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MODELES DE DEFORMATION DANS L’AVANT-ARC
La région d’avant-arc des Andes Centrales correspond, dans le nord du Chili, à une surface continentale fortement pentée vers l’ouest qui monte rapidement depuis 7000 mètres de profondeur au niveau de la fosse jusqu’à 6000 mètres dans l’arc magmatique. Cette morphologie a été interprétée comme une flexure monoclinale de la partie supérieure de la croûte de l’avant-arc (Isacks, 1988), résultant d’un basculement (≈3º) de tout l’avant-arc (Lamb et al., 1997 ; Riquelme et al., 2003).
La partie externe de l’avant-arc (Cordillère de la Côte, Plaine Côtière, Plate-forme continentale et talus) a une tectonique néogène à quaternaire principalement extensive (Delouis et al., 1998; Hartley et al., 2000; Adam et Reuther, 2000; von Huene et Ranero, 2003; Riquelme et al., 2003; González et al., 2003). L’érosion tectonique due à la subduction et les processus d’addition du matériel sous la partie extérieure de l’avant-arc (underplating), seraient responsables de ce régime tectonique extensif à la surface de la croûte continentale (von Huene et Ranero, 2003). Au contraire, la partie interne de l’avant-arc, Précordillère et limite ouest de l’arc, est caractérisée par une tectonique néogène à quaternaire principalement compressive (Hartley et al., 2000; Adam et Reuther, 2000; Audin et al., 2003).
Les données de paléomagnétisme de Roperch et al. (2000) et Somoza et Tomlinson (2002) montrent que les rotations tectoniques, dans l’avant arc, sont antérieures au Miocène Supérieur, suggérant un comportement mécanique rigide de l’avant arc au cours des dix derniers millions d’années. Le système rigide et couplé de plaque de Nazca-avant arc peut être vu comme un block rigide poussant vers l’est et transférant avec une déformation minimale interne, la composante non sismique de la convergence vers l’est, en particulier les zones sub-andines (Tassara, 2002; García et al., 2002).
Delouis et al. (1998) proposent qu’une flexuration, qui affecte la Cordillère de la Côte et la plate-forme continentale, serait responsable de l’extension observée dans ces zones. La flexion résulterait de l’érosion tectonique dans la zone proche à la fosse et favoriserait l’effondrement par subsidence de la plate-forme continentale, tandis que la surrection de la Cordillère de la Côte serait associée à des processus d’«underplating » sous-jacents (figure.1.6).
Ces auteurs proposent en outre que l’état de contraintes extensif observé à l’échelle des temps géologiques serait la conséquence de contrainte compressives existant au cours des périodes intersismiques, et à des contraintes fortement extensives associées aux séismes de subduction. Ainsi, l’état de contrainte serait fortement dépendant du temps du cycle sismique. La tension associée aux séismes de subduction serait plus grande que la compression accumulée pendant des périodes intersismiques (Delouis et al., 1998).
Pendant le Néogène il existerait donc une segmentation tectonique parallèle à la fosse dans l’avant-arc chilien: extension dans la Cordillère la Côte, extension et/ou transtension dans la Dépression Centrale et, transpression et/ou compression dans la Précordillère et les Dépressions Préandines (Hartley et al., 2000).
Aussi, un modèle de « biseau de friction » (frictional wedge) représentant la croûte supérieure fragile, découplée de la croûte ductile, permet d’expliquer la dynamique du processus de déformations contraires et simultanées dans l’avant-arc (Adam et Reuther, 2000).
En l’absence actuelle de sismicité crustale historique, il n’est pas possible d’avoir accès à une image instantanée de l’état de contrainte à l’intérieur de la croûte continentale par les méthodes microsismiques (e.g. Comte et al., 2002).
Cependant, si on considère que les taux de convergence actuels sont élevés (8 cm/an) et que deux séismes majeurs (Mw > 8) ont eu lieu au siècle dernier dans la partie nord de la région (1868 et 1877), ce qui est synonyme d’un fort couplage sismique entre les deux plaques, nous pouvons estimer que l’état de contrainte actuel à l’intérieur de la croûte continentale dans la partie extérieure de l’avant-arc est en compression (e.g. Delouis et al., 1997; Chlieh, 2003; Chlieh et al. 2004). Donc la déformation superficielle en extension Quaternaire avec soulèvement ne reflète pas le régime tectonique de la plaque supérieure.
Les études du tremblement de terre d’Antofagasta 1995 ont montré que (1) de fortes contraintes extensives (Delouis, 1996; Delouis et al., 1998), (2) des mouvements vers la fosse (Ruegg et al., 1996) et (3) une partie de la surrection côtière (Ortlieb et al., 1995, 1996b) de la région frontale d’avant-arc, sont générés par les grands séismes de subduction (extension, migration et soulèvement co-sismique), et sont réduits en grande partie par la contraction de la région en période inter-sismique.
LA CARACTERISATION STRATIGRAPHIQUE DES SÉDIMENTS MIOCÈNES ET PLIOCÈNES
La carte géologique d’Antofagasta (Ferraris et Di Biase, 1978) et de Caldera (Godoy et al., 2003), définit les dépôts sédimentaires qui reposent sur un substratum Paléozoïque à Crétacé ; ce sont: les complexes marins du Mio-Pliocène de la Formation La Portada à Mejillones et de la Formation Bahía Inglesa à Caldera et les sédiments littoraux du Quaternaire de la Formation Mejillones et des Estratos de Caldera. Des dépôts sédimentaires continentaux, comme des dunes et des cônes alluviaux, couvrent ou sont intercalés dans les unités antérieures.
