Toxicité des anilines et phénols
L’organisme humain ainsi que tous les autres organismes vivants sont en relation avec leur milieu par un ensemble d’échanges qui contribuent à maintenir un équilibre dynamique. Par exemple, la respiration permet d’absorber l’oxygène de l’air et d’y rejeter du dioxyde de carbone. Quoi que nous fassions, le milieu nous influence et nous l’influençons. Ce principe d’action-réaction signifie que toute action a des conséquences. Le milieu ne constitue cependant pas un tout homogène, mais plutôt un ensemble composé de nombreux éléments, comprenant les produits chimiques qui peuvent affecter la santé des organismes vivants et l’équilibre de l’écosystème.
Chaque année, l’industrie met des centaines de nouveaux produits sur le marché, venant ainsi accroître le nombre de ceux qui existent déjà. Il est important de connaître l’innocuité (qualité de ce qui n’est pas nuisible) ou la nocivité (caractère de ce qui est nuisible) des produits chimiques pour bien en saisir les effets sur notre santé et sur notre environnement.
Notions et définitions
Définition de la toxicologie
La toxicologie est depuis longtemps reconnue comme étant la science des poisons. Elle étudie les effets nocifs des substances chimiques sur les organismes vivants.
Définition d’un toxique (poison)
Un poison, ou toxique, est une substance capable de perturber le fonctionnement normal d’un organisme vivant. Il peut être de source naturelle (ex : poussières, pollen) ou artificielle (ex. : urée formaldéhyde), ou de nature chimique (ex. : acétone, benzène, anthrax…) ou biologique (ex. : aflatoxines, anthrax).
Définition de la toxicité
Il s’agit de la capacité inhérente à une substance chimique de produire des effets nocifs chez un organisme vivant et qui en font une substance dangereuse. On parle alors d’un effet toxique, cet effet peut être local qui survient au point de contact, ou bien systémique qui survient à un endroit éloigné du point de contact initial. Les principales façons d’absorption au contact sont : l’inhalation (voie respiratoire), l’absorption par la peau (voie cutanée), l’ingestion (voie digestive).
Définition de la dose
La dose est la quantité d’une substance à laquelle un organisme vivant est exposé.
Types de toxicité
a. Toxicité aigüe: est définie comme celle qui résulte de l’exposition unique et massive (ou de doses ramassées dans le temps) à un produit chimique entraînant des dommages corporels pouvant conduire à la mort .Elle introduit la notion de dose « absorbée » (par ingestion, inhalation ou contact cutané) et se mesure par la DL 50 (dose létale, ou dose provoquant la mort de 50% des animaux exposés à une dose unique du produit incriminé), exprimée en mg/kg de l’animal d’expérience retenu.
b. Toxicité chronique : est le résultat de l’exposition prolongée à plus ou moins faible dose à un xénobiotique toxique dont les effets néfastes ne se feront sentir que quelques mois à quelques années voire des dizaines d’années plus tard.
c. Toxicité subaigüe : correspond à un stade d’exposition intermédiaire de l’ordre de trois mois.
Evaluation de la toxicité
On peut citer quatre catégories pour évaluer un effet toxique (toxicité)
● Les études épidémiologiques, qui comparent plusieurs groupes d’individus ou les études de cas.
● Les études expérimentales in vivo, qui utilisent des animaux (ex. : lapin, rat et souris, Tetrahyména-pyriformis, poissons, algues…) ou les bio-essais sont utilisés
● Les études in vitro, effectuées sur des cultures de tissus ou des cellules.
● Les études théoriques par modélisation en l’occurrence les méthodes QSAR.
Toxicité des produits chimiques organiques
Sur 100 000 produits chimiques libérés dans l’environnement, moins de 1 à 5% ont des données de toxicité disponibles. Même pour les produits chimiques de volume de production élevé ou HPVCs (High Production Volume Chemicals), (les substances chimiques produites en quantités >1000 tonnes par an dans l’UE ou > environ 442 tonnes par an aux Etats-Unis) il y’a un manque d’informations concernant leur toxicité .
Avec une préoccupation croissante sur l’environnement et la santé humaine, les gouvernements et les organismes de réglementation à travers le monde cherchent à évaluer les risques éco-toxicologiques posés par la libération des substances chimiques. Ils ont proposé que 30000 produits chimiques existants soient testés sur les animaux pour une gamme des effets toxiques [4]. Ce serait évidemment une tache très coûteuse, impliquant l’utilisation des milliers d’animaux, par conséquent le recours aux méthodes alternatives est devenu d’une grande importance.
