La mélancolie hugolienne
Les Feuilles d’automne, Les Rayons et les Ombres sont composés du présent, du passé et du futur du poète. Ils sont tantôt une réminiscence tantôt une méditation ou un rêve ; et le poète animé par le mal du siècle recherche une joie de vivre qui le mène dans ses souvenirs d’enfance. Du coup, il est animé par la nostalgie d’un bonheur à jamais révolu et s’attriste d’un futur incertain. Alors il devient la proie de la mélancolie, un vague sentiment de tristesse qui répond à l’idéal romantique. Car ce courant artistique est avant tout une culture de la sensibilité dans le but d’avoir une tonalité pathétique. Mieux, ce mal d’être est étroitement lié à la muse poétique : « …tes chants sont plus doux dans les pleurs ;… » . On peut lire dans cet extrait de poème l’impact de ce sentiment sur la création artistique. Aussi, Victor Hugo traduit dans ces recueils poétiques le regard désabusé qu’il jeta sur le monde à la veille de sa maturité. Il y crie son désespoir, mesure sa désillusion et pleure ses souffrances : « Tout ce que j’ai souffert, tout ce que j’ai tenté, //Tout ce qui m’a menti comme un fruit avorté ».L’image « fruit avorté » répond au souci artistique du poète de caricaturer son chagrin. Comme dans un roman Hugo, pour ne pas trahir l’horizon d’attente de ses lecteurs établit dès les premiers pages le pacte de lecture en précisant le ton plaintif du recueil :
Alor dans Besançon, vieille ville espagnole.
Jeté comme la graine au gré de l’air qui vole,
Naquit d’un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;
Si débile qu’il fut, ainsi qu’une chimère,
Abandonné de tous, excepté de sa mère,
Et que son cou ployé comme un frêle roseau
Fit faire en même temps sa bière et son berceau.
Cet enfant que la vie effaçait de son livre,
Et qui n’avait pas même un lendemain à vivre, C’est moi – Dans ce poème lyrique, Hugo cite les choses qui sont à l’origine de son mal : « Les amours, les travaux, les deuils de [sa] jeunesse, ». Le poète fait il référence à la mort de ses parents, à l’infidélité de sa femme Adèle, aux luttes idéologiques précoces qu’il mena… Le poète ainsi nostalgique, regrettant l’affection familiale, la douceur d’une épouse fidèle se plaint : « que vous ai-je donc fais, ô mes jeunes années\\ pour m’avoir fui si vite, et vous êtes éloignés ».On peut donc se permettre d’établir une ressemblance entre le titre « Les Feuilles d’automne » et l’existence du poète, un passé radieux, un présent sombre, qui est bien à l’image de l’automne qui fait jaunir les feuilles fleuries en été. Ce titre est de ce fait vraiment significatif : feuilles mortes et dispersées sans couleur. Néanmoins Hugo infatigable recherche une joie de vivre qu’il espère trouver en la compagnie des enfants :
Laissez. Tous ces enfants sont bien là. Qui vous dit
Que la bulle d’azur que mon souffle agrandit
A leur souffle indiscret s’écroule ?
Qui vous dit que leurs voix, leurs pas, leurs jeux, leurs cris,
Effarouchent la muse et chassent les péris ?…_
Venez, enfants, venez en foule !
Venez autour de moi, riez, chantez, courez !
Votre œil me jettera quelques rayons dorés,
Votre voix charmera mes heures.
C’est la seule en ce monde où rien ne nous sourit
Qui vienne du dehors sans troubler dans l’esprit
Le chœur des voix intérieures !