Krebs et al. (1992) divisent en deux la Formation La Portada définie par Ferraris et Di Biase (1978), et ils définissent deux nouvelles unités dans la Caleta Herradura de Mejillones : l’une supérieure qu’ils appellent Formation La Portada d’âge Pliocène et l’autre, elle aussi marine mais plus ancienne et tectonisée, qu’ils attribuent au Miocène et qu’ils appellent Formation Caleta Herradura.
Postérieurement, Hartley et Jolley (1995) et Niemeyer et al. (1996) résument la stratigraphie du Cénozoïque supérieur et à partir des travaux antérieurs de micropaléontologie ils établissent des limites entre les séquences marines et continentales mentionnées ci-dessus.
Divers travaux publiés dans des congrès et des symposiums internationaux sont présentés à continuation en forme de résumé. Les aspects stratigraphiques et sédimentologiques des unités néogènes de la zone de Mejillones et de Caldera y sont révisés (changement des niveaux marins), avec comme objectif, la mise au point de méthodes de corrélation et de datations des unités. Ainsi, on fournit des données nouvelles sur le matériel paléontologique contenu dans ces unités et on discute leur valeur comme indicateurs chronostratigraphiques. On présente les résultats de tephrochronologie obtenus par l’étude de cinérites intercalées dans les unités marines et continentales néogènes de la Péninsule de Mejillones. On discute aussi la présence de nodules de manganèse à Caldera et leur utilisation comme marqueur d’un milieu et leur possible datation.
Changements relatifs du niveau de la mer
L‘analyse séquentielle de la Formation La Portada permet d’établir les variations relatives du niveau de la mer durant le Néogène (Marquardt et al. 2003). On a ainsi étudié la section affleurant dans la baie de Caleta Herradura à Mejillones, où ont été définies des unités génétiquement liées (Fig. 2.1).
La Formation La Portada affleure principalement dans les falaises marines de La Portada (Bahía Moreno), Caleta Herradura et Bahía Mejillones, où elle recouvre en discordance d’érosion les unités pré-cénozoïques et est recouverte, en discordance d’érosion par les unités morphostratigraphiques du Pléistocène (voir sous-chapître 2.2). Cette formation affleure aussi dans des dépressions qui se développent dans les pampas à l’intérieur de la péninsule, comme à Cuenca Tiburón. Sur certains reliefs de la péninsule, comme dans la partie sud du Morro Mejillones, des restes de dépôts de cette formation sont associés à des paléo-plateformes littorales. A d’autres endroits, comme à l’est entre Morro Bandurrias et Cerro Jorgino, ces dépôts se trouvent adossés à des blocs tectoniques et ils ont enregistré l’activité syn- et post-sédimentaire. Dans la figure 2.2 on indique la nomenclature utilisée pour les différents milieux de la plateforme continentale et, on indique les variations de faciès et les structures sédimentaires caractéristiques de chaque milieu. La variation de ces domaines se fait entre deux extrêmes : (i) une côte ouverte de haute énergie comme c’est le cas actuellement sur la côte occidentale du Morro Mejillones ou (ii) une baie protégée, par exemple à Bahía de Mejillones.
Formation La Portada. On propose pour cette formation l’association Chlamys cf. simpsoni, Dosinia ponderosa et Ostrea transitoria comme indicateurs du Miocène (Frassinetti com. oral.). A Caleta Herradura, les faciès étudiés ne contiennent pas d’associations de mollusques bien conservés.
Dans la zone de El Rincón, l’échantillon de cinérite (CH-99-I) trouvé dans un cône alluvial pléistocène, a donné cinq âges sur sanidine entre 2,9±0,1 et 3,82±0,09 Ma. Ces âges, calculés sur des cristaux de même nature, ne sont pas cohérents entre eux (l’erreur 2 σ donne une différence d’âges trop grande), mais l’âge minimum pour la cinérite est de 3 Ma. Cet âge minimum est semblable à ceux obtenus pour la haute terrasse du horst de Mejillones (PMC-21.5). Ceci indique que la cinérite de la zone de El Rincon pourrait être remaniée à partir de l’affleurement de cinérite du Morro Mejillones.
Au pied du Morro Jorgino une autre cinérite (PMC-13.4) intercalée dans des cônes estimés eux aussi du Quaternaire moyen a donné un âge de 5,6 Ma, trop vieux. Cependant, on a trouvé dans des sédiments néogènes proches, une cinérite datée à 5,6 Ma (PMC-27.3e) qui pourrait avoir servi de réservoir d’alimentation au cône quaternaire.
Dans ce cas, on aurait un scénario identique à celui de El Rincón. Les cinérites seraient le produit d’un remaniement d’une cinérite néogène à partir d’un bassin intramontagneux soit de la Cordillère de la Côte pour Punta Yayes, soit du horst Jorgino lui même.
