Le phénomène de diffraction a été mis en évidence en 1665 par Grimaldi, qui observa la lumière du soleil entrant dans une chambre noire à travers un trou. Il fit alors deux observations. D’une part la lumière ne suivit pas le comportement prédit par l’optique géométrique, et d’autre part la tache qu’il observa contenait des raies colorées. Il mit ainsi en évidence le caractère ondulatoire de la lumière. De manière plus générale la diffraction est un phénomène caractéristique qui se produit lorsque une onde rencontre un objet de taille comparable à sa longueur d’onde. Cela est vrai dans le cadre de l’expérience précédente, dans laquelle Grimaldi a observé la diffraction de la lumière par un trou de taille micrométrique, mais cela est également vrai pour des ondes mécaniques comme par exemple des vagues se propageant à la surface de la mer.
La diffraction d’une onde électromagnétique par les atomes constituant un matériau est également possible, mais il a fallu attendre plus de 200 ans avant que l’on sache produire des rayons X, une onde électromagnétique dont la longueur d’onde de l’ordre de l’Angtröm (1Å = 10⁻¹⁰m) est comparable à la distance inter-atomique, ce qui rend possible la diffraction sur un cristal. En 1913, les Bragg, père et fils, ont utilisé une source de rayons X et ont montré qu’il est possible de retrouver des informations sur un matériau à partir de son image de diffraction. Ils ont alors analysé la structure cristalline du NaCl [1] et ont reçu le prix Nobel de Physique en 1915 pour leurs travaux portant sur « l’analyse de la structure cristalline au moyen des rayons X ».
Ainsi, la théorie de la diffraction que nous allons présenter par la suite est valable pour la diffraction des rayons X comme pour la diffraction d’électrons. Ce chapitre est organisé de la façon suivante :
• Nous aborderons dans un premier temps la démarche proposée par Bragg dans laquelle la diffraction est vue comme la réflexion d’une onde sur des plans atomiques. Cette approche intuitive permet de comprendre simplement les figures de diffraction obtenues sur des cristaux par exemple, mais elle ne permet pas de saisir toutes les subtilités de la diffraction.
• Nous étudierons alors la contribution de chaque atome constituant un cristal. Nous verrons comment, en considérant que la diffraction est due aux interférences constructives des ondes diffusées par les atomes constituant le cristal, il est possible de calculer l’amplitude et la phase de l’onde diffractée.
• Nous terminerons ce chapitre en introduisant les concepts de qualité de faisceau pour les expériences de diffraction ultra-rapide d’électrons. Nous établirons un cahier des charges qui nous servira tout au long de ce manuscrit afin de juger de la qualité de la source que nous nous attelons à construire.
Formule de Bragg : approche intuitive de la diffraction
Nous allons dans un premier temps adopter la démarche proposée par Bragg pour expliquer la diffraction d’une onde par un cristal. Dans un cristal, la position des atomes se répète périodiquement, et on peut alors définir des plans auxquels appartiennent un grand nombre d’atomes et qui sont séparés d’une distance d avec leurs voisins. A partir de ce schéma on peut établir la formule de Bragg, indiquant que l’onde diffractée à un angle θ avec le cristal sera intense si la contribution de chaque plan est en phase avec la contribution des autres plans [2] :
2d sinθB = mλ (2.2)
Caractéristiques de la source idéale pour la diffraction ultra-rapide d’électrons
Dans cette section, nous allons établir les caractéristiques que doit avoir la source d’électrons. On cherche à construire une source ayant les propriétés suivantes :
• taux de répétition élevé, typiquement supérieur à 100 Hz, car ce type d’expérience nécessite d’accumuler un grand nombre de données afin de les moyenner, et ainsi d’augmenter le rapport signal sur bruit.
• durée du paquet d’électrons de l’ordre de la dizaine de femtosecondes au niveau de l’échantillon afin de concurrencer les sources conventionnelles.
• encombrement raisonnable de l’expérience, c’est-à-dire que le montage ne doit pas dépasser quelques mètres.
• la figure de diffraction mesurée doit être de bonne qualité : pics de diffractions fins et bien séparés les uns des autres.
Choix du type de source
Les 2 technologies permettant potentiellement de fournir des paquets d’électrons de cette qualité sont (i) les canons à électrons couplés à une cavité radio-fréquence et (ii) les accélérateurs laser-plasma. Nous allons présenter les avantages et inconvénients de ces sources.
