TOLERANCE ET RELIGION : LE CAS DE L’ISLAM

Définitions et problématique du concept de tolérance

   Généralement, on parle de tolérance lorsque l’on est en face avec un comportement, une idéologie, une religion, une tradition ou culture qui nous est étranger et que l’on désapprouve. C’est une attitude qui nous amène à supporter la différence des autres dans tous les aspects de leur vie. Cependant la tolérance est une notion qui est parfois comprise de différentes manières. En effet, elle est loin d’avoir une signification simple, unique et unanime pour tout le monde. Néanmoins, nous essayons ici d’exposer quelques définitions afin d’avoir une idée claire de ce qu’elle est. L’étymologie du mot tolérance renvoie au terme latin “tolerare“, qui se traduit en langue française par supporter ou encore endurer. Elle signifie alors une résistance passive face à une charge pouvons-nous dire. Cela nous enseigne déjà qu’elle est une attitude pas facile à adopter, car elle suppose de la souffrance quand on supporte avec endurance une chose que l’on désapprouve, peut-être parce qu’on la considère comme une erreur ou un mal contraire à nos convictions. La tolérance se traduit par le fait d’accepter ce qu’en principe on rejette. C’est l’idée que l’on retrouve d’ailleurs chez Nestor Capdevila quand il dit que « La difficulté de la tolérance est précisément d’accepter ce qui est perçu comme un mal ». Mais au-delà de sa définition étymologique, la tolérance peut être comprise de plusieurs façons, selon les auteurs. Ghislain Waterlot classe les différentes acceptions qu’on lui donne en deux catégories : celles qu’il qualifie de négatives et celles qu’il considère comme ayant un sens positif. En effet, elles peuvent être considérées comme négatives toutes les définitions qui font de la tolérance un calcul, celles qui ne proscrivent le combat que seulement si on a plus à y perdre qu’à gagner. Autrement dit, lorsqu’on n’a pas la capacité ou la force de combattre ce que l’on désapprouve, on le tolère. Dans cette catégorie de définitions négatives, nous pouvons mettre la définition de Nestor Capdevila, selon laquelle « La tolérance est bien une mesure de prudence et une ruse, c’est-à-dire un calcul destiné à favoriser la foi quand le fort n’est assez puissant pour s’imposer complètement et que le faible est suffisamment fort pour résister à cette volonté de puissance ». Par ces propos, nous comprenons que la tolérance, dans ce sens, n’est destinée qu’à ceux-là que nous ne pouvons soumettre par la force. Car toutes les fois que nous sommes assez forts pour agir sans risque de représailles, il n’est nullement question de tolérer ce que nous désapprouvons. La tolérance est dans ce cas-là une option par défaut, par rapport à l’intolérance qui se trouve être ici le choix privilégié, dès qu’on a la force d’agir sans risques. Ici celui qui tolère le fait malgré lui. Il est tolérant parce qu’il n’a pas la force de lutter contre ceux avec qui il est en désaccord. Elle a également un sens négatif lorsqu’elle est comprise comme une sorte de condescendance ou de pitié en l’endroit d’autrui. Par exemple quand il s’agit d’une relation humaine inégalitaire où le plus fort décide d’épargner le plus faible par grâce ou bonté d’âme. Cette idée, on la retrouve dans l’affirmation suivante de Bernard Bourgeois : « Je crois qu’il faut le souligner- cela n’a peut-être pas été assez fait, et c’est pourtant une évidence et une banalité- que la tolérance est une relation d’inégalité. Il y’a une sorte de condescendance dans la tolérance : tolérer c’est supporter, c’est admettre, … ». Cette définition présente un sens négatif du concept, parce que la tolérance y ressemble plus à un cadeau, qu’à un devoir ou une obligation envers notre prochain. La condescendance qui nous pousse à tolérer ne supprime pas notre profond sentiment d’intolérance, car malgré tout nous restons convaincus que notre soit disant supériorité nous donne normalement le droit d’agir. De l’avis de Bourgeois, celui qui tolère, a toujours le sentiment de supériorité par rapport à celui qu’il tolère, mais que par pitié il décide de l’épargner, en ne le combattant pas. En outre nous pouvons dire qu’une telle définition a un sens négatif pour la seule raison qu’elle ne dénonce pas directement l’intolérance. Mais aussi, comme le précise Waterlot, elle l’est parce que « En tout état de cause elle n’est pas une permission ou une autorisation : elle est une grâce, toujours révocable ». Ce type de tolérance n’est basé sur aucun principe raisonnable et solide mais seulement sur le tempérament ou l’humeur de la personne. En effet, dans la logique qui est celle de Waterlot, la tolérance ne prend son sens positif que lorsqu’elle se fonde sur le droit des hommes d’être libre dans leurs pensées, dans leurs croyances etc. Elle acquiert ce sens, quand elle n’est plus un choix par défaut, mais un devoir pour tout individu de respecter autrui dans sa différence, en admettant que nul homme ne doit prétendre être la référence absolue de toute l’humanité. Hanifa Mezoui soutient à peu la même idée quand elle affirme que « La tolérance est la reconnaissance des droits universels de la personne humaine et des libertés fondamentales d’autrui ». Dans cette définition, il n’y a aucun fardeau à supporter, aucune pitié à avoir pour son prochain, mais seulement des droits à reconnaitre et des devoirs à accomplir pour tout individu vis-à-vis de son prochain. Il n’y a aucune relation de supériorité qui apparaisse dans ce sens.

