Les noms composés
Avant de procéder au classement des toponymes en noms composés, il ya lieu de rappeler quelques définitions de base, à savoir la composition et le nom composé. Selon Jean Dubois (1999 : 106) « Par composition, on désigne la formation d’une unité sémantique à partir d’éléments lexicaux susceptibles d’avoir par eux-mêmes une autonomie dans la langue ». La composition permet donc la formation de nouveaux mots en juxtaposant deux unités lexicales ou plus, jouissant d’une autonomie syntaxique. Ainsi, le mot composé, explique J.Dubois (1999 : 105), est « un mot contenant deux, ou plus de deux, morphèmes lexicaux et correspondant à une unité significative […] ». Injoo Choi-Jonin et Corinne Delhay (1998 : 85), pour leur part, signalent le caractère complexe du mot composé et donnent la définition suivante «Les mots composés sont des mots complexes dans lesquels on peut identifier au moins deux morphèmes lexicaux, qu’il s’agisse de bases existantes à l’état autonome sous forme de lexèmes, ou de bases non autonomes ». Maintenant que nous avons précisé ces deux notions, le tableau suivant regroupera les toponymes composés de notre corpus, et cela en tenant compte des critères cités dans les définitions susmentionnées.
Toponymes relatifs à l’homme
1. Sidi Ghzal (Sidi γzel) Selon Cheriguen (1993 :110), le terme arabe Sidi signifie « monsieur, monseigneur, maître », c’est un titre de noblesse. Ghzal est le masculin de « gazelle ». Le toponyme Sidi Ghzal veut dire « maitre Ghzal ».
2. Sidi Khelil (Sidi xlil) Le second terme est un anthroponyme signifiant « quelqu’un de très proche et d’intime ». C’est un adjectif attribué au prophète Abraham. L’ensemble signifie « maître intime ».
3. Sidi Okba (Sidi εoqba) « Monseigneur Okba », le second composant est le nom du général arabe, conquérant de l’Afrique du Nord (Cheriguen, 1993: 116).
4. Sidi Khaled (Sidi xaled) Khaled, de l’arabe classique qui signifie « éternel, c’est le nom du général arabe vainqueur de la Kahina » (Cheriguen, 1993 : 116). Le toponyme a le sens de « Monseigneur éternel ».
5. Sidi Barkat (Sidi Barkat) Le second composant est un patronyme formé sur la racine /BRK/ qui veut dire « bénédiction ». Selon Ahmed Khemmar (2008 : 25) c’est le patronyme de l’une des plus anciennes familles de la région. L’ensemble est traduit « seigneur de la bénédiction ».
6. Ouled Djellal (Wled jellel) Selon Cheriguen (1993 :62), Ouled veut dire « enfants de ». Djellal, du mot arabe « el djalala », c’est un titre honorifique donné aux ambassadeurs et aux ministres. Dans la religion musulmane, c’est une qualité spécifique à Dieu. Le toponyme est interprété « enfants de Djellal ».
7. Béni Farah (Beni Freh) Béni est, selon Cheriguen (1993 : 114), terme arabe, pluriel de Ben, et qui signifie « fils de » Farah signifie en arabe « la joie ». Béni Farah veut dire « fils de la joie ».
8. Bentious (Bentyus) Pour Cheriguen (1993 :112), ce nom est peut être à relire Bent Yuc, Bent signifiant « fille » et Yuc veut dire « Yuch, divinité berbère ». Le toponyme serait interprété « fille de Yuch ».
9. Thouda (Thuda) C’est une altération du troisième composant du nom d’un empereur romain qui a conquis la région « Cicéron de Thabudeos », et c’est le nom qu’a porté par la suite la tribu qui a tué Okba Ibn Nafiâ El Fihri.
10. El Boukhari (El Buxari) C’est le nom de l’imam qui a réuni le plus grand nombre de Ahadith du prophète Mohammed. Dans ce toponyme, nous relevons le mot Boukhar qui, en arabe algérien ou classique, signifie « vapeur ».
11. Bades (Bedes) Ce nom est une altération du premier composant de « Balbus Cornélius », commandant de l’armée de l’empereur Auguste qui a joint Biskra à son empire.
12. Filliache (Filyec) Deux interprétations sont données à ce toponyme : Filliache est la déformation de « Cefelix », le nom d’un prêtre de l’antiquité qui a vécu dans la région et qui faisait beaucoup de bien autour de lui. C’est l’interprétation la plus plausible puisque ce village est très ancien et remonte à des siècles lointains. Filliache, prénom de l’une des deux filles d’un roi turc.
13. Foughala (Fuγala) Foughala (à l’origine Ifoughal) serait le nom d’une fille d’origine berbère qui possédait un puits d’eau et qui donner à boire à tous les voyageurs et les passagers.
14. D’babèche (Dbebec) Patronyme. Selon Ahmed Khammar (2008 : 25), il est porté par l’une des plus anciennes familles de Biskra.
15. Barnaoua (Bernewa) Du patronyme Barnaoui, à la forme du féminin. Selon Ahmed Khemmar (2008 : 27), il est en voie de disparition. Nous le rapprochons du mot berbère Bren qui veut dire « tourner ».
