Théories et concepts autour du transport routier de fret

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Théories et concepts autour du transport routier de fret

Transport routier international de marchandises : définition fonctionnelle et spatiale

Le transport routier de marchandise qui nous intéresse est le transport international de fret. Par définition, le transport routier de marchandise est le déplacement d’une marchandise entre deux lieux, qui peuvent être situés dans un même pays (la France pour l’essentiel des statistiques SitraM) et/ou entre deux pays différents.9 Le transport international est donc un échange de fret entre un lieu situé en France et un lieu étranger. Les données existantes sur le transport routier international ont été recueillies aux niveaux régional et national. Ces données représentent les flux de transport dont le chargement ou le déchargement se sont déroulés en France, selon les ou le pays de destination ou d’origine. Suivant, les organismes de recueil des données, les termes d’origine/destination et les termes de chargement/déchargement sont les plus utilisés. Cette situation est également valable pour les flux de transport routier international dans le sens Italie-France-Espagne.
Les flux routiers de marchandises sont comptabilisés dans les trois pays, selon leurs origines, et leurs destinations. Les comptages s’opèrent souvent sur les frontières ou au niveau des lieux de chargement ou de déchargement. Les mesures les plus souvent utilisées sont les tonnes transportées, les tonnes-kilomètres réalisées, les valeurs statistiques ou le nombre de trajets et les distances à charge ou à vide.
Le transport routier c’est aussi les flux de transit qui proviennent des régions situées en dehors de la zone d’étude. C’est notamment les flux de transit en provenance du Portugal et de l’ouest de l’Espagne, les flux de transit de l’Europe de l’est et les flux de transit en provenance des autres régions des trois pays, situées en dehors du territoire étudié. Leur importance en nombre et en quantités de marchandises transportées est affirmée sur les enquêtes réalisées. Ces flux dépassent parfois les flux générés par le territoire d’étude. Le transport routier international qui est susceptible d’être transféré vers les AdM, le cas échéant, est celui qui s’effectue dans le sens du trajet maritime entre les ports de référence (Marseille et Sète en France, Valence et Barcelone en Espagne et Gênes, Savona, Livourne et Civitavecchia en Italie). La direction des flux routiers internationaux avec les distances de rapprochement vers les ports permettent de délimiter l’étendue des arrière-pays portuaires. Ce qui revient donc à s’interroger sur les notions de distances réellement observées, qui situent les origines et les destinations des flux de transport routier international de marchandise dans le territoire d’étude.
Le transport routier international de fret se comprend aussi par le statut juridique du transporteur. Ce statut distingue le transport pour compte d’autrui et le transport pour compte propre (privé). Les statistiques et les chiffres des échanges de fret entre le sud de la France, le nord et le centre de l’Italie et l’est et le centre espagnol montrent une dynamique intense du commerce international entre les diverses régions de ces trois pays.

Les entrées transfrontalières dans l’aménagement des espaces des flux routiers

Deux types de flux routiers sont intéressants pour le report modal vers les AdM : les flux routiers de transport international qui traversent les frontières franco-italienne et franco-espagnole dans les deux directions, et les flux routiers d’acheminement de la marchandise embarquée ou débarquée dans les ports, en direction ou en provenance des arrières-pays. Le tableau 5 donne les chiffres de camions enregistrés sur les passages transfrontaliers franco-italiens au cours des années 1994, 2001 et 2008. Le nombre de camions (porteurs, semi-remorques et remorques) pendant l’année 2008, dans les deux sens, est estimé à 2.700.000. Ce qui donne pour le sens France-Italie ou Italie-France des flux routiers de marchandises approximativement situés entre 1.000.000 et 1.300.000 camions par an. Les deux principaux passages transfrontaliers qui nous intéressent sont en l’occurrence le passage de Ventimiglia reliant les autoroutes A8 du côté français et A10 du côté italien, et le tunnel du Fréjus reliant l’autoroute A43 du côté français et l’A32 du côté italien. Le passage de Montgenèvre fait aussi partie des points de traversée mais n’implique qu’une faible partie des flux routiers de marchandises. À cela s’ajoutent les flux espagnols traversant les Pyrénées, en direction du sud de la France ou du nord et centre de l’Italie et vers d’autres destinations.
Ces flux sont donc le résultat des échanges entre le sud de la France, l’est de l’Espagne et le nord de l’Italie. Ils s’inscrivent dans le schéma général de la circulation routière de marchandises entre les trois pays, et témoignent de l’importance des importations et des exportations entre les territoires.