Intolérance et diversité religieuse

   Le constat que tout le monde peut faire de nos jours c’est que la diversité humaine est inestimable. Elle apparaît partout, par rapport à la couleur de peau, aux ethnies, aux religions, aux idéologies et aux attitudes. Les hommes se ressemblent sur certains paramètres et se différencient sur d’autres. Cependant nous voyons que cette altérité entraîne des divergences qui peuvent aller jusqu’à la haine et au conflit. Elle peut stimuler l’intolérance des uns vis-à-vis des autres. Mais le cas qui nous intéresse ici c’est le rapport intolérance et diversité religieuse. En réalité si tout le monde partageait les mêmes croyances religieuses, il n’y aurait certainement pas de conflits dans ce sens-là. Mais tel n’est pas le cas. Il y a une multitude de religions, allant des religions monothéistes au bouddhisme etc. A présent, le problème est que cette pluralité est souvent conflictuelle. Autrement dit, les musulmans, les juifs, les chrétiens et les bouddhistes n’ayant pas la même conception de la vie, tombent des fois dans le rejet mutuel qui peut aboutir aux affrontements. Quand les fidèles de l’islam pensent que la seule religion parfaite est la leur, ils offensent en cela les adeptes des autres croyances religieuses. Ainsi, ils courent le risque de s’attirer leur haine et leur violence. Et c’est dans ce climat fragile que les hommes évoluent quotidiennement. Au sein même de ces religions citées une différence de vision et de compréhension des enseignements peut provoquer les mêmes effets. En France les affrontements entre protestants et catholiques furent violents pendant la seconde moitié du XVI siècle, avant l’édit de Nantes. Le sunnisme et le chiisme en islam n’ont pas aussi dérogé à la règle. En effet, la fréquence des violences de ce genre, faite pour la cause de Dieu, éveille inévitablement l’esprit critique du philosophe. Lui peut se demander, par exemple, si une affaire aussi individuelle et personnelle comme la croyance, peut faire l’objet de conflits entre individus. Est-il possible de modifier, par la contrainte, le jugement intérieur qu’une personne porte sur la divinité ? L’intolérance peut-elle supprimer la diversité et mener vers une religion unique pour toute l’humanité ? La diversité religieuse n’est-elle pas en réalité un fait de nature indéracinable ? Voilà beaucoup de questions auxquelles il est essentiel de chercher des réponses, dès lors qu’on s’intéresse à ce sujet.Cette assertion laisse penser que les hommes ont et auront tout le temps besoin d’un Dieu dans leur vie. Mais en réalité nous nous représentons différemment la divinité. Ce qui explique d’ailleurs la diversité des croyances. On peut même dire qu’il y a autant de représentations de Dieu que de religions. Ainsi, quand à travers cette multitude chaque religion vise à sauver les âmes, quand chacune prétend proposer la voie du salut, alors chaque homme libre adopte la voie qui le convient, selon ce que lui dictera son cœur ou sa foi. Compris sous cet angle, il est donc naturel et normal de voir des hommes différents de par leur nature, choisir des confessions religieuses différentes. En revanche, ce qui serait absurde, à notre avis, serait de voir quelqu’un qui a déjà choisi sa foi d’une manière véritablement personnelle et autonome, obliger les autres à le suivre dans son chemin. Pourtant c’est ce qui arrive aujourd’hui, avec ceux qui prônent la conversion forcée. Il existe des hommes qui ne peuvent accepter de vivre avec un voisin différent, de par son identité religieuse. Ils sont intolérants, et leur sentiment n’est qu’une dangereuse contradiction quand on s’accorde sur le fait que la diversité des croyances est inhérente à celle des natures humaines. En outre, le respect de l’altérité devient nécessaire, lorsqu’on est de l’avis de Baruch Spinoza qui s’exprime, à ce propos, en ces termes : « Puisque les hommes ont des complexions différentes et que l’un se satisfait mieux de telles opinions, l’autre de telles autres, que ce qui est objet de religieux respect pour celui-ci excite le rire de celui-là, je conclus encore qu’il faut laisser à chacun la liberté de son jugement et le pouvoir d’interpréter selon sa complexion les fondements de la foi, et juger de la foi de chacun selon ces œuvres seulement, se demandant si elles sont conformes ou non à la piété, car de la sorte, tous pourront obéir à Dieu d’un entier et libre consentement et seule et la charité auront pour tous du prix ». En effet, cette affirmation montre que la diversité des consciences n’a rien d’anormal. Elle est même en accord avec l’œuvre de la nature ou de Dieu. Car la nature a déjà établi une certaine logique qui fait que les choses sont comme elles sont, une logique qui fait que les hommes sont différents dans beaucoup de paramètres. Donc le rôle de chaque individu est de respecter cette diversité. Cette conception est en accord avec les propos de l’islamologue Tariq Ramadan qui affirme que « Dieu a voulu l’ordre du monde tel qu’il est, il a décidé la diversité des couleurs et des religions : c’est l’expression de son droit – L’homme libre doit reconnaitre cet ordre et respecter en l’autre le droit de Dieu…Le droit d’être est donné à tous et le devoir de chacun devant Dieu est de le reconnaitre »