16. Bouchagroune (Bucegrun) /bu/ proviendrait de l’Arabe « abou » qui veut dire « père ». Selon Cheriguen (1993 :40-120), /bu/ est d’origine berbère, signifiant « celui de, celui à », « l’homme à ». Il marque la possession ou l’appartenance. Chagroune, selon Cheriguen (1993 :114), signifie « blond, roux », terme commun aux Berbères, Arabes et Juifs. Ce toponyme veut dire « celui qui est blond, roux ».
17. Choucha (Cuca) Nous interprétons le toponyme par « frange ». Cheriguen (1993 :78), lui, le définie par « de l’épi (boucle) ».
18. El hadjeb (El hejeb) El hadjeb signifie « sourcil ».
Conclusion générale
De nos jours, l’onomastique en général, la toponymie en particulier, est devenue un passage obligatoire pour la plupart des études historiques contemporaines. Il existe en la matière un potentiel important, d’autant que l’Algérie présente des terrains d’une richesse avérée, autant dans le présent que dans le passé. C’est d’ailleurs le but de notre recherche, connaître et faire connaître une des régions du sud algérien, Biskra, un terrain encore vierge quant aux recherches toponymiques. Chose qui va nous éclairer, même, sur l’histoire de notre pays. Ainsi, il ressort de notre étude et en premier lieu que les toponymes de Biskra sont majoritairement de souche arabe, quelques noms sont hybrides, ou formés en langue berbère, turque ou encore romaine, alors que les toponymes d’origine française sont presque rares voire inexistants, ce qui confirme notre hypothèse de départ. D’autre part, bien que certaines études toponymiques, notamment celle de F.Cheriguen,démontrent que l’eau et l’homme sont deux domaines sémantiques fortement présents dans la dénomination des lieux, et contrairement à ce que nous pensions préalablement, c’est-à-dire que les toponymes seraient en rapport avec la géographie et la nature para-saharienne de la région, notrerecherche révèle que pour nommer leurs espaces, les gens font d’abord appel à l’élément habité, puis arrivent l’élément humain et aquatique.Cette prédominance des toponymes à base de noms de lieux habités reflète l’attachement des habitants à ces derniers, et démontre l’aspect diversifié de l’habitat. C’est un signe de civilisation.Toutefois, et malgré ce fait, la toponymie de Biskra connait une certaine diversité. En effet, les cultures et les civilisations passées ou vécues dans la région ont pu influer sur la formation des toponymes et donner naissance à des noms de différentes origines : berbères, romaines, turques et françaises. Avant de finir, il ya lieu de rappeler les difficultés rencontrées pour réaliser ce travail, notamment l’absence d’une carte toponymique de Biskra. Nous avons dû collecter les noms de lieux en interrogeant les habitants de la région et faire, nous même, la transcription en languefrançaise que nous changions à chaque fois pour atteindre une graphie qui soit plus ou moins correcte, ce qui a freiné et rendu difficile le départ de l’étude. Dans ce travail, comme dans tout autre, l’étude n’est jamais exhaustive, des questions restent en suspens et des réponses peuvent être remises en cause ouvrant des horizons pour de nouvelles perspectives de recherches. En définitive, nous concluons en disant qu’encore une fois la toponymie, branche de la linguistique, prouve qu’elle est le reflet de la société, de l’histoire, des croyances et des racines d’un peuple et parfois même de toute une nation.
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Table des matières
Introduction générale
1) Présentation du sujet
2) Motivations du choix du sujet
3) Problématique
4) Hypothèses
5) Méthodologie de recherche
5.1) Présentation de la ville de Biskra
5.2) Corpus et méthodologie
6) Plan et organisation du travail
Chapitre I : Analyse morphologique
Introduction
1) Aperçu sur le paysage linguistique de la région de Biskra
2) Classement des noms selon le domaine linguistique
3) Classement des toponymes en noms simples et en noms composés
3-1) Les noms simples
3-2) Les noms composés
3-2-a) Les noms constitués de deux unités
3-2-b) Les noms constitués de trois unités
3-2-c) Les noms constitués de quatre unités
Conclusion
Chapitre II : Analyse sémantique
Introduction
1) Toponymes relatifs à l’homme
2) Toponymes relatifs à l’habitat
3) Toponymes relatifs aux champs et à la terre agricole
4) Toponymes relatifs au relief
5) Toponymes relatifs à l’eau
6) Toponymes relatifs aux végétaux
7) Toponymes relatifs au culte (islamique)
8) Toponymes relatifs au sable
9) Toponymes relatifs aux métiers
10) Toponymes relatifs aux couleurs
11) Toponymes relatifs à l’habit
12) Toponymes relevant d’autres domaines
13) Toponymes opaques
14) Statistiques et thèmes
Conclusion
Conclusion générale
Références bibliographiques
Annexe
1) Liste des toponymes recensés
2) Tables des figures
Figure 1 Les domaines linguistiques des toponymes
Figure 2 Les thèmes du paysage linguistique de Biskra
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