L’espace et le temps dans le transport de fret

L’espace en géographie économique et en économie spatiale

L’introduction de l’espace dans les études sur le transport international de fret et la logistique n’est pas une tâche facile. L’espace est pris en compte dans la modélisation du choix modal au moyen des coûts de transport et des mesures de la distance. Cependant, le coût de transport et la distance, seuls, ne permettent qu’une analyse spatiale trop limitée pour saisir l’ensemble des effets et des évolutions spatiales caractérisant les échanges de flux de marchandises. Il nous paraît indispensable d’intégrer l’ensemble des élements spatiaux qui sont concernés par les flux de fret.
Abondante est la littérature sur l’espace et les coûts de transport. Le transport de fret intervient dans le coût généralisé des entreprises de production. Le coût de transport est comptabilisé avec les coûts de la fabrication pour évaluer les coûts globaux de la production. La variation des coûts de transport, soit par leur diminution, soit par leur augmentation, a un impact évident sur les activités des entreprises de production. Au niveau de l’espace, cet impact spatial des coûts de transport se matérialise par une extension des aires de marché et un accroissement des distances d’opérativité d’une entreprise de production. Savy (2007) illustre l’impact des coûts de transport sur l’espace en analysant, dans le cas de deux entreprises proches, la variation de leurs aires de chalandise selon les ajustements des coûts utilisés par ces entreprises.
Les coûts de transport interviennent également dans le choix modal entre la route et les AdM. Suivant le schéma des deux entreprises ci-haut évoquées, les modes de transport disposent des marchés selon leurs tarifs et les frais dépensés pendant le transport entre les origines et les destinations des flux. Les coûts de transport cessent d’être uniquement des valeurs monétaires dont la variation joue un rôle sur les chiffres d’affaires pour revêtir aussi une dimension qualitative dans la compétitivité spatiale des entreprises.
Cela conduit à ce que les modes de transport s’organisent et s’articulent selon des structures spatiales qui cherchent une large diminution des coûts de transport et un gain de compétitivité spatiale. Des aménagements et des dynamiques se créent autour d’un mode de transport. La route s’approprie une grande part des marchés de transport international actuel entre l’Espagne, la France et l’Italie. La représentation spatiale des transports routiers de marchandises est plus simple et se résume entre un noeud d’origine et une destination finale.
Le transport routier pour compte d’autrui fait intervenir parfois des passages sur les aires d’entrepôts ou de stockage, ce qui ajoute d’autres noeuds sur le réseau comparativement au transport pour compte propre. Dans le transport intermodal, ce schéma se complexifie davantage par les passages aux aires de changement modal –espace portuaire pour le cas d’une AdM- ce qui joue beaucoup sur les compétitivités de ce mode face aux prestations du mode routier. Deux types d’espaces des flux et des transports peuvent être distingués : un espace matériel des flux de transport, caractérisé par des échanges de marchandises sur les réseaux de transport, et un espace immatériel ou qualitatif, où les perceptions et les points de vue d’acteurs de transport influent grandement sur leur prise de décision relative au choix modal.
Les paragraphes qui suivent, s’intéressent à la manière dont les différentes disciplines traitent de la question de l’espace et du temps dans la représentation et la spatialisation des flux de transport. L’intégration de l’espace, dans la modélisation des flux, diffère selon les méthodes de la géographie économique ou de l’économie spatiale. Il semble pertinent de trouver un modèle qui s’appuie sur les complémentarités des deux disciplines dans la modélisation spatiale des flux de transport de fret.