Des biotites de l’échantillon PMC-33.1a ont donné un âge de 12,74±0,13 Ma. La cinérite est interstratifiée dans un cône alluvial d’un bassin intramontagneux de la Cordillère de la côte qui doit appartenir à des unités de graves plus anciennes bien connues dans cette partie du Désert d’Atacama (Graves d’Atacama, références dans Riquelme et al., 2003)
L’âge de 3,25 ± 0,17 Ma obtenu à partir d’une cinérite (PMC-21.5) de la haute terrasse du Morro Mejillones (alt. 580 m), indique que cette péninsule était émergée au cours du Pliocène. Si on s’appuie sur l’hypothèse que le niveau de la mer à cette époque (3,25 Ma) était similaire à l’actuel, on peut estimer un taux de soulèvement sur le long terme de 0,18±0,02 m/ka.
Seuls deux échantillons (PMC-18.4 et PMC-13.5a) ont donné des âges plus jeunes que 1 Ma. Les deux contiennent des xénocristaux de sanidine et de biotite d’âge mésozoïque. Les âges de 0,79±0,03 Ma sur sanidine (cordon littoral) et de 0,78±0,19 Ma sur biotite (cône alluvial) correspondent bien à l’estimation quaternaire prévue. En ce qui concerne les cordons littoraux, la position de l’échantillon PMC-18.4 correspond à la limite entre la plus haute séquence de cordons (plus vieux que 0,4 ka) de la Pampa Mejillones et les dépôts de la Formation La Portada (>1,8 Ma) (Fig. 2B). Les âges de ces dépôts de cinérites suggèrent que le matériel provenant d’un épisode volcanique pléistocène est préservé dans la région côtière.
Vertébrés marins néogènes de la Formation La Portada
Les associations de vertébrés marins fossiles de la Formation La Portada contiennent des poissons élasmobranches (condrictes), principalement des requins, des poissons osseux (ostéictes), des cétacés (Suárez et al., 2003). Les associations faunistiques reconnues présentent des afinités avec celles étudiées dans la Formation Pisco, Pérou (e.g. de Muizon et De Vries 1985) et la Formation Bahía Inglesa (e.g. Suárez et Marquardt, 2003).
Dans la faune de Caleta Herradura et de Bahía Inglesa on peut mettre en évidence des taxons caractéristiques comme Squatina sp., Heterodontus sp., Cosmopolitodus hastalis, Isurus oxyrinchus, Carcharhinus brachyurus y Galeorhinus sp. Ceci associé à l’absence de dents de C. carcharias suggère que l’association de Caleta Herradura aurait un âge miocène, ce qui apparaît en accord avec l’âge estimé pour ces niveaux supérieurs diatomitiques du même lieu (Krebs et al.1992, Ibaraki, 2001). Les niveaux de limolite ocre et de diatomite de Cuenca Tiburón et ceux de Caleta Herradura présentent une composition lithologique similaire et sont caractérisés par un contenu fossilifère abondant, riche en restes de poissons osseux avec écailles d’octenoïdes et des os de cétacés.
La faune fossile de vertébrés provenant des localités de La Portada, Morro Bandurrias et Cuenca Tiburón est dominée par le requin lamnidé Carcharodon carcharias (80% de l’échantillonnage). Ceci constitue un bon critère pour suggérer un âge pliocène pour ces localités. En effet, l’abondance de C. carcharias dans toutes les mers du globe se note à partir du Pliocène (Capetta, 1987).
A Caleta Herradura, la faune de poissons élasmobranches met en évidence une abondance marquée de C. brachyurus et inclut d’autres requins comme Heterodontus sp., Cosmopolitodus hastalis et aussi Orectolobiformes sp. Ceci permet de suggérer, au moins localement, l’existence d’eau chaude-tempérée. On reconnaît des requins d’habitat pélagique comme Isurus oxyrinchus et possiblement Cosmopolitodus hastalis, ainsi que d’autres plus particulièrement côtiers comme Orectolobiformes, Heterodontus et Galeorhinus. Actuellement, les deux derniers genres sont communs à des profondeurs d’eau inférieures à 100 m . D’autre part, les genres Centrophorus y Squalus sont les requins les mieux représentés localement et ils suggèrent un milieu d’eaux profondes, égales ou supérieures à 100 m. La convergence particulière de faune reconnue à Caleta Herradura suggère une zone à milieu sublittoral enrichi par des eaux d’upwelling qui fournissent des aliments aux représentants des divers groupes écologiques de la chaîne trophique.
La comparaison de ces associations avec les faunes néogènes des formations Pisco au Pérou et Bahía Inglesa au Chili, ainsi que la reconnaissance de certains taxons particuliers à valeur biostratigraphique, permet d’attribuer au Miocène moyen à supérieur la faune présente à Caleta Herradura et au Pliocène les faunes de La Portada, Morro Bandurrias et Cuenca Tiburón. La faune de requins caractérise, dans son ensemble, des eaux chaudes-tempérées et une profondeur qui actuellement se trouve entre la zone infralittorale et 200 m.
Poissons elasmobranches: indicateurs chronostratigraphiques
Dans la note du Suárez et Marquardt (2004), on présente une révision préliminaire des faunes de poissons élasmobranches du Mésozoïque et du Cénozoïque du Chili, provenant de 21 localités provenant d’une grande partie de toute la côte du Chili (Fig 2.6). Les associations de poissons mettent en évidence d’importants changements au cours du temps et plus particulièrement une grande augmentation de la diversité pendant le Néogène. Six espèces d’élasmobranches sont reconnues comme les indicateurs chronostratigaphiques de différentes périodes entre le Crétacé et le Pliocène: la raie Ischyrhiza chilensis (Crétacé supérieur), Striatolamia macrota, odontaspididae (Paléocène inférieur), Carcharoides totuserratus (Oligocène-Miocène), Cosmopolitodus hastalis (Miocène), Carcharodon carcharias (Tortonien) et Prionace glauca (Pliocène). La présence de ce dernier fossile dans le Néogène de la Formation Bahía Inglesa représente le premier enregistrement fossile de cette espèce en Amérique du sud.
