Toxicomanie et suicide: processus de rétablissement
Adolescence
L’adolescence est une période de transition entre l’enfance et l’âge adulte qui est caractérisée par une diversité de changements se produisant entre 12 et 18 ans. Durant cette période, des développements hormonaux, physiques et cognitifs surviennent (Cloutier, 1996; Sturman & Moghaddam, 2011). Pendant cette période, les adolescents ont souvent une pensée magique qui leur donne le sentiment d’être invincibles et de ne pas avoir besoin d’aide. Ils acquièrent également une plus grande autonomie et développent leur indépendance. Au cours de cette phase, les adolescents sont en recherche de leur identité et font différentes expérimentations. Tous ces changements chez eux influencent également les relations avec leur environnement. De plus, l’adolescence est une période de vulnérabilité où des comportements à risque se manifestent, comme l’expérimentation de substances psychoactives (SPA) ou des relations sexuelles non protégées (Sturman & Moghaddam, 20 Il). En outre, le cerveau se modifie au cours de cette période, entre autres le cortex pré frontal et des régions souscorticales, ce qui expliquerait la labilité émotionnelle rencontrée durant cette période ou la mauvaise évaluation des risques encourus (Sturman & Moghaddam, 20 Il).
Problème de consommation
L’expression « substance psycho active » (SPA) réfère aux substances qui altèrent le psychisme, l’état de conscience, le fonctionnement mental ou le système nerveux central d’un individu (Ben Amar, 2002; Nadeau & Biron, 1998). Pour Nadeau et Biron (1998), dans le cadre de la définition du terme toxicomanie, le terme SPA réfère soit à l’alcool, aux drogues illicites ou aux médicaments excluant ceux obtenus sur ordonnance. Dans ce document, ce terme fera référence à l’alcool et aux drogues illicites parce que ce sont les substances ciblées dans l’instrument de mesure utilisé dans la présente étude, soit l’Indice de gravité d’une toxicomanie pour adolescents (IGT-ADO) (Landry et al., 2002).
Cormier (1993) présente la toxicomanie entre autres comme « un style de VIe organisé autour de la consommation d’alcool ou d’autres drogues, et même de médicaments (p.12) ». Ce terme est fréquemment utilisé pour définir les personnes qui présentent une consommation problématique de SPA, particulièrement un diagnostic d’abus ou de dépendance tel que défini par le DSM-IV (American Psychiatrie Association, 1994). Selon le DSM-IV, l’abus et la dépendance à une substance représentent tous deux un mode d’utilisation inadéquat d’une SPA qui conduit l’individu
à avoir un fonctionnement altéré ou à vivre une souffrance cliniquement significative.
De plus, pour poser un diagnostic d’abus de substance, l’individu doit présenter, au cours d’une période minimale de 12 mois, au moins une des manifestations suivantes causées par la consommation, soit: 1) l’incapacité de remplir des obligations professionnelles, familiales ou scolaires; 2) une consommation répétée dans des situations où cela pourrait être physiquement risqué; 3) des problèmes judiciaires multiples; 4) la poursuite de l’utilisation de la substance malgré les problèmes interpersonnels ou sociaux qui peuvent en découler (American Psychiatrie Association, 1994).
Pour établir un diagnostic de dépendance à une SPA, la personne doit manifester trois symptômes, au cours d’une période de 12 mois, parmi les suivants : 1) la tolérance; 2) le sevrage; 3) le désir persistant de consommer ou des efforts vains pour contrôler sa consommation; 4) la substance prise en quantité plus importante ou sur une plus longue période que prévu; 5) beaucoup de temps est consacré à l’obtention de la substance; 6) l’abandon d’activités de loisirs ou professionnelles importantes; 7) l’utilisation de la substance est poursuivie malgré le fait que la personne sait avoir un problème physique ou psychologique récurrent causé ou exacerbé par celle-ci (American Psychiatrie Association, 1994).