La place accordée à l’espace dans la modélisation prospective des flux de fret

Cette section définit le cadre théorique dans lequel opèrent les AdM en interconnexion avec les arrière-pays portuaires. La connexion terrestre des AdM implique une diversité d’acteurs qui se répartissent sur le territoire des flux terrestres des AdM, conformément à la loi des marchés et à la compétitivité avec les flux routiers de marchandises, et cette diversité peut poser, des difficultés à la planification des opérations sur les principaux maillons de la chaîne des transports. L’espace exprime l’offre en infrastructures empruntées, des origines aux destinations des flux. Il exprime également la localisation de la demande des industriels et des centres urbains de consommation de produits importés ou exportés. Dans cette démarche, l’analyse de l’espace terrestre des flux et des terminaux portuaires nécessite une connaissance des trajets à l’amont et à l’aval du trajet maritime des AdM, lequel n’étant qu’un élément de l’organisation spatiale sur l’ensemble de la chaîne intermodale.
Des méthodes d’analyse spatiale inspirées par les spécialistes des sciences géographiques aux méthodes d’études de choix modal relevant de l’économie spatiale, cette recherche souhaite mettre en évidence la complémentarité des deux domaines scientifiques. La complexité du transport par AdM ne peut être bien cernée qu’en analysant les systèmes des échanges de fret dans leur globalité.

L’espace dans les domaines de la géographie économique et de l’économie spatiale

Les domaines de recherche de la géographie économique et de l’économie spatiale ont été étudiés à travers une riche et nombreuse documentation existante. La littérature sur la géographie économique est principalement composée des documents suivants : M. Piquant (2003), C. Raymonde (1966), M. Le Berre (1995), B. Sédillot et F. Maurel (1997), Mayer et Mucchielli (1999), F. Plassard (2004), R. Brunet R. et O. Dollfus (1990), J-M.Offner, (1993), Le Gallo (2002), Gaffard et Quéré (1998), Wikipédia, (2014).
La littérature en économie spatiale a été développée au travers des documents suivants : J.-C Perrin (1990), C. Courlet (2008), B. Pecqueur et J-B Zimmermann (2004), J-L. Corraggio (1981), Bertrand, (1956).
Avec la géographie économique et l’économie spatiale, nous disposons de deux visions et de deux angles d’approche différents de l’intégration de l’espace dans les travaux de transport de fret. Il existe des divergences, parfois assez marquées, liées aux finalités et aux méthodes utilisées dans chaque discipline mais aussi des points communs, qui enrichissent les travaux interdisciplinaires, et sur lesquels nous insisterons.
Ainsi, l’économie spatiale et la géographie économique analysent les espaces logistiques et les flux de transport de fret avec des optiques différentes. L’économie spatiale insiste beaucoup sur la répartition, les déséquilibres spatiaux, la polarisation et la diffusion des richesses autour des aires logistiques. L’espace, en économie spatiale, va au-delà des bâtiments logistiques et industriels, il inclut un vaste espace, constitué à la fois des marchés et des lieux d’approvisionnement industriels.
Les travaux développés en économie territoriale insistent sur les avantages et les réductions des coûts par rapport à la localisation des entreprises et les systèmes de gestion et d’organisation des activités économiques. Dans les travaux de l’économie classique, les entreprises étaient étudiées dans une optique de concurrence parfaite sans contrainte. Les méthodes de l’économie spatiale actuelle placent toujours les individus ou les entreprises sous la contrainte des coûts de transport pour vaincre la distance qui les sépare du marché ou des lieux d’approvisionnement. L’espace, en économie, est aujourd’hui étudié à travers la notion de l’interdépendance, de l’interaction, qui se mesure par des flux entre les sujets économiques (entreprises, marchés, sources d’approvisionnement, clients, etc).
L’espace, en géographie, est considéré comme un tout complexe formé d’une part, d’éléments visibles, les lieux, les infrastructures, les espacements et d’autre part, d’éléments invisibles, les inter-relations entre les lieux, qui constituent sa structure et sa dynamique. Les systèmes territoriaux possèdent une organisation spatiale qui exerce des contraintes sur les projets, les décisions, les comportements des agents, mais qui est également un potentiel que ces derrniers réexaminent et réévaluent continuellement, en fonction de leurs besoins, et au regard des dynamiques et des potentialités des autres territoires.
La géographie économique appréhende les objets d’étude en focalisant l’attention sur les rapports entre la société et le territoire, les localisations et les interactions spatiales. Le choix des individus dans leur localisation spatiale dépend de critères spécifiques liés à leurs pratiques ainsi qu’aux avantages qu’offre le site d’implantation choisi comparativement aux autres. Les travaux en géographie économique analysent également les variations multiscalaires des activités de transport et de la logistique. L’approche de la géographie économique hiérarchisée permet d’expliquer les raisons des choix de localisation des entreprises aux différentes échelles du territoire (régional et national).

