Le rétinoblastome est une tumeur maligne d’origine neuro-épithéliale, développée aux dépens des cellules jeunes de la rétine, survenant ainsi chez le nourrisson et le jeune enfant. C’est la tumeur intra oculaire la plus fréquente de l’enfant et son diagnostic prénatal est possible. L’incidence du rétinoblastome tourne autour d’un cas pour 15000 à 20000 naissances. [63] Ce cancer se développe chez les enfants porteurs de deux allèles pathologiques du gène RB1 (gène suppresseur de tumeur) situé sur le chromosome 13. [66] Il est unilatéral dans 60% des cas et les formes bilatérales sont héréditaires. Les principaux signes cliniques d’appel sont la leucocorie et le strabisme qui impliquent un examen ophtalmologique urgent et complet avec fond d’œil sous anesthésie générale, des examens complémentaires (échographie oculaire en mode B, tomodensitométrie orbito-cérébrale et IRM) et une prise en charge urgente. L’âge médian au moment du diagnostic est d’environ 2 ans. En cas d’atteinte bilatérale, le pronostic visuel peut être mis en jeu. Des facteurs de risque infectieux et environnementaux ont été rapportés, mais leur impact est non encore établi [32]. Il s’agit dans cette étude de poursuivre la thèse du Docteur Aboubakry Sadikh Sow, qui portait sur les résultats préliminaires de l’association de la chimiothérapie et de la chirurgie dans le traitement du rétinoblastome sur une durée de 5 ans (de janvier 2006 à janvier 2011) et qui portait sur 59 patients. Notre étude s’étend de Janvier 2006 à Mai 2014 et a porté sur une population de 117 malades hospitalisés à la Clinique Ophtalmologique de l’Hôpital Aristide Le Dantec, en collaboration avec le service d’Oncologie Pédiatrique du même hôpital.
Historique
La première observation clinique et anatomopathologique d’un rétinoblastome est, depuis WINTERSTEINER [83], couramment attribuée à Petrus PAVIUS, anatomiste et botaniste de LEYDE. Dans un rapport d’autopsie daté de 1597, PAVIUS décrivait le statut d’un enfant de trois ans, décédé des suites d’une tumeur oculaire [106]. Le terme de rétinoblastome ne s’est progressivement imposé qu’à partir de 1926, sous l’impulsion de VERHOEFF [35]. Malgré l’apparition des premières techniques d’énucléation à la fin du XVIème siècle, il faudra attendre, faute de survivants atteignant l’âge de procréation, plusieurs siècles, pour que soit reconnue la forme héréditaire du rétinoblastome. LERCHE [52], dès 1821, avait relevé la tendance familiale de la maladie en observant une fratrie de 7 enfants dont 4 étaient atteints. En 1817, BEER introduisit dans la description clinique des premiers symptômes, le terme « d’œil de chat amaurotique » pour désigner le reflet blanc de la pupille. En 1854, ROBIN décrivit le premier les zones de dégénérescence calcaire et graisseuse. C’est à FLEXNER que nous devons la description exacte des rosettes et l’affirmation de la nature neuro-épithéliale, grâce à ses travaux menés en 1891. En 1903, la radiothérapie est tentée pour la première fois dans le traitement du rétinoblastome bilatéral par HILGARTNER [54]. En 1917, la curiethérapie vient s’ajouter à la radiothérapie.
En 1936, STALLARD attaque la tumeur intraoculaire par brachythérapie. L’énucléation, proposée la première fois dans la première moitié du XIXe siècle, est le premier traitement effectif connu du rétinoblastome [99] La chimiothérapie a été expérimentée dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Depuis, bien des progrès ont été réalisés dans tous les domaines, surtout dans la prise en charge, avec l’avènement du traitement conservateur.
Rappels anatomo-pathologiques
Rappels anatomiques
L’œil est l’organe de la vision. Il permet de distinguer les formes et les couleurs et est constitué d’un segment antérieur, d’un segment postérieur et d’annexes.
Le segment antérieur
Il est constitué par :
➤ La cornée : membrane transparente, très innervée, enchâssée en verre de montre dans la sclérotique qu’elle prolonge en avant. Elle permet de dévier les rayons lumineux qui pénètrent dans l’œil : c’est donc un dioptre (surface de réfraction). C’est la lentille principale du système optique oculaire.
➤ L’humeur aqueuse : c’est un liquide transparent sécrété par les corps ciliaires, qui traverse la pupille et remplit la chambre antérieure.
➤ L’iris ou diaphragme de l’œil, de structure pigmentée, percé en son milieu par un orifice, la pupille.