Poissons Chimaeriformes (Chondrichthyes, Holocephali) du Néogène de la Formation Bahía Inglesa (Atacama, Chili)
On décrit dans Suárez et al. (2004) les premiers restes fossiles de poissons condrictes holocéphales de la formation Bahía Inglesa, Atacama, Chili. Le matériel comprend une plaque dentaire palatine et une mandibule qui ont été récoltées au SE de Caldera, dans des niveaux fossilifères attribués au Miocène moyen à terminal. Les traits morphologiques caractéristiques et les comparaisons avec d’autres plaques fossiles de chimaeroïdes callorhinchidées, actuels et fossiles ont permis de qualifier ce matériel de Callorhinchus sp. L’association faunistique étudiée et qui comprend ces poissons, se trouve dominée par les dents fossiles de requins lamnidés Cosmopolitodus hastalis dont la présence, liée à l’absence de Carcharodon carcharias, suggère un âge miocène moyen a terminal.
LES TERRASSES MARINES PLEISTOCENES
Au Quaternaire, les dépôts associés aux terrasses d’abrasion marine et les séquences des cordons littoraux (traces de rivages fossiles) sont regroupés dans la Formation Mejillones (Ferraris et Di Biase, 1978). Selon Ortlieb et al. (1995; 1997) une erreur est commise en accordant la valeur de formation aux dépôts pléistocènes associés aux terrasses d’abrasion marine, car ces dépôts ne peuvent pas être considérés comme une succession continue. De plus ces auteurs font remarquer que les dépôts côtiers (généralement de 1 à 3 m d’épaisseur) associés aux transgressions successives durant le dernier million d’années ont été abusivement définis comme une formation de 80 m d’épaisseur.
Les âges des terrasses d’abrasion marine et ceux des anciennes lignes de côte sont encore sujets à discussion. Par exemple, Armijo et Thiele (1990) suggèrent que l’âge de la séquence de paléolignes de côte de la Pampa Aeropuerto correspondrait au Pléistocène supérieur. Cependant, Ortlieb et al. (1995, 1996a, 1996c, 2003) démontrent que nombre de ces formes et de ces dépôts littoraux ont été formés au cours du Pléistocène supérieur et moyen (p.p.) et ainsi toute la séquence pourrait occuper une grande partie du Pléistocène.
Les principales limitations rencontrées dans l’exploitation des données liées aux traces de rivages fossiles ont été liées aux difficultés de dater ces dernières avec une précision suffisante, malgré le développement des méthodes radiométriques (séries de l’uranium), aminostratigraphiques et cosmogéniques. Néanmoins grâce à ces outils chronologiques, et avec l’aide d’autres méthodes de datation indirectes (tephrachronologie, paléomagnétisme, thermoluminescence), il est souvent possible d’identifier les traces de rivage des trois ou quatre derniers maxima interglaciaires. Dans tous les cas, les interprétations géochronologiques de dépôts littoraux ou de séries de terrasses marines doivent être validées par des études morphostratigraphiques détaillées.
Dans la deuxième et troisième partie de ce chapitre (2.2.2 et 2.2.3) on présente deux articles, avec deux cas différents d’études de terrasses marines : le premier, en mettant en valeur l’utilisation des fossiles et les caractéristiques morphologiques des terrasses afin d’identifier le Stade Isotopique Marin (SIM) 11 dans le sud du Pérou et le nord du Chili; le second traitant de l’étude des séquences de terrasses marines pléistocènes dans le secteur de Caldera et Bahía Inglesa et leur utilisation comme marqueurs géochronologiques.
L’étude des terrasses marines et lignes de rivage formées lors des oscillations relatives du niveau marin au Pléistocène fournit des informations pour l’estimation des déformations tectoniques et pour la reconstitution des variations océano-climatiques.
Une fois une séquence de terrasses marines caractérisée, on cherche à dater ces plateformes avec une précision suffisante. Cet exercice est une des principales limitations, malgré le développement des méthodes radiométriques (séries de l’uranium), aminostratigraphiques, paléontologiques, cosmogéniques et autres méthodes de datation indirectes (téphrachronologie, paléomagnétisme, thermoluminescence). Dans tous les cas, les interprétations géochronologiques de dépôts littoraux ou de séries de terrasses marines doivent être validées par des études morphostratigraphiques détaillées.
Grâce à deux exemples pris sur les côtes désertiques du Nord Chili, Péninsule de Mejillones (sub-Chap. 2.2.2) et Caldera (Chap. 4), nous illustrons comment une observation minutieuse liée à des études paléontologiques (sub-Chap. 2.2.3) et des mesures altimétriques permettent de proposer un cadre chrono-morphostratigraphique. L’aridité exceptionnelle de la région a notamment rendu possible la préservation de séries de cordons littoraux formés durant les maxima interglaciaires du dernier demi million d’années.
L’érosion et l’accumulation littorale.