De l’espace des flux à l’espace intégré dans les échanges extérieurs de fret

De l’espace absolu à l’espace géographique

La modélisation prospective et spatiale s’enrichit de plus en plus par une conceptualisation théorique qui essaie de s’approcher de l’espace géographique. L’espace géographique est un espace vécu par les individus, existant matériellement, constitué de bâtiments, d’ infrastructures et de réseaux de transport. Cet espace est composé de nombreux éléments en interaction réciproques. Il est impossible de les analyser dans leur globalité sans avoir recours à des outils plus systématiques capables de rendre plus compréhensibles ces interactions. Ainsi, d’un espace absolu, plus théorique, à l’espace géographique, réellement observable, les modèles de transport de fret sont classifiés en fonction de leur degré de rapprochement entre le réel complexe difficile à comprendre et l’absolu qui tente de l’exprimer.
M-C. Cassé (dans Bailly, A., et al., 1995) explique que les rapports entre les réseaux de télécommunications et l’espace, se lisent à travers l’agencement des trames et le concept ordonnateur de l’espace : les noeuds, les embranchements et la topologie du réseau. Ces éléments peuvent d’emblée être perçus comme des objets spatiaux, étant partie intégrante de l’espace. En plus d’être un support des flux et d’échanges territoriaux, les réseaux de télécommunication représentent en eux-même un contenu de l’espace.
Or, parler des réseaux et des flux d’échanges qu’ils fournissent, revient en quelques sortes à parler des échanges spatiaux, par leur fonction de desserte des populations et les services. À ce propos, Cassé parle d’un élargissement de « …la notion de réseau technique à celle de réseau territorial ». En résumé, nous avons d’un côté, un espace des réseaux qui est celui des flux qui les parcourent. Cet espace est ancré dans un espace global dont la particularité réside dans le lien entre les services d’accessibilité offerts par ces réseaux et les lieux de localisation des populations ou bénéficiaires de ces services. D’une façon imagée, on aurait plutôt tendance à détacher et à banaliser l’espace par une représentation simplifiée des réseaux et des flux qui les parcourent. Mais en réalité, les limites entre réseaux et espaces desservis, ne cessent de s’estomper quand on cherche à approfondir beaucoup plus sur le rôle de l’espace dans les échanges. Selon les approches spatiales, l’espace des réseaux explicite les relations entre les sociétés et leur territoire à travers le développement inégal et les différenciations spatiales selon l’accessibilité offerte. L’espace et les réseaux de transport sont abordés par F. Plassard, (dans Bailly, A., et al., 1995), en termes de concentration et de discontinuités en fonction de l’accessibilité, en termes de dualisation basée sur la durée des déplacements, la proximité, la continuité et la contiguité.
Dans la pensée économique classique, l’espace est introduit d’une façon implicite et simplifiée, il est soit abstrait, soit homogène et isotrope. L’espace est, au mieux, pris en compte dans une partie des modèles et non pas dans l’ensemble des composantes et des facteurs du système de transport. C. Ponsard (1955) introduit, vers les années 50, la dimension spatiale dans les modèles économiques, en se basant sur les travaux de ses précurseurs [Von Thünen, (1826), Weber, (1909), Christaller, (1933), Loesch, (1940), etc]. Tout phénomène économique y est défini par des coordonnées spatiales (concept de dimension), chaque unité économique correspondant à un centre de décision localisé, constitue un pôle, et les relations entre les pôles constituent des champs de forces. Puis, l’intégration du facteur spatial se poursuit dans les années 90 avec les recherches de Pierre-Henri Derycke sur les réseaux et la couverture équitable du territoire (1992). L’espace apparaît notamment dans l’explication des inégalités territoriales qui fondent les échanges de marchandises.
L’intégration de l’espace commence à prendre plus d’ampleur avec les travaux de l’analyse spatiale. Ainsi, l’analyse spatiale du transport de fret prend appui sur le modèle de Von Thünen, sur le modèle de la localisation industrielle de Weber, sur le modèle de Hotelling et de Palander. Elle se réfère également aux travaux empiriques de Reilly sur la loi de gravitation du commerce de détail, à la théorie des places centrales de Christaller ainsi qu’aux travaux de Lösch. L’apport de ces chercheurs a été majeur. En effet, l’espace cesse d’être un simple support matériel sur lequel se déroulent les échanges. Son intégration modifie complètement toutes les théories classiques et apporte une vision de plus et matérielle de la dimension spatiale. L’espace est aussi mis en avant dans le domaine de l’économie spatiale avec, notamment, les travaux de W. Isard (1951) et dans le champ de la géographie économique, avec P.R Krugman (1991).
Les différences majeures entre ces théories et modèles de l’espace, tiennent en général à l’expression de l’espace. Les degrés de représentation de l’espace diffèrent selon le rapport entre le réel et l’abstrait. La représentation de l’espace se fait au moyen de points, de lignes et de surfaces. Actuellement, les modèles de transport cherchent un rapprochement entre l’espace théorique et l’espace concret.

