La détection et la quantification sélective d’une protéine parmi d’autres constituants d’un échantillon sont les objectifs des tests de diagnostic. Ils doivent être quantitatifs, fiables et sensibles. Grâce à la grande sélectivité et à la grande affinité de l’interaction antigène-anticorps, les tests immunologiques sont les tests les plus répandus dans le monde du diagnostic. Ces tests se heurtent à des problèmes purement immunologiques concernant le choix de l’anticorps, de son affinité intrinsèque avec la protéine cible et des problèmes physicochimiques pour déceler la formation du complexe immun.
Les anticorps et leur application au diagnostic
Les anticorps sont des molécules complexes, appartenant à la famille des immunoglobulines (ce qui explique que l’abréviation courante d’anticorps soit Ig) communes à tous les vertébrés. Ils sont fabriqués par les plasmocytes, des lymphocytes B activés [7]. Les anticorps ont une seule fonction : reconnaitre et se fixer de façon spécifique à une molécule nommée antigène.
Structure générale
Ils sont formés de 4 chaînes polypeptidiques ; de poids moléculaire 150.000 g.mol−1: 2 chaînes lourdes (H pour heavy de 50.000 g.mol−1 chacune) et 2 chaînes légères (L pour light de 25.000 g.mol−1 chacune) qui sont reliées entre elles par un nombre variable de ponts disulfures. Ces ponts disulfures se trouvent aux extrémités des chaines lourdes et légères de l’anticorps, lui conférant ainsi une grande fléxibilité. L’ensemble est donc, malgré sa taille élevée, très déformable, ce qui facilite la reconnaissance. Ces chaînes forment une structure en Y et sont constituées de domaines immunoglobulines de 110 acides aminés environ. Chaque chaîne légère est constituée d’un domaine constant (C) et d’un domaine variable (V). Pour un anticorps donné, les deux chaînes lourdes sont identiques, de même pour les deux chaînes légères .
Domaine constant
Les domaines constants sont caractérisés par une séquence en acides aminés très proche d’un anticorps à l’autre, caractéristiques de l’espèce et de la classe de l’immunoglobuline. Chaque chaîne légère en possède un exemplaire noté CL. Les chaînes lourdes comportent, selon la classe de l’anticorps, trois ou quatre domaines constants CH1, CH2, CH3 et CH4. Les domaines constants ne sont pas impliqués dans la reconnaissance de l’antigène, mais interviennent dans l’activation du système immunitaire.
Domaine variable
Un anticorps possède quatre domaines variables situés aux extrémités des deux «bras ». L’association entre un domaine variable porté par une chaîne lourde (VH) et le domaine variable adjacent porté par une chaîne légère (VL) constitue le site de reconnaissance (ou paratope) de l’antigène. Ainsi, une molécule d’immunoglobuline possède deux sites de liaison à l’antigène, un au bout de chaque bras. Ces deux sites sont identiques d’où la possibilité de lier deux molécules d’antigène par anticorps.
Les anticorps polyclonaux et monoclonaux
Un agent pathogène (bactérie, virus, etc.) est reconnu par le système immunitaire par l’intermédiaire d’antigènes. On appelle antigène toute macromolécule reconnue par des anticorps et capable d’engendrer une réponse immunitaire. Un antigène possède généralement plusieurs sites de liaison aux anticorps, appelés épitopes . Pour un même antigène, on peut classer une population d’anticorps selon sa capacité à reconnaître un seul ou plusieurs épitopes. On parle alors respectivement d’anticorps monoclonaux et polyclonaux. Ces anticorps sont produits par les mêmes cellules : les lymphocytes B. La différence réside dans le tri de ces lymphocytes B. Le choix des anticorps est primordial à la réussite d’un test car il est à l’origine de la détection.
Production des anticorps polyclonaux
Les anticorps polyclonaux portent ce nom car ils sont produits par différents lymphocytes B. Un lymphocyte B synthétise un seul type d’anticorps, déterminé par des réarrangements chromosomiques effectués au hasard pendant l’hématopoïèse. Quand un lymphocyte B reconnait l’antigène qui correspond à son anticorps, il va se diviser et les cellules filles vont se différencier en plasmocytes qui vont synthétiser l’anticorps. L’antigène à reconnaitre est injecté à l’animal. Il porte plusieurs épitopes, plusieurs lymphocytes B vont donc le reconnaitre et se diviser.
Après quelques semaines, une prise de sang va permettre de récupérer le sérum contenant les anticorps synthétisés. Ils sont donc la production de plusieurs clones différents, d’où le nom de polyclonal.
