Théorie des intelligences multiples 

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Conceptions de l’intelligence

Cette première partie a pour objet de définir le concept d’intelligence, à travers l’évolution des théories qui ont construit son histoire.

Premières théories

La première tentative sérieuse d’explication scientifique du talent intellectuel est celle des phrénologistes, qui examinaient la configuration du cerveau (taille, forme, aires) dans le but de déterminer les points forts et les faiblesses de l’individu (Gardner, 1993).

Naissance de la « bosse des mathématiques »

Dès 1825, Franz Josef Gall publie sa théorie de l’organologie (ultérieurement renommée « phrénologie » par Johann Caspar Spurzheim).
Il s’agit d’une conception purement matérialiste du cerveau et de la pensée : ce dernier est divisé en régions spécialisées indépendantes et innées ; au nombre de 27 (quantité actualisée par la suite, à 35). A chacun de ces « organes mentaux » correspond une faculté mentale précise ; parmi elles figure le « sens des rapports aux nombres », situé dans les régions frontales.
Gall avança l’hypothèse suivante : l’os crânien, modelé par le cortex3 pendant sa croissance, traduit par ses creux et ses bosses l’étendue des organes sous-jacents ; le talent mathématique pouvant alors être détecté dès l’enfance par la craniométrie. Ainsi est née la « bosse des mathématiques », désignant une disposition innée aux mathématiques (Dehaene, 2010).
Autre héritage, contesté par la suite, de la théorie de Gall : l’hypothèse que le talent intellectuel est lié à un don de naissance, à une prédisposition biologique qui favorise le génie.

Évaluation de l’intelligence

L’existence d’une spécialisation cérébrale fonctionnelle – idée démontrée via la théorie de Gall – a fait l’objet d’autres travaux : elle a été infirmée par le scientifique Pierre Flourens, au début du XIXe siècle ; puis confirmée, dans les années 1860, par le chirurgien et anthropologue français Pierre-Paul Broca (Gardner, 1993). Ce dernier est l’un des pionniers en matière d’évaluation de l’intelligence, avec l’encyclopédiste britannique Sir Francis Galton qui s’intéressait au génie, au talent et autres formes de réussite.
Vers la fin du XIXe, Galton contribue à lancer un nouveau domaine d’études qui privilégie les différences individuelles (profils distincts d’aptitudes, ou d’inaptitudes, chez les individus) : il s’agit d’estimer les capacités intellectuelles grâce à des tâches de discrimination sensorielle (exemple : aptitude à distinguer des lumières, des poids ou des tons). Il a alors développé des méthodes statistiques permettant de classer les êtres humains selon leurs aptitudes physiques et intellectuelles, et de mettre en corrélation de telles mesures les unes avec les autres. Il a ainsi vérifié l’existence d’un lien entre le lignage généalogique et la réussite professionnelle. (Gardner, 1993).

Apparition des tests

Par la suite, la communauté scientifique est venue à penser qu’il fallait examiner les capacités plus complexes ou « molaires » comme celles qui impliquent le langage et l’abstraction. C’est alors que le chercheur le plus important – dans ce domaine – intervient : François Alfred Binet.
Ce psychologue confortait, en 1894, la théorie de Gall : une « aptitude innée » expliquait alors les exploits des calculateurs prodiges. Puis, il changea d’avis une dizaine d’années plus tard : ses recherches sur les enfants doués et retardés lui ont fait nier que l’intelligence puisse être innée, et argumenter l’idée que l’éducation peut corriger en partie le retard mental (Dehaene, 2010).
Au début du XXe siècle, avec son collègue Théodore Simon, Binet conçoit les premiers tests d’intelligence (Gardner, 1993) : disposant d’un étalon unique et universel des facultés mentales, l’analyse statistique des résultats permet de mesurer le « facteur g », représentant l’intelligence générale de l’individu. Sa découverte reçut le nom de « test d’intelligence », et son échelle d’évaluation celui de « QI » (Gardner, 1996).