De la représentation concrète de l’espace aux interactions spatiales

L’importance du rapport à l’espace dans l’étude des liens entre les transports et les territoires, a été révélée dans les propos de F. Plassard (2004) : « La question des conséquences de la mise en place d’une nouvelle infrastructure de transport ne peut pas être posée sans faire référence à la production de cette infrastructure elle-même, aux conditions dans lesquelles elle est apparue, et à sa place dans le fonctionnement de l’ensemble du système social ». Une infrastructure s’analyse donc à travers le rôle qu’elle joue, selon le contexte socio-économique dans lequel elle est placée. Ignorer cette relation revient à renoncer à l’ensemble des liens d’interactions qu’elle entretient avec les autres composantes du système. Il ajoute aussi qu’il convient de placer ce nouvel élément territorial dans les grandes mutations du monde contemporain. Rejoignant ainsi l’idée de R. Brunet et d’O. Dollfus (1990) selon laquelle l’infrastructure apporte plus d’explication sur le fonctionnement des systèmes du monde contemporain.
Si « …la relation de cause à effet continue de fournir à l’économie des transports un cadre d’analyse privilégié » (Offner, 1993) se montre critique vis-à-vis de l’idée d’effets structurants systématiques des nouvelles infrastructures de transport, assénée dans les discours politiques comme dans certaines études scientifiques. Les démarches privilégient plutôt l’impact socio-économique issu des externalités des infrastructures. Les infrastructures s’insérent aux territoires structurés par des activités socio-économiques. Ces dernières peuvent évoluer en fonction de nouveaux avantages offerts aux usagers et aux activités. Le travail de J-M Offner ainsi que d’autres travaux sur les effets structurants des infrastructures de transport, montrent qu’il n’existe pas de relation de cause à effet entre la mise en place d’une infrastructure et le développement qui en résulte. J-M Offner constate que l’impulsion des activités socio-économiques autour d’une nouvelle infrastructure, est souvent liée à l’ajustement et à la dynamisation des activités prééxistantes.
Par ailleurs, en raison du recul temporel insuffisant, les effets positifs sont difficilement perceptibles à court terme. En référence à la vision systémique des changements introduits par les infrastructures dans le système territorial, il convient de porter l’attention sur le contexte général de mutation dans lequel s’inscrivent les nouvelles infrastructures, sur le contexte local et sur les potentialités existantes. J. M. Offner (1993) affirme à propos de l’interaction que suscitent les échanges entre les différents facteurs, notamment les facteurs techniques et les facteurs socio-économiques : « On n’en revient pas pour autant à une théorie creuse et tautologique de l’interaction universelle, car rien n’empêche, à l’intérieur du système, d’étudier les différences de dynamismes spécifiques ».
Si l’on veut parvenir à saisir les liens d’interdépendances et les processus d’agrégation qui unissent, les variables en interaction, celles-ci ne doivent pas être isolées les unes des autres. La variable « transport » ne peut être séparée des autres variables socio-économiques. Cette nouvelle conception invite à changer de paradigme en substituant à une logique fondée sur l’étude d’impacts des infrastructures, à une logique plus complexe, intégrant tous les facteurs qui caractérisent le système spatial, avec son épaisseur politique, économique et sociale. « Il y a donc interaction entre les dynamiques structurelles…, et des stratégies d’acteurs…». J-M. Offner souligne également l’importance d’un accompagnement indispensable, pour susciter la dynamique des transformations attendues. Pour cet auteur la notion de « congruence » est expliquée non par un faisceau de causes et circonstances historiques, mais par la mise en évidence d’un parallélisme entre les deux. Il privilègie la piste des interactions réciproques entre l’infrastructure, le contexte socio-économique et historique et les effets produits, plutôt que le rapport de cause à effet, qui reste incertain.
La question des interactions spatiales et des relations entre les objets économiques est souvent étudiée par l’analyse de l’autocorrélation spatiale. Il existe une forte relation entre les méthodes de l’autocorrélation spatiale et les applications dans le domaine de la géographie économique. L’autocorrélation spatiale permet, en géographie économique, de mesurer l’impact des externalités et des interactions entre les variables explicatives spatialisées. «L’introduction de l’espace dans les modèles économétriques n’est ni neutre ni immédiate et les techniques de l’économétrie spatiale visent à prendre en compte la présence de deux importants effets spatiaux : l’autocorrélation spatiale qui se réfère à l’absence d’indépendance entre des observations géographiques et l’hétérogénéité spatiale qui est liée à la différenciation des variables et des comportements dans l’espace » (Le Gallo, 2002).
Enfin, on ne pourrait pas parler de la géographie des transports internationaux de fret sans évoquer l’importance et l’influence des externalités positives sur l’évolution des échanges. Le rôle des facteurs externes dans la régulation des équilibres des systèmes économiques intervient dans certaines situations d’une façon très déterminante, comme élément d’ajustement et de correction des défauts internes. Leur influence est souvent abordée par la notion d’externalités environnementales autour du territoire d’étude (Gaffard et Quéré, 1998).