Ces êtres inoffensives divertissent non seulement le poète mais aiguise aussi son inspiration. Ils lui apportent la sérénité et la quiétude. Toutefois ce dernier, condamné à la tristesse, rechute dans son mal. Car ces êtres douces courent naïvement à leur jeux ; et comme des papillons le poète peine à les maitriser : « Je les vois reverdir dans leurs jeux éclatants, » On peut donc parler d’une mélancolie moins sentimentale que psychique, aussi d’un mal chaotique qui enfonce sa victime dans le gouffre. Hugo l’aurait-il hérité de son père spirituel, Chateaubriand qui mit, avec son œuvre René, la mélancolie au goût du jour. En effet, ce « vagues des sentiments » remonterait de ce dernier pour ne pas parler Des souffrances du jeune Werther de Goethe, délimiter ainsi le champ mélancolique. Seulement Hugo aurait, dans ce cas, commis un parricide car il concevrait ce sentiment sous un autre angle que l’auteur d’Atala. Le héros de Chateaubriand est plutôt confiné à son amertume, un malheur permanent sans échappatoire. C’est un solitaire, un désespéré qui établit une distance infranchissable entre lui et le monde pour évoluer dans le vide : La solitude absolue, le spectacle de la nature, me plongèrent bientôt dans un état presque impossible à décrire. Sans parent, sans amis, pour ainsi dire seul sur la terre, n’ayant point encore aimé, j’étais accablé d’une surabondance de vie. Quelques fois je poussais des cris involontaires, et la nuit était également troublée de mes songes et de mes veilles. Il me manquait quelque chose pour remplir l’abime de mon existence
La fuite du temps chez Hugo
Le thème du temps occupe une place de choix dans la littérature du XIXème siècle plus particulièrement dans la poésie romantique. Il est, plus qu’un sujet d’écriture, une source d’inspiration qui est à l’origine de beaucoup de créations artistiques. Des plaintes et supplications sont formulées autour de sa course par des jeunes qui l’auraient préféré figé. Car ils ne veulent pas passer leur jeunesse dans la souffrance. Alors que les troubles sociales et politiques n’en finissent pas. Ils manifestèrent ainsi leur inquiétude et leur faiblesse devant ce phénomène. Leurs doléances nous ont poussés à nous poser une question à savoir, si le temps n’a pas changé de course ? La réponse est négative. Alors, pourquoi tant de lamentations ? En effet, le XIXème siècle fut un siècle de transition. Les artistes étaient confronté à un malaise sociale qui obstruait leurs rêves, retardait leurs projets, et tua leur espoir. Ils vont ainsi sentir le poids des jours qui passent et trouver du plaisir dans la contemplation des levés et des couchés du soleil. Ce fut une évocation intense du pas des jours. Jamais la poésie ne s’est autant focalisée sur le processus naturel de l’univers. Cette littérature à inspiration cosmique atteignit avec Les Feuilles d’automne, Les Rayons et les Ombres son paroxysme. Des ouvrages dont seuls les titres suffissent comme reflet de l’emprise du temps sur l’existence humaine. Le phénomène de la fuite du temps a pris avec Hugo une signification éthique et religieuse qui désorienta la poésie lyrique. Le poète fut de ce dernier le moyen approprié d’analyse du processus de vieillissement de l’homme. On peut se permettre d’établir une correspondance entre la fuite du temps et l’existence éphémère de l’homme sur terre. Ces deux phénomènes entretiennent une relation de cause à effet. Le temps qui s’écoule conduit inéluctablement l’être humain dans l’obscurité des tombeaux. Le poète surnomma ce passage de l’homme sur terre le « voyage profond et sans bornes ». Au bout de ce voyage, la force et la beauté humaine s’éclipsent. Et pour Hugo le temps serait le véritable facteur affaiblissant de la personne. Dès lors, dans l’anticipation de sa vieillesse, il fait le compte des jours qui passent:
Tout s’en va !le soleil, d’en haut précipité,
Comme un globe d’airain qui, rouge, est rejeté
Dans les fournaises remuées
En tombant sur les flots que son choc désunit,
Fait en flocons de feu jaillir jusqu’au zénith
L’ardente écume des nuées !