➤ Le corps ciliaire ou anneau de tissu musculaire en couronne, en arrière de l’iris, qui produit l’humeur aqueuse.
NB : iris et corps ciliaire forment l’uvée antérieure.
➤ La pupille ou trou situé au milieu de l’iris laissant passer la lumière. Sa contraction et sa dilatation réflexes régulent la quantité de lumière qui pénètre dans l’œil.
➤ Le cristallin, lentille biconvexe flexible et transparente, qui focalise la lumière sur la rétine en modifiant ses courbures par accommodation. Il est maintenu en place par la zonule de Zinn.
Le segment postérieur
➤ Le corps vitré est une masse gélatineuse et transparente, formée de 95% d’eau. Il représente environ 90% du volume oculaire. C’est un tissu conjonctif entouré par une membrane appelée membrane hyaloïde. Il contracte des adhérences avec le corps ciliaire en avant, et avec la rétine en arrière. Son rôle est de maintenir la rigidité du globe oculaire et de garder la rétine bien collée contre la paroi de l’œil.
➤ La rétine : membrane nerveuse hypersensible qui tapisse le fond de l’œil.
On distingue dans la rétine deux grandes zones :
– La rétine centrale, de 5 à 6 mm de diamètre située au pôle postérieur de l’œil et correspondant à la région maculaire. Dans cette zone centrale se trouve le maximum de cônes. C’est une zone rétinienne ou l’acuité visuelle est maximale. Elle est située au pôle postérieur du globe, à 3,5 mm en dehors du bord de la papille du nerf optique. Cette zone est caractérisée par : une diminution d’épaisseur de la rétine, une absence de vaisseaux rétiniens, une absence de bâtonnets, la présence exclusive de cônes dont la forme est modifiée (ils sont allongés et ressemblent à des bâtonnets), une disparition de la couche des cellules ganglionnaires et de la granuleuse interne. [96] La fovéola est une région de la rétine située à la partie centrale de la macula, près de l’axe optique de l’œil. Elle est hautement spécialisée et apparaît comme une petite dépression de 200 µm de diamètre, uniquement peuplée de cônes, arrangés selon une mosaïque hexagonale régulière, et totalement dépourvue de bâtonnets.
– La rétine périphérique qui est essentiellement constituée de cellules à bâtonnets permettant la vision des formes, la vision crépusculaire et nocturne. Elle est classiquement divisée en quatre zones : la périphérie proche au contact du pôle postérieur qui s’étend sur 1,5 mm, la périphérie moyenne qui mesure 3 mm, la périphérie éloignée qui s’étend sur 9 à 10 mm du côté temporal et 16 mm du côté nasal et l’ora serrata ou extrême périphérie qui mesure 2,1 mm en temporal et 0,8 mm en nasal.
– Le neuroépithélium : il présente à décrire multiples couches, de l’extérieur vers l’intérieur :
●La couche des photorécepteurs : cônes et bâtonnets : elle est comprise entre l’épithélium pigmentaire et la membrane limitante externe, constituée par la partie externe ou expansion externe des cellules photoréceptrices. Chaque cellule photoréceptrice présente en effet deux parties : une expansion externe et une expansion interne, séparées par la membrane limitante externe.
●La membrane limitante externe : située à la jonction des expansions externe et interne des photorécepteurs.
●La couche nucléaire externe : elle est constituée par les expansions internes des cellules photoréceptrices et par quelques corps cellulaires des cellules de Müller.
●La couche plexiforme externe : elle est constituée principalement par des synapses entre les photorécepteurs et les cellules bipolaires.
●La couche nucléaire interne : elle contient les corps cellulaires de quatre types de cellules : les cellules bipolaires, horizontales, amacrines et les cellules de Müller qui s’étendent de la membrane limitante interne à la couche des photorécepteurs, traversant ainsi toute l’épaisseur de la rétine neurosensorielle.
●La couche plexiforme interne : elle est constituée par des synapses entre les cellules bipolaires, ganglionnaires et amacrines. Elle est absente au niveau de la fovéola.
●La couche des fibres optiques : elle est constituée par les axones des cellules ganglionnaires. Elle est absente au niveau de la fovéola.
●La membrane limitante interne : élément le plus interne de la rétine. C’est une véritable membrane, épaisse de 0.2 à 1 μm.
– L’épithélium pigmenté rétinien : la couche la plus externe de la rétine. Il s’étend de la papille à l’ora serrata où il se prolonge par l’épithélium pigmenté du corps ciliaire. Il est constitué d’une couche unistratifiée, pigmentée, de 10 à 20 μm d’épaisseur, constituée de cellules hexagonales disposées en mosaïque régulière et reposant sur une membrane basale mince. Il contient de nombreux pigments colorés et maintient l’intérieur de l’œil en chambre noire .
