Tourisme gastronomique et produits du terroir
Slow Food
Le Slow Food a pris racine en Italie dans les années 1980 comme « emblème d’une contre-culture » (Honoré, 2011). En effet, dans la seconde partie du 20e siècle, les pratiques alimentaires sont bouleversées avec l’émergence des fast-foods tels que McDonalds et des aliments déjà tout préparés (Bac, 2014, p.137). En réaction au projet de construction d’un fast-food à Rome, Carlo Petrini et un groupe amateur de bonne chair et de cuisine locale fondent ce mouvement en 1986 avec comme slogan « bon, propre et juste » (Slow Food, 2018). Petrini estimait que : « l’art de vivre, c’est apprendre à donner du temps à chaque chose », et cela devrait sans aucun doute inclure les voyages (cité dans Gardner, 2009, p.14). Dans son manifeste, il affirme que : « la vitesse est devenue notre prison et nous sommes tous atteints Mirielle Columberg du même virus : la « Fast Life » qui bouleverse nos habitudes, nous poursuit jusque dans nos foyers, nous conduisant à nous nourrir de « Fast-Food » » (Slow Food, 2018).
Le mouvement Slow Food s’internationalise en 1989 à Paris, lorsque ce dernier est signé par des délégués de 15 pays. L’année suivante, le premier congrès international de Slow Food est lancé à Venise. Aujourd’hui, l’association Slow Food est présente dans 150 pays et compte plus de 100’000 membres (Navarro, 2012, p.356), dont la Suisse depuis 1993 à travers des conviviums. Les conviviums Vaud et Valais ont été tous deux créés en 2012 (Slow Food, 2018). Slow Food agit au moyen de projets sur la préservation des produits artisanaux en voie de disparition, la mise en réseau des producteurs et la valorisation de leurs produits, la défense de la diversité biologique et l’éducation des consommateurs en matière de goût et de nutrition (Honoré, C., 2005). En promouvant une gastronomie écologiquement saine, le terme d’éco-gastronomie peut être utilisé comme synonyme de Slow Food (Nilsson, Svärd, Widarsson & Wirell, 2010, p.2).
Slow tourisme
L’industrie du tourisme, connaissant une forte croissance et de nombreux bouleversements dans les habitudes touristiques, pose une réflexion sur la nécessité de ralentir. Euromonitor international, dans son rapport sur les tendances mondiales du marché du voyage, a prédit que le tourisme slow serait la nouvelle tendance en Europe occidentale ces prochaines années avec « un taux de croissance annuel composé estimé à 10% » (cité dans World Travel Market, 2007, p.15), devenant ainsi une alternative aux vacances balnéaires ou culturelles traditionnelles. L’étude d’Ipsos, menée en 2013, souligne d’ailleurs que : « près de huit Européens sur dix ont l’intention de ralentir leur rythme de vie. 40% d’entre eux précisent d’ailleurs l’avoir déjà fait ou envisagent réellement de le faire » (cité dans Gastro Journal, 2018). Ainsi, selon Zago et al., il ne s’agit donc pas d’un tourisme de niche mais d’un marché florissant (2011, p.8). Issu des deux mouvements précédemment cités, le slow tourisme est défini comme « une forme de tourisme qui respecte les cultures, l’histoire et l’environnement local et valorise la responsabilité sociale tout en célébrant la diversité et en établissant des liens entre les touristes et les communautés d’accueil » (Heitmann et al, 2011, p.117). Cette forme de tourisme, qui est devenu un objet d’études à partir des années 2000, ne dispose en revanche d’aucune définition universelle et le positionnement de son offre reste à identifier. En effet, plusieurs autres concepts proches existent tels que l’éco-tourisme, le tourisme équitable, le tourisme doux ou encore le tourisme responsable.
