Tiers Digne de Confiance

Un stage dans un service d’Action Educative en Milieu Ouvert

Ce service met en œuvre des mesures d’accompagnement et de protection, pour des enfants et des adolescents, prononcées par le Juge des Enfants. L’objectif premier est que l’enfant ou l’adolescent ne soit plus en danger dans son milieu familial et que les parents exercent leur autorité parentale de manière adaptée quand cela leur est possible. Les suivis sont menés en binôme par des travailleurs sociaux et des psychologues. Le binôme tente de travailler la place de chacun dans le groupe familial afin que chacun puisse se faire reconnaitre et reconnaisse les autres.

Quand les positionnements familiaux restent flous, l’équipe va travailler alors à ce que chacun puisse reprendre sa place d’adulte ou d’enfant. L’entretien et l’observation clinique réalisés par le psychologue permettent de faire émerger, par la parole, la reconnaissance de conflits à l’origine d’une souffrance psychique propre au sujet. Le psychologue est amené à effectuer des entretiens de soutien, à tenter d’éclaircir une problématique spécifique à la famille. Il ne s’engage pas dans un processus thérapeutique. Si cela est nécessaire, l’enfant ou l’adulte concerné est dirigé vers un service de soins type Centre Médico Psychologique (CMP).

Des éléments d’anamnèse retenus à la lecture du dossier

Karine est une adolescente de 15 ans, sœur de Quentin (11 ans) et de Thomas (3 ans). Chaque enfant a un père différent. Quentin et Thomas connaissent leur père mais n’ont pas de lien avec eux. Karine ne sait pas qui est son père. Tous les trois bénéficient d’une mesure d’aide éducative depuis trois ans. Ils vivaient avec leur mère jusqu’à ce que Karine et ses frères soient placés chez leur tante nommée par le juge personne « Tiers Digne de Confiance ». A ce moment-là, Karine a 13 ans, Quentin, 9 ans et Thomas 18 mois. Le placement a été ordonné suite à un rapport du SAEMO dans lequel il est fait état « d’enfants livrés à eux-mêmes ». La mère, en difficulté dans la gestion du quotidien, a été placée sous curatelle. Elle est décrite comme vulnérable face à l’environnement extérieur. « Elle ne perçoit pas les besoins essentiels de ses enfants et privilégie ses relations amicales». Ses amis, eux-mêmes en difficultés, partagent pendant des semaines le quotidien de la famille au domicile maternel. La mère ne prend pas conscience des répercussions que cela peut avoir sur ses enfants. Karine a dû, très jeune, se débrouiller toute seule et petit à petit, s’occuper de Quentin puis de Thomas.

La mère a laissé à Karine une place de mère substitutive auprès de son plus jeune frère. Le fonctionnement familial s’est construit sur le mode de l’agres sivité. Karine peut adopter «un comportement tyrannique face à sa mère pour obtenir ce qu’elle veut ». Elle peine à accepter l’autorité de l’adulte et les frustrations. Cela peut déclencher chez elle des manifestations de violences verbales voire physiques tant dans le milieu familial que scolaire. A l’école, elle refuse de faire le travail. Elle est en recherche de conflit, surtout avec les enseignants masculins. Elle est décrite comme étant en difficulté dans ses liens avec ses pairs.

Les projections importantes

Il est difficile de discerner ce qui est réel ou projeté. La question perpétuelle des ressentis et de son positionnement face à l’autre est difficile. Karine est atteinte par les projections affectives de sa mère et de sa tante, par leurs expressions d’émotions et d’agressivité. Chacune d’entre elles, à travers leur vécu, invite inconsciemment Karine à une place d’objet sexualisé. La mère la traite de « putain » et sa tante de « fille née sur le trottoir, qui est comme sa mère ». La tante en ayant peur pour sa nièce, ne vient-elle pas inconsciemment la convoquer à la même place que sa mère qui fait « des enfants à tirelarigot », ou à sa propre place d’adolescente violée ? Elle a peur que Karine vive « la même chose qu’elle ». Les histoires individuelles se confondent dans celles des autres. Kaës dit : « la famille interne se confond avec la famille réel, et tout ce qui arrive dans un espace psychique arrive aussi dans l’autre. Chacun est à la place qui lui est assignée par la famille »

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Table des matières

INTRODUCTION
UN DISPOSITIF DE RECHERHE
1. UN STAGE DANS UN SERVICE D’ACTION EDUCATIVE EN MILIEU OUVERT
2. UNE METHODE DE RECHERCHE
3. UN CONTEXTE DE RECHERCHE
DES DONNEES RECUEILLIES
1. DES ELEMENTS D’ANAMNESE RETENUS A LA LECTURE DU DOSSIER
2. KARINE A PARTIR DES ENTRETIENS
2.1. Un désir d’exclusivité avec ses pairs
2.2. Une quête d’amour
2.3. Être femme, être mère
2.4. Une relation insécurisante
3. UN SUIVI REORIENTE
3.1. Un entretien à domicile
3.2. Un passage de relais
IMPLICATION PERSONNELLE
UNE REFLEXION THEORICO-CLINIQUE
1. UNE PROBLEMATIQUE
2. UNE QUETE AFFECTIVE
2.1. Une filiation traumatique énigmatique
2.1.1. Une blessure narcissique
2.1.2. Karine n’est pas issue d’une relation amoureuse
2.1.3. Un Moi fragile
2.2. Une dévalorisation de soi
2.3. Une mère en difficulté
2.3.1. Des défaillances maternelles
2.3.2. Une mère en souffrance
3. UNE PROBLEMATIQUE DE L’ALTERITE
3.1. Les relations intrafamiliales de Karine
3.1.1. Des sentiments ambivalents pour sa mère
3.1.2. Une relation à sa grand-mère idéalisée
3.1.3. Une tante nommée « tiers digne de confiance »
3.1.4. Des relations avec ses frères
3.2. Une recherche de relation exclusive
4. UNE TRANSMISSION TRAUMATIQUE
4.1. Une confusion dans les places et une problématique incestueuse
4.2. Des projections importantes
4.3. Des modèles masculins et féminins défaillants
4.4. Des traces de répétitions
5. UTILISATION DE L’AEMO PAR KARINE
CONCLUSION
BIBILOGRAPHIE
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