Intelligence et école

A cette époque donc, l’intelligence devint quantifiable ; en Occident tout du moins (Gardner, 1996). D’autre part, le lien entre intelligence et école semble y trouver son origine : c’est en effet chargé d’une mission insolite par les autorités municipales, qui consistait à « établir une méthode capable d’évaluer les chances de réussite des enfants dans les classes primaires », que Binet parvint à élaborer son test.
Cette relation entre intelligence et école a d’ailleurs été soulignée par Carlos Tinoco et Stéphanie Crescent (2014), tous deux enseignants et déplorant le fait que certaines « étiquettes » – telles que « intelligent » ou « scolaire » – soient attribuées à certains élèves de manière bien souvent injuste.
Même si le test du QI reste, aujourd’hui encore, toujours d’actualité, une autre conception a vu le jour et pas des moindres puisqu’elle a marqué le XXe siècle : il s’agit de l’approche Piagétienne.

Théories du XXe siècle

Approche piagétienne

Jean Piaget, psychologue suisse, a développé une conception de l’intellect qui a bouleversé les tests d’intelligence. C’est en travaillant dans le laboratoire de Simon, dans les années 1920, qu’il s’intéresse aux erreurs que les enfants commettent pendant les tests. Selon lui, ce n’est pas l’exactitude de la réponse qui compte, mais les catégories de raisonnement que l’enfant fait jouer (Piaget, 1964) : « L’intelligence ce n’est pas ce que l’on sait, mais ce que l’on fait quand on ne sait pas. »
La démarche scientifique de Piaget révèle certaines insuffisances du programme Binet-Simon. S’ensuit alors une conception de la cognition humaine radicalement différente (Gardner, 1993) : le cerveau, à la naissance, ignorerait tout de l’arithmétique – il serait vierge de toute connaissance abstraite – et s’enrichirait grâce aux interactions entre le sujet et son environnement. Les connaissances logiques et mathématiques se construiraient très progressivement par l’observation et l’internalisation de régularités du monde ; tout individu tentant de donner un sens au monde (Dehaene, 2010). Ainsi, Piaget définit différents stades du développement de la pensée :
Selon les observations de Piaget, la notion du nombre se construirait progressivement chez l’enfant : celui-ci acquerrait tout d’abord la « permanence de l’objet » (d’ici ses 2 ans), puis la « conservation du nombre » (vers 4-5 ans), deviendrait ensuite capable de sériations et de classifications par une logique intuitive (7-12 ans) puis raisonnée (à partir de 12 ans, au stade des opérations formelles).
Alors que la théorie constructiviste de Piaget, qui déniait aux très jeunes enfants toute compétence numérique, dominait, une autre conception apparut.

Le « sens des nombres » de Tobias Dantzig

Tobias Dantzig – mathématicien ayant étudié avec Henri Poincaré – souligne, dès 1954 dans son ouvrage Number: the Language of Science, l’existence d’un sixième sens chez l’être humain, dès son plus jeune âge : « Man, even in the lower stages of development, possesses a faculty which, for want of a better name, I shall call Number Sense. »
Ce « sens des nombres » est reconnu dans les années 1980, et la théorie de Piaget, contestée : les tests ne permettaient sans doute pas aux enfants de montrer ce dont ils étaient réellement capables. Les erreurs commises même par les plus grands laissaient à croire l’existence, dès bébé, de protoconnaissances physiques, mathématiques et logiques. Dès lors, les quantités numériques sont considérées comme pouvant être perçues de manière intuitive, et permettant de reconnaître le changement d’une petite collection lorsqu’on lui ajoute ou retranche un objet (à l’insu de la personne interrogée). Stanislas Dehaene (2010) précise que cette capacité repose sur « l’accumulateur » : un circuit cérébral qui fonctionne comme un compteur approximatif, capable de tenir un registre de diverses grandeurs numériques (manipulant des grandeurs continues, et non des nombres discrets).
Dans un certain sens, nous avons donc tous la bosse des mathématiques. Comment expliquer alors que Piaget ait pu distinguer différents stades dans le développement intellectuel de l’enfant ? Les théories actuelles, dont la résistance cognitive, apportent des éléments de réponse.

