Toussaint, Dessalines, Christophe : typologie d’un nouvel héroïsme

Aimé Césaire et La Tragédie du roi Christophe

Aimé Césaire et le théâtre

Avec La Tragédie du roi Christophe, Aimé Césaire est l’undes précurseurs de cette veine historique du théâtre antillais. Tragédie de la décolonisation, pièce historique, tragédie de la Caraïbe, La Tragédie du roi Christopheendosse de nombreux qualificatifs tant les lectures possibles sont multiples et riches. Mais ce que nous retiendrons ce sera avant toutl’hybridité de ce texte, l’audace créatrice de Césaire détournant les codes du théâtre antique, imprimant des inflexions shakespeariennes à un théâtre nègre, faisant entrer latradition populaire sur la grande scène de la tragédie. Un théâtre du paradoxe que Roger Toumson saisit en ces termes : (…) un théâtre populaire et savant à la fois, poétique et politique, oscillant entre esthétisme et pragmatisme, idéalisme et matérialisme, où les réminiscences de la tragédie grecque et du drame shakespearien s’adaptent aux ressources du legs culturel négro-africain.
C’est que Césaire considère le théâtre comme une esthétique d’art total, susceptible d’intégrer le chant, la danse, le conte, à l’image, dira-t-il, des formes de la tradition orale antillaise.
Ecrite en 1963, La Tragédie du roi Christopheappartient à un triptyque dramatique dont les deux autres pans sont Une saison au Congo(1967) et Une Tempête(1969). Mais pour Aimé Césaire, l’aventure théâtrale est bien antérieure. Elle débute dès 1946 avec Et les chiens se taisaient, long poème tragique remanié pour la scène, textemangrove, matrice de l’ensemble dramatique dont Césaire dira qu’il « contenait déjà en germes l’inspiration première et totale ». D’où l’unicité par la forme et le fonds du triptyque comme le souligne Roger Toumson dans Trois Calibans.
Le poète achève donc sa mouture créatrice par le flamboiement de la scène et dans ce qu’il a voulu une écriture en prise avec les enjeux du monde négro-africain contemporain. Unité thématique et unité génétique dont Aimé Césaire parle comme d’une analyse en trois temps. Peu avant la représentation d’Une saison au Congo, il se confie en ces termes à une journaliste du quotidien, Le Monde: « Je conçois cette œuvre – Une Tempête- que je fais actuellement comme un triptyque : Le roi Christopheest le volet antillais. Une saison au Congoest le volet africain et le troisième devrait être, normalement celui des nègres américains dont l’éveil est l’évènement de ce semi-siècle. »
Et le dramaturge martiniquais de placer leroi Henri Christophe dans son panthéon des figures héroïques de la décolonisation aux côtés de Toussaint Louverture, de Patrice Lumumba ou encore Malcolm X.
Et de fait, leader politique, intellectuel dela scène postcoloniale, Aimé Césaire pense l’histoire de ces peuples émergeant de la nuit coloniale, cela grâce à son souffle de tribun mais aussi à travers la fiction poétique et théâtrale.
Poésie et historiographie forment désormais un couple dont les termes sont indissociables, affirme Roger Toumson.
Griot moderne, il est celui qui travaille la matière mémorielle pour relier le peuple à son histoire. C’est à cette tâche de recréation historique, mais encore mythique, qu’il se livre avec La Tragédie du roi Christophe. Là, Haïti et sa révolution anti-esclavagiste servent de cadre conceptuel à une « saisie phénoménologique de la politique » selon l’expression de Régis Antoine dans son article intitulé Une tragédie de la Caraïbe.
Césaire saisit un moment historique faisant sens pour les peuples accédant à l’indépendance. En effet, La tragédie du roi Christophedébute après la mort de Dessalines, le temps des batailles flamboyantesest achevé, les anciens esclaves sont devenus les nouveaux maîtres de l’île. Ils ont en main leurpropre destin. Dès lors, que faire de la liberté politique conquise de haute lutte. Comment transformer cette liberté collective en liberté individuelle ? Comment faire peuple ? Ce moment historique de l’Haïti post esclavagiste est diffracté, actualisé pour faire écho aux défis politiques criants des indépendances africaines. Citons de nouveau Régis Antoine dans le même article qui parle à ce propos d’un « moment d’histoire des mentalités » :
La Tragédie du roi Christophereconstitue avec vraisemblance ce qui peut passer pour la psyché collective d’un peuple tout droit issu de l’esclavage et de la colonisation.
La portée signifiante de ce texte transcende les frontières haïtiennes, mais nous ne pouvons manquer de fixer notre attention sur la relation que Césaire entretient avec Haïti. Pour Aimé Césaire, Haïti est une révélation, une rencontre heureuse qu’il chante depuis le Cahier d’un retour au pays natal- bien que son voyage enHaïti soit postérieur à la rédaction d’une première version duCahier. Lilian Pestre de Almeida dans son ouvrage, Aimé Césaire une saison en Haïti, rappelle au-delà des deux citations explicites, l’imprégnation d’Haïti dans tout leCahier. Dans la géographie poétique de cette œuvre primordiale, Haïti est une terre sœur, en consanguinité avec la Martinique et maillon de la fraternité caribéenne. Elle est l’île de l’avènement de la conscience historique nègre, l’île où la négritude se mit debout pour la première fois et dit qu’elle croyait à son humanité. Comme le rappelle Christiane Chaulet Achour dans son article intitulé, « Aimé Césaire et Haïti, une fascination » :

