Théories sur le sentiment de présence
Certains chercheurs ont élaboré des hypothèses sur la manière dont le sentiment de présence se construit. Ils intègrent à la fois les aspects technologiques et psychologiques de la RV, c’ est-à-dire le matériel utilisé et l’expérience vécue par l’ utilisateur. Kalawsky (2000) mentionne que la compréhension du sentiment de présence est complexe, puisqu’ il s’agit d’un paramètre multidimensionnel qui inclut un grand nombre de facteurs et de variables. Une revue des principaux modèles et concepts sous-jacents au sentiment de présence permet toutefois de cerner l’essentiel de ces théories. Les deux facteurs les plus souvent mentionnés dans l’ élaboration des théories sont l’immersion et l’ interaction. L’immersion s’ intègre pour la plupart des auteurs dans une vision traditionnelle du sentiment de présence, qui est un point de vue plutôt objectif de la manière dont il se construit (van der Straaten, 2000). Selon ce point de vue, l’immersion renvoie principalement à la technologie de la RV. Slater et Wilbur (1997) expliquent que l’immersion est l’extension d’un logiciel capable d’induire l’ illusion qu’ il est inclusif et enveloppant. Ainsi, plus le système est capable d’ induire chez l’ utilisateur l’ illusion d’être dans un environnement réel, plus il est immersif. Slater (2003) illustre notamment cette idée en comparant l’immersion à la couleur et le sentiment de présence à la perception de celle-ci. Deux personnes pourront percevoir une même couleur de manière différente, tout comme à l’ intérieur d’un même système immersif, deux personnes expérimenteront des niveaux de sentiment de présence différents.
De manière similaire, Lombard et Ditton (1997) expliquent l’immersion comme étant l’ illusion perceptive de non-médiation, c’ est-à-dire que la personne « oublie » qu’elle est en train d’ utiliser une technologie, ce qui permet au sentiment de présence d’émerger. Par ailleurs, Witmer et Singer (1998) adoptent un point de vue plus subjectif du principe d’immersion. Ils mentionnent que l’immersion est un état psychologique au même titre que le sentiment de présence, qui agit comme intermédiaire avec l’environnement virtuel. Selon ces auteurs, le logiciel provoque un sentiment . d’immersion qui, à son tour, entraine le sentiment de présence. Ainsi, les deux points de vue se complètent. L’un perçoit l’immersion comme une propriété intrinsèque de la RV et l’autre comme un sentiment pouvant être provoqué par la RV. En considérant le point de vue objectif, l’immersion devient un paramètre facilement contrôlable, c’ est-à-dire qu’ il peut être manipulé afin d’observer ses effets sur d’ autres variables. Par contre, selon le point de vue subjectif, l’immersion devient un paramètre plus difficile à maitriser et qui entraine une complexité supplémentaire dans la compréhension du fonctionnement de la RV. Aussi, ce dernier point de vue de Witmer et Singer ne fait pas l’unanimité et plusieurs des auteurs préfèrent considérer l’immersion comme un phénomène objectif plutôt que subjectif. L’immersion telle que conçue par Witrner et Singer ressemble davantage aux théories dites écologiques de l’interaction. En effet, l’ autre facteur souvent mentionné dans l’élaboration des théories sur le sentiment de présence est l’ interaction.
Cela s’ intègre dans une vision écologique plutôt que traditionnelle du sentiment de présence (van der Straaten, 2000). Le point de vue écologique renvoie ici au fait qu’ il existe une interdépendance entre les variables impliquées dans la création du sentiment de présence, soit les aspects technologiques et psychologiques. Ainsi, plutôt que de concevoir la création du sentiment de présence comme un processus linéaire provenant d’une technologie immersive, comme décrit précédemment, la vision écologique la conçoit comme un processus plus dynamique. L’interaction se perçoit de cette façon en termes d’action – réaction entre l’homme et l’ordinateur (Bystrom et al., 1999; van der Straaten, 2000). Zeltzer (1992) a été un des premiers à parler de ce concept en proposant le modèle Autonomie, Interaction, Présence (AIP). Globalement, il explique que la combinaison des trois composantes du modèle renvoie à l’idée que le sentiment de présence est créé grâce à la possibilité que l’environnement virtuel a de se modifier en fonction des actions posées par l’utilisateur.
Par exemple, le choix de l’utilisateur de déplacer un objet ou encore d’ouvrir une porte ou non dans l’environnement virtuel modifiera l’image projetée ou le cours des événements se produisant dans la RV. De manière similaire, Zahorik et Jenison (1998) expliquent l’interaction en soutenant que le sentiment de présence est rendu possible si le système est en mesure de donner une rétroaction proportionnée à celle que l’utilisateur aurait dans la vie de tous les jours. Des auteurs soulèvent qu’il faut considérer à la fois les caractéristiques du média et les caractéristiques de l’utilisateur dans cette interaction (Banos et al., 2004; Coelho et al., 2006; Ijsselsteijn, de Ridder, Freeman, & Avons, 2000; Usoh et al., 1996). Les caractéristiques du média renvoient à la forme utilisée (p.ex. : la résolution de l’écran, le visiocasque) et au contenu présenté (p.ex. : les objets, acteurs et événements). Les caractéristiques de l’utilisateur renvoient plus particulièrement à l’âge, le sexe, la culture, les capacités perceptives, cognitives et motrices, ainsi que la motivation de ce dernier. L’interaction entre ces variables aura donc pour effet de contribuer à l’augmentation ou à la diminution du sentiment de présence.