Le slow tourisme en Suisse
En Suisse, le slow tourisme se développe timidement, à la fois dans les régions alpines et urbaines, principalement dans les moyens de transport et la gastronomie. Les exemples suivants démontrent qu’il est bien présent mais au niveau de la communication, le terme « slow » fait encore défaut. Alpine Pearls est « un réseau alpin proposant des offres de mobilité douce » (Alpine Pearls, 2018) dans six pays, en Allemagne, France, Autriche, Italie, Slovénie et Suisse. Elle promeut 25 destinations de vacances écologiques qui ne nécessitent pas l’utilisation de la voiture, avec un accent sur les activités sportives, la découverte de la nature et des spécialités locales. En Suisse, les destinations proposées sont les Diablerets, Interlaken, Disentis/Mustér et Arosa. Mendrisio, une cité tessinoise de 12’000 habitants, a obtenu en 2008 la certification internationale «Cittaslow», une première en Suisse. Elle a mis en place plusieurs projets en faveur de la mobilité douce, de l’énergie renouvelable et des produits du terroir (Città di Mendrisio, 2018). Myswitzerland a lancé sa campagne estivale 2018 avec comme slogan « La nature te veut – Cet été découvre-la à vélo », mettant ainsi en valeur la découverte de la nature à travers un sport doux. Elle a également mis sur pied cette année « Taste my Swiss City », une offre qui consiste en des circuits culinaires de quatre à sept arrêts. Le touriste découvre une ville par sa gastronomie et ses adresses secrètes, guidé par un passionné local. À proximité de la station de Verbier, La Ferme du Soleil, une table d’hôtes rurale, propose à la vente des produits issus de la ferme ainsi que des plats avec des produits du terroir. « Elle se veut un point de rencontre entre touristes et habitants » (Observatoire valaisan du tourisme [OVT], 2018).
Tourisme gastronomique et produits du terroir Hall et Sharples (2003) définissent le tourisme gastronomique comme : Un voyage expérientiel dans une région gastronomique, à des fins récréatives ou de divertissement, qui comprend des visites de producteurs, des festivals gastronomiques, des foires alimentaires, des événements, des marchés fermiers, des expositions et démonstrations culinaires, des dégustations de produits de qualité ou toute activité touristique liée à l’alimentation. (cité dans UNWTO, 2012, p.6) L’OVT évoque la notion de tourisme gourmand où le touriste expérimente le territoire à travers des activités culinaires et agrotouristiques. Les acteurs qui font partie de sa découverte sont les « producteurs agrotouristiques », « les artisans transformateurs » qui ouvrent leur espace à la visite, les « producteurs agricoles » qui vendent leurs produits au public mais ne proposent pas de visite et les « restaurateurs offrant une cuisine régionale » (2017, p. 4). Plusieurs tendances dans le domaine gastronomique sont à relever.
Tout d’abord, on assiste à une augmentation de la cuisine multi-ethnique d’une part et de l’intérêt pour les produits régionaux et les traditions culinaires d’autre part (Zago et al., 2011, p.39). La rencontre entre agriculteurs et consommateurs autour des produits du terroir est également actuelle (htr.ch, 2017). « Face aux évolutions de la demande, les destinations cherchent à valoriser le lien entre tourisme, gastronomie et productions agroalimentaires locales, pour répondre aux attentes des circuits courts, d’authenticité et de qualité des clientèles » (OVT, 2017, p.2). Selon Zago et al. (2011, p.39) et l’UNWTO (2012, p.6), la nourriture revêt une importance cruciale dans l’expérience du visiteur.
C’est pourquoi, les touristes en quête d’une expérience culinaire se tournent vers des destinations réputées pour être des lieux d’expérimentation de produits locaux de qualité (UNWTO, 2012, p.8). D’après Boniface (2003) Mirielle Columberg et Sims (2009), les restaurateurs sont des acteurs fondamentaux de ce processus en réunissant produits locaux et touristes culinaires et en jouant le rôle « d’ambassadeurs d’une consommation locale » (cité dans Salvador-Pérignon, 2012, p.119). Ainsi, les produits du terroir figurant sur la carte d’un établissement sont promus et mis en valeur par ce dernier. Le terroir est intimement lié au tourisme et joue un rôle central dans son développement. Pour la destination, il n’est pas le premier critère de choix mais il contribue à la réussite du séjour. En effet, « l’origine des produits alimentaires représente, pour les entreprises du secteur agroalimentaire, un important critère de différenciation qui constitue le fondement d’une offre d’expériences touristiques nouvelles et diversifiées et susceptibles de conduire à la création de valeur » (Dumas et al., 2006). Hjalager et Richards (2003, p.17) ajoutent que : Dans le développement d’expériences gastronomiques pour les touristes dans un marché touristique de plus en plus compétitif, il est important non seulement de baser le produit sur la culture et les traditions de la destination, mais aussi de fournir un lien avec la culture du touriste. Selon Fatiha et François Fort (2006, p.147), le terroir constitue « une réalité commerciale qui pèse plus de 100 milliards de francs de chiffre d’affaires en France, et connaît une croissance forte et régulière depuis une dizaine d’années ».
