Théorie du Chaos
Les prémices de la théorie du Chaos remontent à l’Antiquité, quand l’Homme essaie de comprendre son environnement, en observant et analysant le mouvement des astres. Selon Claude Ptolémée (90-168), astronome du premier siècle après J.-C., notre galaxie est caractérisée en son centre par un axe autour duquel les planètes évoluent de manière circulaire. Cette théorie, le géocentrisme, met la Terre au centre de l’Univers (Demerson, 1993). Le modèle de Ptolémée est une base pour l’étude du cosmos jusqu’à ce qu’un chanoine, astronome et médecin polonais remette en question les hypothèses de Ptolémée. Nicolas Copernic (1473-1543), en rupture totale avec la pensée établie, propose un modèle dans lequel le Soleil serait le centre de l’Univers : l’héliocentrisme. Fortement contesté par les autorités religieuses, il reçoit le soutien d’un autre astronome de son temps, Galileo Galilée (1564-1642). Celui-ci devra par la suite se rétracter sous les menaces de l’Église catholique romaine. Il faut attendre 1757 pour que le Pape Benoît XIV lève les interdits sur ce modèle du cosmos (Lonchamp, 1995). Johannes Kepler (1571-1630) est le premier à tenter de calculer la trajectoire des planètes autour du Soleil, il démontrera aussi que les astres ne se déplacent pas sur des trajectoires circulaires mais elliptiques. Malgré ces découvertes, il a toujours été difficile de prévoir les trajectoires des planètes correctement.
Le mathématicien français Henri Poincaré (1854-1912) l’a démontré en proposant une analyse géométrique des mouvements qui explique l’échec des calculs linéaires de ses prédécesseurs. En appliquant sa méthode à un modèle simplifié du système solaire composé de 3 astres, il arrive à prouver qu’il n’est pas possible de déterminer leurs interactions. Voilà un système parfaitement décrit par les équations mais dont il est impossible de prévoir les mouvements (Poincaré, 1890). Des décalages existent entre les observations et les calculs. D’où proviennent-ils? Comme l’a dit Isaac Newton (1643-1727), les masses s’attirent entre elles. Entre tous les corps célestes, il existe une attirance mutuelle. Jupiter est 1000 fois plus lourd que la Terre ce qui fait dévier la trajectoire de celle-ci. Cela crée des petites variations qui, accumulées au cours des siècles, peuvent donner de grandes différences de mouvements. Si on étudie leurs trajectoires sur plusieurs millions d’années on peut observer la présence de mouvements chaotiques. L’une de ces manifestations est la sensibilité aux conditions initiales, c’est-à-dire les valeurs primaires utilisées pour décrire un système à son origine. Si l’on fait une erreur de 15 mètres sur la position de la Terre dans le système solaire, après 10 millions d’années cette erreur devient 150 mètres mais sur 100 millions d’années cette erreur devient 150 millions de kilomètres, la distance Terre-Soleil, ce qui implique qu’il devient impossible de situer la planète sur son orbite. Sur plusieurs milliards d’années on peut voir que la trajectoire de Mercure peut se modifier de telle manière à pouvoir couper celle de Venus.
L’effet papillon Edward Lorenz (1917-2008) est un scientifique américain qui a appliqué l’étude des mouvements chaotiques à l’observation des mécanismes de l’atmosphère. Lorsque l’on observe l’atmosphère, on remarque qu’elle est infiniment plus complexe que la dynamique des astres : il faut prendre en compte les températures, les densités, les pressions, les humidités, la vitesse des vents etc., à chaque point de son espace. Ces phénomènes impliquent un nombre gigantesque de variables ce qui rend son analyse extrêmement compliquée (Leys 2013). Lorenz développe un modèle de 12 équations qui ont tourné sur son ordinateur pendant 2 ans. Il a essayé de simplifier ses équations et a remarqué que seules 3 variables ont un impact significatif sur les résultats. Ce qui l’a conduit à trois équations non-linéaires. Celles-ci rendent compte de phénomènes compliqués et donnent des résultats très irréguliers. Le hasard aide un peu Lorenz : son ordinateur enregistre 6 décimales après la virgule alors que son imprimante n’en affiche que 3. Lorsqu’il veut relancer son modèle, il introduit les résultats précédents avec 3 chiffres après la virgule et tombe sur des résultats extrêmement différents de ceux qu’il avait pu observer auparavant. Il en conclut que si des petits écarts aux conditions initiales pouvaient provoquer de telles différences de trajectoires, il serait impossible de proposer une quelconque prévision. Car pour faire une prévision, il faut obtenir un résultat unique pour chaque expérience effectuée avec des conditions initiales identiques. Lorenz a montré qu’en partant de 3 équations à priori simples, on peut aboutir à une analyse compliquée des résultats. De plus, il a illustré par la pratique la sensibilité d’une solution aux conditions initiales d’un système, ici, de l’atmosphère. Cela est vérifiable en faisant un test sur 3 ordinateurs différents qui calculent 3 mêmes équations. Il sera possible d’observer 9 séries de résultats différents dus à de toutes petites variations de réglage des ordinateurs.
