L’IRM de diffusion est une modalité non invasive d’image basée sur l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM). Cette méthode produit in vivo des images de la microstructure locale des tissus cérébraux à partir de la mesure de la diffusion de l’eau. Ce premier chapitre, séparé en cinq sections, introduit les notions fondamentales à la compréhension de l’IRM de diffusion dans le cerveau humain. Nous verrons tout d’abord les enjeux de cette modalité d’image relativement jeune . Puis nous aborderons quelques notions de neuroanatomie du cerveau humain . Nous introduirons ensuite le formalisme nécessaire à l’étude du phénomène physique de la diffusion . Puis nous passerons brièvement en revue les étapes de l’acquisition de l’image IRM de diffusion .
Les enjeux de l’IRM de diffusion
Historique de la neuroimagerie
L’histoire de la neuroimagerie moderne in-vivo débute en 1918 avec l’utilisation des rayons X pour imager le système ventriculaire, c’est à dire l’ensemble des cavités à l’intérieur du cerveau accueillant le liquide cérébro-spinal. Puis vient quelques années plus tard, l’angiographie cérébrale, qui permet la visualisation des vaisseaux sanguins du cerveau par l’utilisation de l’imagerie par rayons X à l’aide d’un produit de contraste. Autour des années 1970, l’avènement des ordinateurs autorise de nouvelles techniques d’images indirectes obtenues par une étape de traitement informatique. C’est le cas de la tomodensitométrie (ou CT-scan) proposée par Hounsfield et Cormack [Hounsfield, 1973, Cormack, 1980] qui reconstruit par ordinateur des données capturées par un balayage d’un faisceau de rayons X. La découverte des rayons X par Röntgen [Rontgen, 1896] a grandement influencé les techniques de neuroimagerie non invasive de la première moitié du XXe siècle. Malheureusement, les rayons X sont des radiations ionisantes qui ont des effets néfastes sur la santé à long terme [De Oliveira, 1987] et cela complique en pratique le déploiement clinique des méthodes basées sur les rayons X.
Parallèlement au développement de la tomodensitométrie dans les années 1970, l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) est mise au point par Lauterbur et Mansfield [Lauterbur, 1973, Mansfield, 1977]. Cette technique d’imagerie étonnante se base sur le phénomène de résonance des atomes soumis à un champ magnétique découvert quelques années plus tôt [Bloch et al., 1946, Purcell et al., 1946, Hahn, 1950, Carr et Purcell, 1954]. Cette découverte est mise à profit dans l’IRM par la construction de scanners essentiellement composés d’un aimant très puissant, dont la puissance mesurée en Tesla est au moins 20 000 fois plus élevé que le champ magnétique terrestre et suffisamment grand pour entourer une personne adulte. Plusieurs modalités d’IRM existent : l’IRM anatomique est la première qui fut mise au point, et permet de visualiser les tissus internes des patients. L’IRM fonctionnelle détecte les zones d’activités du cerveau par détection de l’augmentation du débit sanguin. L’IRM de diffusion est ici celle qui nous intéresse et permet de mesurer la diffusion de l’eau dans le corps humain.
L’utilisation de l’IRM en neuroimagerie a connu dès lors un succès notable en raison de son caractère inoffensif constaté sur la santé des patients, son fort contraste sur les tissus du cerveau et la variété de modalité d’images qui peuvent être observées, e.g. T1, T2, fonctionnelle, diffusion.
Principales applications de l’IRM de diffusion
Bien que l’imagerie de diffusion d’organes tels que le coeur se soit développée très récemment, le cerveau reste le terrain privilégié de l’IRM de diffusion. Les données d’IRM de diffusion nécessitent bien souvent une étape de post traitement qui varie en fonction du but recherché et des caractéristiques de la machine IRM ayant servi à l’acquisition. L’IRM de diffusion participe ainsi au diagnostic dans différentes catégories de pathologie cérébrale : tumorale (lymphome cérébral, kyste épidermoïde et cholestéatome) ; infectieuse (abcès cérébral à pyogènes, encéphalite herpétique) ; dégénérative (maladie de Creutzfeldt-Jakob) ; inflammatoire (sclérose en plaques) ; traumatique (choc, fracture) [Ron et Robbins, 2003, Moritani et al., 2004].
Accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique
D’après [Murray et Lopez, 1997], les AVC sont la seconde cause de mortalité au niveau mondiale, dont les trois-quarts sont d’origine ischémique [Thrift et al., 2001]. Les accidents ischémiques cérébraux sont dus à la diminution de l’apport sanguin au cerveau et le diagnostic de cette anomalie a été l’une des premières applications clinique de l’imagerie de diffusion. En effet, l’IRM pondérée en diffusion (DWI pour diffusion weighted imaging) est l’une des méthodes les plus sensibles et précoces pour le diagnostic d’accident . L’AVC se manifeste dès les premières heures par une augmentation de la luminosité locale traduisant l’oedème ischémique. L’évolution de la luminosité au cours du temps permet de dater le début de l’AVC [Kidwell et al., 1999].