Théories actuelles

Résistance cognitive

Olivier Houdé – psychologue français, professeur de Psychologie du développement et directeur du laboratoire de la Sorbonne « LaPsyDÉ » (laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant ; unité CNRS) – fait partie de ceux qui ont remis en cause la conception de l’intelligence de Piaget.
Tout d’abord, dans son ouvrage Le raisonnement (2014), il explique que le système logique de Piaget a été suivi de la théorie d’un double système défini par Kahneman, et qu’il a lui-même mis en avant une théorie plus aboutie encore. Ensuite, dans Apprendre à résister (2014), il montre, en mettant en évidence les mécanismes d’apprentissage et le fonctionnement du cerveau chez les bébés, les enfants et les adolescents, qu’il existe trois systèmes dans le cerveau :
• Système 1 : rapide, automatique et intuitif (heuristique)
• Système 2 : plus lent, logique et réfléchi (algorithme)
• Système 3 : dit « exécutif » ou de « résistance cognitive » ; ce système permet d’arbitrer, au cas par cas, entre les deux premiers (inhibition)
Le système 3 assure en effet l’inhibition des automatismes de pensée (système 1) quand l’application de la logique (système 2) est nécessaire. La résistance cognitive, fonction essentielle du cerveau qu’Olivier Houdé a ainsi isolée, permet alors la mise en œuvre de la réflexion, c’est-à-dire de la capacité à inhiber les automatismes de pensée pour permettre de réfléchir. Toutefois, il faut préciser que le troisième système est sous-tendu par le cortex préfrontal, dont la maturation est lente au cours de l’enfance ; raison pour laquelle Piaget avait probablement pu distinguer différents stades.
Par le fait, apprendre à résister (aux conflits intracérébraux) est important pour le développement cognitif. Signe d’intelligence, cela permet l’acquisition de connaissances et la capacité de raisonnement, et en particulier des quatre grands principes cognitifs ou « conceptuels » suivants :
• Notions d’objets : permanence et unité de l’objet (dès les premiers mois de vie) ;
• Nombres :
o « protomathématiques » (sens du nombre, avant l’âge de 1 an) ;
o « algorithme du comptage » (5 compétences définies par Rochel Gelman, avant l’âge de 3 ans) ;
o « conservation du nombre et des quantités discrètes » (défaut d’inhibition jusque 7 ans ; ou au contraire, dès 2 ans si certaines émotions favorisent) ;
• Catégories : traitement qualitatif du réel (formes, couleurs, fonctions, etc.) ;
• Raisonnement logique : processus d’abstraction et modifications neuronales (qui ont lieu après l’apprentissage de l’inhibition).
Concernant ce dernier point, Olivier Houdé précise que c’est la partie arrière du cerveau – le système 1 – qui travaille avant l’apprentissage ; tandis que c’est la partie avant – le système 3 – qui travaille ensuite.
A titre d’illustration, les études de Masson et al. (2014) montrent que le cerveau d’un expert (dont le système 3 est fonctionnel donc) inhibe la mauvaise réponse (activation des régions du cortex préfrontal, associé à l’inhibition, face à un circuit électrique incorrect – cf. image située à droite sur le schéma) ; réaction qui ne s’observe ni chez les sujets novices, ni chez les experts soumis à un circuit correct (cf. image située à gauche sur le schéma).
Ces résultats permettent de remettre en cause, par des apports scientifiques, la bosse des mathématiques telle qu’elle était décrite par Gall, c’est-à-dire localisée précisément dans le cerveau. D’autres études, récentes, enrichissent les connaissances liées à la spécialisation cérébrale.

