La réparation de pertes dentaires, partielles ou totales, est à l’origine du développement de nombreuses techniques. Des pertes dentaires peuvent être la conséquence du vieillissement parodontal, de traumatismes maxillo-faciaux, ou de gestes chirurgicaux curateurs de cancers. Elle concerne en France 5 millions de personnes, et représente un problème majeur de santé publique. L’objectif actuel de la recherche clinique doit être de simplifier ce type de réhabilitation en limitant les gestes chirurgicaux associés, pour un résultat durable. C’est dans cette voie que nous tenterons d’établir un modèle numérique représentatif des propriétés mécaniques de l’os mandibulaire qui serait utilisable dans des situations complexes de réhabilitation dentaire. La création d’un modèle numérique de la biomécanique mandibulaire représenterait une aide en chirurgie dentaire et maxillo-faciale dans les domaines de l’implantologie, la traumatologie faciale, la chirurgie orthognatique et réparatrice.
L’élaboration de ce modèle passe par une connaissance précise des propriétés biomécaniques mandibulaires. Dans la perspective de l’élaboration d’un modèle biomécanique numérique de l’os mandibulaire utilisable à terme en santé publique, nous avons retenu comme préalable l’estimation du module d’élasticité E (module d’Young). La détermination précise du module d’Young permettra la création d’un modèle numérique évaluant la répartition des propriétés biomécaniques de l’os mandibulaire cortical.
TISSUS OSSEUX ET IMPLANTS DENTAIRES
Implants dentaires
L’implantologie dentaire a pour but de remplacer une ou plusieurs dents absentes par une racine artificielle (implant), sur laquelle sera fixée une couronne dentaire (prothèse). Cette technique de restauration dentaire fait suite aux travaux de Branemarck, et à la connaissance de l’ostéo intégration du titane [BRA 69]. Depuis 40 ans, un grand nombre de techniques implantaires ont vu le jour, pour permettre actuellement des restaurations de plus en plus complexes dans des cas toujours plus difficiles.
Grâce à ces années de travail et de progrès, les implants actuellement sur le marché, bien que très nombreux, respectent le cahier des charges in vitro. Toutefois, en pratique clinique, le choix du matériel utilisé et des modalités précises de mise en place est souvent aléatoire. La stabilité dans le temps et la durée de fonction d’un implant dentaire dépendent de nombreux facteurs individuels, et notamment des conditions osseuses locales et générales. Afin de répondre à ces conditions osseuses variées, différents types d’implants dentaires ont été, et sont encore actuellement en cours de développement. Quelles que soient leur forme, leur taille, ou leur état de surface, tous sont en titane, et font l’objet de contrôles rigoureux.
Deux types d’implants dentaires sont utilisés en routine :
Les implants axiaux
Ce type d’implant, le plus répandu, prend appui dans l’os cortical et spongieux. Sur le plan de la forme, il s’apparente à une vis, macro ou microfiletée. Sa mise en place nécessite une quantité d’os suffisante, en hauteur et en largeur, afin d’obtenir une bonne stabilité primaire, condition essentielle à l’ostéo intégration du titane. Il est généralement mis en place par vissage après un ou plusieurs forages osseux successifs.
Les implants à plateau d’assise ou Diskimplant®
Le développement de ce type d’implant fait suite aux travaux initiaux du Dr Jean Marc Juillet, puis du Dr Gérard Scortecci [JUI 74, SCO 01]. Cet implant est constitué d’un ou plusieurs disques superposés autour d’un axe. Cet implant autorise un appui multi-cortical, et est ainsi particulièrement adapté aux conditions osseuses difficiles, quantitativement ou qualitativement. Sa mise en place, par insertion latérale, est possible même en présence d’une faible hauteur d’os. Sa stabilité primaire est obtenue par impaction.
En pratique clinique, le choix du nombre et du type d’implant mis en place dans une situation donnée dépend de l’expérience de l’opérateur et est soumis à une grande variabilité. Une meilleure connaissance de la répartition des contraintes au sein de l’os après mise en charge des implants dentaires, pourrait permettre d’en optimiser la forme, le nombre et le positionnement.
Structure de l’os humain
Les os, éléments durs et/ou résistants, constituent la charpente du corps humain en servant de soutien aux parties molles. Ces os (au nombre de 206) remplissent différentes fonctions dans le corps humain. Sur le plan statique, ils donnent au corps sa forme extérieure, soutiennent et protègent les parties molles, et renferment la moelle hématopoïétique. Le tissu osseux, comme le tissu cartilagineux, est un « tissu squelettique », tissu conjonctif spécialisé, caractérisé par la nature solide de la matrice extra cellulaire (MEC). La matrice osseuse a la particularité de se calcifier, ce qui la rend opaque aux rayons X et permet l’étude des os par radiographie.
Le squelette a 3 fonctions :
• Fonction mécanique : le tissu osseux est un des tissus les plus résistants de l’organisme, capable de supporter des contraintes mécaniques, donnant à l’os son rôle de soutien du corps et de protection des organes.
• Fonction métabolique : le tissu osseux est un tissu dynamique, constamment remodelé sous l’effet des pressions mécaniques, entraînant la libération ou le stockage de sels minéraux, et assurant ainsi dans une large mesure (conjointement avec l’intestin et les reins) le contrôle du métabolisme phosphocalcique.
• Fonction hématopoiétique : les os renferment dans leurs espaces médullaires, la moelle hématopoïétique, dont les cellules souches, à l’origine des 3 lignées de globules du sang, se trouvent au voisinage des cellules osseuses. Les cellules stromales de la moelle osseuse fournissent un support structural et fonctionnel aux cellules hématopoiétiques. Certaines d’entre elles sont des cellules souches multipotentes susceptibles de se différencier dans de multiples lignages différents (fibroblastes, chondrocytes, ostéoblastes, adipocytes).