L’espace portuaire et les aménagements des terminaux

La pérennité d’une ligne d’AdM dépend aussi de la fréquence et de la régularité des navires. Cela pose le problème du nombre de bateaux ainsi que de leur horaire, et d’une organisation continue dans les départs et les arrivées entre les deux ports. Une ligne fonctionnant normalement a besoin de deux bateaux qui effectuent des rotations successives entre le port de départ et le port d’arrivée. Plus de deux navires, lorsque les marchés et les tonnages échangés sont suffisants pour garantir les taux de remplissage (en moyenne 70 %). L’infrastructure « navire », pour une AdM, constitue donc à la fois la chaussée et le bâtiment.
Tout transport nécessite un espace de parking et de stationnement durant les temps d’arrêt ou d’attente. Une AdM requiert un espace pour le chargement et le déchargement du matériel roulant qu’elle transporte. La question du dimensionnement des lieux de stationnement à aménager pose un défi aux autorités portuaires. En effet, la marchandise est déjà embarquée dans des camions. Elle n’a pas besoin d’être stockée comme pour des conteneurs ou d’être déchargée au moyen des grues. Le temps de stationnement est limité. Il correspond le plus souvent aux temps d’obtention d’un permis de sortie du port, en réglant et en remplissant toutes les formalités administratives et douanières.
Les places de parking devraient néanmoins permettre un déchargement de véhicules, et, si les besoins l’exigent, un chargement de nouveaux véhicules pour le prochain départ. Dans d’autres cas une immobilisation du navire sur le quai, dans l’attente d’une prochaine sortie, s’impose. Ainsi, pour un navire d’une capacité maximale de 150 camions, faut-il prévoir un parking de 150 camions ou doubler les emplacements pour permettre les arrivées et les départs successifs ?
Les programmes européens de promotion des AdM prévoient même la simplification de formalités portuaires en un seul et unique enregistrement au port de départ. Dans ce cas, le port de débarquement servira simplement de port de passage, exempté des formalités douanières et administratives. Cette mesure vise en effet à réduire au maximum les temps d’arrêts et d’immobilisation des véhicules et des navires dans les espaces portuaires. Il en va de même pour la réduction des besoins en espaces de stationnement. Les espaces portuaires et les aménagements en infrastructures pour l’accueil de navires et de véhicules de transport terrestres, ont un rôle déterminant dans la concentration et la diffusion spatiale des flux vers l’arrière-pays. L’espace portuaire sert à la fois de point de passage obligatoire mais aussi de lieu de services divers fournis aux usagers.

La notion du temps dans le transport international de fret

Le temps comme facteur de compétitivité et de choix modal

Le temps sert à exprimer les distances parcourues par un mode de transport sur un trajet donné. Les relations entre espace et transport trouvent, dans le temps, une nouvelle façon de représenter l’espace euclidien en un espace mesurable selon les temps passés sur les réseaux de transport. Avec l’accroissement des vitesses et la fluidification des trajets de transport, les distances physiques ont cessé d’être un élément important de l’expression des échanges. La dimension temporelle s’est affirmée avec les réductions des coûts de transport par une minimisation des temps et des distances parcourues. Aussi, actuellement, le temps dans le transport de fret a-t-il beaucoup plus de valeur, dans le choix modal, que les distances physiques.