La technique polyclonale présente un certain nombre d’inconvénients : le sérum contient des anticorps dirigés contre la protéine à reconnaitre, mais aussi d’autres qui peuvent entrainer un parasitage du marquage. Par ailleurs, le type exact des anticorps produit par un lymphocyte est le fruit du hasard (présence d’IgG et IgM). D’un animal à l’autre, les anticorps résultant d’un même protocole d’immunisation peuvent être différents et les résultats être partiellement non reproductibles. Il n’est pas rare que la mort de l’animal entraine la disparition d’un anticorps polyclonal très efficace dont aucun équivalent ne pourra être retrouvé plus tard. De plus, la production du sérum par un seul animal limite sa diffusion. Enfin, la nécessité de prendre le sérum directement sur l’animal oblige à choisir des animaux de grande taille pour avoir une production suffisante. Le suivi de production d’un anticorps polyclonal est donc impossible. En revanche ces anticorps sont extrêmement sensibles en raison du nombre important d’épitopes reconnus sur un seul antigène.
Production des anticorps monoclonaux
Ils résolvent les inconvénients des anticorps polyclonaux. Ils sont en effet fabriqués par un seul clone de lymphocyte B. Ils sont donc tous identiques et reconnaissent un seul épitope. Ils gagnent donc en précision ce qu’ils perdent en sensibilité. A la fin des années 1970, César Milstein et Georges Köhler ont développé la technique des hybridomes [7] permettant la fabrication d’importants volumes d’anticorps monoclonaux très purs par culture cellulaire. Cette découverte permit des avancées considérables dans le domaine du diagnostic. Depuis 25 ans, des efforts très importants ont été consentis, pour générer par ingénierie moléculaire des anticorps de seconde génération ayant de meilleures affinités, une immunogénicité réduite – diminuant le risque de reconnaissance non spécifique dans le cadre des tests de diagnostic – et une stabilité accrue [5]. La sensibilité des tests s’est donc nettement améliorée.
La première étape est la production d’un sérum polyclonal par la méthode précédente. Les plasmocytes sont récupérés et sont alors fusionnés in vitro avec des myélomes, qui sont des cellules tumorales ayant la propriété de se multiplier indéfiniment. La cellule hybride obtenue (dite « hybridome ») est sélectionnée puis multipliée dans un milieu de culture approprié et enfin purifiée.
Ces anticorps peuvent être très sélectifs, sensibles à une modification structurelle de l’antigène due à un changement d’acide aminé, d’état d’oxydation ou de stéréoisomérie. Le choix initial de l’antigène injecté chez l’animal est primordial car il conditionne la spécificité de l’anticorps. Le choix de l’anticorps est également important car il est fonction de la technique utilisée. En effet, les anticorps utilisés pour les tests d’immunohistochimie, de bloquage immunologique (immunoblotting) ou de tri cellulaire avec un cytomètre de flux peuvent ne pas fonctionner pour les tests immunologiques. Ceci s’explique par la différence de la nature de l’échantillon, de la configuration de l’antigène – native, pour les anticorps conformationels ou dénaturés, pour les anticorps reconnaissant un épitope linéaire (enchainement d’acides aminés)- ou de son aspect libre ou lié à un composant du milieu.
Un test de diagnostic a pour but de détecter la présence d’un analyte dans un milieu complexe. Cet analyte peut être une protéine, une hormone, un médicament, un peptide ou bien un acide nucléique. Dans cette partie, nous nous intéressons uniquement aux tests immunologiques. L’un des enjeux des tests immunologiques est d’associer un signal mesurable à chaque association spécifique anticorps-analyte (que l’on nommera antigène).
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Table des matières
1 Introduction générale
2 Tests immunologiques : principe et développement
2.1 Les anticorps et leur application au diagnostic
2.1.1 Structure générale
2.1.2 Les anticorps polyclonaux et monoclonaux
2.1.3 Les différents formats de tests
2.1.4 Etat de l’art
2.1.5 Les principaux problèmes engendrés par l’utilisation d’anticorps
2.2 Le diagnostic au LCMD
2.2.1 Présentation
2.2.2 Rôle de la diffusion
2.2.3 Dosage
2.2.4 Conclusion
2.3 Les tests présents et futurs
2.3.1 Tests commercialisés
2.3.2 Tests en cours de commercialisation
2.3.3 Tests en développement
2.4 Conclusion
3 La sensibilité du test d’agglutination magnétique : compréhension et amélioration
3.1 Les facteurs de la sensibilité Immunodiagnostic par agglutination magnétique
3.1.1 Le bruit
3.1.2 La pente de la droite
3.1.3 Conclusion
3.2 De la mesure moyenne au comptage individuel
3.2.1 Protocole
3.2.2 Résultats
3.2.3 Caractérisation
3.2.4 Discussions
3.3 Conclusion
4 Un nouveau format fluidique pour de meilleures performances
4.1 Introduction
4.1.1 Premier dimensionnement
4.1.2 Deuxième dimensionnement
4.2 Système de préconcentration
4.2.1 Fonctionnement
4.2.2 Montage magnétique et microfluidique
4.2.3 Résultat
4.3 Couplage avec la cytométrie en flux
4.3.1 Validation des principes
4.3.2 La détection
4.4 Conclusion
5 Conclusion générale
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