L’embolie pulmonaire (EP) constitue avec la thrombose veineuse profonde (TVP) les manifestations de la maladie veineuse thromboembolique (MVTE). Elle est définie comme l’obstruction partielle ou totale des artères pulmonaires ou de leurs branches par des emboles, le plus souvent d’origine fibrinocruorique. L’EP aigue est la plus grave présentation de la MVTE et une cause majeure de mortalité, de morbidité et d’hospitalisation [44]. A noter qu’elle représente une urgence cardiovasculaire relativement commune. En obstruant le lit artériel pulmonaire elle peut engager le pronostic vital. Cependant le diagnostic précoce est fondamental parce que la prise en charge précoce est très efficace [79].
En l’absence de traitement, la mortalité des EP est élevée, de l’ordre de 25 à 30% et serait due le plus fréquemment à des récidives [1]. Sous traitement, le pronostic est lié à l’existence d’un état de choc du fait de l’importance de l’obstruction vasculaire pulmonaire ou pour des EP plus modérées à l’existence d’une pathologie cardio-pulmonaire sous-jacente. Dans les EP minimes et moyennes, la mortalité reste faible de 1 à 10%. Dans les EP massives, elle est en moyenne de 15 %. À long terme, la mortalité des patients traités pour une EP de gravité variable est élevée de 25 à 30%, liée essentiellement à l’existence d’une néoplasie sous-jacente ou à une affection cardiorespiratoire associée. La survenue d’une hypertension artérielle pulmonaire chronique est rare, moins de 1% des cas ; elle est le plus souvent la conséquence d’embolies pulmonaires répétées, non diagnostiquées et non traitées [68] L’évaluation de la gravité de l’EP a évolué ces 10 dernières années grâce à l’utilisation des marqueurs pronostiques, biologiques (Troponine, peptide natriurétique B) et morphologiques (dilatation des cavités droites). Ainsi, il est désormais possible d’identifier parmi les embolies pulmonaires générales, les EP à haut risque de mortalité et les embolies à risque intermédiaire [92]. Les EP à risque élevé représentent 5% du total des EP aigues et constituent une urgence vitale justifiant une prise en charge thérapeutique immédiate [56].
La définition de cette dernière repose sur une pression artérielle systolique < 90 mmHg et pression artérielle diastolique < 60 mmHg ou réduction d’au moins 30 mmHg de la pression artérielle systolique par rapport à une mesure antérieure récente [73]. Les patients, avec choc cardiogénique et hypotension artérielle systémique, justifient l’instauration rapide d’un traitement fibrinolytique. Ce travail consistera donc à démontrer l’intérêt de la thrombolyse précoce chez les embolies pulmonaires graves à haut risque de décès précoce répondant aux différents critères.
EPIDEMIOLOGIE
En Europe et aux Etats Unis
L’embolie pulmonaire est une pathologie grave, fréquente et de diagnostic difficile [84]. Sa prévalence en Europe est de 17- 42,6% des malades hospitalisés et 8- 52% des vérifications nécrosiques [4, 74, 78]. Elle demeure une affection grave responsable 317000 décès dans six pays de l’Union Européenne (avec une population de 454,4 millions). Elle constitue la 3éme maladie cardiovasculaire la plus fréquente en France et aux Etats unis d’Amérique, la 3ème cause de mortalité [44].
En Afrique
Si l’on parcourt la littérature, les données africaines ont prouvé que la pathologie est par contre réputée rare chez le sujet de race noire. Au Nigéria, il a été rapporté en 1967, 58 cas autopsiques d’EP recensés sur une durée de cinq années dans un hôpital d’Ibadan [3]. En Afrique du Sud, Joffre a montré en 1974 que l’incidence des TVP post-opératoires était élevée chez les SudAfricains comparée aux Européens [38].
Au Sénégal particulièrement
Au Sénégal, Ndiaye MB [64] a colligé 8 patients ayant présenté une embolie pulmonaire à haut risque sur 32 cas d’EP soit une prévalence hospitalière de 25%. Par contre Bodian dans sa série rapporte une prévalence hospitalière de l’EP à haut risque de décès précoce de l’ordre de 23,3% [7].
ANATOMIE DU CŒUR
Le cœur est logé dans le médiastin antérieur délimité latéralement par les poumons, en bas par la coupole diaphragmatique, en avant par le sternum et le grill costal, en haut par la trachée et les gros vaisseaux et en arrière par le médiastin postérieur contenant l’œsophage.
Anatomie externe
Le cœur est de forme pyramidale triangulaire avec un grand axe oblique en avant, à gauche et en bas, une base regardant en haut, en arrière et à droite et un sommet (apex) en regard du 5° espace intercostal gauche. Ses faces sont antérieure, inférieure et gauche.
