THÉORIE DU FILM DE FAMILLE 

THÉORIE DU FILM DE FAMILLE 

Le projet créatif et ses avenues exploratoires

Formes Observables est une compilation de quatre expérimentations vidéographiques réalisées en guise de production finale motivée par cette recherche. Ces quatre montages sont à la fois interdépendants et indépendants les uns des autres, chacun explorant tantôt les avenues soulevées dans la théorie, tantôt fonctionnant selon leur propre poésie, leur propre souffle. J’ai pensé la forme de présentation de ce corpus un peu comme un album de musique. Il y avait tant d’éléments à explorer qu’il m’est apparu plus facile de les traiter dans des oeuvres distinctes plutôt que dans un seul film, une seule structure. Les quatre montages forment donc à eux tous une somme, celle des avenues exploratoires expérimentées en cours de recherche. Ces avenues sont nombreuses et variées. J’ai tenté de les rassembler sous quelques grandes thématiques de cette recherche-création.
D’une part je me suis inspiré des particularités structurelles des productions d’amateur, et plus spécifiquement du film de famille. Ce dernier, particulièrement s’il n’est pas monté, donne l’impression d’une structure échevelée pour qui l’approche avec la lorgnette du narratif. Les scènes sont fragmentaires et le « film » ne fournit pas les marqueurs de temps et d’espace qui permettent d’en tirer un récit intelligible. Tout ce qui en marque le début et la fin sont les limites du support. Ainsi l’utilisateur des courtes bobines Kodachrome est-il souvent malgré lui un spécialiste de la forme courte. Dans mes créations vidéographiques, je privilégie des durées analogues, ainsi que des structures et des constructions proches du hasard, de l’accidentel, de l’imperfection du médium. Cela comprend plusieurs stratégies de montage et d’organisation du matériel qui oscillent entre le brut et le recherché. Comme une bande sans montage, une bande de « rushes », la structure générale est fragmentaire, toute en rupture. La justification des différentes « séquences » dépend fortement du spectateur, du lien que lui seul peut construire.
Mes productions des dernières années sont essentiellement des films de montage, basés sur le recyclage et le remploi, souvent à partir d’images paternelles ou télévisuelles, transférées dans la sphère plastique et dans l’espace artistique. Comme production pour la maîtrise, je continue à explorer cette avenue du recyclage dans certaines bandes, délaissant toutefois, à part une brève exception dans la bande Je me souviens, les pellicules 8mm de mon père. J’ai plutôt utilisé des archives récentes et personnelles, sur support mini-DV.
Cependant l’approche demeure semblable au remploi, en ce sens que ces images n’ont pas été tournées dans un but précis, en connaissance d’un résultat final. Ces sources proviennent souvent d’une documentation de moments, mémorables ou non, de ma vie personnelle, qui sont triturés en objets esthétiques ou poétiques pour leur transposition dans une oeuvre.
C’est le cas des bandes Cathédrales et Flore Laurentienne dans le présent corpus. Enfin, l’autoréflexivité est un autre principe omniprésent dans la présente recherche. Je la comprends comme une structure « énonçant » le dispositif, ce qui a pour effet de rendre ce dernier signifiant dans l’oeuvre. Un dispositif autoréflexif se désigne souvent comme une donnée plastique dans mon travail. Par dispositif, j’entends d’abord l’appareillage technique nécessaire à la prise de vue ainsi qu’à la diffusion des images. Mais il représente aussi à mes yeux, de façon plus large, la structure articulant l’oeuvre et manifestant son « énonciation ». Le dispositif est ainsi le vecteur d’une certaine subjectivité dont je joue fréquemment dans mon travail, notamment comme levier pour éveiller la subjectivité du spectateur.
L’hybridation entre les fonctions et les supports, le remploi, l’omniprésence du dispositif à travers des structures autoréflexives et les données structurelles issues du film de famille sont autant d’approches qui, conjuguées les unes aux autres, orientent la présente compilation vidéographique inspirée des marques d’amateurisme.

Expériences préliminaires de création

Au cours de mes études de premier cycle, j’ai commencé à développer cette recherche pratique qui m’a poussé à explorer différentes stratégies autoréflexives, souvent liées à l’imitation du support 8mm par le biais de la vidéo numérique. J’ai aussi exploité des manipulations lors du transfert d’images (film 8mm et 16 mm vers vidéo VHS ou numérique, VHS vers numérique, souvent à travers le filmage d’écrans). L’objectif général visait à mettre de l’avant dispositif et supports, incarnations physiques et spatiales des images. J’investis donc généralement beaucoup d’expressivité dans les différentes transpositions des supports. Le tournage de matériel original et intentionnel m’intéresse moins que la manipulation des images, quelque soient leur support, leur contexte de recyclage et leur réorganisation dans le montage.
La plupart des courtes formes produites depuis le début de ma production cherchent plus généralement une structure alternative à une lecture exclusivement psychologique qui se fonderait sur le mode de l’adhésion à la fiction. En 2006 je proposais To confuse beauty and sex (figure 3, p. 17) destiné à une diffusion en galerie. Deux bandes y interagissaient, l’une d’images, l’autre de sous-titres. La première était entièrement un travail de recyclage d’images trouvées dans les bobines du voyage de mes parents en Europe au début des années 1980. La seconde résultait d’un court poème rédigé lors de mon propre voyage en Europe quelques mois avant cette production. L’idée était de faire un film narratif avec des images d’une chronique de voyage qui n’y étaient pas destinées. Mais surtout, je voulais observer la possibilité d’une narration interchangeable. Les deux bandes étant de durées différentes et tournant en boucle sur deux projections indépendantes, les sous-titres revenaient à chaque fois sur d’autres images. L’avantage de ce dispositif était d’exploiter la production de sens par le spectateur, qui devait faire le pont sur le décalage entre le texte et l’image. Quant à la bande image, elle était construite autour des tics du cinéma amateur; fragmentaire, apparemment aléatoire et rythmiquement détraquée, en plus d’être truffée « d’erreurs » techniques ou structurelles volontaires.

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Table des matières

RÉSUMÉ
REMERCIEMENTS 
TABLE DES MATIÈRES 
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION 
1. THÉORIE DU FILM DE FAMILLE 
1.1 La grille sémio-pragmatique
1.2 Analyse structurelle du film de famille
1.3 Le film de famille comme inspirant formel
2. UNE ÉTHIQUE DES IMAGES D’AMATEUR 
2.1 Une éthique particulière de la connaissance
2.2 Le film de famille comme dispositif éthique
2.3 Amateurisme et éthique dans la culture audiovisuelle: un survol
2.4 Le remploi comme dispositif structurant
3. FORMES OBSER VABLES 
3.1 Un ensemble cohérent
3.2 Lettre à un jeune vidéaste
3.3 Cathédrales
3.4 Flore laurentienne
3.5 Je me souviens
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
FILMOGRAPHIE

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