Présentation de La Tragédie du roi Christophe

Foisonnant de références esthétiques et culturelles, dans La tragédie du roi Christophe, le projet poétique de Césaire est difficile à circonscrire. Pour présenter La tragédie, les critiques se sont attelés à dégager les différentes sources ou traditions dramaturgiques sous-jacentes à ses formes. Les uns rappelant que la présence du grotesque, la collusion entre leregistre bas du farcesque etle registre haut de la tragédie, très présent au premier acte, ou symbolisée par la présence en contre-point du peuple, l’intervention du surnaturel à travers l’apparition du spectre de Corneille Brelle, ou encore le couple antithétique formé par Christophe etson bouffon, Hugonin, tout cela rapprochent le texte de Césaire de la tragédie shakespearienne et notamment du roi Lear. D’autres s’efforcent de montrer les points de concordance avec la tragédie grecque antique. Citons en exemple Alain Moreau pour qui « il faut en revenir aux Grecs » :
Influences ? Analogies ? Il est clair en tout cas que la Tragédie du roi Christophe présente beaucoup de ressemblances avec la tragédie antique, poursuit-il.
Et l’auteur d’énumérer les éléments suivants à l’appui de son hypothèse : sa structure (utilisation du prologue et des alternances entre des intermèdeset des actes), l’issue de la fable soutenant la mort du héros est connue d’avance par le choix d’un sujet historique, l’unité d’action (focalisation sur un personnagedont on suit l’ascension, le règne de puissance, la chute et la mort),le traitement du temps (des distorsions temporelles permettent de rappeler le passé pour éclairer le présent) mais aussi l’utilisation de métaphores antiques comme « le radayeur descendant l’Artibonite sur un tronc d’arbre représente le roi Christophe guidant son peuple sur le fleuve tumultueux de l’Histoire ».
Autant de regards critiques qui ont pour intérêt de souligner la liberté absolue que s’octroie le dramaturge martiniquais dansl’espace théâtral en particulier dans les limites plus ou moins codifiées de la tragédie. Palimpsestes parfaits, ces influences sont fondues dans le contexte antillais. La Tragédie du roi Christopheapparaît comme un texte entre l’ici et l’ailleurs,entre la terre haïtienne et le présent politique des mondes noirs des années 1960, entre la « gagaire » historique et culturelle caribéenne et les références esthétiques de la République mondiale des Lettres. Aimé Césaire a su ancrer la tragédie dans un habitus créole : dès le prologue, la métaphore ironique du combat de coqs, l’utilisation des chants et de lamythologie vaudou, les scènes populaires de marché et de navigation traditionnelle, les jeux de mots oscillant entre languecréole et français. La Tragédie du roi Christopheapparaît dès lors comme une tragédie nègre et oserons-nous, une tragédie créole. Rappelons l’appréciation de Liliane Pestre de Almeida sur les différentes représentations dela pièce auxquelles elleavait pu assister.
Celle que l’universitaire brésilienne estimait la plus juste et la plusproche du texte de Césaire mettait en relief l’ancrage de la dramaturgie césairienne dans l’imaginaire créole.

