité. On rejoint la notion de « trace » qui implique l’utilisation d’éléments de marquage et d’identification prouvant cette propriété.
L’identification et les certificats dans la lutte contre les épizooties
L’apparition des certificats accompagnant les animaux d’elevage date de 1716. Ils stipulaient l’origine des animaux. Leur utilisation avait pour objectif de lutter contre la propagation de la peste bovine. Ainsi Frederic-Guillaume 1er, Roi de Prusse, exigea dans un decret le marquage au fer rouge de la corne droite des bovins importes avec le sigle FW. Ce marquage etait accompagne d’un document enregistrant le nom du proprietaire et l’origine de l’animal. Si un tel bovin devait se retrouver dans l’atelier d’un boucher, ce dernier devait inscrire ses propres initiales sur la corne gauche et devait patienter 3 jours avant abattage. En France, on retrouve la trace de l’enjeu sanitaire de la tracabilite dans un arret du Roi de France en date du 19 Juillet 1746. L’objectif consistait aussi a lutter contre la peste bovine. Il s’agissait a la fois de marquer les animaux malades devant etre abattus et d’etablir un certificat ≪ d’officier de police ≫ qui permettait la circulation et le transport des animaux. Cette identification des animaux a engendre plus tardivement des impacts sur le suivi des produits alimentaires d’origine animale. Toujours en lien avec les epizooties et aussi les zoonoses, elle fut mise en oeuvre pour suivre et identifier les produits :
•soit vecteurs d’agents pathogenes pour les humains (peste par exemple),
•soit vecteurs d’agents pathogenes pour les animaux (peste bovine).
Ces certificats sont les premiers elements de l’histoire reglementaire de la tracabilite.
Un développement également accéléré par les filières et les interprofessions
Au-dela du developpement reglementaire de la tracabilite, les interprofessions et les organismes de normalisation ont egalement joue un role moteur mais au fil du temps ces demarches volontaires ont ete rattrapees par la reglementation sanitaire. Ainsi l’AFNOR (Association Francaise de NORmalisation) a elabore avec de nombreuses filieres des normes et lignes directrices en matiere de tracabilite. Autre exemple, en 1996 pour repondre a une chute de consommation de la viande bovine face a la crise de la vache folle, l’INTERprofession BEtail et Viandes (INTERBEV) a lance le logo Viande Bovine Francaise (VBF). Comme evoque dans le tableau 1, certains accords interprofessionnels ont parfois ete etendus quelques mois plus tard par la reglementation a l‘ensemble des acteurs d’une filiere. INTERBEV a aussi developpe des normes de tracabilite pour les abattoirs avec l’AFNOR.
Enfin l’organisation GS1 France (anciennement GENCOD EAN France) est une instance paritaire de concertation et d’echanges entre professionnels du monde de la production primaire, de l’industrie, de la distribution ou de la restauration. Cette organisation a permis de developper des guides de mises en oeuvre de la tracabilite dans differents secteurs bases sur une standardisation et d’amelioration des flux et des echanges d’informations. Elle a permis de contribuer au developpement des code-barres, des echanges EDI (Echange de Donnees Informatisees) ou de la RFID (Radio Frequency Identification). ….
En comparaison avec le modele nord-americain (BONNIN et NGO, 2007), la tracabilite en Europe fait particulierement appel a la reglementation. De l’autre cote de l’Atlantique, la tracabilite est consideree par les autorites comme une demarche d’initiative privee meme s’il existe un cadre legislatif allege. A titre d’exemple l’industrie agro-alimentaire canadienne a defini une norme non coercitive appelee « Initiative Can Trace » en 2003 qui fixe des exigences minimales en terme de tracabilite pour toutes les denrees alimentaires vendues au Canada. L’histoire reglementaire de la tracabilite agro-alimentaire a commence il y a plus d’une quarantaine d’annees meme si le concept dans les annees 1960 n’etait pas identifie de facon aussi claire et precise. Cela fait seulement une vingtaine d’annees que la tracabilite possede enfin une definition.
Traçabilité ascendante et descendante
La tracabilite ascendante et descendante (figure 4) se comprend a l’echelle d’un operateur ou d’une filiere. Concretement, elle peut servir a retrouver l’ensemble des donnees d’utilisation d’une matiere premiere. Cela consiste a determiner l’ensemble des conditions de production et des lots de produits finis contenant cette matiere premiere. Il s’agit dans ce cas de faire appel a une tracabilite descendante car le flux de la production est ≪ descendu ≫. La tracabilite descendante possede la definition suivante donnee par l’AFNOR dans la norme FD V01-020 relative a l’organisation d’une demarche de tracabilite dans les filieres agricoles et alimentaires (SOROSTE, 2002) : « elle permet à tous les stades du cycle de vie du produit de retrouver la destination d’un lot ou d’une unité de produit.
Du point de vue d’une filière, les données associées doivent viser à descendre de l’amont jusqu’au produit fini » La tracabilite ascendante consiste a retrouver a partir d’un produit fini l’ensemble des conditions de production de ce produit fini et egalement l’ensemble de matieres premieres ayant servi a l’elaboration ainsi que leur historique.
