Théorie de la fonctionnelle de la densité

Théorie de la fonctionnelle de la densité

Dans les années 1960, les travaux de Paul Hohenberg, Walter Kohn et Lu Sham ont permis de donner une approche théorique quant à la résolution de l’équation électronique aux valeurs propres de He. Les concepts fondamentaux de la théorie de la fonctionnelle de la densité ont été rédigés dans les articles originaux de P. Hohenberg, W. Kohn et L. Sham [7, 8] qui font notamment référence aux théorèmes de Hohenberg-Kohn. Cette théorie a eu un impact majeur dans le calcul des structures électroniques des solides et à ce jour elle continue à être améliorée. Le physicien W. Kohn, fondateur principal de la théorie de la fonctionnelle de la densité, a obtenu le prix Nobel de Chimie en 1998 avec le chimiste et numéricien J. A. Pople.

Les théorèmes de Hohenberg-Kohn

L’idée de départ de la théorie de la fonctionnelle de la densité consiste à reformuler la question de la résolution de l’équation de Schrödinger dans l’approximation adiabatique. Au lieu de chercher directement à résoudre cette équation qui dépend de la fonction d’onde poly-électronique ψ e , la théorie de la fonctionnelle de la densité propose une alternative en considérant comme quantité de base pour la description du système la densité électronique n(r). Ceci permet de réduire le nombre de degrés de liberté de 3Ne à 3 puisque la densité électronique est définie en un point donné de l’espace. La théorie de la fonctionnelle de la densité est basée sur deux théorèmes qui ont d’abord été présentés et démontrés par P. Hohenberg et W. Kohn en 1964 [7] puis reformulés par R. M. Martin [9] en 2004 :

Théorème. Pour un système d’électrons en interaction, le potentiel externe Vext(r) est déterminé de façon unique, à une constante près, par la densité électronique de l’état fondamental notée n0(r).

Corollaire. Si le Hamiltonien du système est connu, il s’ensuit que la fonction d’onde poly-électronique associée à l’état fondamental et aux états excités peut être déterminée. Toutes les autres propriétés du système sont déterminées par la densité électronique de l’état fondamental.

Ce théorème permet d’exprimer un certain potentiel Vext(r) comme une fonctionnelle de la densité électronique n(r). Ceci étant dit, revenons à l’expression mathématique du Hamiltonien électronique He (1.4).

Équations de Kohn-Sham

La fonctionnelle F[n(r)] dépend de l’énergie cinétique des électrons Te[n(r)] et de l’interaction coulombienne mutuelle des électrons du système, Ve,e[n(r)]. L’approche choisie par W. Kohn et L. Sham en 1965 pour déterminer F[n(r)] et obtenir l’énergie du niveau fondamental consiste à introduire l’énergie cinétique totale Ts[n(r)] d’un système d’électrons fictifs Ss sans interaction mais de même densité électronique que le système réel noté Se. La fonctionnelle F[n(r)] est construite à partir d’une somme de trois termes dont l’énergie cinétique Ts[n(r)] .

La fonctionnelle Exc[n(r)] est un terme qui, premièrement, prend en compte les effets d’échange. La fonction d’onde poly-électronique doit être antisymétrique par l’échange de deux électrons. Une conséquence importante est que deux électrons de spins parallèles ne peuvent pas occuper la même position. Ainsi, l’antisymétrisation de la fonction d’onde a pour effet de produire une séparation spatiale des électrons de spins parallèles ce qui réduit l’énergie coulombienne du système. On donne parfois de ce phénomène une représentation imagée selon laquelle un électron est entouré d’un “trou de Coulomb” et d’un “trou de Fermi” qui annihile, plus ou moins, l’apparition dans son voisinage d’un autre électron même spin. Cette réduction de l’énergie coulombienne du système correspond à l’énergie d’échange qui s’exprime comme la différence de l’énergie d’interaction Ve,e propre au système réel moins l’énergie de Hartree EH.