Généralités sur les anilines
L’aniline, connue également comme phénylamine ou aminobenzène, est un composé organique aromatique de formule chimique C6H5NH2. C’est une amine primaire aromatique dérivée du benzène .
Historique
L’aniline a été isolée pour la première fois en 1826 par Otto Unverdorben par distillation de l’indigo. Celui-ci la baptisa crystalline. En 1834, Friedrich Runge parvint à isoler du goudron de houille une substance qui une fois traitée par du chlorure de chaux prend une couleur bleue. Il la baptisa kyanol ou cyanol. En 1841, C. J. Fritzsche obtint une substance huileuse en traitant de l’indigo avec de la potasse, qu’il baptisa aniline, d’après le nom d’une plante produisant de l’indigo, Indigo fera anil. Le mot anil est lui-même issu des termes sanskrits nīla, bleu profond, et nīlā plante d’indigo. A peu près en même temps, N.N. Zinin découvrit que la réduction du nitrobenzène permet d’obtenir une base qu’il baptisa benzidam. Par la suite, August Wilhelm von Hofmann étudia ces différentes substances et démontra en 1855 qu’elles sont identiques. La première utilisation d’aniline à l’échelle industrielle concerna la fabrication de la mauvéine, un colorant violet découvert en 1856 par William Henry Perkin.
Propriétés physico-chimiques
L’aniline, liquide à la température ambiante, est une substance huileuse incolore. A l’air, elle peut s’oxyder lentement et former une résine de couleur rouge-brune. L’aniline possède une odeur désagréable. Elle est aisément inflammable. L’aniline est une base faible. En effet, les amines aromatiques sont généralement des bases nettement plus faibles que les amines aliphatiques. En effet, le doublet porté par l’atome d’azote est en partie délocalisé (mésomérie), ce qui n’est plus le cas sous la forme protonée (forme acide) où le doublet est localisé sur la liaison N-H. La forme basique est donc plus stabilisée par mésomérie que la forme acide, d’où une constante d’acidité abaissée. Elle réagit avec les acides forts en formant des sels contenant l’ion anilinium (C6H5-NH3+ ). Elle réagit également avec les halogénures d’acyle (comme par exemple le chlorure d’éthanol CH3COCl) en formant des amides. Les amides formées à partir de l’aniline sont parfois nommés anilides : CH3 CO-NH-C6H5 est par exemple l’acétanilide.
L’aniline réagit avec les iodures d’alkyle en formant des amines secondaires ou tertiaires. L’oxydation de l’aniline a été très étudiée. En solution basique, elle réagit pour former de l’azobenzène. L’acide chromique permet de la transformer en quinone. Elle réagit avec les ions chlorates en présence de sels métalliques (notamment de vanadium) en formant du noir d’aniline. Elle réagit avec l’acide chlorhydrique et le chlorate de potassium en formant du chloranile. L’oxydation par le permanganate de potassium produit du nitrobenzène en milieu neutre, de l’azobenzène de l’ammoniaque et de l’acide oxalique en milieu basique, et du noir d’aniline en milieu acide. Elle réagit avec l’acide hypochloreux en formant du para amino phénol et du para-amino diphénylamine.
Tout comme le benzène ou le phénol, l’aniline est réactive par substitution électrophile aromatique. Par exemple, elle peut subir une sulfonation pour former de l’acide sulfonique, qui peut être transformé en sulfonamides (médicaments très utilisé au début du XXe siècle comme antiseptique). L’aniline réagit avec l’acide nitreux en formant des sels de diazonium. Par leur intermédiaire, le groupement -NH3 peut être transformé de manière simple en groupement -OH, -CN ou halogénure.
Stabilité et réactivité
● Conditions à éviter : action de la lumière (décomposition) .
● Matières à éviter : oxydant (entre autres peroxydes, perchlorates, acide perchlorique, acide nitrique, oxygène), halogénures métalloïdes, métaux alcalins, métaux alcalinoterreux, acides, composés nitrés organiques, benzène/dérivés du benzène.
● Autres informations : Peut exploser avec l’air sous forme de vapeur/gaz.
Fabrication
L’aniline peut être fabriquée à partir du benzène en deux étapes. Au cours de la première étape, le benzène subit une nitration (substitution électrophile aromatique utilisant de l’acide nitrique) pour former du nitrobenzène. Au cours de la seconde étape, le nitrobenzène est réduit pour former l’aniline. Un grande variété de réactifs réducteurs peuvent être employés au cours de cette seconde étape, dont notamment du dihydrogène (en présence d’un catalyseur), du sulfure d’hydrogène, ou des métaux comme le fer, le zinc ou l’étain.