La surface de contact entre l’océan et le continent (la côte) est composée de trois zones: (1) l’estran (foreshore) ou espace compris entre le niveau des plus hautes et des plus basses mers, (2) la partie du littoral au-dessus de la marée haute (backshore), directement influencée par l’action des eaux marines (falaises et espaces atteints par les embruns), et (3) une partie toujours immergée (shoreface) liée au travail sous-marin des vagues qui se brisent (Burbank et Anderson, 2001).
La falaise et la plage se rencontrent sur une même côte, selon que le résultat du travail de la mer est surtout une érosion (falaise) ou une accumulation (plage).
Suivant la nature lithologique du rivage, l’érosion marine est différentielle et le rivage présente ainsi des rentrants et des saillants.
La côte n’est pas fixe, elle correspond à une position momentanée de la ligne de rivage au gré des transgressions et régressions successives liées aux variations glacioeustatiques et/ou de soulèvement tectonique qui peuvent avoir laissé les traces d’une position ancienne, comme dans le cas des séquences de terrasses marines.
Une plage est une accumulation sur le bord de la mer de matériaux comprenant des blocs, des galets, des graviers, des sables, des éléments plus fins et des fossiles. Le profil de la plage s’établit très rapidement, en équilibre avec les conditions climatiques momentanées. Les caps correspondent souvent à des avancées de roches dures.
Les principaux agents de l’érosion littorale qui permettent la formation des plateformes d’abrasion (terrasses) sont les vagues, les courants et le vent. Le vent est à l’origine des vagues et peut élever, par grande tempête et dépression barométrique, le plan d’eau de la mer. Il peut aussi soulever le sable des plages et édifier des dunes littorales. Les vagues à l’approche de la côte, quand la profondeur est inférieure à la demi-longueur d’onde entre deux vagues, interagissent avec le fond et se réfractent pour devenir presque parallèles aux isobathes et atteindre la côte presque perpendiculairement. Quand les vagues déferlent, elles exercent une action importante de pression et de succion lors de leur retrait, par apport d’éléments solides sur le rivage. Ainsi, à l’avant des caps, les vagues sont freinées, se réfractent et convergent vers celui-ci ; en revanche, à l’entrée des baies, les vagues sont moins vigoureusement freinées et divergent.
L’énergie concentrée au niveau des caps est largement supérieure à celle arrivant au niveau des baies. Ceci explique pourquoi les caps sont soumis à l’érosion et pourquoi on a le dépôt de sédiments dans les baies. Malgré la réfraction, qui atténue l’obliquité de la houle par rapport à la côte, les vagues ne frappent pas perpendiculairement le rivage et engendrent un courant appelé courant de débris. Le retrait des vagues se faisant perpendiculairement à la côte, les débris sont poussés par chaque vague et suivent une trajectoire en zigzag dont la résultante est un transport parallèle à la côte.
Le long d’une côte présentant alternativement des caps et des plages, et, avec une arrivée oblique des vagues, on observe une courbure en forme de demi-coeur des plages, le rayon de courbure de la plage étant minimum juste après chacun des caps. Les plages apparaissent donc préférentiellement dans les zones abritées des courants principaux.
Dans la côte Nord du Chili la houle dominante du SW peut occasionnellement être renforcée, soit par des ondes de tempête soit par les tsunamis, ce qui représente un environnement littoral à haute énergie.
Le courant de marée est une onde qui possède aussi des caractères de vague. Les particules subissent alors non seulement une fluctuation de niveau mais aussi un déplacement dans le sens horizontal. L’essentiel de l’énergie des marées est dissipé sur les plateaux continentaux, absents le long de la côte chilienne. Les marées sont modestes puisque le marnage moyen est de l’ordre du mètre. On peut donc penser que les courants de marée ont un faible effet sur la morphologie des fonds sous-marins dans le Nord du Chili.
La falaise est un ressaut en forte pente, entre environ 15° et la verticale, de hauteur variable, au contact de la terre et de la mer, et qui est due à l’action de l’érosion marine. La dissolution des roches des falaises se fait par les embruns au-dessus du niveau de la haute mer. Les falaises en partie dénuées de végétation, en raison de la salinité de l’air, et par suite de leur forte pente ravivée par l’action des vagues, sont la proie des ruissellements et glissements par paquets. Ceci montre que le sapement des vagues n’est pas le seul agent du modelé des falaises. Le recul de la falaise permet que la plate-forme côtière (terrasse) s’élargisse. Pour une plate-forme ayant une pente de 1 à 3°, on obtiendra, avec une limite d’action des vagues de 10 m de profondeur, une largeur de plate-forme de 500 m tout au plus ; ainsi, les plate-formes plus larges que 500m ne peuvent pas résulter d’une abrasion marine à niveau marin constant. L’altération des roches par les embruns semble être un processus dominant dans la formation des plate-formes d’abrasion et ainsi, celles-ci pouvant se former jusqu’à 3-4 m au-dessus du niveau de la mer.
Terrasses marines de la Péninsule de Mejillones (23ºS): implications sismotectoniques pour la côte nord du Chili.