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Table des matières
TABLE DES MATIERES
LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES
LISTE DES ABREVIATIONS
1 .TRACABILITE AGRO-ALIMENTAIRE : HISTORIQUE ET DEVELOPPEMENT
1 .1.Les racines de la tracabilite agro-alimentaire .
1 .1.1.Un peu d’histoire
1 .1.1.1.La tracabilite : un neologisme
1.1.1.2.L’identification au moyen de donnees enregistrees et de marquages corporels et n on corporels
1 .1.1.3.L’identification et les certificats dans la lutte contre les epizooties
1 .1.2.L’histoire reglementaire de la tracabilite agro-alimentaire
1 .1.2.1.L’identification des bovins : la premiere pierre juridique de la tracabilite agro a limentaire
1 .1.2.2.La tracabilite : une histoire reglementaire s’accelerant dans les annees 1990/2000 1 8
1 .1.2.3.La consecration : le paquet hygiene
1 .1.2.4.Un developpement egalement accelere par les filieres et les interprofessions
1.2.Les definitions de la tracabilite, les differentes tracabilites et les cles de comprehension de c e concept
1 .2.1.Les definitions
1 .2.1.1.Les normes ISO 9000 : les premieres definitions
1 .2.1.2.Les definitions de la tracabilite en secteur alimentaire
1 .2.2.Les differentes tracabilites
1 .2.2.1.Tracabilite interne, aval et amont
1 .2.2.2.Tracabilite ascendante et descendante
1 .2.3.La tracabilite produit et la tracabilite logistique
1 .2.3.1.La tracabilite logistique
1 .2.3.2.La tracabilite des produits
1 .3.1.Quatre principes interdependants
1 .3.1.1.Identifier
1 .3.1.2.Gerer les liens
1 .3.1.3.Enregistrer
1 .3.1.4.Communiquer
1 .3.2.Appliquer ses principes de maniere efficace
1 .3.2.1.La necessite de parler un langage commun
1 .3.2.2.La tracabilite au coeur du systeme d’information et de gestion de l’entreprise
2 .LES ENJEUX DE LA TRACABILITE
2 .1.Un outil au coeur des dispositifs de securite sanitaire
2 .1.1.Un outil au coeur de l’HACCP
2 .1.1.1.Presentation succincte de l’HACCP
2 .1.1.2.Tracabilite et les sept principes de l’HACCP
2 .1.2.La tracabilite devient un principe de maitrise sanitaire a part entiere
2 .1.2.1.Le livre blanc sur la securite des aliments
2 .1.2.3.Un outil de gestion des retrait et rappels des denrees alimentaires
2 .1.2.4.Tracabilite et principe de precaution
2 .2.Un enjeu juridique
2 .2.1.La tracabilite a u coeur de la legislation
2 .2.1.1.Qu’impose l’obligation generale de tracabilite du reglement CE n°178/2002 ?
2 .2.1.2.Les zones d’ombre du reglement 178/2002 (CNA, 2004)
2 .2.2.Tracabilite et Responsabilite
2 .2.2.1.Tracabilite et Responsabilite civile
2 .2.2.2.Tracabilite et responsabilite penale
2 .3.Un enjeu au coeur de la vie economique
2 .3.1.Tracabilite et libre circulation des produits
2 .3.1.1.Le premier objectif de la tracabilite pour l’Union Europeenne : assurer le libre echange
2 .3.1.2.La crise de la dioxine : l’absence de tracabilite comme frein aux echanges
2 .3.2.Un outil de segmentation marketing
2 .3.2.1.Le dispositif des signes officiels de qualite
2.3.2.2.Un outil marketing pour regagner la confiance des consommateurs apres une crise
2 .3.2.3.Un outil de protection des marques et de lutte contre les fraudes et la contrefacon
2 .3.3.Un outil de reduction des couts mais egalement un outil qui a un cout…
2 .3.3.1.Un outil d’optimisation logistique
2 .3.3.2.Un outil de prevention et de limitation des crises
2 .3.3.3.La tracabilite : une mise en oeuvre qui a un cout…
3 .LA TECHNOLOGIE OUVRE UNE NOUVELLE ERE DE LA TRACABILITE
3 .1.Tracabilite et les nouvelles technologies de l’information et de la communication
3 .1.1.Les code-barres
3 .1.1.1.Historique et developpement des code-barres
3 .1.1.2.Le developpement de l’EAN 128 : utilite dans les rappels de lots
3 .1.2.Vers l’avenement de la RFID
3 .1.2.1.Historique et principes techniques
3 .1.2.2.Interets et perspectives de developpement
3 .1.3.Tracabilite et outils internet
3 .1.3.1.Les principes des outils internet
3 .1.3.2.Quelques exemples d’outils internet
3 .2.Tracabilite et authentification alimentaire
3 .2.1.La tracabilite genetique
3 .2.1.1.Generalites sur la technique
3 .2.1.2.Exemples de marqueurs genetiques
3 .2.1.3.Autres techniques faisant appel a l’ ADN
3 .2.2.La tracabilite et les marqueurs chimiques
3 .2.2.1.Utilisation des isotopes
3 .2.2.2.Autres marqueurs chimiques
3 .2.2.3.Des methodes de plus en plus prometteuses mais porteuses de question
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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