Oh !contemplez le ciel !et dès qu’a fui le jour,
En tout temps, en tout lieu, d’un ineffable amour,
Regardez à travers ses voiles ;
Un mystère est au fond de leur grave beauté,
L’hiver, quand ils sont noirs comme un linceul, l’été,
Quand la nuit les brode d’étoiles
Ce poème décrit la course du soleil : son levé et son couché. Il met en évidence sa vitesse à travers l’adjectif « précipité ». On retrouve dans ce poème tous les moments de la journée. Mais ce qui nous impressionne le plus, c’est la vitesse du soleil que le poète cherche à mettre en exergue dans chaque vers du poème : « et dès qu’a fui le jour », la nuit commence aussi sa course et les innocents dans leurs lits dorment inconsciemment alors que le poète soucieux contemple toujours le ciel qui encourage la fuite sans repu des heures. La poésie devient ainsi avec Victor Hugo une réflexion, un discernement, mieux l’expression désespérée de la condition humaine. Le poète hanté par ce trajet ininterrompu du temps se fixe l’objectif d’écouter le bruit du pas des heures. Certes, il espérait d’y entendre un message à transmettre, en tant que « prophète », aux êtres humains. Notons toutefois qu’Hugo n’est pas le seul poète qui a manifesté sa détresse et sa peur devant le phénomène de la fuite du temps. L’auteur des méditations a aussi écrit sur ce dernier un célèbre poème dans lequel il personnifie le temps et le supplie d’arrêter sa course. « Ô temps suspend ton vol, et vous heures propices !// suspendez votre cours : ». Là, on a une allégorie du temps. Lamartine s’adresse au temps en qualité d’être humain. Néanmoins Hugo demeure le seul théoricien des effets néfastes du temps sur l’ardeur et la douceur juvénile. Sa création poétique consiste une convergence vers l’aspect froissant de ce phénomène. Mieux qu’une complainte, c’est un examen de la destinée humaine et le rôle destructeur de chaque minute qui passe. Le temps est cette mer qui noie l’espérance de vie. Il n’épargne ni notre santé, ni notre beauté qu’il brouille de rides, ni notre force. Il travestit l’espoir en illusion, le bonheur en regret, la fraicheur en rudesse. Hugo le considère comme l’ennemi premier de l’homme. Et l’enfance est sa première proie, la vieillesse son abattoir :
Voir aux feux de midi, sans espoir qu’il renaisse,
Se faner son printemps, son matin, sa jeunesse,
Perdre l’illusion, l’espérance et sentir
Effacer de son front des taches et des rides,
[…]
Vieillir enfin, vieillir !comme des fleurs fanées
Voir blanchir nos cheveux et tomber nos années,
[…]
Ainsi l’homme, ô mon Dieu marche toujours plus sombre
Du berceau qui rayonne au sépulcre plein d’ombre
Dans ces extraits de poème, on peut lire le désespoir du poète causé par le poids de son âge. Le poète qui sent l’enfance s’éloigné et la vieillesse s’approchée pleure sa condition d’impuissant. Comme devant une glace, il scrute son visage qui s’enlaidit de jour en jour et observe sa peau moins fraîche et la compare à la nature.
L’isolement hugolien
Un des thèmes majeurs de la poésie romantique est l’isolement. Le poète lyrique a tendance à s’absenter du monde réel pour s’exiler dans l’espace et le temps. Il a le goût de l’exotique. Ce qui le pousse vers des contrés lointaines comme la nature. Il a aussi une aspiration pour les siècles révolus. Cela est dû à un mal permanent qu’il appelle le mal du siècle. Il est un solitaire qui fut du rêve, de l’errance et de la nature une muse poétique. Notons au passage que l’isolement du poète romantique est étroitement lié à la nature. D’ailleurs, cette dernière est l’idéal endroit où se déploie cet état. Donc, on ne peut parler de l’un sans évoquer l’autre. Toutefois, contrairement à Lamartine, l’isolement hugolien compromis paradoxalement ce constat. Le concept isolement prend avec Les Feuilles d’automnes Les Rayons et les Ombres une connotation spirituelle et morale. Le poète prophète du siècle, a besoin de la solitude pour épancher son cœur de ses sentiments, délivrer son âme du poids mélancolique, rasséréner son esprit embrouillé et calmer ses douleurs physiques. Il doit méditer sur la vie et ce qui la compose, sur le destin et sur la grandeur de ce seigneur invisible. Il doit s’isoler car l’isolement est la tradition des prophètes. C’est en étant isolé qu’il parviendra à toucher à l’intouchable et d’accéder à l’inaccessible par le biais du songe. Peut Ŕil méditer dans la cohue ? Non ! Il lui faut un asile où désaltérer sa soif de cogiter. La nature est le parfait endroit. Donc il s’y morfond. Ce confinement a fini par devenir une des échappatoires premières du poète. D’un moment à l’’autre Hugo fuit le bruit et la pollution des demeures pour le silence et la pureté des forêts.
Et ces derniers l’accueillent gentiment :
Quand le livre où s’endort chaque soir ma pensée,
Quand l’air de la maison, les soucis du foyer,
Quand le bourdonnement de la ville insensée,
Où toujours on entend quelque chose crier,
Quand tous ces mille soins de misère ou de fête
Qui remplissent nos jours, cercle aride et borné,
Ont tenu trop longtemps, comme un joug sur ma tête,
Le regard de mon âme à la terre tourné ;
Elle s’échappe enfin, va, marche, et dans la plaine
Prend le même sentier qu’elle prendra demain,
Qui l’égare au hasard et toujours la ramène,
Comme un coursier prudent qui connaît le chemin.
Elle court aux forêts, où dans l’ombre indécise
Flottent tant de rayons, de murmures, de voix,
Trouve la rêverie au premier arbre assise,
Et toutes deux s’en vont ensemble dans les bois !