Une analyse morphostructurale a été utilisée pour étudier les plate-formes d’abrasion marine formées par les changements du niveau de la mer induits par les oscillations glaciaire-interglaciaires sur une côte tectoniquement active. L’estimation de l’altitude et la corrélation des anciennes lignes de côte sont facilitées par l’utilisation d’une topographie détaillée. Une série de coupes topographiques réalisées avec un GPS différentiel en mode cinématique furent utilisées pour l’étude de séquences de terrasses marines et de cordons littoraux de la partie nord de la Péninsule de Mejillones. Les terrasses marines ont été aplanies principalement sur le Morro Mejillones, les limites de terrasses (escarpement marin) se situant depuis le niveau de la mer actuel jusqu’à 580 m d’altitude. Les terrasses les plus hautes auraient été découpées durant le Pliocène supérieur (ca 3,3 Ma), alors que les terrasses inférieures à 446 m d’altitude l’auraient été principalement durant le Pléistocène moyen à supérieur. Dans la Pampa de Mejillones, les dépôts littoraux du Pléistocène moyen atteignent 270 m d’altitude. Dans la pampa, on a reconnu jusqu’à six séquences de cordons littoraux, dans certains cas limités par des escarpements marins. Les lignes de côte du pléistocène supérieur sont affectées par des fentes de tension et des failles normales qui ont fonctionné durant les dernières centaines de milliers d’années, en produisant un système morphostructural de type horst et hémigraben qui caractérise la partie nord de la péninsule. Les taux de soulèvement du Morro de Mejillones (horst) varient entre 0,5 et 0,7 m/ka pendant le dernier demi million d’années, alors que dans la Pampa de Mejillones les taux de soulèvement varient entre 0,2 et 0,5 m/ka pour la même période de temps. La faille de Mejillones, qui sépare le morro de la pampa, est responsable de ce soulèvement différentiel ; il aurait une vitesse verticale de 0,2 à 0,3 m/ka pendant le dernier demi million d’années. Le soulèvement et la déformation cassante se produisent simultanément au cours de la déformation continentale qui accompagne un grand séisme de subduction. Les structures de la Péninsule de Mejillones sont considérées comme potentiellement actives durant la période co-sismique.
Un épisode interglaciaire chaud et de longue durée pendant le stade isotopique 11 : évidence de terrasses marines en Amérique tropicale occidentale
Les régions côtières de Basse Californie, du Pérou et du nord du Chili, qui ont été soumises à des taux de soulèvement relativement élevés durant le dernier demi million d’années, montrent un développement particulièrement important de terrasses marines attribuées à l’interglaciaire SIM 11. Les caractéristiques morphologiques de ces terrasses, le long des côtes tropicales orientales de l’Océan Pacifique (30ºN à 30ºS), suggèrent que durant le SIM 11, le plus long des derniers interglaciaires (plus de 40 ka ?), le niveau de la mer a atteint une position « eustatique » plus haute que le niveau actuel et que pendant le SIM 5. Une détermination précise de la position du paléo-niveau de la mer au maximum de la transgression du SIM 11 est rendue problèmatique par les incertitudes sur les variations des taux de soulèvements tectoniques verticaux, durant les derniers 400 ka. Les particularités paléontologiques et paléoécologiques des dépôts côtiers du SIM 11, dans le nord du Chili, apportent des indications importantes concernant les conditions climatiques et les caractéristiques des milieux marins proches de la plage. Des mollusques d’eau chaude de la Province Panamiéennes (vivant actuellement au nord de 6ºS) ont été trouvés dans certains dépôts côtiers du SIM 11 à une latitude de 23ºS (Péninsule de Mejillones) ; il en est de même d’un petit nombre d’espèces, qui vivent actuellement dans le nord et le centre du Pérou et qui ont éte retrouvées dans des dépôts de même âge à des latitudes de 23-30ºS. Donc, des éléments de faune « hors limite » ont co-existé avec des espèces d’eau froide de la Province péruvienne et ont constitué un cas de « TAMAs » typique (Thermally Anomalous Molluscan Assemblages). Pendant l’interglaciaire SIM 11, pendant des milliers d’années, des populations d’eau chaude ont vécu dans des lagons et des baies protégés, où l’eau était apparement réchauffée durant toute l’année par une température de l’air signicativement plus chaude que de nos jours. L’incorporation d’éléments panamiéennes « hors limites » dans les assemblages lagunaires doit être due, très certainement, au transport épisodique de larves depuis les basses latitudes, ce qui montre des manifestations fréquentes et bien marquées du phénomène El Niño (ENSO).
Datations 10Be produit in-situ des cônes alluviaux de la Péninsule de Mejillones
Les concentrations en nucléides cosmogéniques produits in situ sont proportionnelles à la stabilité géomorphologique des surfaces exposées au rayonnement cosmique. Ces nucléides produits in-situ sont des traceurs géochimiques potentiels à condition de bien connaître leur(s) source(s), leurs mécanismes de production et d’incorporation dans les différents réservoirs terrestres. Des circonstances favorables permettent d’utiliser ces concentrations pour estimer soit l’âge d’exposition soit le taux d’érosion, qui tous deux expriment, en fait le temps de résidence proche de la surface du matériel échantillonné (Lal, 1988; Lal, 1991; Cerling et Craig, 1994; Ritz et al., 1995; Siame et al., 1997; Brown et al., 1998).
Les séquences de cônes alluviaux sont d’excellents marqueurs climato-tectoniques lorsque les études géomorphologiques et tectoniques sont associées à des datations directes de leurs surfaces par âge d’exposition 10Be. L’historique de la mise en place des cônes de déjection est difficile à déterminer sans datations précises.