• Canon à électrons :
Bien que les cavités radio-fréquence permettent de comprimer les paquets d’électrons à des durées de l’ordre de la centaine de femtosecondes, il est compliqué de contrôler précisément la phase à laquelle les électrons sont injectés dans le champ pulsé. Chaque paquet d’électrons voit alors, en moyenne, un champ plus ou moins fort ce qui se traduit par un décalage du temps d’arrivée des paquets sur l’échantillon. Il a récemment été montré que ce problème de stabilité de la phase (appelé jitter) limite la résolution temporelle à plusieurs centaines de femtosecondes pour des expériences de diffraction d’électrons résolues en temps [8, 9]. Il est donc compliqué de répondre au cahier des charges que l’on a établi précédemment avec ce type de sources, et il faut se tourner vers une autre technologie.
• Accélérateur laser-plasma :
Il a déjà été montré que ce type d’accélérateur permet de produire des paquets d’électrons de durée d’environ 2 fs, a priori sans aucun jitter car le paquet d’électrons est parfaitement synchronisé avec la source laser [10]. Nous verrons dans le chapitre suivant qu’il est possible d’accélérer des faisceaux d’électrons à ∼ 5MeV dans un plasma avec des impulsions laser de durée ∼ 5 fs et d’énergie ∼ 5mJ, et il a été démontré en 2014 que ce type d’impulsions laser pouvait être produit au kHz [11]. Bien qu’une expérience d’accélération laser-plasma d’électrons à 5 MeV n’a toujours pas été réalisée à ce jour avec ce type d’accélérateur, les expériences qui ont été faites à plus haute énergie ont montré que la qualité des faisceaux accélérés est bonne : des paquets d’électrons dont la dispersion en énergie est inférieure au % et dont la divergence est de l’ordre du mrad ont été produits [12, 13, 14]. Ce type d’accélérateur s’avère donc être prometteur pour des expériences de diffraction ultra rapide d’électrons.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Références
2 Théorie de la diffraction d’électrons
2.1 Introduction
2.2 Formule de Bragg : approche intuitive de la diffraction
2.3 Diffusion d’une onde sur un atome
2.4 Définition de la structure cristalline
2.5 Diffraction dans l’espace réel
2.6 Diffraction dans l’espace réciproque
2.7 Caractéristiques de la source idéale pour la diffraction ultra-rapide d’électrons
2.8 Conclusion
2.9 Références
3 Théorie de l’accélération laser-plasma
3.1 Ionisation par suppression de barrière
3.2 Définition des grandeurs laser et plasma
3.3 Génération d’ondes plasma
3.4 La problématique de l’injection
3.5 Injection dans un gradient de densité
3.6 Le régime de la bulle
3.7 Applications numériques : accélération d’un paquet d’électrons dans le régime de la bulle pour des expériences de diffraction d’électrons
3.8 Références
4 Expériences d’accélération d’électrons au LOA
4.1 Le système laser « Salle Noire »
4.2 Montage expérimental
4.3 Résultats expérimentaux : étude de l’accélération laser-plasma avec le laser
de la « Salle Noire »
4.4 Conclusion et perspectives
4.5 Références
5 Premières expériences de diffraction d’électrons – expériences au CUOS
5.1 Montage expérimental et caractérisation du faisceau d’électrons
5.2 Preuve de principe : première expérience de diffraction d’électrons statique
avec un accélérateur laser-plasma
5.3 Principe de l’expérience de diffraction résolue en temps
5.4 Résultats et analyse de la stabilité de la source
5.5 Améliorations envisageables de l’expérience
5.6 Conclusions
5.7 Références
6 Autocompression d’impulsions laser induite par ionisation
6.1 Introduction sur les méthodes de post-compression d’impulsions femtosecondes
6.2 Introduction sur les couplages spatio-temporels
6.3 Montage expérimental
6.4 Résultats expérimentaux : auto-compression de l’impulsion à 12 fs
6.5 Simulations PIC
6.6 Etude des couplages spatio-temporels
6.7 Conclusion
6.8 Références
7 Etude numérique de la génération de faisceaux d’électrons à 5 MeV
7.1 Etude préliminaire : effet de la dispersion spectrale et des effets non linéaires
sur des impulsions ultra-courtes
7.2 Propagation d’une impulsion de durée 5 fs dans un plasma sous-dense
7.3 Accélération d’électrons à 5 MeV
7.4 Optimisation du faisceau d’électrons
7.5 Conclusions et perspectives
7.6 Références
8 Conclusion
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