Edouard Glissant et Monsieur Toussaint

Édouard Glissant et le théâtre

Bien que Monsieur Toussaint soit l’unique pièce de l’imposante et éclectique œuvre d’Édouard Glissant, l’intérêt de l’auteur pour le théâtre, ne peut être ignoré. Axel Artheron examinant la place du genre dramatique dans l’œuvre de Glissant rappelle : (…) la première tranche de l’œuvre – des premiers écrits au tournant que représente Poétique de la relation (1990) – et qui témoigne de la grande attention portée par Glissant pour le théâtre. Le théâtre, et aussi le genre tragique figurent en bonne place des préoccupations de l’écrivain qui cherchent les moyens d’accès à l’appréhension et la connaissance du réel martiniquais et antillais.
En effet, au moment de l’écriture de la première version de Monsieur Toussaint, soit en 1961, Édouard Glissant est engagé dans l’aventure pédagogique de l’IME (Institut Martinique d’Etudes). Dans cet établissement scolaire qu’il fonde en 1965, Glissant conjugue réflexion sur le rôle social du théâtre et création artistique avec l’équipe pédagogique de l’établissement. Réflexion et compte-rendu de manifestations théâtrales sont publiés dans les numéros d’avril-juin de la revue Acoma. Avec ces étudiants, Glissant pratique un théâtre engagé, dont l’objectif revendiqué est de permettre aux spectateurs martiniquais de s’approprier l’histoire de l’esclavage et de ses résistances.
Un théâtre historique qui doit fonder en mémoire, en identité et en communauté.
Quelques années plus tard, en 1981, Glissant reprend et étoffe ses réflexions sur la théorie dramatique dans le Discours Antillais, sous le titre « Théâtre, conscience du peuple ». Glissant y développe la nécessité d’un théâtre capable d’exprimer destins et imaginaires d’un peuple. Pour Glissant, la pratique théâtrale antillaise est à ses premiers tâtonnements. Dès cette genèse, l’auteur attribue au théâtre lerôle essentiel de favoriser l’émergence d’une cohésion populaire. La plasticité générique du théâtre permet de penser mythe et folklore, de transmettre par la distance de la fiction et de la représentation émotion et savoir. Le théâtre est un catalyseur des aspirations d’un peuple en devenir.

Présentation de Monsieur Toussaint

Dès la première appréhension du texte de Monsieur Toussaint, le lecteur est interpelé par un dispositif dramatique organisé en quatre tableaux, eux-mêmes structurés en divers temps :
– Tableau 1 : Les Dieux, 7 temps
– Tableau 2 : Les Morts, 7 temps
– Tableau 3 : le peuple, 7 temps
– Tableau 4 : Les Héros, 10 temps.
Autant d’instances, plus idéelles que physiques, qui hissent le personnage vers une sphère dramaturgique supérieure à son humaine condition. En 1802, après la proclamation de la première constitution haïtienne, Toussaint, emprisonné au Fort de Joux, près de Pontarlier, dans le massif du Jura, sur ordre de Napoléon, accomplit son destin tragique, l’entrée dans la mort, glorieuse, mythifiée. Dans le froid de sa cellule, entre hallucination et plaidoyer pro-domo, le leader haïtien revisite la révolution : de son engagement à « déraciner l’arbre de l’esclavage » pour que « la liberté et l’égalité règnent à Saint-Domingue », jusqu’à sa reddition, puis son arrestation, le 7 juin 1802.
Tous ces évènements, tandis que Toussaint agonise lentement, appartiennent à son passé immédiat et non pas encore à l’Histoire. Etc’est ce processus, ce long cheminement d’événements, que la trame dramatique s’implique à mettre en fiction : le passage de l’évènementiel à l’Histoire, le passage du vécu personnel au mythe collectif. Jacques Coursil expose la dimension tragique du théâtre de Glissant.