Spécialisation cérébrale

L’étude des lésions cérébrales et les méthodes d’imagerie fonctionnelle actuelles ont permis de prouver que le cortex contient effectivement des neurones hautement spécialisés dans le traitement d’informations spécifiques. En revanche, les résultats ne confirment pas la théorie (de Gall) de la localisation des facultés mentales : seules des fonctions très élémentaires – reconnaissance d’une partie de visage par exemple – sont susceptibles d’être localisées dans une région cérébrale réduite. Le moindre de nos actes – la lecture d’un mot par exemple – implique en réalité l’orchestration d’une multitude de neurones distribués dans tout le cerveau (Dehaene, 2010).
A ce sujet, il importe de noter que certaines études et revues scientifiques internationales publient, ces dernières années, des articles qui paraissent remettre en question ce dernier point : pour exemple, les compétences musicales s’accompagnant d’une extension inhabituelle de certaines aires corticales, la « bosse de la musique » serait envisageable. En réalité, il faut savoir que l’apprentissage d’une compétence est susceptible de modifier profondément l’organisation cérébrale. L’architecture du cerveau résulte alors d’un lent processus d’épigenèse, au cours duquel les représentations corticales sont modelées et sélectionnées selon leur utilité pour l’organisme. La surface corticale allouée à une fonction n’est donc pas une donnée innée qui détermine nos compétences ; ce sont le temps, et l’effort consacré à une discipline, qui modulent l’étendue de sa représentation dans le cortex (Zuk et al., 2015).
De plus, une étude montre que la méthode d’apprentissage a des incidences sur la spécialisation des neurones : Delazer et ses collaborateurs (2005) ont découvert que l’apprentissage par répétition (qui consiste à apprendre par cœur à associer un résultat aux deux facteurs qu’on multiplie) n’est pas encodé dans les mêmes circuits neuraux que l’apprentissage par stratégie (qui revient à appliquer une série d’opérations arithmétiques pour arriver au résultat). Un même savoir mathématique peut dont faire l’objet d’une création de voies neuronales différentes. Ceci implique, pour l’enseignant, d’utiliser des méthodes d’évaluation fines afin de distinguer un fait appris par cœur d’un autre faisant suite à l’emploi d’une stratégie : l’identification des réponses ne suffit pas, il faut s’intéresser aux processus d’apprentissage. Par ailleurs, l’équipe a montré que l’apprentissage par stratégie débouche sur une plus grande efficacité et une meilleure transférabilité que l’apprentissage par répétition ; cependant, ce résultat reste à confirmer.
La recherche, qui a exploré les circuits neuraux qui sous-tendent la numératie, enrichit ainsi les connaissances sur la spécialisation cérébrale. Elle rapporte également que le sens quantitatif des nombres des enfants, dû à la génétique, semble avoir sa source dans le lobe pariétal (OECD, 2007). Stanislas Dehaene (1997) apporte une précision : le cortex pariétal joue un rôle fondamental dans plusieurs opérations mathématiques.
Cet ensemble de résultats illustre deux principes :
• Les mathématiques sont dissociables d’autres domaines cognitifs : ceci soutient la notion de l’existence de plusieurs intelligences, et montre l’importance, pour l’enseignant, de proposer plusieurs façons d’accéder au savoir mathématique, car sans cela, les difficultés que peut connaitre un enfant dans d’autres domaines risquent d’interférer avec son apprentissage des mathématiques ; l’OECD4 (2007) préconise d’ailleurs que « l’enseignement des mathématiques [se fasse] grâce à des moyens de représentation et d’évaluation variés » ;
• Les compétences mathématiques sont dissociables les unes des autres : ceci implique que les difficultés ou facilités rencontrées dans un domaine mathématique ne le sont pas pour autant pour l’ensemble des mathématiques ; ce qui représente, pour l’enseignant, un critère à considérer pour la formation de groupes de travail par niveau.
Il apparait donc que, même si la plupart des travaux réalisés jusqu’alors semblent n’étudier que deux compétences – logico-mathématique et langagière – et que celles-ci dominent dans le système scolaire français – comme le remarque Bruno Hourst (2014) -, le cerveau dispose de nombreuses autres facultés intellectuelles. C’est pourquoi les tests visant à mesurer l’intelligence, dont celui du QI qui avait pour objectif de prédire l’avenir scolaire des élèves, n’ont en réalité guère de valeur pronostique puisque restrictifs concernant les compétences évaluées. De plus, ils ne permettent pas d’estimer non plus la réussite concernant la vie professionnelle (Jencks, 1972), représentant pourtant l’une des grandes missions de l’école. Pour ces raisons, et certainement aussi, d’après Carlos Tinoco (2014), parce que ces tests répondaient aux attentes de la société qui a généralement tendance à vouloir une « espèce de grille magique qui convienne à tous alors que cela ne fonctionne pas », s’est développée une toute autre approche : la théorie des Intelligences Multiples.

Théorie des intelligences multiples

Dans cette partie est définie la théorie des intelligences multiples, puis sont exposés les intérêts pédagogiques qu’elle présente.

Présentation de la théorie

Howard Gardner (1996), professeur à la HGSE5, directeur du Harvard Project Zero et professeur adjoint de psychologie, introduit sa théorie des intelligences multiples dès les années 1980 : « Il s’agit d’une conception plurielle de l’intelligence qui prend en considération les nombreuses et différentes facettes de l’activité cognitive, et qui reconnait que nous différons les uns des autres par notre acuité cognitive et nos styles cognitifs contrastés. »
Il s’agit ici d’une remise en cause radicale des tests d’intelligence, qui s’appuient, comme précisé par Bruno Hourst (2014), sur deux postulats : l’intelligence peut être mesurée et quantifiée, et elle est fixée pour la vie.