En Suisse, les produits issus du terroir génèrent actuellement 1.6 milliard de francs (htr.ch, 2017). D’après l’enquête « Tourism Monitoring Switzerland » (TMS) 2013, réalisée par Suisse Tourisme, sur le comportement des visiteurs en Suisse, goûter aux produits régionaux est la deuxième activité non-sportives préférée des touristes (cité dans OVT, 2017, p.18). Selon Warnier (1994), Cova (2001) et Camus (2002), les consommateurs attribuent aux produits locaux des propriétés telles que naturels, traditionnels, authentiques ou, encore, de meilleure qualité (cité dans Dumas et al., 2006). En outre, Yurtseven et Kaya expliquent qu’il existe cinq facteurs de motivation à consommer des produits locaux : « la qualité du goût, l’expérience authentique, le développement rural, les préoccupations en matière de santé et l’apprentissage des connaissances » (2011, p.271).
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Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des abréviations
Introduction
1. Méthodologie
2. État des connaissances scientifiques
2.1. Le slow mouvement et ses principes
2.2. Slow Food
2.3. Slow city
2.4. Slow tourisme
2.4.1. Ses principes généraux
2.4.2. Différences avec d’autres formes de tourisme
2.4.3. Une pratique universelle
2.4.4. Le slow tourisme en Suisse
2.4.5. Profil du touriste slow
2.5. Tourisme gastronomique et produits du terroir
3. Analyse de la situation actuelle
3.1. État des lieux des labels et appellations en Suisse et dans le canton de Vaud
3.2. Le cas du Parc Jura vaudois
3.3. Les entités de promotion des produits du terroir dans le canton de Vaud
3.4. Analyse de la situation actuelle dans le district de Morges
3.4.1. Morges Région Tourisme : fonctionnement de l’entreprise
3.4.2. Profil de la clientèle touristique
3.4.3. L’Association de la région Cossonay-Aubonne-Morges
3.4.4. La Slow Destination
3.4.5. Les huit projets de la Slow Destination
3.4.6. Offres existantes en matière de produits du terroir dans la destination
3.4.7. Les formes de circuits courts
3.5. Les potentiels de développement d’une offre axée sur les produits du terroir dans la région de Morges
4. Description de l’objet d’étude
4.1. Problématique
4.2. Question de recherche et hypothèse de travail
4.3. Objectifs du travail
5. État des lieux : les labels et réseaux dans la restauration
5.1. Le cas du label Fait Maison
5.2. Benchmark : les réseaux de restaurateurs du terroir en Suisse et à l’étranger
5.3. Autres réseaux
5.4. Éléments à retenir
6. Analyse de la demande en matière de produits du terroir
6.1. Objectifs du questionnaire
6.2. Méthodologie de l’enquête
6.3. Principaux résultats de l’enquête
7. Entretiens qualitatifs
8. Proposition de concept de mise en réseau : Les Restauroirs
8.1. Modèle de collaboration
8.2. Principes et fonctionnement du réseau
8.3. Recommandations et limites de faisabilité
9. Développement d’une offre touristique de mise en valeur du terroir morgien
9.1. Entre savoir-faire et goûts du terroir
9.1.1. Publics-cibles
9.1.2. Prestataires de l’offre
9.1.3. Esquisse du produit
9.1.4. Déroulement de la manifestation et prestations comprises
9.1.5. Évaluation des coûts de revient et calcul du prix
9.1.6. Organisation de la chaîne de services
9.1.7. Offres non retenues
9.2. Communication et promotion de l’offre : Stratégie et plan de communication
Conclusion
Références
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