Monsieur Toussaint, une tragédie de la temporalité ?

Entre un passé révolutionnaire, un présent de solitude et d’enfermement, une mort proche, le personnage de Toussaint apparaît comme une conscience diffractée, douloureuse. Une collusion des temps, une collusion des lieux dans laquelle s’inscrit la fiction et se rejoue l’Histoire sur un mode tragique. Une longue didascalie introductive vient préciser les costumes, introduire les mânes qui hantent la cellule de Toussaint mais surtout poser le principe d’une concomitance temporelle entre passé et présent, d’une double dimension spatiale entre Saint-Domingueet le Fort de Joux. Des indications scéniques sont aussi fournies :
La scène se passe à Saint-Domingue en même temps que dans une cellule au Fort de Joux où Toussaint est prisonnier […]
Chaque fois que l’action est située à Saint-Domingue et qu’elle requiert la présence de Toussaint, celui-ci vient dans l’espace audevant de la cellule. (Monsieur Toussaint, p. 15)
Le dramaturge ne prévoit aucun changement de décor pour marquer la différence entre un déroulé de l’action dans le cadre haïtien ou dans le huis clos de la cellule de Toussaint : « la scène se passe à Saint-Domingue en même temps que dans une cellule au Fort de Joux ». Et la locution temporelletient toute son importance. Elle met en exergue la continuité d’action – il n’y a qu’une scène, une seule action dramatique- malgré la duplicité de l’espace. Edouard Glissant préconise que la mise en scène ne souligne en rien la distinction physique entre les tableaux se déroulant à SaintDomingue et dans le Jura. L’acteur qui tient lerôle titre de Toussaint doit « s’avancer au devant de la cellule » dès que l’action ramène Toussaint à Saint-Domingue. Si bien que cette organisation de l’espace scénique traduit le dispositif textuel : le passé envahit, encombre le présent. De sorte qu’un temps non linéaire est mis en scène : des évènements datant de 1791 sont relatés dans l’espace cellulaire de 1803, deux facettes du personnage de Toussaint sont aussi données à voir, un corps purulent, proche de sa fin dernière et tragiquement supplicié, un corps glorieux, conquérant du temps de ses exploits révolutionnaires à Saint-Domingue. Lamise en scène préconisée par Glissant engage à une interprétation intimiste de la pièce. Ce passé « composé », convoqué, ces ombres réclamant justice, ne s’agit-il que de la conscience de Toussaint qui, dans l’esseulement de la prison, vient régler ses comptes ? Ou cette intrusion du passé estelle un travail d e mémoire effectué par Toussaint, comme Glissant le suggère dans cetéchange ? :