Deuxièmement, l’énergie coulombienne du système peut encore être modifiée en augmentant la distance de séparation des électrons présentant des spins anti-parallèles. Cependant, la diminution des interactions coulombiennes s’accompagne d’une augmentation de l’énergie cinétique du système réel. La différence d’énergie entre le système réel et l’énergie du système calculée dans l’approximation Hartree Fock est appelée énergie de corrélation (Ec[n(r)] = Te[n(r)] − Ts[n(r)]). La fonctionnelle Exc[n(r)] n’est pas connue exactement, et le choix d’une fonction d’échange et corrélation approximée constitue l’un des principaux choix d’approximation en théorie de la fonctionnelle de la densité.

Ainsi, la résolution de l’équation de Schrödinger pour Ne électrons en interaction se ramène à la résolution d’une équation de Schrödinger pour un électron évoluant dans le potentiel de champ moyen Vs. Ces équations sont auto-cohérentes au sens où VH et Vxc dépendent de la densité électronique par l’intermédiaire des orbitales mono-électroniques ϕi (elles sont résolues de manière itérative). Une densité électronique initiale est générée pour obtenir le potentiel effectif Vs, une nouvelle densité électronique est alors déterminée. À partir de cette nouvelle densité électronique, un nouveau potentiel effectif est calculé. Cette opération est répétée jusqu’à obtenir une densité électronique similaire, à un seuil de tolérance près, à la densité électronique du pas précédent. Pendant chaque itération, les potentiels Vxc et VH sont calculés. Ce processus de résolution des Éq. (1.36) correspond à ce qu’on appele la boucle auto-cohérente. À la fin, on obtient l’énergie électronique ainsi que la fonction d’onde poly-électronique par l’intermédiaire des orbitales mono électroniques. Néanmois, la résolution des équations de Kohn-Sham nécessite de connaître le potentiel d’échange et corrélation, et par conséquent l’énergie associée. À ce jour, il n’existe pas une expression analytique exacte de l’énergie d’échange et corrélation. Cette dernière doit donc être approximée.

Approximations sur la fonctionnelle d’échange et corrélation 

Dans l’article original de W. Kohn et L. Sham [8] il est écrit que, dans la limite du gaz d’électrons homogène, les effets d’échange et corrélation ont un caractère local. L’approximation de la densité locale (ou LDA pour Local Density Approximation en anglais) a historiquement été la première approximation utilisée pour l’énergie d’échange et corrélation.

L’approximation de la densité locale reste une bonne approximation pour l’énergie d’échange et corrélation dans des solides où la densité électronique est similaire à celle d’un gaz d’électrons uniforme. En revanche, la LDA présente des limites lorsqu’on s’intéresse à des systèmes isolés tels que des molécules. Le plus grand défaut de la LDA est qu’elle tend à rendre les électrons localisés. Ainsi, les systèmes d’électrons fortement corrélés sont mal décrits. De plus, la fonctionnelle LDA est connue pour surestimer l’énergie de la liaison hydrogène [17] et donne des gaps trop faibles pour les semiconducteurs et les isolants.

Application de la théorie de la fonctionnelle de la densité au cas des solides cristallins

Dans toute notre étude, la théorie de la fonctionnelle de la densité a été utilisée pour réaliser des simulations sur des cristaux moléculaires et ioniques. Dans l’hypothèse d’un cristal parfait, une maille conventionnelle est reproduite à l’infini dans les trois directions de l’espace afin de générer la structure cristalline. La simulation d’un nombre donné d’atomes composant le cristal se fait en considérant que ces derniers sont contenus dans un volume fini communément appelé boîte de simulation. Cependant, ce nombre d’atomes contenus dans la boîte de simulation reste très petit devant le nombre d’atomes présents dans un échantillon expérimental et ce pour des raisons d’ordre calculatoire et de symétrie. La conséquence directe de l’utilisation d’une boîte de simulation est qu’une proportion non négligeable d’atomes se trouve à proximité de la surface de la boîte donnant lieu à des effets de bords, c’est à dire la présence de surfaces libres. Des conditions aux limites périodiques, appelées également conditions de Born-Von Kármán [22], sont nécessaires pour remédier à ce problème. Elles sont préférables aux conditions aux limites rigides (réflexion parfaite des parois) puisque ces dernières introduises d’autres effets de bords. Des images de la boîte de simulation sont construites autour de la-dite boîte afin de paver tout l’espace autour de la maille conventionnelle. Le système infini et périodique ne représente en aucun cas le système expérimental mais permet tout de même de réaliser des simulations avec un nombre raisonnable d’atomes. Ainsi les fonctions mono-électroniques ϕi dépendent de la nature périodique de la position des noyaux dans le réseau.