➤ La choroïde ou uvée postérieure: couche richement vascularisée qui assure la nutrition de la rétine.
➤ La sclère : enveloppe dure et résistante qui recouvre l’œil sur presque toute sa surface.
➤ Le nerf optique : formé par le regroupement de toutes les fibres optiques issues des cellules visuelles, il transmet l’information au cerveau.
La papille optique est le point de convergence des fibres optiques, elle ne contient pas de cellules visuelles mais seulement des fibres nerveuses. C’est donc un point qui ne voit pas (tâche aveugle). En ce point, débouche également le réseau vasculaire de la rétine. Ovalaire à grand axe vertical, son centre se situe en dedans et légèrement au-dessus de la fovéa. Le nerf optique est un nerf sensoriel émergeant à la face postérieure du globe oculaire, se dirigeant vers le fond ou apex de l’orbite. Il traverse un canal osseux (le canal optique), pour aboutir dans le crâne où il va rejoindre l’autre nerf optique au niveau du chiasma optique. Il mesure en tout 5 cm de long et 4 mm de diamètre.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. CHAPITRE I : GENERALITES
1.1 Historique
1.2 Rappels anatomo-pathologiques
1.2.1 Rappels anatomiques
1.2.1.1 Le segment antérieur
1.2.1.2 Le segment postérieur
1.2.1.3 Les annexes de l’oeil
1.2.2 Pathologie
1.2.3 Voies de dissémination
CHAPITRE II : EPIDEMIOLOGIE
2.1Fréquence
2.2 Age de survenue
2.3Facteurs de risque
2.3Génétique
CHAPITRE III : DIAGNOSTIC
3.1 Diagnostic positif
3.1.1 Sémiologie
3.1.1.1 Les signes classiques
3.1.1.2 Les signes atypiques
3.1.2 L’examen clinique
3.1.2.1 L’anamnèse
3.1.2.2 L’examen ophtalmologique
3.1.2.3 L’examen oncopédiatrique
3.1.3 Les examens paracliniques
3.1.3.1 L’exploration de la maladie
3.1.3.1.1 Les examens radiographiques
3.1.3.1.2 Les dosages enzymatiques
3.1.3.1.3 La cytoponction à l’aiguille fine
3.1.3.2 L’évaluation du terrain
3.1.3.3 L’évaluation de l’extension tumorale
3.1.4 Les présentations cliniques
3.1.4.1 La forme précoce
3.1.4.2 La forme endophytique
3.1.4.3 La forme exophytique
3.1.4.4 La forme mixte
3.1.4.5 La forme infiltrante diffuse
3.1.4.6 Rétinocytome ou rétinome
3.1.4.7 Le rétinoblastome trilatéral
3.2 Diagnostic différentiel
3.2.1Les malformations congénitales
3.2.1.1 La persistance et hyperplasie du vitré primitif
3.2.1.2 Cataracte congénitale
3.2.1.3 Le pli rétinien falciforme
3.2.1.4 La maladie de NORRIE
3.2.1.5 Le colobome postérieur
3.2.2 Les maladies vasculaires
3.2.2.1 Maladie de COATS (télangiectasies rétiniennes congénitales)
3.2.2.2 Vitréorétinopathie exsudative familiale
3.2.3 Maladies inflammatoires
3.2.3.1 Toxocarose oculaire (larva migrans viscérale ascaridienne)
3.2.3.2 Les irido-choroidites foetales
3.2.3.3 Les uvéites
3.2.3.4 Les endophtalmies métastatiques ou endogènes
3.2.3.5 La cellulite orbitaire
3.2.4 Les phacomatoses
3.2.5 Les tumeurs
3.2.5.1 Le médullo-épithéliome
3.2.5.2 Les tumeurs du nerf optique
3.2.5.3 L’hémangiome caverneux de la rétine
3.2.5.4 Les leucémies
3.2.6 Les traumatismes
3.2.7 Affections diverses
3.2.7.1 Le syndrome de nécrose aigue de la rétine
CHAPITRE IV : SUIVI, PRONOSTIC, CLASSIFICATION
4.1 Suivi
4.2 Pronostics
4.3 Classifications
4.3.1 Classification de REESE ELLSWORTH
4.3.2 Classification TNM de l’Union Internationale Contre le Cancer (UICC)
4.3.3 Classification ABC ou classification internationale du rétinoblastome intraoculaire (CIRI)
CHAPITRE V: TRAITEMENT
CONCLUSION