VincentPlacoly et Dessalines

L’Homme de scène

Vincent Placoly, le « frère volcan » de lalittérature martiniquaise. Un auteur dont l’œuvre, ample et diversifiée, romans, théâtre, nouvelles, essais, écriture journalistique, demeure mal voire largement méconnue. Est-ce parce qu’il ne professa aucune école, hormis celle de l’humaine condition ? Ses écrits s’épanouissent des décennies 1970 à 1990, postérieurs à la négritude, ils sont contemporains de l’antillanité d’Edouard Glissant et de la créolité de Chamoiseau, Confiant et Bernabé.
Dans son parcours artistique et politique, le théâtre tient une place importante. Pour Marie-Agnès Sourieau, au regard du nombre important de pièces qu’il a écrites, Vincent Placoly est d’abord « un homme de théâtre » : Romancier et essayiste, Vincent Placoly est aussi et avant tout un homme de théâtre. Selon la bibliographie du numéro spécial de Tranchées (1993 : 81), publié en son hommage après sa mort en janvier 1993, Placoly compte 15 pièces à son actif, dont la plupart ont été montées ou adaptées pour la télévision martiniquaise. Mis à part Dessalines et Don Juan, les autres textes sont apparemment épuisés, ou toujours à l’état de manuscrit, donc difficilement accessibles.
Dès ses années d’étudiant, à Paris, il s’essaie à la mise en scène. Alors membre de l’Association Générale des Etudiants Martiniquais (mieux connue sous l’acronyme AGEM), il s’empare de l’œuvre de George Mauvois, Agénor Cacoul. Dès lors, en véritable praticien des arts dramatiques, Vincent Placoly fait lui aussi du théâtre une expérience totale dans laquelle il s’investit jusqu’à sa mort prématurée en janvier 1992.
En 1962, arrive l’écriture de La mort douloureuse et tragique d’André Aliker, pièce suivie en 1982 de Dessalines ou la passion de l’indépendance. Puis, Vincent Placoly débute une longue et fructueuse collaboration avec la compagnie martiniquaise Téat lari, dirigée par le metteur en scène José Alpha. Une rencontre quipour l’auteur est capitale car ces deux hommes de théâtre sont en accord sur la direction à impulser à la scène martiniquaise. Dans sa thèse consacrée à l’œuvre de Placoly, Daniel SeguinCadiche revient sur ces années d’effervescence créatrice :
Il s’engage définitivement dans l’écriture dramatique quand il commence à collaborer avec la troupeTéat lari. L’écrivain fournira l’essentiel du répertoire de cette troupe pendant de nombreuses années.
Le panel des thèmes abordés et des tonalités empruntées est bienévidemment variés, mais l’Histoire, en particulier celle des Amériques, s’impose comme fil rouge des créations de Vincent Placoly. En 1988, il écrit Scènes de la vie de Joséphine Tascher de La Pagerie, à l’occasion de l’inauguration du Domaine de la Pagerie dans la ville des Trois Ilets. Il met aussi son talent au service de la comédie créole : Arlette Chaussetteet L’Auberge des trois passes. En 1989, il signe une adaptation du Barouffe à Chiogga, pièce de Goldoni, qu’il transpose sur une plage de Tartane et intitule Massacre au bord de la mer de Tartane. Sa dernière création pour la compagnie Téat lari est une vision en contrepoint du Christophe Colomb de Lope de Véga, El mundo descubierto por Colon (1614). La pièce, intitulée Colomb 92, est donnée en 1992, à titre posthume.

La geste du héros : motif de l’épique au tragique

Dans le contexte antillais, le « devenir héros » est d’autant plus significatif qu’il se conquiert dans un univers où l’homme est ravalé au rang de la bête, du non-être. La geste du héros tragique antillais sera ce cheminement vers une stature pleine de l’Humanité : du non-être à l’être. Le héros part de la condition d’infériorité complète pour remplir le principe de l’être à son paroxysme dans unesurdimension de l’existant, celle de combattant pour la liberté, celle deleader et de symbole d’un peuple. C’est par la révolte contre l’ordre colonial, par savolonté de bâtir une communauté nouvelle que le personnage acquiert une stature grandiose,héroïque. Héros de la révolte, en quête d’un nouvel ordre social, autant d’aspects qui tirent le héros tragique antillais vers l’épique, le rattachant aussi au régime du mythe. Il se pare des accents positifs de la célébration épique : discours des morts aux vivants, chant de la tradition et des représentations collectives fédératrices.
Une complexité, une mixité archétypale qu’ilfaut tenter de comprendre pour cerner la stature du héros tragique antillais. AnneDouaire souligne que le héros antillais s’approprie le tragique par le biais de l’épique.