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Table des matières

Introduction générale
1 Méthodes de modélisation
1.1 Introduction
1.1.1 Équation de Schrödinger des états stationnaires
1.1.2 Approximation de Born-Oppenheimer
1.2 Théorie de la fonctionnelle de la densité
1.2.1 Les théorèmes de Hohenberg-Kohn
1.2.2 Équations de Kohn-Sham
1.2.3 Approximations sur la fonctionnelle d’échange et corrélation
1.2.4 Application de la théorie de la fonctionnelle de la densité au cas des solides cristallins
1.2.5 Approximation des pseudo-potentiels
1.2.6 Résolution itérative des équations de Kohn-Sham
1.2.7 Optimisation de la position des noyaux
1.3 Phonons et spectroscopie vibrationnelle
1.3.1 Décomposition en modes propres
1.3.2 Modes propres de vibration dans un cristal
1.3.3 Calculs de spectres infrarouge et Raman
1.4 Dynamique moléculaire : approche empirique et ab initio
1.4.1 Ensembles thermodynamiques et thermostats
1.4.2 Dynamique moléculaire classique
1.4.3 Dynamique moléculaire ab initio
1.5 Prédiction de structures cristallines
1.5.1 Introduction au problème de la prédiction
1.5.2 Principe général de la méthode AIRSS
1.5.3 Exemple d’application dans NH4F
1.6 Propriétés structurales et dynamiques
1.6.1 Liaison hydrogène
1.6.2 Notions élémentaires sur les transitions de phase
1.6.3 Fonction de distribution radiale
1.6.4 Densité spectrale vibrationnelle
1.7 Dispositifs expérimentaux et techniques d’analyse
1.7.1 Principe général de la cellule à enclumes de diamant
1.7.2 Techniques d’analyse structurales et vibrationnelles
2 Désordre protonique et transition ordre-désordre de NH4F
2.1 Le cristal ionique NH4F : un système peu étudié
2.1.1 Diagramme de phases
2.1.2 NH4F/H2O : une possible similarité structurale
2.2 Paramètres des calculs et techniques expérimentales
2.2.1 Paramètres des calculs
2.2.2 Études expérimentales
2.3 Prédiction de structures
2.3.1 Résultats
2.3.2 Effet des fonctionnelles d’échange et corrélation sur la stabilité thermodynamique
2.4 Mise en évidence du désordre au sein de la phase III
2.5 Étude des modes de vibration par spectroscopie Raman
2.6 Transition ordre (NH4F V) – désordre (NH4F III)
2.6.1 Étude par la spectroscopie Raman
2.6.2 Simulations de diffractogrammes des rayons X
2.7 Stabilité thermodynamique
2.8 Prédiction à très haute pression : une analogie NH4F/H2O conservée
2.9 Discussion
2.10 Conclusions et perspectives
3 Propriétés exotiques du mélange NH3.H2O sous pression
3.1 Introduction
3.1.1 Planétologie des glaces moléculaires
3.1.2 Les glaces denses d’eau, ammoniac et méthane : état de l’art
3.1.3 Diagramme de phases de l’AMH
3.2 Paramètres des simulations et méthodes expérimentales
3.2.1 Paramètres des simulations
3.2.2 Techniques expérimentales
3.3 Prédiction de structures
3.3.1 Résultats
3.3.2 Effet des fonctionnelles d’échange et corrélation sur la stabilité thermodynamique
3.3.3 La structure P4/nmm : un cristal équivalent à une phase VI ionique ?
3.4 Études vibrationnelles et structurales
3.4.1 Preuve de l’ionisation à basse pression
3.4.2 Désordre substitutionnel et orientationnel
3.5 AMH VI0 : un cristal ionique, moléculaire et désordonné
3.5.1 Démarche et paramètres des simulations
3.5.2 Coexistence entre espèces moléculaires et ioniques
3.5.3 Analyse topologique : un système frustré
3.5.4 Densités d’états vibrationnels
3.6 Discussion
3.7 Conclusions et perspectives
Conclusion générale

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