En outre les os détoxifient le corps en éliminant les métaux lourds, tels que le plomb et l’arsenic, ainsi que d’autres toxines véhiculées par la circulation générale. Le tissu osseux est constitué d’eau (environ 1/4 du poids de l’os), de matières organiques (environ 1/3 du poids de l’os, dont la majeure partie est représentée par une protéine,l’osséine) et de sels inorganiques (le calcium, le phosphore, et le magnésium prédominent, bien que l’on trouve également du fer, du sodium, du potassium, du chlore et du fluor en petites quantités). Deux méthodes de classification servent à différencier les os du corps. Le premier système de classification est basé sur l’emplacement anatomique de l’os (axial ou appendiculaire), le second sur sa forme (long, court, plat, ou irrégulier). La mandibule fait partie des quatre-vingt os axiaux qui se répartissent le long de l’axe central, vertical du corps.
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Table des matières
I – INTRODUCTION
II – TISSUS OSSEUX ET IMPLANTS DENTAIRES
1 – Implants dentaires
1 – 1 – Les implants axiaux
1 – 2 – Les Diskimplants®
2 – Structure de l’os humain
2 – 1 – Introduction
2 – 2 – Le tissu osseux
2 – 2 – 1 – Les différentes cellules du tissus osseux
2 – 2 – 2 – La matrice extra cellulaire
2 – 2 – 3 – Le remodelage osseux
3 – L’os mandibulaire
3 – 1 – Anatomie
3 – 2 – La résorption mandibulaire corporéale
4 – Bases mécaniques de l’os
4 – 1 – L’effort – déplacement
4 – 2 – La contrainte – déformation
4 – 3 – L’anisotropie
4 – 4 – Viscoélasticité
5 – Caractérisation mécanique de l’os
5 – 1 – Essai en compression
5 – 2 – Essai en traction
5 – 3 – Essai en cisaillement
5 – 4 – Essai en flexion
5 – 5 – Caractérisation ultra sonore
5 – 6 – Nano indentation
5 – 7 – Essai de fatigue
5 – 8 – Interprétation des résultats en fonction de l’essai mécanique
6 – Module d’Young de l’os cortical mandibulaire
7 – Limites des méthodes d’identification classiques
8 – Modélisation par éléments finis: Principes
9 – Bilan sur les propriétés mécaniques de l’os
III – IDENTIFICATION DES PROPRIETES MECANIQUES DE L’OS MANDIBULAIRE
1 – Introduction
2 – Identification des paramètres rhéologiques par analyse inverse
3 – Approche expérimentale
3 – 1 – Technique de prélèvement
3 – 2 – Imagerie et génération du maillage
3 – 3 – Les essais expérimentaux
4 – Approche numérique
5 – Méthode d’analyse des résultats
5 – 1 – Analyse mathématique
5 – 2 – Analyse numérique
IV – RESULTATS DE LA CARACTERISATION MECANIQUE
1 – Observations générales
2 – Première série d’essais : machine Zwick®
3 – Seconde série d’essai : machine Instron®
4 – Comparaison des logiciels FORGE 2005® et ABAQUS®
5 – Analyse par le post processeur
6 – Conclusion
V – DISCUSSION
1 – Validation méthodologique
2 – Interprétation des résultats
3 – Facteurs pouvant influer la détermination du module d’Young
3 – 1 – Le site de prélèvement
3 – 2 – L’essai mécanique
3 – 3 – L’âge des cadavres et leur statut dentaire
3 – 4 – La porosité de l’os
3 – 5 – L’état d’hydratation
3 – 6 – La température de l’essai
3 – 7 – Le mode de conservation
3 – 8 – Evaluation de l’anisotropie
4 – Conclusion
VI – APPLICATION : MODELISATION NUMERIQUE DE L’OS MANDIBULAIRE
1 – Introduction
2 – La phase expérimentale
2 – 1 – Objectifs des tests expérimentaux
2 – 2 – Le matériel osseux
2 – 3 – Le matériel implantaire
2 – 3 – 1 – Choix du matériel
2 – 3 – 2 – Mise en place de l’implant
2 – 4 – Tests expérimentaux
2 – 4 – 1 – La machine d’essai
2 – 4 – 2 – Protocole d’essai
2 – 5 – Résultats des tests expérimentaux
2 – 5 – 1 – Observations durant l’essai
2 – 5 – 2 – Analyse des résultats
3- Développement du modèle numérique
3 – 1 – Objectifs de la modélisation numérique
3 – 2 – L’acquisition des données
3 – 2 – 1 – Imagerie osseuse
3 – 2 – 2 – CAO de l’implant
3 – 3 – Génération du modèle 3D et maillage volumique
3 – 4 – Simulation numérique
3- 4 – 1 – Le logiciel FORGE 2005®
3 – 4 – 2 – La pièce osseuse
3 – 4 – 3 – L’implant
3 – 4 – 4 – Conditions aux limites
3 – 4 – 5 – La simulation numérique
4 – Résultats de la phase numérique
4 – 1 – Analyse numérique
4 – 1 – 1 – Analyse des contraintes dans l’os
4 – 1 – 2 – Analyse de contraintes sur l’implant
4 – 2 – Analyse comparée de l’essai et de la simulation numérique
4 – 2 – 1 – Analyse des courbes obtenues
4 – 2 – 2 – Analyse des déformations de l’implant
VII – CONCLUSIONS