La tolérance et le monde contemporain

   Il est vrai que la violence faite au nom de la religion n’est pas un fait nouveau. Par contre, elle connait aujourd’hui une dimension qui interpelle toute l’humanité. Il suffit juste de suivre l’actualité des médias pour constater tous les horreurs qui se font de nos jours au nom de la religion. Cependant, dans le monde actuel où les hommes réclament de plus en plus des droits en vue de s’épanouir comme être humain, il est normal de réagir contre tout ce qui contredit la liberté, la dignité et l’intégration des hommes. La promotion de la tolérance est dans ce cas une nécessité, car elle est une des conditions pour garantir cette liberté et favoriser une paix durable entre des individus qui ont des opinions, des convictions, des religions et des idéologies différentes. Elle est un défi que notre génération doit relever pour mettre en avant la justice et le respect des hommes. Une chose aussi personnelle que la foi ne peut être traitée comme une affaire publique. L’intimité n’est pas publique, elle est privée, il faut donc la traiter comme telle. La religion n’est pas de la politique. Elle ne peut pas être utilisée à cette fin, sinon il y a risque de semer le désordre. Et pour ne pas arriver à ce point, pense Hanifa Mezoui, « il est impératif de mettre un terme à l’utilisation abusive qui est faite de la religion dans la société contemporaine, et de rejeter les idéologies extrémistes qui menacent sévèrement la paix et la compréhension entre les nations et les peuples ». Pour elle, les extrémistes religieux, avec l’usage abusif qu’ils font de la religion, sont une menace pour la stabilité de notre communauté. Leur fatalisme est une vraie menace contre la paix et la concorde dans ce monde devenu un village planétaire et par conséquent ayant besoin de plus de compassion et d’entente. Le monde d’aujourd’hui évolue dans un monde avec un contexte un peu particulier. Les phénomènes de l’immigration et de la mondialisation ont fait qu’au-delà des différences ethniques, raciales religieuses etc…, l’humanité est devenue une seule et unique communauté. Et en effet, pour y établir la paix, la solidarité et la stabilité (essentielles pour toute société humaine), il est nécessaire que chaque individu puisse accepter et respecter l’identité (qu’elle soit sociale, ethnique, idéologique, religieuse etc.) de son prochain. La tolérance s’impose comme une valeur primordiale pour tous les peuples, une vertu essentielle. L’orgueil et l’égoïsme ne doivent plus justifier aucun des actes que nous posons, mais seulement la lumière de notre raison objective. La diversité religieuse n’est pas une menace, elle est une opportunité pour nous de nous informer et de nous enrichir spirituellement et mutuellement. En effet, puisqu’ils sont condamnés à vivre ensemble, le juif, le chrétien, le musulman et le bouddhiste, pour ne citer que ceux-là, ont intérêt à se prendre pour des frères et non pour des ennemis voués à la guerre. Parce que le conflit les conduira tous à la perte. Quand tout le monde est prêt à mourir pour ce qu’il croit, il vaut mieux pour chacun d’essayer, au moins, de respecter la croyance de son prochain. A défaut de cela, les massacres feront toujours le quotidien de notre communauté religieusement hybride. Le musulman sera toujours vu comme le