Les nombreuses contributions de l’analyse p-adique à la théorie des nombres ont motivé le développement d’une géométrie analytique sur Qp, analogue à la géométrie analytique complexe. Mais les corps non-archimédiens étant totalement discontinus, ils admettent trop de fonctions localement développables en série entière pour que l’approche naïve d’une telle théorie soit fructueuse. Afin de palier à ce problème, de nombreuses théories ont vu le jour : les fibres génériques de schémas formels de A. Grothendieck et M. Raynaud ([Gro60], [Ray74]), les espaces analytiques rigides de J. Tate ([Tat71]), les espaces adique de R. Huber ([Hub93], [Hub94]), les espaces analytiques de V. Berkovich ([Ber90]), etc. Cette dernière, à laquelle on doit de nombreuses applications, notamment dans le programme de Langlands, en théorie de Hodge p-adique et en dynamique, est riche de bonnes propriétés topologiques : les espaces y sont localement compacts, localement connexes par arc et localement contractiles. C’est aussi dans ce cadre qu’est définie pour la première fois une notion de topologie étale analytique sur Qp ([Ber93]), motivée par une conjecture de Carayol et Drinfeld concernant le programme de Langlands ([Car90]). Notons que cette conjecture a été démontrée via ces outils, de même que l’a été une conjecture de Deligne sur les cycles évanescents ([Ber94]).
De plus, la géométrie de Berkovich présente un autre intérêt : les espaces analytiques, communément définis sur des corps complets non-archimédiens, peuvent en fait être définis sur n’importe quel anneau de Banach. En particulier, on peut construire des espaces analytiques sur les anneaux C et Z, tous deux munis de la valeur absolue usuelle. Dans le premier cas, on retrouve exactement les espaces analytiques complexes tandis que, dans le second cas, on obtient des espaces fibrés en espaces analytiques complexes et p-adiques. Bien que ces exemples soient donnés dans le premier chapitre de [Ber90], les espaces analytiques sur Z ne sont pas plus étudiés dans cet ouvrage. La première description approfondie d’un tel espace est celle, due à J. Poineau, présentée dans [Poi10] et qui traite le cas de la droite affine.
ESPACES ANALYTIQUES
Espaces A-analytiques
L’objectif de cette section est de rappeler la définition d’espace analytique sur un anneau de Banach quelconque présentée dans le premier chapitre de [Ber90]. Le lecteur trouvera une référence plus précise en [LP20] .
Dans cette section, n ∈ N et (A, ||.|| A) désigne un anneau de Banach, c’est-à-dire un anneau normé et complet pour cette norme.
Définition 1.1.1. — Une application |.| : A[T1, . . . , Tn] → R+ est une semi-norme multiplicative sur A[T1, . . . , Tn] bornée sur A si, pour tout P, Q ∈ A[T1, . . . , Tn] et pour tout a ∈ A, on a :
— |0| = 0,
— |1| = 1,
— |P + Q| ≤ |P| + |Q|,
— |P Q| = |P||Q|,
— |a| ≤ ||a||A.
Anneaux de base géométriques
On rappelle la définition, issue de [LP20], d’une classe d’anneaux contenant Z et possédant de bonnes propriétés permettant d’approfondir l’étude des espaces analytiques sur ceux-ci. Parmi les résultats principaux, on notera la cohérence du faisceau structural , l’existence de produits fibrés finis et d’un foncteur d’analytification des schémas ainsi que des analogues du théorème de l’application finie et du Nullstellensatz de Rückert .
Morphismes rigides épais
Soit A un anneau de base géométrique.
Dans cette section, on définit les morphismes d’espaces A-analytiques rigides épais et on démontre certaines de leurs propriétés, notamment la relation entre mx et mXs,x énoncée en introduction.
Définition 1.4.1. — Soient f : X → S un morphisme d’espaces A-analytiques et x ∈ X. On dit que f est rigide épais en x si κ(x) est une extension finie de κ(f(x)).
Remarque 1.4.2. — On écrira « x est rigide épais au-dessus de f(x) » ou simplement « x est rigide épais » sans préciser le morphisme lorsque le contexte le permettra.
Dimension algébrique
Dans cette section, on établit des résultats sur la dimension de Krull des anneaux locaux en certains points.
Définition 1.5.1. — Soit X un espace A-analytique. Un point x ∈ X sera dit défini par des équations s’il existe une immersion {x} ,→ X, c’est-à-dire que l’on dispose d’un voisinage ouvert U ⊂ X de x et de fonctions f1, . . . , fd ∈ OX(U) tels que Supp(OU /(f1, . . . , fd)) = {x}.
Remarque 1.5.2. — Soient X un espace A-analytique, x ∈ X un point défini par des équations et g1, . . . , gl des fonctions définies sur un voisinage de x et vérifiant (g1, . . . , gl)Ox = mx. Par définition, on dispose d’un ouvert U ⊂ X et de fonctions f1, . . . , fd ∈ O(U) tels que Supp(OU /(f1, . . . , fd)) = {x}. Alors (f1, . . . , fd)Ox ⊂ (g1, . . . , gl)Ox et donc, quitte à restreindre U, on a
Supp(OU /(f1, . . . , fd)) ⊃ Supp(OU /(g1, . . . , gl)).
On en déduit que {x} = Supp(OU /(g1, . . . , gl)). .
Lemme 1.5.3. — Soient k un corps valué complet et X un espace k-analytique. Alors tous les points rigides de X sont définis par des équations.
MORPHISMES ÉTALES
Morphismes plats
Commençons par rappeler la définition de morphisme plat entre espaces Aanalytiques.
Définition 2.1.1. — Un morphisme d’espaces A-analytiques f : X → S est plat en x ∈ X si fx : Os → Ox est plat avec s = f(x). Un morphisme f : X → S est plat s’il l’est en tout point de X.
|
Table des matières
Introduction
1. Espaces analytiques
1.1. Espaces A-analytiques
1.2. Anneaux de base géométriques
1.3. Espaces S-analytiques
1.4. Morphismes rigides épais
1.5. Dimension algébrique
2. Morphismes étales
2.1. Morphismes plats
2.2. Morphismes non ramifiés : critère par fibres
2.3. Morphismes non ramifiés : structure locale
2.4. Morphismes étales
2.5. Morphismes lisses
3. Topologie étale
3.1. Structure locale de morphismes
3.2. Groupe fondamental
Conclusion
Bibliographie