Thèse d’Howard Gardner

Afin de définir ce qu’est l’intelligence, Gardner (1996) commence par en donner l’usage courant, à savoir : « [capacité à] résoudre des problèmes, [à] trouver la réponse à des questions précises, et [à] apprendre vite et bien de nouveaux sujets ».
Garder avance ensuite l’idée que chaque individu possède huit intelligences, qu’il utilise et combine en fonction des situations face auxquelles il se trouve.
Ci-dessous résumées ces intelligences multiples, définies par Gardner : Gardner (1996) précise que ces intelligences sont « autonomes » les unes des autres ; cette indépendance implique qu’un très haut niveau d’efficience dans un domaine (par exemple, les mathématiques) n’entraine pas un niveau similaire dans un autre domaine (par exemple, le langage ou la musique). Il nuance toutefois ses propos : « il n’y a aucune raison théorique pour que deux intelligences, ou plus, ne se chevauchent pas, ou ne se corrèlent pas, de façon plus étroite qu’avec les autres ».
Il complète en affirmant que « s’il est possible que les individus se distinguent par les profils spécifiques d’intelligence avec lesquels ils naissent, il est en tout cas certain qu’ils diffèrent par les profils qu’ils développent finalement ». Il s’avère, en effet, que selon les personnes, certaines intelligences sont plus sollicitées que d’autres : Stéphanie Crescent (2014) les nomme « intelligences récurrentes ». Elles sont généralement au nombre de 2 ou 3 ; les autres étant tout de même utilisées, mais moins régulièrement. Ceci fait de chaque individu un être singulier.
Aussi, Gardner (1996) explique que chaque intelligence passe par différents stades de développement naturel :
• Elle commence par une « faculté brute de représentation », qui prédomine au cours de la première année de vie (sensibilité ou disposition naturelle) ;
• À l’étape suivante, elle transparaît au travers d’un « système symbolique » (la sensibilité devient alors une tendance) ;
• Au fil du développement, elle est représentée par un « système de notation », qui s’acquiert dans le cadre d’un enseignement formel (la tendance devient une aptitude ou une compétence) ;
• Enfin, l’intelligence s’exprime à travers l’éventail des « activités, professionnelles ou non » (l’aptitude est au service d’une activité).
En complément, Stéphanie Crescent (2014) explicite la manière dont chacune des intelligences multiples se développe :
• Verbale / linguistique : s’épanouit par le langage ;
• Logique / mathématique : s’accroît par l’entraînement au calcul et par l’analyse logique ;
• Corporelle / kinesthésique : croît par la motricité et le rapport à son propre corps ;
• Musicale / rythmique : s’élargit à travers l’écoute, le rythme et la production musicale (silence y compris) ;
• Visuelle / spatiale : se déploie par les images mentales et le dessin ;
• Interpersonnelle : s’enrichit grâce au partage et aux interactions avec les autres ;
• Intrapersonnelle : se développe par l’analyse réflexive (le retour sur soi et la gestion de ses propres sentiments) ;
• Naturaliste : s’exerce en gardant un rapport avec la nature et les êtres vivants, par la compréhension des systèmes intrinsèques.
Enfin, la vision de Gardner (1996) repose sur deux hypothèses :
• Chaque individu a des capacités, des intérêts et des façons d’apprendre différents ;
• Il est impossible à quiconque « d’appréhender le savoir dans son intégralité », ce qui signifie qu’il est impossible de tout connaître.