De nombreux travaux sur le temps de transport dans la production des entreprises, témoignent en effet de son importance sur la concurrence entre les entreprises. « La rapidité de livraison des biens, dont le temps de transport est une composante notoire, apparaît ainsi comme un élément supplémentaire de concurrence entre producteurs, … » ou encore « …la performance économique du transport ne se mesure pas seulement à son coût, mais aussi à son temps de réalisation » (Savy, 2007). Le temps d’acheminement d’un produit d’un point A à un point B, conditionne souvent le choix modal. Ce temps dépend de la distance parcourue et de la rugosité des trajets. Il est souvent pris en compte avec le coût de transport. Valeur du temps et coût de transport sont deux attributs quantitatifs du transport de fret ayant des influences réciproques sur le coût généralisé de transport et sur le coût de production des industries. La fiabilité des chargeurs dans leur choix modal dépend aussi du jugement de valeur que ceux-ci portent sur les temps de leur livraison.
La minimisation des temps et des coûts de transport s’effectue par la méthode utilisant la courbe de distribution du trafic pour comparer entre les modes choisis, la variation du ratio des temps ou des coûts de trajet par rapport au pourcentage des véhicules ayant effectué le trajet (Hipolito, 2007). Dans le cas d’une indifférence entre deux modes, le rapport entre les temps ou coûts de transport du premier mode de transport t1 et du second t2 donnera une valeur égale à 1. Le choix ou la préférence d’un mode de transport par rapport à un autre se fait sur la base des résultats obtenus. Si t1/t2 < 1 alors t2 est le mode préféré. Si t1/t2 > 1 alors t1 est le mode préférentiel pour le transport.
Pour estimer plus précisément le temps et les coûts de transport, il est préférable de prendre en compte tous les temps susceptibles d’allonger ou non le trajet, du début à l’arrivée. La méthode de minimisation des temps et des coûts de transport additionne, en effet, tous les trajets parcourus à des vitesses homogènes ou moins variant, tous les temps d’arrêts, tous les temps passés pour charger ou décharger les véhicules ainsi que tous les temps passés pour embarquer ou débarquer les véhicules dans le cas des transports intermodaux ou combinés.
Les temps diffèrent d’un mode de transport à un autre, selon les caractéristiques propres au trajet, les parcours et les arrêts ainsi que les vitesses. M. F. Hipolito (2007) donne les formules de calculs utilisées pour comparer les temps de trajets entre la route et le cabotage maritime, qui peuvent servir également à évaluer d’autres caractéristiques de transport comme les coûts externes, les délais de livraison et la sécurité de la marchandise transportée.
t route = tm + t trajet routier + tp + ts + tc + ta + tm.
t cabotage = tach + taq + te + t navigation + taq + td + tpach.