Toutefois, ce système de classification est peu utilisé auprès des adolescents dans les centres de réadaptation en dépendance du Québec où l’on préfère évaluer la toxicomanie selon la gravité des problèmes d’alcool et de drogues en tenant compte de l’ensemble des sphères de vie (Bertrand, Beaumont, Durand, & Massicotte, 2006). Pour ce faire, la plupart des centres ont recours à un instrument d’évaluation validé, soitl’Indice de gravité d ‘une toxicomanie pour adolescents (IGT-ADO) (Landry et al., 2002) qui évalue 10 sphères de vie de l’adolescent: la consommation d’alcool, la consommation de drogues, la situation médicale, scolaire, professionnelle, sociale/judicaire, les loisirs, la santé psychologique ainsi que les relations familiales et interpersonnelles.
En outre, les centres de réadaptation en dépendance se sont dotés d’une classification à sept profils selon la gravité de la consommation et des difficultés associées sous forme d’un continuum qui débute par l’abstinence et qui se termine avec les « surconsommateurs ». Les adolescents québécois qui reçoivent des services dans ces centres de traitement sont des « surconsommateurs» ou des « consommateurs excessifs» (Tremblay, Allaire, Dufresne, Lecavalier, & Neveu, 2004a). Dans le cas du surconsommateur, celui-ci centre sa vie sur sa consommation qui survient de cinq à sept jours par semaine. Les problèmes causés par sa consommation sont majeurs, et il y a parfois présence de dépendance physique, psychologique ou de sevrage. L’adolescent qui est consommateur excessif fait usage de grandes quantités de SPA par occasion, et sa vie est centrée autour de la consommation.
Ainsi, dans ce document, l’expression «adolescents présentant un problème de consommation de SPA» réfère aux adolescents aux prises avec des problèmes de consommation de SPA dont le niveau de gravité implique qu’un traitement spécialisé en toxicomanie est requis.
Concomitance
Les troubles concomitants réfèrent à la présence chez une même personne d’un problème de consommation de SPA ainsi que d’un trouble mental, émotionnel ou psychiatrique (Santé Canada, 2002a). Puisque les deux problèmes coexistent au même moment, il est difficile de déterminer les symptômes précis révélant la présence de troubles concomitants ou quelle est la séquence d’apparition des symptômes (Husler, Blakeney, & Werlen, 2005). Il est préférable de considérer qu’il s’agit de deux problèmes indépendants qui interagissent entre eux. Cette interaction a parfois comme conséquence qu’un des problèmes exacerbe l’autre ou le masque (Skinner, Q’Grady,
Bartha, & Parker, 2004).
Dans le présent document, le terme «concomitant », qui réfère à la présence au même moment d’un trouble mental et d’un problème de consommation de SPA, est préféré à celui de comorbidité, car ce dernier réfère à plusieurs définitions. Ce dernier terme est utilisé pour indiquer à la fois la présence de deux troubles mentaux, d’un trouble mental et d’un trouble physique ou à la coexistence de troubles physiques (Kirby & Keon, 2004) ou à la présence simultanée ou consécutive d’un problème de consommation de SPA et d’un trouble mental (National Institute on Drug Abuse, 2010).
Par ailleurs, le terme « double problématique» sera utilisé uniquement pour nommer la concomitance entre les problèmes de consommation de SPA et les comportements suicidaires.
Crise
L’état de crise est souvent présent lorsqu’il y a des idéations suicidaires ou une tentative de suicide et il peut en résulter un suicide. Selon Séguin, Brunet et Leblanc (2006) :
La crise résulte toujours d’une interaction particulière entre un événement et l’évaluation qu’en fait une personne. La crise émerge lorsque le stress induit par l’événement est perçu comme une menace, une difficulté insurmontable qui dépasse les ressources d’adaptation de l’individu. Le développement de la crise a donc une étiologie centrée sur l’exposition à un événement potentiellement stressant. (PA)
Cette définition met en perspective le caractère subjectif de la crise. L’état de crise peut avoir une phase aiguë où la désorganisation de la personne est très importante et qui peut résulter en un passage à l’acte, comme une tentative de suicide (Séguin et al., 2006). L’état de crise peut aussi conduire au développement de nouvelles stratégies d’adaptation qui permettent à la personne de revenir à un état de vulnérabilité ou à un état d’équilibre. L’état de vulnérabilité précède la crise, où la personne gère les événements stressants avec plus de difficultés. Cet état rend la personne plus susceptible à l’état de crise (Séguin et al, 2006). Les demandes d’aide à des organismes spécialisés pour des problèmes de consommation de SPA peuvent être considérées comme une
nouvelle stratégie d’adaptation par rapport à la crise suscitée par la consommation (Séguin et al, 2006).