Apports scientifiques

La théorie de Gardner s’appuie sur des travaux de recherches approfondis. En particulier, elle se base sur des études menées dans les domaines de l’anthropologie, de la psychologie cognitive, des approches psychométriques, physiologiques et neurologiques, ainsi que sur des recherches sur le cerveau. Lui donnant ainsi sa crédibilité, Bruno Hourst (2014) affirme que la théorie des intelligences multiples a tout de suite eu beaucoup de succès auprès du monde de l’enseignement et de l’éducation : dès 1983 dans le monde anglo-saxon, et à partir de 1996 dans le monde francophone. Une étude scientifique récente rapporte qu’elle est aujourd’hui utilisée par des enseignants du monde entier (Constantinescu, 2014).
Malgré cela, il semblerait que la théorie de Gardner ne soit pas admise de tous : elle n’aurait pas été particulièrement confirmée par les recherches expérimentales, d’après Franck Ramus (2014). Certains aspects, comme le nombre d’intelligences définies, sont en effet controversés. Cependant, les découvertes sur le cerveau ont désormais validé l’idée que notre cerveau consacre des circuits nerveux pour développer plusieurs compétences liées à différentes intelligences. Stéphanie Crescent (2014) précise que ces circuits fonctionnent en synergie tous ensemble en même temps, qu’ils sont en constant développement, et que ce phénomène s’appelle la « plasticité cérébrale ».
A ce sujet, l’ouvrage mondial de référence intitulé Neurosciences : à la découverte du cerveau (2016) affirme que :
• La plupart des opérations réalisées par le cerveau dépendent d’interconnexions remarquablement précises entre ses quelque 85 milliards de neurones ;
• Même si la plupart des neurones trouvent leur destination avant la naissance, le raffinement définitif des connexions synaptiques, en particulier dans le cortex, se déroule au cours de la petite enfance et sous l’influence de l’environnement sensoriel ;
• L’interaction avec l’environnement modifie le cerveau durant toute la vie, d’une façon ou d’une autre, faute de quoi la mémorisation et l’apprentissage ne seraient pas possibles ;
• L’apprentissage, défini comme étant « l’acquisition de nouvelles informations ou connaissances », et la mémoire, qui « correspond à la rétention de l’information acquise », sont traités et stockés par différents processus neuronaux, qui peuvent par ailleurs « varier avec le temps qui passe ».
La plasticité est donc une condition nécessaire aux apprentissages et demeure, en tant que propriété inhérente du cerveau, opérante tout au long de la vie (OECD, 2007).
L’ouvrage rapporte également que l’Homme apprend, directement par l’expérience ou bien de façon plus abstraite (la définition d’un triangle isocèle, par exemple). Certaines de ces informations « nécessitent l’acquisition d’un lexique et présentent un caractère explicite », tandis que d’autres « relèvent plutôt d’un automatisme à acquérir ».
Néanmoins, il est précisé que « tenter de comprendre le rôle exact de chacune [des structures intervenant] dans le processus d’apprentissage et de 16
mémorisation reste un challenge pour les chercheurs ». La théorie de Gardner sera donc certainement amenée à évoluer encore, à être enrichie.

Clarification et confrontation des modèles

Gardner note, en effet, que les huit intelligences ne représentent pas forcément la totalité des capacités humaines. L’intelligence naturaliste a d’ailleurs été ajoutée après les sept autres. De plus, les équipes de Gardner réfléchissent à l’hypothèse d’autres intelligences encore, parmi lesquelles figure l’existentielle (morale, éthique, philosophie, spiritualité), qui se renforce en méditant. En raison de sa propre expérience « terrain », Stéphanie Crescent (2014) a d’ailleurs complètement intégré cette dernière. En outre, elle ajoute que de nombreux travaux en neurosciences convergent pour étudier la méditation et ses bienfaits. Néanmoins, à ce jour, Renaud Keymeulen (2013) exprime, dans son ouvrage Vaincre ses difficultés scolaires grâce aux intelligences multiples, que l’intelligence existentielle n’est pas validée scientifiquement.
Par ailleurs, cet auteur liste d’autres types d’intelligences, pas toujours reconnues par la communauté scientifique mais qui apparaissent dans la littérature pédagogique. Parmi elles :
• L’intelligence émotionnelle, définie en 2012 par Goleman, psychologue qui s’appuie sur les travaux de Salovey et Mayer ainsi que sur ses propres recherches. Le modèle se caractérise par cinq concepts : conscience de soi, maîtrise de ses émotions, empathie ou conscience sociale, harmonisation et gestion des relations, auto-motivation et mental positif. L’intelligence
émotionnelle peut en réalité être considérée comme une synthèse des intelligences intrapersonnelle, interpersonnelle et kinesthésique.
• L’intelligence créative, qu’il est possible de définir en se basant sur la définition, datant de 2010, de la créativité de Cottraux, psychiatre et fondateur de l’Académie de thérapie cognitive de Philadelphie : « capacité de trouver des solutions originales aux questions que l’on se pose et de réaliser son potentiel personnel en appliquant ses talents à une réalisation concrète ». Gardner ne contredit pas cette définition, mais il pense que la créativité se manifeste par la multiplicité d’expériences mobilisant diverses intelligences en fonction du domaine traité et de la tâche à réaliser. La créativité engloberait donc les huit intelligences.
Enfin, il ne faut pas confondre la théorie des intelligences multiples et le modèle VAK (Visuel Auditif Kinesthésique), selon lequel l’individu utilise un canal sensoriel privilégié et qui se situe au niveau de la prise d’informations ; tandis que les intelligences multiples traitent les informations. En effet, à chaque instant, nos sens absorbent diverses données, qui passent du thalamus à la zone sensorielle du cortex, et permettent ainsi à l’apprenant de mémoriser, à court terme. L’étape qui suit cette prise d’informations est son traitement : l’apprenant met alors en œuvre l’une des intelligences multiples définies par Gardner (Keymeulen, 2013). Ainsi, il convient de distinguer les styles d’apprentissage (liés au modèle VAK) de la théorie des intelligences multiples (Hourst, 2014).