Si un prévisionniste veut observer les résultats des équations de Lorenz, il doit mettre en place un modèle joué. C’est à dire un modèle simplifié dont on connaît les conditions initiales et finales et dont l’objectif est d’analyser l’évolution du système. Les mathématiciens utilisent des modèles joués dans le but de comprendre des systèmes complexes. Si le prévisionniste veut appréhender le problème complexe de l’observation de l’atmosphère, il peut prendre en compte les variables suivantes : la température, l’humidité et la vitesse du vent. Il s’aperçoit que les résultats diffèrent beaucoup. C’est notamment la représentation graphique de ceux-ci qui est intéressante car ils s’agrègent tous autour d’une forme particulière. Admettons que l’on veuille étudier deux systèmes quasi identiques. Nous pouvons les représenter sur un tableau à trois dimensions. Au début ils vont réagir de la même manière, leurs trajectoires seront très proches. Mais peu à peu, sur la représentation graphique, on verra leurs chemins diverger. Les deux évolutions se séparent de manière significative. C’est à nouveau la représentation du chaos, la dépendance aux conditions initiales. C’est en 1972 que l’on entend pour la première fois parler de l’Effet papillon.
Edward Lorenz est invité à un colloque interdisciplinaire réunissant des mathématiciens, des physiciens, des ingénieurs, des chimistes, des dynamiciens et des économistes. Il tarde à envoyer le titre de sa présentation aux organisateurs, alors ceux-ci prennent l’initiative de le nommer :”Effet papillon, un battement d’ailes au Brésil provoque un ouragan au Texas” (Lorenz 1967). Les travaux de Lorenz ne se contentent pas de révéler l’impossibilité de déterminer quelque chose. Il va bien plus loin que ça. Il montre par la suite que les évolutions de plusieurs systèmes, avec des conditions initiales proches comme éloignées, s’accumulent toutes dans un même schéma, modèle ou motif si l’on veut l’exprimer ainsi. On appelle cela l’attracteur de Lorenz. Au lieu de connaître le futur d’une condition initiale, il a essayé de comprendre l’attracteur, comment se comportent les dynamiques internes.