terroriste sanguinaire, et lui, en revanche, continuera aussi de considérer l’occident comme le diable sur terre et les autres religions comme de potentiels ennemies à exterminer. Selon Mezoui, la seule solution aux conflits de différence est la tolérance. C’est ce que nous comprenons en tout cas quand il dit que « Seule la tolérance peut assurer la survie de communautés mixtes dans les différentes régions du globe ». Pour elle, la tolérance joue un rôle important pour la survie de nos sociétés hétérogènes. Les conflits de religion sont une menace et ils ne doivent en aucun cas persister. Si l’on s’inscrit toujours dans la perspective aristotélicienne, qui considère que l’homme ne vivre en dehors du cadre social, on sait alors combien ses semblables lui sont indispensables. Le besoin est réciproque entre individu. Celui qui peut vivre sans les autres, dit Aristote, « est ou un être dégradé ou au-dessus de l’humanité». La solidarité est alors nécessaire pour la réalisation de notre être. Si tel est le cas, alors il est évident que les autres nous sont indispensables, et par conséquent il faut les respecter, les aimer et les protéger, ne serait ce que pour notre propre bien. Sénèque abonde dans le même sens quand il dit que « Notre société est une voute de pierres liées ensemble qui tomberaient si l’une ne soutenait l’autre ». Alors leurs points de se résument à une preuve du rôle important de la solidarité au sein du corps social. Entre individu, s’il n’y a pas de soutien, il n’y a point de société. Le bien-être des parties et celui du tout sont interdépendants selon Sénèque. Etant donné qu’aucune personne n’est absolument autonome, chaque individu est alors, en grande partie, impliqué dans l’épanouissement du groupe. Pour l’harmonie de toutes les sociétés contemporaines, la tolérance est nécessaire. Elle permet de garantir des droits humains comme par exemple la liberté d’expression, la liberté de conscience et de culte, qui doivent être accordée à tout le monde sans exception. Tous les hommes ont le droit naturel d’en jouir et, par conséquent, toute société a l’obligation de les accorder à tous ses membres. Aujourd’hui, la violence peut être provoquée par un régime de dictature. En effet, pour un homme libre (contrairement à un esclave), il est hors de question de renoncer à son « libre arbitre 41» et de vivre selon le commandement absolu d’un autre. Il a besoin de s’exprimer, de manifester sa liberté et son humanité. Et quand on lui ôte ce privilège, alors on ne peut être surpris de le voir se révolter par l’action. Pour Hanifa Mezoui, la violence est l’ultime manifestation de l’inaptitude à s’exprimer. A son avis, l’expression est obligatoire, et soit elle se fait normalement lorsqu’elle est permise, soit par la violence si l’on cherche à l’étouffer. Elle est donc inviolable.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : LA TOLERANCE EN MATIERE DE RELIGION : APPROCHE PHILOSOPHIQUE
I- Définitions et problématique du concept de tolérance
II- Intolérance et diversité religieuse
III-Laïcité et monde contemporain
CHAPITRE 3 : ISLAM ENTRE TOLERANCE ET INTOLERANCE
I-ISLAM ET VIOLENCE
II-LA QUESTION DU JIHAD
III-Tolérance de l’islam : quelques preuves coraniques
CONCLUSION
BIOBLIOGRAPHIE DE RECHERCHE
C- Webographie

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