Anatomie interne
Le cœur est divisé en 4 cavités par une cloison verticale et une cloison horizontale : 2 cavités supérieures : les oreillettes et 2 cavités inférieures : les ventricules. Les deux oreillettes sont séparées par le septum inter auriculaire (situé en profondeur du sillon inter auriculaire). Les deux ventricules sont séparés par le septum inter ventriculaire (situé en profondeur du sillon interventriculaire). Les oreillettes communiquent aux ventricules par les orifices auriculo-ventriculaires. On distingue ainsi un cœur droit constitué d’une oreillette et d’un ventricule droits communiquant par un orifice tricuspide et un cœur gauche constitué d’une oreillette et d’un ventricule gauche [17].
Vascularisation myocardique : réseau coronaire
La circulation coronaire correspond aux circulations artérielles et veineuse systémiques propres au cœur .
Réseau coronaire artériel
La circulation artérielle est assurée par les artères coronaires au nombre de deux : l’artère coronaire gauche et l’artère coronaire droite.
➤ L’artère coronaire gauche est constituée d’un segment initial appelé tronc coronaire gauche ou tronc commun qui naît du sinus de Valsalva gauche, passe derrière le tronc de l’artère pulmonaire avant de se diviser en deux branches : l’artère interventriculaire antérieure et l’artère circonflexe.
● L’artère interventriculaire antérieure, descend dans le sillon interventriculaire, contourne le bord droit du cœur près de la pointe et se termine dans la partie inférieure du sillon interventriculaire. Elle donne des branches diagonales destinées à la paroi antérieure du ventricule gauche, des branches perforantes (branches septales) pour le septum interventriculaire et des branches pour le ventricule droit.
● L’artère circonflexe, chemine dans le sillon auriculo-ventriculaire gauche jusqu’à la face inférieure du ventricule gauche en général sans atteindre la croix des sillons Ses principales branches dites latérales (ou marginales) sont destinées à la paroi postéro-latérale du ventricule gauche.
➤ L’artère coronaire droite naît du sinus de Valsalva droit, chemine dans la partie droite du sillon auriculo-ventriculaire, contourne le bord latéral du ventricule droit jusqu’à la croix des sillons où elle bifurque dans la portion postérieure et inférieure du sillon interventriculaire. Elle vascularise les parties inférieures du septum interventriculaire, des ventricules et l’essentiel du tissu nodal.
Le réseau coronaire veineux
Il est constitué :
➤ D’une grande veine cardiaque qui naît à la base du cœur, longe l’artère interventriculaire antérieure par la gauche et s’engage dans le sillon auriculoventriculaire pour devenir satellite de l’artère circonflexe avant de se terminer dans le sinus veineux coronaire qui se jette à la face postérieure de l’oreillette droite.
➤ D’une petite veine cardiaque qui chemine dans le sillon auriculo ventriculaire droit avant de se jeter dans le sinus coronaire
➤ D’une veine moyenne cardiaque: sillon interventriculaire
➤ D’autres petites veines accessoires qui se drainent directement dans les cavités.
ANATOMIE DU POUMON
Les poumons et les plèvres sont situés dans la cavité thoracique. L’orifice supérieur est situé au niveau de la première côte et au bord supérieur du thorax. L’orifice inférieur du thorax est large, fermé par le muscle diaphragme. Cette cavité thoracique est divisée en deux par le médiastin dont l’élément le plus volumineux est le cœur dans le médiastin antérieur. Le médiastin sépare les deux hémithorax droit et gauche où se placent les poumons droit et gauche (pairs). Chaque poumon a la forme d’une pyramide avec une base inférieure par laquelle il repose sur le diaphragme (face diaphragmatique) et un sommet (apex qui sort de l’ouverture crâniale du thorax et dépasse la première côte en haut [13]. Le poumon droit est divisé en trois lobes (supérieur, moyen et inférieur). Le poumon gauche est divisé en deux lobes (supérieur et inférieur). À gauche, la partie lingulaire du lobe supérieur correspond au lobe moyen droit. Les lobes sont séparés par des scissures ; il y en a deux à droite (la grande ou oblique, et la petite ou horizontale) et une à gauche (l’oblique) (Figure 9). Chaque lobe des poumons est divisé en segments pulmonaires. La vascularisation pulmonaire artérielle est double : le système pulmonaire ou vascularisation fonctionnelle et bronchique ou vascularisation nourricière.
