Toxi-infection alimentaire communautaire
Définitions
Le terme toxi-infection alimentaire (TIA) est défini par le Larousse médical : «Infection digestive contractée par ingestion d’aliments souillés par différents micro-organismes, notamment par des bactéries ou par leurs toxines. ». Il s’agit d’un terme unique pour décrire deux mécanismes distincts, parfois associés : l’intoxination et l’infection d’origine alimentaire. L’intoxination est causée par une toxine élaborée par un micro-organisme et survient sous un délai court après ingestion d’un aliment contaminé. Le micro-organisme responsable n’est pas systématiquement présent car la toxine peut être préformée. Quelques exemples connus sont Clostridium botulinum et la toxine botulique mais également Bacillus cereus et la toxine émétique. L’infection d’origine alimentaire est une manifestation pathologique causée par l’ingestion d’aliments contenant un micro-organisme (bactérie, virus, parasite …). Le délai d’apparition des symptômes est généralement plus long que pour les toxines car le micro-organisme nécessite un temps d’envahissement voire de dissémination.
Le terme toxi-infection alimentaire communautaire (TIAC) quant à lui désigne l’apparition d’au moins 2 cas d’une symptomatologie similaire, dont on peut rapporter la cause à une même origine alimentaire. Il s’agit d’une maladie à déclaration obligatoire depuis 1987. Ce signalement aux Agences Régionales de Santé (ARS) permet de déclencher des investigations pour identifier la source de contamination : un aliment spécifique, une mauvaise pratique d’hygiène, une faille dans la préparation ou la conservation … permettant par la suite des mesures correctives, de contrôle et de prévention. Le terme de TIA est retenu dans ce travail car ce dernier s’intéresse non pas à la maladie à déclaration obligatoire mais plus globalement au risque d’ingestion d’aliments contaminés. Cependant, ce sont les informations concernant les TIAC qui sont disponibles grâce à cette traçabilité obligatoire.
Symptomatologie
La symptomatologie dépend de l’agent pathogène mais le plus fréquent est le tableau gastroentéritique aigu incluant entre autres diarrhée, nausées, vomissements, douleurs abdominales et parfois fièvre. Il peut également y avoir des réactions allergiques ou des manifestations neurologiques. Les symptômes sont en général de courte durée en cas de virus, mais selon le terrain (âges extrêmes en particulier), des complications peuvent apparaitre dont la déshydratation aiguë.
Données 2019
Bien que les données 2020 (2) soient disponibles, elles présentent un biais contextuel dû à la pandémie de SARS-CoV-2 avec une forte diminution de -43% du nombre de TIAC total et – 61% de TIAC déclarés en restauration d’entreprise par rapport à 2019. Ceci s’explique par les périodes de confinement, la fermeture des lieux de restauration, le télétravail, les mesures d’hygiène renforcées mais également une possible sous-déclaration. Les données présentées sont donc celles de l’année 2019 (3). 1 783 TIAC ont été déclarées en France, affectant 15 641 personnes, soit une augmentation de +9% de TIAC par rapport à 2018 avec une fin d’année marquée par une épidémie exceptionnelle de TIAC virale aux huîtres.
Pathogènes
Dans la majorité des cas de TIAC (62%), un agent pathogène est seulement suspecté, reposant sur un faisceau d’arguments (donc, à interpréter avec précaution) : durée d’incubation, symptomatologie, aliments incriminés. Les agents producteurs de toxines sont le plus fréquemment suspectés : S. aureus, B. cereus et Clostridium perfringens. Dans 22% des TIAC seulement, un agent pathogène a été identifié dans l’échantillon alimentaire et/ou dans les analyses des patients. L’agent le plus fréquent dans ce cas était Salmonella (36%) avec principalement les sérotypes typhimurium et enteritidis.
Lieux de survenue
En dehors des repas familiaux, la restauration se divise principalement en deux types :
– La restauration commerciale : rapide, traditionnelle …
– La restauration collective : secteurs scolaire, universitaire, d’entreprise, hospitalier …
L’augmentation des déclarations est principalement observée pour les TIAC familiales et en restauration commerciale. Les TIAC en restauration collective ont diminué de -5% et représentent 27% du total.
Dans la restauration collective, une non-conformité a été relevée dans 215 cas soit dans environ 45% des TIAC collectives. Parmi celles-ci, 43% sont dues à une contamination par le personnel, 41% ont montré un équipement défectueux ou inadapté, 20% des matières contaminées et 7% un dysfonctionnement de processus. Concernant la contamination par le personnel, il peut s’agir d’une personne malade, d’un porteur asymptomatique avec une infection durable silencieuse ou une colonisation transitoire n’entrainant pas de signes cliniques. L’observation des règles d’hygiène est donc primordiale.
Législation en vigueur
Hygiène alimentaire
Le domaine de la qualité et ses démarches a marqué un grand progrès sanitaire permettant non seulement une meilleure productivité mais également une plus grande sécurité alimentaire.