Les cônes de déjection
Les cônes de déjection sont des corps sédimentaires caractéristiques des fronts montagneux actifs dont la forme se rapproche d’un segment de cône qui s’étale vers l’aval à partir d’un front montagneux, ou d’un escarpement de faille, généralement au débouché d’un chenal.
Leurs profils sont généralement concaves dans le sens de la longueur et convexes dans la largeur. La pente moyenne de leur surface est généralement comprise entre 1° et 5°, mais, au niveau de l’apex (extrémité amont), elle peut atteindre 10°.
Certaines conditions géodynamiques favorisent la mise en place et le développement des séquences de cônes de déjection. De forts apports sédimentaires en provenance de la source montagneuse combinés à la brusque diminution de puissance des cours d’eau au débouché sur le piémont. Dans les régions montagneuses arides et semi-aride, ces conditions sont favorisées par plusieurs caractères. Tout d’abord, du fait de la rareté de la végétation, l’érosion et les apports sédimentaires y sont très importants. Ainsi, les pluies d’orage rares mais intenses lessivent-elles fortement les pentes. Les torrents de la région source ont généralement des pentes très fortes qui, associées aux régimes d’écoulement épisodiques mais intenses, permettent des transports sédimentaires importants vers le front montagneux.
Plus que le simple changement de pente, la cause principale de mise en place des cônes alluviaux soit le brusque changement de confinement qui s’opère au débouché du chenal, lorsque celui-ci atteint le piémont (Fig. 3.5).
Cette transition de confinement provoque une baisse du régime hydrodynamique et les cônes alluviaux peuvent alors se développer par dépôts successifs de la charge sédimentaire transportée par le cours d’eau. D’une manière générale, les cônes de déjection correspondent donc à des environnements de transition entre la chaîne de montagne et une plaine en milieu climatique particulier: aride à semi-aride.
Une particularité de l’enregistrement de la tectonique par les cônes est la formation de terrasses le long des chenaux alluviaux. Les terrasses sont d’anciens lits de cours d’eau, incisés et abandonnés sur les versants d’une vallée ou chenal et leur étude est fondamentale du fait que ce sont les seuls témoins de l’incision d’un cône au cours du temps. Les terrasses correspondent à des replats limités par des sections à pente plus forte. Ils peuvent être creusés directement dans le substratum mais sont fréquemment recouverts pas des sédiments associés au fonctionnement du système fluviatile. On distingue les terrasses étagées ou les terrasses emboîtées, selon qu’elles sont séparées ou non l’une de l’autre par le substratum érodé (Fig 3.6). Les terrasses sont le témoin d’un changement depuis un état où il y a érosion vers un état où il y a sédimentation. Les causes de ce changement ont conduit à définir deux types de terrasses (Tricart, 1947): les terrasses climatiques et les terrasses eustatiques. La sédimentation associée aux terrasses climatiques est liée à une augmentation du flux de matière qui arrive dans le cours d’eau, ou à une diminution de la capacité du cours d’eau à évacuer les sédiments, induite par des variations de climat. Dans le cas des terrasses eustatiques, la sédimentation est due à une diminution de pente provoquée par une augmentation relative du niveau marin (eustatique ou tectonique).
Séquence de cônes alluviaux de la Péninsule de Mejillones
La datation par âge d’exposition 10Be des surfaces d’une séquence de cônes de déjection quaternaires localisée dans l’avant-arc des Andes Centrales dans la Péninsule de Mejillones, côte nord du Chili 23ºS (Fig. 3.7), devrait permettre de déterminer les taux des vitesses de déplacement de la Faille Mejillones, en intégrant une étude géomorphologique et cinématique des failles associées, qui sera développée dans le Chapitre 4.
Ces cônes tapissent des terrasses marines et des cordons littoraux du Pléistocène moyen et supérieur (< 0,5 Ma) formés dans l’isthme de la péninsule où ils sont affectés par l’activité tectonique d’une faille normale (Fig. 3.8), la Faille Mejillones. Dans la Péninsule de Mejillones il y a des cônes plus anciens du Pliocène et du Pléistocène inférieur (Ferraris et Di Biase, 1978).
La trace en surface de la Faille Mejillones affecte, entre la plage actuelle et 200 m d’altitude, les cônes de déjections quaternaires qui recouvrent le piémont oriental du Morro Mejillones (Fig. 3.8). Nous nous sommes intéressés au segment nord de la faille Mejillones où les décalages de marqueurs géomorphologiques quaternaires sont particulièrement bien préservés.
La sédimentologie des cônes alluviaux est relativement constante d’une unité à l’autre. Ils sont constitués de brèches relativement peu indurées. Les éléments sont grossiers, essentiellement des graviers de granitoïdes et de roches métasédimentaires, contenus dans une matrice sableuse également grossière.
Les différentes unités de cette séquence de cônes ont été cartographiées sur la base de leurs caractéristiques de surfaces et de leurs relations stratigraphiques. Cette étude géomorphologique, basée sur l’interprétation de photos aériennes et d’observations de terrain, a permis d’identifier au moins cinq unités différentes, de la plus ancienne à la plus jeune: S1 à S5 (Fig. 3.9).
Les unités désignées de S1 à S2 sont les plus anciennes, S2 est emboîtée dans S1. Leurs surfaces sont relativement lisses et de rares blocs (0,4 à 1 m de diamètre), présentant un vernis désertique très développé, y sont enchâssés. Ces surfaces de cônes abandonnées sont caractérisées par des figures d’écoulement qui ont été affectées pendant longtemps par des processus de déflation éolienne.