Suicide
Le suicide réfère au fait qu’une personne se donne volontairement la mort. Parfois, certains ajoutent que le suicide est complété lorsque la personne est décédée, alors que par définition, le suicide est le fait de s’enlever la vie (Mishara & Tousignant, 2004). Le suicide peut se concevoir comme l’extrémité ‘d’un continuum (Carter, Reith, Whyte, & McPherson, 2005; Crosby, Cheltenham, & Sacks, 1999; Mann, Waternaux, Haas, & Malone, 1999; Miller & Eckert, 2009). À l’autre extrémité se situe l’absence d’idées suicidaires. Entre les deux extrémités se situent les flashs, les idéations et les tentatives de suicide. Les flashs suicidaires réfèrent au fait de penser de manière instantanée à s’enlever la vie plutôt que de trouver une solution à une situation problématique. Si les flashs s’intensifient, il s’agit alors d’idéations suicidaires. La solution de s’enlever la vie émerge de plus en plus, et la personne rumine cette idée. Les idéations suicidaires graves ou sérieuses concernent la planification qu’une personne fait de son suicide en identifiant le moyen, l’endroit et le moment (Mishara & Tousignant, 2004). Lors de la tentative de suicide, la personne tente de s’enlever la vie, sans que cela s’avère fatal.
Certaines tentatives sont plus sérieuses et nécessitent des soins médicaux, alors que d’autres ne seront pas connues de l’entourage (Mishara & Tousignant, 2004
|
Table des matières
Introduction
Chapitre 1. Contexte théorique et empirique
Définitions
Adolescence
Problème de consommation
Concomitance
Crise
Suicide
Traitement intégré
Processus de rétablissement
Cadre théorique
Modèles sur les interactions entre suicide et toxicomanie
Approche phénoménologique
Recension des écrits: suicide et toxicomanie chez les adolescents
Problématique du suicide chez les adolescents en traitement de la toxicomanie
Prévalence des comportements suicidaires chez les jeunes de la population générale
VIl Prévalence des problèmes de consommation chez les jeunes de la population générale
Prévalence des problèmes de consommation de SPA chez les adolescents présentant des comportements suicidaires
Prévalence des comportements suicidaires chez les adolescents présentant une consommation problématique de SPA
Toxicomanie et suicide: caractéristiques associées à la double problématique
Problèmes de santé mentale concomitants à la toxicomanie ou au suicide
Toxicomanie et suicide: processus de rétablissement
Adolescents suicidaires
Adolescents présentant un problème de consommation de SPA
Adolescents présentant un problème de consommation de SPA et des comportements suicidaires
Utilisation et prestation de services
Objectifs et hypothèses
Chapitre II. Méthodologie
Chapitre III. Article 1 : Traitement de la toxicomanie: Comment évoluent les adolescents ayant des comportements suicidaires?
Chapitre IV. Article 2: Le vécu d’adolescents toxicomanes en traitement présentant des comportements suicidaires
Chapitre V. Discussion
Intégration des principaux résultats et discussion générale
Évolution de la consommation de SPA et perceptions des changements
Difficultés psychologiques, l’aide reçue et les comportements suicidaires
Relations interpersonnelles et familiales
Apports
Limites
Retombées cliniques – recommandations
Pistes de recherche
Conclusion
Références
Appendice A. Normes de la Revue québécoise de psychologie (Article 1)
Appendice B. Normes de la Revue Drogues, santé et société (Article 2)
Télécharger le rapport complet