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Table des matières

PREMIERE PARTIE. L’ESPACE DANS LA MODELISATION DES TRANSPORTS DURABLES DE FRET
INTRODUCTION : L’ORGANISATION TERRITORIALE DE LA FAÇADE MEDITERRANEENNE ESPAGNOLE, FRANÇAISE ET ITALIENNE ET LES ECHANGES MARITIMES
CHAPITRE I. LA DIMENSION SPATIO-TEMPORELLE DANS LA DURABILITE DES TRANSPORTS PAR AUTOROUTE DE LA MER « ADM »
INTRODUCTION
Section I. AdM et transport routier de fret dans la modélisation du transfert modal : théories et concepts
Section II. L’espace et le temps dans le transport de fret
Section III. Les espaces logistico-portuaires dans la durabilité des transports de fret
CONCLUSION
CHAPITRE II. INTERACTIONS ET POTENTIEL SPATIAL DANS LES TERRITOIRES DES FLUX INTERNATIONAUX DU FRET
INTRODUCTION
Section IV. Principales données socio-économiques du transport international de fret : Niveau local et global
IV. 2. Principales données socio-économiques du transport international de fret : au niveau externe
Section V. Potentiel global dans le commerce international : Conceptualisation et méthodologie d’évaluation
CONCLUSION
DEUXIEME PARTIE. MODELISATION SPATIALE DE LA DURABILITE DES TRANSPORTS PAR AUTOROUTES DE LA MER
INTRODUCTION : DEUXIEME PARTIE
CHAPITRE III. MODELISATION SPATIALE DU CHOIX ET DU TRANSFERT MODAL: DU TRANSPORT ROUTIER VERS LES AUTOROUTES DE LA MER
INTRODUCTION
Section I. Le choix et le partage modal : Théories et conceptualisation d’un modèle de choix modal
Section II. Application du modèle sur les flux internationaux de fret
CONCLUSION
CHAPITRE IV. IMPACT DES AUTOROUTES DE LA MER SUR LA RESTRUCTURATION ET LA RECOMPOSITION SPATIO-TEMPORELLE DES AIRES D’ENTREPOT A L’HORIZON 2020
INTRODUCTION
Section III. Localisation des services de la logistique et des espaces à enjeux dans le transport international de fret
Section IV. Accessibilité spatiale dans le transport international de fret : Les Autoroutes de la Mer
Section V. Impacts environnementaux des restructurations spatiales du transport de fret
Section VI. Propositions théoriques et méthodologiques des apports des dimensions géographiques dans le transport par AdM
Section VII. Propositions pour une mise en place d’une base de données sur le transport international des AdM
Section VIII. Politiques de promotion des modes alternatifs au transport routier : Rôle des acteurs et de la connaissance spatiale
CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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