Regards critiques

Il est évident que chaque individu possède tout un ensemble de facultés mentales. Toutefois, vis-à-vis de ce qui a été décrit plus haut, nous pouvons émettre une réserve quant à la distinction de huit d’entre elles, comme Gardner le propose, car nous en avons très certainement davantage (Ramus, 2014).
De plus, la dénomination choisie par Gardner peut poser question :
• D’après Franck Ramus (2014), les termes de « capacités », « talents », « intérêts » seraient plus appropriés que « intelligences » ;
• Michel Habib (2014) préconiserait d’employer le terme « intelligence » pour ce qui est mesurable, et d’utiliser les autres termes, comme « capacités », « talents », « intérêts », mais aussi « qualités », pour ce qui ne l’est pas ;
• Quant à Stéphanie Crescent (2014), elle est d’accord pour dire que le terme « intelligence » n’est pas forcément adapté. Aussi, elle a conscience que la notion de « compétences » est en réalité sous-entendue, et ne se focalise finalement pas sur les termes linguistiques car son intérêt est ailleurs : la théorie des intelligences multiples est, pour elle, un outil pédagogique permettant d’aider, en classe, les élèves en difficulté.
Remarquons que, d’après Gardner (1996), l’essentiel pour une théorie est de pouvoir être étudiée par le théoricien et exploitée par le praticien. Sachant qu’il 18 bouscule, avec les intelligences multiples, la conception de l’intelligence mais aussi le regard sur le système scolaire traditionnel puisqu’il veut développer « l’idée d’une école centrée sur l’individu qui prenne au sérieux cette conception d’une intelligence multiforme »6, l’idée est alors de s’intéresser à la théorie des intelligences multiples de Gardner en étudiant la valeur ajoutée qu’elle peut apporter en classe, pour les élèves, que ceux-ci soient en difficulté ou non.

Intérêts pédagogiques

Comme explicité précédemment, l’enseignement en France se concentre essentiellement sur deux manières d’apprendre : les formes verbale et logique. Or, les élèves apprennent tous différemment ; ceci étant illustré par les postulats de Robert Burns (1971). Certains ont donc des capacités non reconnues à l’école. Ne correspondant pas au profil attendu, ces élèves, qui ont pourtant le désir d’apprendre, s’ennuient souvent ou pire, se retrouvent en situation d’échec. La théorie des intelligences multiples peut alors s’avérer être un facteur important de réussite et d’épanouissement : elle fournit des stratégies d’enseignement et d’évaluation qui conviennent mieux à un plus grand nombre d’élèves, sinon à tous (Hourst, 2014).
Afin de mieux comprendre en quoi la théorie des intelligences multiples peut être bénéfique aux apprentissages, voyons comment celles-ci semblent intervenir au sein du fonctionnement cérébral.

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Table des matières

Introduction
1. Conceptions de l’intelligence 
1.1. Premières théories
1.2. Théories du XXe siècle
1.3. Théories actuelles
2. Théorie des intelligences multiples 
2.1. Présentation de la théorie
2.2. Intérêts pédagogiques
3. Pratique pédagogique 
3.1. Cadre de l’expérimentation
3.2. Démarche liée à l’expérimentation
3.3. Démarche faisant suite à l’expérimentation
Conclusion 
Bibliographi

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