Évaluation du sentiment de présence Pour connaitre le niveau de sentiment de présence ressenti par l’utilisateur de la RV, il faut pouvoir en mesurer l’ intensité. Il existe un certain nombre de mesures développées par les chercheurs et elles se divisent principalement en deux catégories : les mesures subjectives et les mesures objectives. La méthode subjective consiste principalement en une auto-évaluation de la part de l’ utilisateur. Pour la majorité, cette évaluation est réalisée à l’aide d’un questionnaire administré après l’immersion dans l’environnement virtuel. Il vise à recueillir l’ impression auto-rapportée de sentiment de présence chez l’utilisateur (Insko, 2003) Tous les questionnaires sur le sentiment de présence utilisent une échelle de type Likert. L’ utilisateur doit alors déterminer son degré d’accord ou de désaccord pour chacune des affirmations proposées, en choisissant parmi cinq ou sept niveaux progressifs de réponses. Plusieurs chercheurs développent leur propre questionnaire en fonction du point de vue théorique qu’ ils adoptent. Aussi, certains font ressortir une grande diversité de facteurs pour mesurer le sentiment de présence alors que d’autres se limitent à quelques-uns. Parmi les facteurs les plus communs se retrouvent notamment la sensation de contrôle, le réalisme, le niveau de distraction et l’ implication (Schuemie et al., 2001). Certains avantages inhérents à l’utilisation de ce type de questionnaire font en sorte qu’ il s’ agit de la mesure la plus fréquemment utilisée. Tout d’abord, l’auto-évaluation est facilement accessible. De plus, elle n’ interfère pas dans l’expérience de l’utilisateur pendant l’immersion (Nichols, Haldane, & Wilson, 2000).
Toutefois, elle comporte certains désavantages. La mesure étant effectuée après l’immersion en RV, la variabilité du sentiment de présence au cours de l’expérience n’est pas mesurée. Également, certaines questions peuvent être formulées dans des termes moins accessibles au grand public. Si le chercheur doit expliquer le sens des questions, cela peut influencer la réponse du participant (Insko, 2003). Parmi les autres mesures subjectives utilisées, Bouvier (2009) identifie: 1) la méthode qualitative, qui consiste à interviewer l’ utilisateur sur son expérience; 2) la mesure continue, qui nécessite que le participant active un levier au cours de son expérience en RV pour indiquer à quel niveau de présence il se situe; et 3) la mesure du temps qui passe, c’ est-à-dire que plus l’ utilisateur estime que le temps passé dans l’environnement virtuel est court, plus le sentiment de présence est intense. Ces dernières méthodes présentent toutefois d’importantes lacunes comparativement à l’ utilisation des questionnaires. En effet, ces mesures peuvent très certainement entrainer des difficultés dans l’ interprétation des résultats ou encore entraver le cours de l’ expérience vécue par l’ utilisateur, comme c’ est le cas avec la méthode du levier (Ijsselsteijn et al., 2000; Insko, 2003).
Performance
Tout comme le sentiment de présence, la performance cognitive en RV peut être définie par plusieurs variables. Nash et ses collègues (2000) ont résumé dans leur publication les indicateurs de performance qui sont généralement considérés par les chercheurs et les ont classés en fonction de la modalité de présentation de la tâche. Ainsi, ils associent à la modalité visuelle d’une tâche les indicateurs de performance suivants: la discrimination visuelle, la reconnaissance, la recherche visuelle, l’ estimation d’une grandeur, le jugement d’une distance et la localisation (d’un article, d’une cible). La localisation d’un son est pour sa part un indicateur associé à la modalité auditive. Aux modalités motrices et tactiles, ils associent le déplacement (marcher, naviguer dans l’environnement), la manipulation (objets, boutons ou barres de contrôle), le mouvement de rotation, le temps de réaction (tâches simples ou de choix) et la réponse à une rétroaction kinesthésique. Les indicateurs seront donc déterminés par la nature de la tâche elle-même et engendreront diverses variables de performance, telles que la justesse ou la précision de la réponse, le temps pris pour compléter la tâche, le nombre d’erreurs commises, le nombre de bonnes réponses, le nombre de mouvements effectués, etc. (Kalawsky, 2000).
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Table des matières
Introduction
Contexte théorique
Présentation de la réalité virtuelle
Sentiment de présence
Théories sur le sentiment de présence
Évaluation du sentiment de présence
Performance
Sentiment de présence et performance
Méthode
Participants
Matériel
Instruments de mesure
Classe virtuelle: ClinicaVR: Classroom-CPT
Questionnaire sur l’état de présence
Questionnaire sur la propension à l’immersion
Déroulement
Analyses effectuées
Résultats
Analyse préliminaire
Analyse de fiabilité du questionnaire de présence
Analyses descriptives
Score moyen de sentiment de présence
Score moyen de propension à l’immersion
Scores moyens de performance
Analyses statistiques pour la question de recherche
Discussion
Synthèse des résultats
Sentiment de présence et performance cognitive en RV
L’implication des émotions
L’utilisation des questionnaires
Limites et recommandations
Conclusion
Références
Appendice A. Analyses du questionnaire sur l’état de présence en fonction de l’âge et du sexe
Appendice B. Données normatives préliminaires à la Clinica VR: Classroom-CPT pour une population adolescente
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