Utilisation
A l’origine, le grand intérêt commercial de l’aniline était la possibilité qu’elle créait de produire des teintures avec un bon rendement. La découverte de la mauvéine par William Henry Perkin en 1858 constitua ainsi le début de la découverte d’un grand nombre d’agents colorants qui se comptèrent bientôt par centaines. En sus des teintures, l’aniline était le produit de départ dans la synthèse d’un grand nombre de médicaments. A l’heure actuelle, l’utilisation la plus importante de l’aniline concerne la fabrication du 4,4′-MDI (4,4′-Methylanebis phényle isocyanate), qui utilise environ 85% de l’aniline produite. Parmi les autres utilisations, on peut citer la fabrication chimique de caoutchouc (9%), d’herbicides (2%) et de pigments ou agents colorants (2%).
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Table des matières
Introduction générale
PARTIE I : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I-Toxicité des anilines et phénols
I.1 Notions et définitions
I.1.1 Définition de la toxicologie
I.1.2.Définition d’un toxique (poison)
I.1.3.Définition de la toxicité
I.1.4.Définition de la dose
I.1.5.Types de toxicité
I.1.6. Evaluation de la toxicité
I.1.7.Toxicité des produits chimiques organiques
I.2. Généralités sur les anilines
I.2.1. Historique
I.2.2. Propriétés physico-chimiques
I.2.3.Stabilité et réactivité
I.2.4 Fabrication
I.2.5 Utilisation
I.2.6 Dangers
I.2.7 Informations toxicologiques
I.3 Généralités sur les phénols
I.3.1 Les phénols dans la nature
I.3.2 Utilisation
I.3.3 Intérêt industriel
I.3.4 Dangers toxiques des phénols
I.3.5 Tableau clinique de l’intoxication
II- Modélisation QSAR/QSPR
II.1 Définition des QSAR/QSPR
II.2 Descripteurs moléculaires
II.2.1 Definition
II.2.2 Types de descripteurs moléculaires
II.3 Modèles QSAR de la toxicité (QSTR)
III. Bases de modélisation moléculaire
III-1 Généralités
III-2 Méthodes semi-empirique utilisées
III-2.1 Cadre Hartree – Fock – Roothaan
III.2.2 Analyse de population de Mulliken
III.2.3 Méthodes semi-empiriques
III.3.Champ de force
III.3.1Définition
III.3.2 Quelques exemples
III.3.3 Représentation simple d’un champ de force
III.3.4 Champ de force MM+
IV.Développement et validation de modèles QSAR
IV-1 Modélisation
IV-2 Régression linéaire multiple (MLR)
IV-3 Réseaux de neurones artificiels
IV-2 Développement et évaluation de modelé
IV-2.1 Sélection d’un sous-ensemble de descripteurs
IV-2.2 Principe de l’algorithme génétique (AG)
IV-2.3 Initialisation aléatoire du modèle
IV-2.4 Etape de croisement
IV-2.5 Etape de mutation
IV-2.6 Conditions d’arrêt
IV-3.1 Robustesse du modèle
IV-3.2 Domaine d’application
IV-3.3 Test de randomisation
IV-3.4 Validation externe
PARTIE II : APPLICATION
I- Toxicité des anilines : Approche QSAR
I-1 Collecte de données et méthodologie
I-2 Présentation et discussion du modèle QSAR
I-2-1 Qualités internes du modèle QSAR
I-2-2 Qualité externe du modèle QSAR
I-2-3 Qualité d’ajustement du modèle QSAR
I-2-4 Domaine d’application
I-2-5 Test de randomisation
I-3 Interprétation mécanistique du modèle
I-4 Comparaison avec le modèle orignal
II. Toxicité des phénols: Approche QSAR
II-1 Collecte de données et méthodologie
II-2 Présentation et discussion du modèle QSAR
II-2-1 Qualités internes du modèle QSAR
II-2-2 Qualité externe du modèle QSAR
II-2-3 Qualité d’ajustement du modèle QSAR
II-2-4 Domaine d’application
II-2-5 Test de randomisation
II-3 Interprétation mécanistique du modèle
II-4 Comparaison avec le modèle orignal
II-5 Modèle par réseaux de neurones artificiel
Conclusion générale
Références bibliographiques
ANNEXES