|
Table des matières
INTRODUCTION
1. EPIDEMIOLOGIE
1.1. En Europe et aux Etats Unis
1.2. En Afrique
1.3. Au Sénégal particulièrement
2. ANATOMIE DU CŒUR
2.1. Anatomie externe
2.2. Anatomie interne
2.2.1. Circulation sanguine intracardiaque
2.3. Vascularisation myocardique : réseau coronaire
2.3.1. Réseau coronaire artériel
2.3.2. Le réseau coronaire veineux
3. ANATOMIE DU POUMON
3.1. La vascularisation fonctionnelle
3.2. La vascularisation nourricière
4. PHYSIOPATHOLOGIE DE L’EMBOLIE PULMONAIRE
4.1 Origine de l’embolie
4.1.1. Embolie par caillot
4.1.1.1. La triade de Virchow
4.1.1.2. Le schéma de Sévitt
4.1.1.3. Les phases évolutives d’une thrombose veineuse
4.1.2. Embolie par autres matériels
4.2. Conséquences hémodynamiques de l’embolie pulmonaire
4.2.1. Résistances vasculaires pulmonaires
4.3.2. Les conséquences cardiaques
4.3.2.1. Fonction ventriculaire droite
4.3.2.2. Conséquences sur la circulation coronaire
4.3.3. Vue intégrée de la physiopathologie et du traitement de la défaillance ventriculaire droite dans l’embolie pulmonaire
5. DIAGNOSTIC POSITIF
5.1. Eléments du diagnostic
5.1.1. Signes cliniques
5.1.1.1. Signes fonctionnels
5.1.1.2. Signes d’examen
5.1.1.2.1. Signes Généraux
5.1.1.2.2. Signes physiques
5.1.1.2.3. Probabilité clinique
5.2. Signes cliniques de gravité de l’embolie pulmonaire
5.3. Signes paracliniques
5.3.1. Biologie
5.3.1.1. Bilan standard
5.3.1.2. Gaz du sang
5.3.1.3. Dosage des D-dimères
5.3.2. Electrocardiogramme (ECG)
5.3.3. Radiographie du thorax
5.3.4. Echo-Doppler cardiaque
5.3.5. Echo-Doppler veineux des membres
5.3.6. Tomodensitométrie thoracique : angioscanner thoracique
5.3.7. Scintigraphie pulmonaire de perfusion et de ventilation
5.3.8. Imagerie par résonance magnétique (IRM)
5.3.9. Le cathétérisme droit
5.3.10. Angiographie pulmonaire
5.4. Classification selon la gravité de l’EP
5.5. Stratégie diagnostique devant une suspicion d’EP
6. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
6.1. Pleuro-pneumopathies
6.1.1. Crise d’asthme (contexte clinique)
6.1.2. Les pneumopathies infectieuses
6.1.3. Bronchopneumopathies chroniques obstructives en poussées
6.1.4. La pleurésie
6.1.5. Le pneumothorax
6.2. Maladies cardio-vasculaires
6.2.1. Infarctus du myocarde
6.2.2. Infarctus du ventricule droit
6.2.3. La péricardite aiguë
6.2.4. La dissection aortique
6.2.5. Œdème aigu des poumons
6.3. Les douleurs digestives
7. Diagnostic étiologique (Facteurs étiologiques)
7.1. Facteurs de risque permanents (liés au sujet)
7.1.1. Age
7.1.2. L’Hypertension artérielle
7.1.3. Obésité
7.1.4. Le tabac
7.1.5. Immobilisation
7.1.6. Facteurs de thrombophilie constitutionnelle
7.1.6.1. Déficit en antithrombine III
7.1.6.2. Déficit en protéine C
7.1.6.3. Déficit en protéine S
7.1.6.4. Facteur V Leiden ou résistance à la protéine C activée
7.1.6.5. Facteur II G20210A
7.1.6.6. Hyperhomocystéinémie
7.1.6.7. Autres facteurs de thrombophilie constitutionnelle
7.1.7. Facteurs de thrombophilie acquise
7.1.7.1. Syndrome des antiphospholipides
7.1.7.2. Antécédents personnels de maladie veineuse thromboembolique
7.1.7.3. La maladie de Behçet
7.1.7.4. L’hémoglobinurie paroxystique nocturne ou maladie de MarchiafavaMicheli
7.1.8. Facteurs de risque transitoires et autres situations à risque
7.1.8.1. Chirurgie
7.1.8.2. Traumatisme
7.1.8.3. Les néoplasies
7.1.8.4. Maladies neurologiques
7.1.8.5. Les infections
7.1.8.6. Les maladies générales
7.1.8.7. L’insuffisance veineuse chronique
7.1.8.8. Insuffisance cardiaque et infarctus du myocarde
7.1.8.9. Les troubles métaboliques
7.1.8.10. Compression veineuse
7.1.8.11. Syndrome néphrotique
7.1.8.12. Fécondation in vitro (FIV)
7.1.8.13. Grossesse et post partum
7.1.8.14. Médicaments
7.1.8.14.1. Contraception oestro-progestative
7.1.8.14.2. Hormonothérapie substitutive de la ménopause
7.1.8.14.3. Chimiothérapie
CONCLUSION