Le poète s’éloigne du monde animé, s’isole dans la nature, afin de retrouver sa quiétude. C’est une récréation, un repliement sur soi, mieux une communion avec la nature. Seule la tendresse de la verdure, l’air suave des feuillages peuvent lui procurer l’extase recherchée. Ces douceurs forestières correspondent aux traits exquis de son âme poète que le fardeau social assombrit de temps à autre. Pour conserver ce don divin, le poète doit s’exiler fréquemment dans la nature :
Oui, c’est un de ces lieux où notre cœur sent vivre
Quelque chose des cieux qui flotte et qui l’enivre ;
Un de ces lieux qu’enfant j’aimais et je rêvais,
Dont la beauté sereine, inépuisable, intime,
Verse à l’âme un oubli sérieux et sublime
De tout ce que la terre et l’homme ont de mauvais !
Cette dernière est aussi, par excellence, le temple de la rêverie. Le poète s’y adonne à cette dernière. Bercé par le vent, il se languit du flux d’images, se perd dans son imagination et s’absente du monde réelle. La poésie devient ainsi, avec Hugo, le chantre de la solitude, une évasion par le truchement du rêve L’isolement est aussi lié aux contemplations poétiques d’Hugo qui connota à l’univers des facultés humaines. Pour lui, la création tout entière est dotée de parole. Par exemple, le mouvement éternel des vagues serait l’expression des eaux « C’était la voix des flots qui se parlaient entre eux ». Il a le devoir, entant que visionnaire, d’interpréter cette voix et d’en déchiffrer le message. Pour se faire Hugo s’absenta, se retira du monde afin de mieux observer la face de la création divine : « laissez-moi fuir ! Laissez-moi fuir ! \\ Loin des régions inconnues ». Il admira les montagnes, les eaux, les oiseaux et les animaux ; les compara à l’humaine condition. Plus qu’une contemplation, l’isolement peut aussi être un divertissement, un plaisir de l’œil contemplatif : « j’aime les soirs sereins et beaux, j’aime les soirs, » L’isolement facilite surtout la méditation métaphysique du poète. Ce dernier se retirait dans les « bois » pour réfléchir sur le sens de l’existence. Il se cachait dans l’intimité de la nature. L’ombre des arbres, la brise des mers, la hauteur des montagnes et le silence des lacs stimulent sa réflexion. Le poète vive dès lors en solitaire. Loin des humains, en errance, il découvrit l’immensité incommensurable du créateur et s’enfonça plus dans la nature en recherchant plus de solitude. On peut appeler cette attitude, une retraite spirituelle qu’Hugo pourrait hériter de son père spirituel, Chateaubriand. Avec ce dernier, la poésie lyrique plus qu’une élégie acquit une valeur religieuse. Ainsi on peut lire dans son œuvre intitulée Génie du Christianisme le mysticisme du poète isolé : « Pénétrez dans ces forêts américaines aussi vieilles que le monde : quel profonde silence dans ces retraites, quand les vents reposent !quelles voix inconnues, […] La lune sort enfin de l’orient ; […] Le voyageur […] se sent inquiet, agité, et dans l’attente de quelque chose d’inconnue ; un plaisir inouï, une crainte extraordinaire font palpiter son sein, comme s’il allait être admis à quelque secret de la divinité » Hugo reproduit dans Les Feuilles d’automne et Les Rayons et les Ombres cette poésie à vocation pieuse, destinée à la dévotion et la méditation sur le sens de la vie :
Alors je méditais ; car mon esprit fidèle,
Hélas !n’avait jamais déployé plus grande aile ;
Dans mon ombre jamais n’avait lui tant de jour ;
Et je rêvais longtemps, contemplant tour à tour,
Après l’abîme obscur que me cachait la lame,
L’autre abîme sans fond qui s’ouvrait dans mon âme.
Et je me demandai pourquoi l’on est ici,
Quel peut être après tout le but de tout ceci,
Que fait l’âme, lequel vaut mieux d’être ou de vivre,
Et pourquoi le seigneur, qui seul lit à son livre,
Mêle éternellement dans un fatal hymen
Le chant de la nature au cri du genre humain ?
On peut constater qu’Hugo comme Chateaubriand s’isolaient dans le but de recevoir une révélation divine. Ces deux adeptes du christianisme désorientèrent le but de la poésie qui était avec les classiques un ornement, pour en faire le reflet de leurs convictions religieuses. Cependant, le fils plus curieux que le père se pencha sur la question de l’âme. En résumé l’isolement de Victor Hugo sous-tend le plaisir de rêver, la contemplation de la nature et la méditation.