Étude des faisceaux de la substance blanche
L’imagerie du tenseur de diffusion (DTI pour diffusion tensor imaging) permet en partie d’étudier in vivo la microstructure des tissus. Elle donne des indications sur d’éventuelles anomalies des fibres nerveuses de la substance blanche ou de la moelle épinière non visibles en imagerie conventionnelle. La tractographie de fibres est la seule méthode donnant un aperçu in vivo de la trajectoire des fibres nerveuses. Elle est employée pour analyser la maturation et le développement cérébral (myélinisation), aider au bilan préopératoire de tumeurs cérébrales (faisceau corticospinal) et de déformation de la moelle épinière (compression médullaire).
Le cerveau humain
La présentation de l’anatomie du cerveau humain présentée dans la suite s’inspire des ouvrages suivants [Bossy, 1990, Poupon, 1999, Crossman et Neavy, 2004, Descoteaux, 2008, Johansen-Berg et Behrens, 2009]. Le lecteur pourra s’y référer pour une description plus détaillée de l’anatomie du cerveau.
Termes d’organisation spatiale
La description de l’organisation du système neuronal fait appel à une terminologie anatomique dont il est nécessaire d’avoir une connaissance au moins basique. Ainsi, les termes antérieur et postérieur, désignent respectivement l’avant et l’arrière du cerveau, supérieur et inférieur le haut et le bas du cerveau. Les plans standards pour les images réalisées dans l’étude de l’anatomie du cerveau sont liés au référentiel de la tête. Pour un individu debout, les coupes transversales sont parallèles au sol ; les coupes sagittales sont parallèles au plan qui sépare les deux hémisphères; les coupes coronales sont parallèles au plan du visage .
Anatomie du cerveau humain
Structure cellulaire
Le cerveau est essentiellement composé de deux classes de cellules : les neurones et les cellules gliales. Les cellules gliales sont approximativement trois fois plus nombreuses que les neurones dans le cerveau humain et servent essentiellement de support au neurones. Le rôle principal des neurones est de transmettre de l’information (c.f. Fig.1.6), ils sont composées de dentrites qui reçoivent l’information et d’un unique axone qui transmet l’information. Les axones remplissent la majorité du volume du cerveau et sont regroupés en groupe de fibres (ou faisceaux) nerveuses. Dans de nombreux cas, chaque axone est entouré par une épaisse gaine composée d’une substance graisseuse, la myéline, qui augmente considérablement la vitesse de transmission de l’information. Les diamètres des axones varient entre 0.5 − 3µm, si bien que le diamètre d’une fibre sans myéline avec sa gaine ne dépasse guère 0.5µm alors que les grosses fibres myélinisées ont avec leurs gaines un diamètre qui peut atteindre 20µm [Bossy, 1990].
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Table des matières
Introduction
Contexte
Organisation et contributions de cette thèse
Notations
Sigles
Domaines de définition
Fonctions et signaux
Opérateurs
I État de l’art
1 Tour d’horizon de l’IRM de diffusion
1.1 Introduction
1.2 Les enjeux de l’IRM de diffusion
1.2.1 Historique de la neuroimagerie
1.2.2 Principales applications de l’IRM de diffusion
1.3 Le cerveau humain
1.3.1 Termes d’organisation spatiale
1.3.2 Anatomie du cerveau humain
1.3.3 Les circuits neuraux
1.4 Physique de la diffusion
1.4.1 Équation de diffusion
1.4.2 Solutions de l’équation de diffusion
1.5 Acquisition du signal IRM de diffusion
1.5.1 Magnétisme nucléaire
1.5.2 Gradient de champ magnétique
1.5.3 Équations de Bloch-Torrey
1.5.4 Séquence gradient de diffusion
1.6 Outils mathématiques utilisés
1.6.1 Modélisation de l’image IRM diffusion
1.6.2 Coordonnées sphériques
1.6.4 Les harmoniques sphériques
1.6.5 Approximation d’une fonction sphérique
1.7 Résumé du chapitre
2 État de l’art de la modélisation locale de la diffusion en IRMd
2.1 Introduction
2.2 Formalisme de l’espace Q
2.3 Analyse scalaire de la diffusion
2.3.1 Imagerie de diffusion pondérée (DWI)