Le statut servile : un statut problématique

Le personnage héroïque sera avant tout tiré du fonds historique caribéen. En effet, l’auteur antillais, en arpenteur des univers et des imaginaires créoles se donne pour tâche de restaurer une mémoire historique oblitérée. Si dans sa Poétique, Aristote désigne le héros comme un homme de haute valeur morale, le statut du héros tragique s’est transformé au fil des siècles et des époques littéraires. Le critère qualifiant le héros n’est plus sa supériorité morale mais bien une supériorité de caste, une noblesse du sang. Le héros tragique endosse une « progressive confusion de l’éthos à la naissance ».
Le héros tragique antillais vient en contestation de l’idée d’une élection par la lignée : Si « la tragédie c’est les rois », les rois ont changé. (…) Le corpus semble investir une manne bien connue, celle des têtes couronnées de l’Histoire, pour en faire des héros de tragédies.

Par la force de leur lutte

Dans le récit épique, la geste est bien la relation des actions accomplies par le héros. Une res gesta qui campe la stature du personnage. Ici encore, le héros tragique antillais emprunte ses traits au héros épique. Dans chacune de trois pièces, le temps grandiose de la lutte pour briser le joug de l’esclavage est rappelé et constitue un temps mythique qui confirme les personnages éponymes dans leur position de leader.
Comment cet aspect du héros est-il présenté et comment ces éléments dramaturgiques le caractérisent-il ?
Fidèle à la réputation historique du personnage, désirant en dresser un portrait qui n’élude pas les aspects négatifs, Placoly peint un Dessalines habité par la furie guerrière. A un héros guerrier, il fallait un champ de bataille, Dessalines apparaît donc en chef militaire. Placoly ne déroge pourtant pas à la règle de la tragédie classique qui veut que la mort ne soit pas portée en scène. Ainsi, l’acte I met en scène les événements périphériques à la bataille : instants de reposdes soldats, prise de décision stratégique, interrogation sur l’étatdes troupes, départ et retour victorieux de l’assaut. Autant d’éléments qui établissent un contexte guerrier.Cela permet au dramaturge de présenter les qualités de chef de guerre de Dessalines. Il se distingue par son courage, son ardeur au combat et son attachement à une vision guerrière de la société haïtienne. Et si l’action dramatique ne met pas en scène de façon explicite les faits d’armes du personnage, ils sont rappelés par des métaphores, des récits de batailles, qui font que la guerre et la violence sont des éléments récurrents de la pièce.
Ainsi pour le Dessalines de Placoly, la dignité de tout homme se mesure à l’aune de sa bravoure militaire. Se présentant comme protecteur de ses jeunes soldats, Dessalines cite en exemple son courage guerrier.

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Table des matières
Remerciements
Introduction 
Ière Partie : Cadre théorique etcontexte de création 
Chapitre I : Présentation du cadre théorique
A. Héros : « continent noir » de l’Histoire ?
B. Pensée en contre champs
Chapitre II : Le théâtre comme nécessité
A. Un théâtre engagé?
B. Un théâtre historique
IIème Partie : Portée Esthétique d’une dramaturgie
Chapitre I : Aimé Césaire et La Tragédie du roi Christophe
A. Aimé Césaire et le théâtre
B. Une œuvre toute imprégnée d’Haïti
C. Présentation de La Tragédie du roi Christophe
Chapitre II : Édouard Glissant etMonsieur Toussaint
A. Édouard Glissant et le théâtre
B. Présentation de Monsieur Toussaint
C. Monsieur Toussaint, une tragédie de la temporalité ?
Chapitre III : Vincent Placolyet Dessalines
A. L’Homme de scène
B. « Portrait de Jean-Jacques Dessalines »
IIIème Partie : Toussaint, Dessalines, Christophe : typologie d’un nouvel héroïsme
Chapitre I : La geste du héros : motif de l’épique au tragique
A. Le statu servile : un statut problématique
B. D’esclaves, ils devinrent rois !
C. Présentation de La Tragédie du roi Christophe
D. La mort du héros : motif tragique
Chapitre II : Un héros et son peuple
A. Un chef élu par son peuple
B. Une conviction populaire
C. Un idéal compromis
Chapitre III : La grandeur du mythe
A. Dessalines, guerrier belliqueux
B. Toussaint ; une vocation christique
Conclusion
Bibliographie
Table des Matières

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