Paquet Hygiène
L’approche de la microbiologie alimentaire a été profondément modifiée par la règlementation européenne grâce au Paquet Hygiène. Il s’agit d’un ensemble de règlements européens relatifs à l’hygiène s’appliquant à la filière agroalimentaire. Entré en application le 1er janvier 2006, il fixe les objectifs à atteindre par les professionnels. Un système de contrôle s’assure que ces objectifs soient atteints, tout en laissant une certaine liberté concernant les moyens mis en œuvre pour les atteindre.
Les 5 règlements de ce Paquet Hygiène (4) sont :
Règlement CE n°178/2002 :
« Food Law », il s’agit du texte phare du Paquet Hygiène comportant les principes généraux du corpus réglementaire. La responsabilité de la sécurité des denrées est assignée aux professionnels les mettant sur le marché. Les obligations spécifiques y sont définies tels que l’obligation de traçabilité, de retrait ou de rappel de produits susceptibles de présenter un risque pour la santé publique. Ce règlement crée l’AESA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments) et le RASFF (Rapid Alert System for Food and Feed).
Règlement CE n°852/2004 :
Il définit 4 obligations majeures en matière de règles générales d’hygiène alimentaire : la mise en place de la démarche HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point) relié au Plan de Maitrise Sanitaire (PMS), le recours aux Guides de Bonnes Pratiques d’Hygiène (GBPH), le respect des bonnes pratiques d’hygiène et l’obligation de traçabilité des points de vigilance et déclaration des incidents.
Celui-ci précise notamment : « Aucune personne atteinte d’une maladie susceptible d’être transmise par les aliments ou porteuse d’une telle maladie, ou souffrant, par exemple, […] de diarrhée ne doit être autorisée à manipuler les denrées alimentaires et à pénétrer dans une zone de manutention de denrées alimentaires, à quelque titre que ce soit, lorsqu’il existe un risque de contamination directe ou indirecte des aliments. Toute personne atteinte d’une telle affection qui est employée dans une entreprise du secteur alimentaire et est susceptible d’entrer en contact avec les denrées alimentaires informe immédiatement l’exploitant du secteur alimentaire de sa maladie ou de ses symptômes, et, si possible, de leurs causes. » .
Règlement CE n°853/2004 :
Il précise les règles spécifiques d’hygiène applicables aux Denrées Alimentaires d’Origine Animale et l’obligation d’agrément sanitaire.
Règlement CE n°183/2005 :
Il concerne l’hygiène des aliments pour les animaux.
Règlement UE 2017/625 :
Il concerne les contrôles officiels et les autres activités officielles servant à assurer le respect de la législation alimentaire.
Le Paquet Hygiène est complété par des règlements annexes dont :
– Règlement UE n°931/2001 : exigences de traçabilité définies par le règlement CE n°178/2002
– Règlement CE n°2073/2005 : critères microbiologiques des denrées alimentaires.
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Table des matières
I. Introduction
II. Etat des connaissances
1) Toxi-infection alimentaire communautaire
A. Définitions
B. Symptomatologie
C. Données 2019
D. Pathogènes
E. Lieux de survenue
2) Législation en vigueur
A. Hygiène alimentaire
a) Paquet Hygiène
b) Plan de Maitrise Sanitaire
c) Démarche HACCP
d) Guide de Bonnes Pratiques d’Hygiène
B. Suivi médical des métiers de la restauration
a) Type et périodicité de suivi
b) Contenu du suivi
III. Biologie médicale
1) Processus de prise en charge d’un prélèvement biologique
A. Phase pré-analytique
a) Prescription médicale
b) Prélèvement de l’échantillon
c) Acheminement et conservation
B. Phase analytique
a) Bactériologie des selles
b) Parasitologie des selles
C. Phase post-analytique
2) Micro-organismes
A. Bactéries pathogènes
a) Salmonella spp
b) Campylobacter spp
c) Shigella spp
d) Yersinia spp
B. Parasites
a) Les protozoaires
b) Les helminthes
c) Récapitulatif des parasites digestifs d’intérêt médical
IV. Etude
1) Présentation des infrastructures
2) Contexte de l’étude
3) Objectifs
4) Matériel et méthodes
A. Définitions
B. Résultats biologiques et informations cliniques
C. Démarches annexes
5) Résultats
A. Détermination de la date d’arrêt de prescription systématique
B. Caractéristiques générales des prescriptions de 2017 à 2020
C. Résultats positifs de coproculture
D. Résultats positifs d’examen parasitologique des selles
a) Résultats positifs
b) Parasites retrouvés
c) Contexte de prescription
d) Analyse initiale positive
e) Symptomatologie et notion de voyage
f) Prise en charge
g) Absence d’analyse de contrôle
h) Analyses de contrôle
i) Agents avec analyse comportant un parasite pathogène
E. Processus en place concernant l’hygiène
F. Informations de TIAC au CHU de Rouen
6) Discussion
A. Interprétation des résultats
a) Coproculture
b) Examen parasitologique des selles
B. Propositions
a) Contenu de la consultation
b) Protocole de prescription et prélèvement
c) Prise en charge
7) Conclusion
V. Bibliographie
VI. Annexes