2.3.2 Coefficient de diffusion apparent (ADC)
2.4 Analyse à basse résolution angulaire
2.4.1 Vecteur de diffusion
2.4.2 Tenseur de diffusion (DTI)
2.5 Analyse à haute résolution angulaire (HARDI)
2.5.1 Approches paramétriques
2.5.2 Approches non paramétriques
2.6 Analyse radiale de la diffusion
2.6.1 Contexte et intérêts
2.6.2 Oscillateur harmonique simple
2.7 Analyse complète du propagateur de diffusion
2.7.1 Échantillonnage complet de l’espace Q
2.7.2 Échantillonnage parcimonieux de l’espace Q
2.8 Résumé du chapitre
II Contributions
3 Approximation continue du signal de diffusion local
3.1 Motivations
3.2 Base de fonctions radiales
3.2.1 Définition de la base de Gauss-Laguerre
3.2.2 Propriétés de la base GL
3.2.3 Adéquation de la base avec le signal de diffusion
3.2.4 Stratégies de calculs du facteur d’échelle
3.2.5 Remarques sur la convergence numérique de l’approximation
3.3 Base de fonctions volumiques
3.3.1 Définition de la base SPF
3.3.2 Propriétés de la base
3.3.3 Approximation par moindres carrés régularisés
3.3.4 Remarques sur la convergence numérique de l’approximation
3.4 Échantillonnage de l’espace Q
3.4.1 Modélisation de la répartition des échantillons
3.4.2 Influence de l’échantillonnage sur l’approximation du signal
3.5 Résumé du chapitre
4 Extraction de caractéristiques variées du propagateur de diffusion 101
4.1 Motivations
4.2 Calcul d’une caractéristique du propagateur de diffusion
4.2.1 Définition d’une caractéristique
4.2.2 Algorithme d’extraction d’une caractéristique
4.2.3 Optimisation de l’algorithme pour les caractéristiques sphériques
4.3 Caractéristiques scalaires de P
4.3.1 Moments
4.3.2 Probabilité de non déplacement
4.3.3 Anisotropie GFA
4.4 Caractéristiques unidimensionelles de P
4.4.1 Diffusion moyenne radiale
4.5 Caractéristiques bidimensionnelles de P
4.5.1 Transformée de Funk-Radon (FRT)
4.5.2 Fonction de densité d’orientation (ODF)
4.5.3 Isorayon du propagateur
4.6 Caractéristiques tridimensionelles de P
4.6.1 Propagateur de diffusion
4.6.2 Signal de diffusion
4.7 Estimation d’une caractéristique dans la base SPF dans le cas général
4.7.1 Estimation par transformée de Fourier rapide (FFT)
4.7.2 Estimation par intégration numérique
4.7.3 Estimation par FFT non-uniforme
4.8 Relations théoriques avec d’autres méthodes de la littérature
4.8.1 Relation avec l’imagerie de diffusion hybride
4.8.2 Relation avec l’imagerie par Q-Ball
4.8.3 Relation avec la transformée d’orientation de la diffusion
4.9 Résumé du chapitre
5 Robustesse au bruit de l’extraction de caractéristiques
5.1 Motivations
5.1.1 Mise en évidence du bruit de Rice dans les images IRM
5.1.2 Méthodes de débruitage adaptées
5.2 Formalisme variationnel d’approximation du signal
5.2.1 Définition de la problématique
5.2.2 Résolution de la problématique
5.2.3 Choix de l’attache aux données ψ
5.2.4 Choix de la fonction de régularisation ϕ
5.2.5 Cas particulier : méthode QBI
5.3 Résultats
5.3.1 Modèle synthétique des données
5.3.2 Choix de l’approximation initiale A0
5.3.3 Influence de l’attache aux données ricienne sur le profil radial de diffusion
5.3.4 Régularisation
5.3.5 Estimation variationnelle QBI
5.3.6 Influence de la robustesse au bruit sur la trajectographie à partir d’ODF
5.4 Résumé du chapitre
6 Validation expérimentales sur données réelles
6.1 Échantillonnage sphérique de l’espace Q
6.1.1 Protocole d’acquisition
6.1.2 Histogramme du bruit des images acquises
6.1.3 Extraction robuste au bruit de caractéristiques sphériques
6.2 Échantillonnage bi-sphérique de l’espace Q
6.2.1 Protocole d’acquisition
6.2.2 Extraction de caractéristiques scalaires
6.2.3 Probabilité de non déplacement
6.2.4 Extraction de caractéristiques sphériques
6.3 Temps d’exécution de l’algorithme
6.3.1 Implantation
6.3.2 Construction d’une caractéristique dans la base SPF
6.3.3 Estimation du signal dans la base SPF
6.3.4 Extraction d’une caractéristique
6.3.5 Analyse des résultats
6.4 Résumé du chapitre
Conclusion