Théorie de l’efficience de marché
Les prémisses de l’efficience de marché remontent au début du XXème siècle. Louis Bachelier (1870,1946), un mathématicien français étudiant de Poincaré, écrit sa thèse de doctorat intitulée « Théorie de la spéculation » (Bachelier 1900) dans laquelle il souhaite étudier les causes des mouvements sur les marchés financiers. Avec le peu de données qu’il avait en sa possession, il monte un modèle qui est incroyablement proche de ce que pourrait être la réalité d’aujourd’hui, même si beaucoup de théoriciens en pensent le contraire. Un de ses constats est le suivant: « Les influences qui déterminent les mouvements de la bourse sont innombrables, des événements passés, actuels ou même escomptables, ne présentant souvent aucun rapport apparent avec ses variations, se répercutent sur son cours. » (Bachelier 1900, p. 21) Les causes « naturelles » peuvent être politiques, économiques ou financières alors que les causes « factices » sont la résultante des effets des bourses sur elles-mêmes, « le mouvement actuel est fonction, non seulement des mouvements antérieurs, mais aussi de la position de place » (Bachelier 1900, p. 21). Il en déduit que : « La détermination de ces mouvements se subordonne à un nombre infini de facteurs: il est dès lors impossible d’en espérer la prévision mathématique. Les opinions contradictoires relatives à ces variations se partagent si bien qu’au même instant les acheteurs croient à la hausse et les vendeurs à la baisse » (Bachelier 1900, p. 21) « Il semble que le marché, c’est-à-dire l’ensemble des opérateurs, ne doit croire à un instant donné ni à la hausse, ni à la baisse, puisque, pour chaque cours coté, il y a autant d’acheteurs que de vendeurs…»
«… par considération des cours vrais, on peut dire: le marché ne croît, à un instant donné, ni à la hausse, ni à la baisse du cours vrai” par conséquent, ”l’espérance mathématique du spéculateur est nulle. » (Bachelier 1900, p. 34) En prenant en compte le postulat de Bachelier, cela implique qu’il devient inutile et irréalisable de prévoir le cours d’un actif financier: « Le cours considéré par le marché comme le plus probable est le cours vrai actuel: si le marché en jugeait autrement, il coterait non pas ce cours, mais un autre plus ou moins élevé » (Bachelier 1900, p. 34). « Ainsi, pour intervenir sur un marché avec efficacité, point est besoin de connaître l’ensemble des cours passés; la valeur du dernier cours coté présent suffit, et l’on considère l’avenir seul. Par analogie, considérons les jeux échec et de bridge. Pour intervenir au cours d’une partie de bridge, il est nécessaire de connaître avec précision la totalité des annonces et des coups antérieurs: le futur dépend étroitement du passé, et l’absence de cette connaissance empêche de pouvoir jouer. Tandis que, dans le cas des échecs, jeu dit “à information parfaite”, il est possible d’entrer dans le jeu à tout instant, et de pouvoir prendre la place d’un joueur, sans avoir besoin de connaître la succession des coups et prises antérieurs: toute information nécessaire à action est condensée dans la position présente des pièces sur l’échiquier. La succession des coups aux échecs caractérise un processus sans mémoire (ou markovien); tandis que, dans le cas du bridge, il existe une mémoire du jeu mémoire qui influe sur les coups à venir. » Cependant, il classe les éléments provoquant des mouvements de marché en deux groupes : les causes dites « naturelles » et les causes « factices ou artificielles ».
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Table des matières
Déclaration
Remerciements
Résumé
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
1. Introduction
1.1 But
1.2 Hypothèses de recherche
1.3 Concepts théoriques
1.3.1 Théorie du Chaos
1.3.2 L’effet papillon
1.3.3 Application de l’effet papillon dans l’étude de la contagion
1.3.4 Théorie de l’efficience de marché
1.3.5 Le coefficient de corrélation
2. Analyse des corrélations sur les marchés des actions
2.1 Description de la démarche
2.2 Méthodologie de calcul
2.3 Analyse des corrélations entre le S&P 500 et le reste de l’échantillon
2.4 Analyse des co-mouvements durant la crise financière de 2008
2.4.1 Mars 2008, le commencement
2.4.2 Septembre 2008, la faillite de Lehman Brothers
2.4.3 Février 2009, le fond du trou.
2.5 Analyse des co-mouvements sur l’industrie pharmaceutique
2.5.1 Méthodologie
2.5.2 Analyse des observations
3. Quelles potentielles applications de l’étude de la contagion ?
3.1 Application pour un gestionnaire de portefeuille
3.2 Application pour un directeur financier d’une entreprise cotée
3.3 Stratégie basée sur la corrélation
3.4 Application de l’étude des corrélations aux stratégies d’arbitrage
4. Synthèse
4.1 Problématique du coefficient de corrélation pour l’étude de la contagion
4.2 Difficultés rencontrées
4.3 Conclusion
Bibliographie
Annexe 1 : Liste des composantes de l’échantillon pour l’analyse sur l’industrie pharmaceutique
Annexe 2 : Mapping des corrélations entre Valeant VRX et les autres actions de l’échantillon
Annexe 3 : Macro CollateData (Multiple Stock Quote Downloader)
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