Le lyrisme personnel
Nul ne peut extraire des Feuilles d’automne, des Rayons et les Ombres la vie privé de Victor Hugo, si ce n’est de se retrouver avec quelques bribes de vers. L’intimité du poète s’y dévoile langoureusement. Et le structure des poèmes suivent la courbe de vie de ce homme si majestueux dont l’élan littéraire se dévoile plus avec le « je » intime. Tout d’abord le poète restitue toute la splendeur de l’enfance passé qu’il poétise. Au fait il lui faut, pour connaitre et comprendre l’adulte d’aujourd’hui, opérer un flashback sur l’enfant d’autrefois, le réinterroger et renouer avec ses illusions. Dans cette rétrospection il accorde une place privilégiée aux souvenirs de sa « mère vendéenne », Sophie Trébuchet, douce et pleine d’affectivité comme nous la décrit le poème ci-dessous :
Je vous dirai peut-être quelque jour
Quel lait pur, que de soins, que de vœux, que d’amour,
Prodigués pour ma vie en naissant condamnée,
M’ont fait deux fois l’enfant de ma mère obstinée,
Ange qui sur trois fils attachés à ses pas
Epandait son amour et ne mesurait pas !
Le souvenir de la mère passe par l’euphémisation de la séparation des parents. Alors qu’il avait 06 ans, en 1811, son père demande le divorce qui ne sera prononcé qu’en 1818. Victor Marie Hugo fut confié à sa mère. Ceci fait du poète « deux fois l’enfant de [sa] mère obstinée » à compenser l’amour paternel. Si Hugo, témoigne de l’affection maternelle de Sophie Trébuchet décédée depuis 1821, par un poème daté de Juin 1830, c’est qu’en cette ladite date sa vie privé à l’instar de la société française n’offre aucune potentialité poétique. Hugo n’a que 28 ans mais il sent déjà le poids des âges et se plaint de vieillesse. Un retour sur l’enfance près d’une mère affectueuse s’avère nécessaire à l’inspiration. Donc la mère peut être considérée comme une muse de la poésie intimiste hugolienne. Inspiré par la muse mère, Hugo accède à son enfance et le souvenir de son père surgit après celui de la mère inspiratrice. Au-delà du lyrisme romantique Victor Hugo prônerait-il une poésie du foyer familial ? La mémoire de sa mère ensuite celui de son père abonde sa création poétique qui se fait récréative de l’enfance passé. Donc la poésie comme le poète fait renaitre le passé : « Nerval, Baudelaire, Hugo, Lamartine, Eluard accordent au poète le pouvoir de ressusciter le passé » . Mais « il est des souvenirs que le filtre poétique retient mieux que d’autres : ce sont ceux qui raniment les couleurs de l’enfance, la part la plus profonde et la plus secrète de chaque être » . Dans ces propos de Joubert se trouve résumé avec acuité la cause de l’évocation des regrets d’enfance du poète. Hugo nous dit : « Toulouse la romaine où dans des jours meilleurs // J’ai cueilli tout enfant la poésie en fleur, ». Donc le poète a reçu le souffle poétique dès son tendre enfance dans un endroit précis qui aurait marqué son enfance. La poésie hugolienne est indéniablement liée à son enfance.
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Table des matières
Première partie : Les Feuilles d’automne, Les Rayons et les Ombres entre mal romantisme et militantisme
Chapitre1 : la poétique du mal romantique hugolien
1.1 La mélancolie hugolienne
1.2 Le mal du siècle romantique hugolien
1.3 L’isolement hugolien
Chapitre2 : une poésie militante qui combat la misère
2.1 La fonction prophétique des Feuilles d’automne, Les Rayons et les Ombres, principe premier d’une poésie militante inspirée par Dieu
2.2 La fonction politique des Feuilles d’automne, Les Rayons et les Ombres, l’action humaniste d’un poète militant
2.3 La fonction évasive des Feuilles d’automne, Les Rayons et les Ombres, refus de la réalité décevante du siècle
Deuxième partie : Le moi et le monde
Chapitre 3 : Le lyrisme hugolien, socle d’une nouvelle esthétique
3.1 Le lyrisme personnel du poète
3.2 Le lyrisme universel du poète
3.3 Les Feuilles d’automne, Les Rayons et les Ombres; l’expression de la foi hugolienne
Chapitre 4 : Le triomphe du vers anticlassique
4.1 La secousse de l’alexandrin classique
4.2 Le travail du poète sur le langage poétique
4.3 L’extension du langage poétique par le recours à l’image poétique
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