Les unités les plus récentes de cette séquence de cônes (S3>S4>S5) sont celles qui se sont emboîtées les unes dans les autres et dans les unités décrites précédemment. Leurs surfaces sont bien préservées et montrent des rémanences de figures d’écoulement (réseau de chenaux) constituées par de petits blocs anguleux (<30cm) et des graviers. Tous les éléments composant ces surfaces ont un vernis désertique faiblement développé. Ces unités sont incisées par un réseau de chenaux, actifs lors des crues torrentielles que connaît cette région soumise aux anomalies climatiques et océanographiques El Niño (Vargas et al., 2000).
Cette séquence de cônes est donc composée de coulées à blocs mises en place par des processus d’érosion-remplissage. La géométrie étagée observée résulte probablement de variations du rapport charge/décharge des alimentations et/ou de variations du niveau de base induites par des variations climato-tectoniques locales.
Les unités les plus anciennes (S1 et S2) constituent des corps sédimentaires relativement importants comparés aux dépôts des unités les plus jeunes. Cette différence peut être interprétée par un changement des conditions de charge sédimentaire des chenaux d’alimentation.
Résultats des datations par âge d’exposition
L’échantillonnage des plus gros blocs, riches en quartz et présents en surface permet de minimiser les problèmes liés à l’héritage géologique. Un échantillonnage multiple d’un même niveau permet d’assurer une certaine représentativité des résultats. Cette stratégie d’échantillonnage suppose que des phénomènes très énergétiques ont été nécessaires pour transporter ces gros blocs. Les phénomènes hydrodynamiques impliqués sont donc susceptibles d’avoir creusé en profondeur la région source à une profondeur suffisante (< 2 m) où la roche est protégée des rayons cosmiques (10Be hérité = 0) et ont permis un transport rapide sur la surface de dépôt. Après le dépôt, commence l’histoire de l’abandon de la surface et l’exposition initiale des blocs aux rayonnement (chargement in situ du 10Be).
Le vernis désertique, souvent très développé sur les blocs enchâssés dans les surfaces et le pavage désertique des surfaces elles-mêmes, sont des observations suggérant qu’il est raisonnable de faire l’hypothèse d’une exposition continue au rayonnement cosmique en surface avec un taux d’érosion négligeable (0).
On recherche également de préférence des blocs enchâssés dans les parties localement plates et surélevées des surfaces de cônes pour minimiser les effets post-dépôt affectant les surfaces dès leur abandon. Les zones plates et surélevées ont été un peu mieux préservées des phénomènes érosifs qui affectent les surfaces de cône après leur abandon. Les surfaces S1 et S2 permettent ce type d’échantillonnage.
Nous avons échantillonné des blocs métriques granitiques enchâssés dans les surfaces S1(5 blocs) et S2 (4 blocs), et prélevé des échantillons le long d’un profil en profondeur (<2m), avec deux ou trois échantillons par bloc. Ces surfaces ont des concentrations en 10Be entre 497*103 et 12*103 atomes/g (Table 3.1).
L’erreur sur le calcul de l’âge est la somme d’erreurs de natures différentes: l’incertitude analytique liée à la préparation des échantillons, à la mesure du nombre de coups comptés au Tandétron (1σ), sur une variabilité de réponse du Tandétron de 5%; sur une incertitude de 50% sur la correction des blancs analytiques et l’erreur associée au taux de production calculé estimée classiquement à 20% (Brown et al., 1998).
En utilisant des taux de production estimés à partir des polynômes de Lal (1991), ces concentrations donnent des âges d’exposition minima de 46,5±3,7 ka pour l’unité S1 (moyenne pour 3 échantillons) et de 26,3±1,7 ka pour l’unité S2 (moyenne pour 4 échantillons) (Fig. 3.10). Sur la surface S1, deux échantillons peuvent être interprétés comme des échantillons contenant du 10Be hérité puisque on n’a pas le même âge en profondeur, autrement dit les concentrations des échantillons ne montrent pas un profil normal décrivant leur diminution en profondeur.
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Table des matières
Chapitre 1. Introduction générale
1.1 Problématique
1.2 Objectifs de l’étude
1.3 Méthodologies
1.4 Cadre géodynamique et géologique
1.4.1 La convergence des plaques Nazca – Amérique du Sud
1.4.2 Unités morphostructurales
1.4.3 Contexte stratigraphique..
1.4.4 Cadre tectonique
1.4.5 Modèles de déformation dans l’avant-arc
Chapitre 2. Stratigraphie et morphostratigraphie du Néogène
2.1 La caractérisation stratigraphique des sédiments néogènes
2.1.1 Changements relatifs du niveau de la mer
2.1.2 Nodules de Manganèse
2.1.3 Téphrochronologie
2.1.4 Vertébrés marins néogènes de la Formation La Portada
2.1.5 Poissons élasmobranches: indicateurs chronostratigraphiques
2.1.6 Poissons Chimaeriformes (Chondrichthyes, Holocephali) du Néogène de la Formation Bahía Inglesa (Atacama, Chili)
2.2 Les terrasses marines pléistocènes
2.2.1. L’érosion et l’accumulation littorale
2.2.2. Terrasses marines de la Péninsule de Mejillones (23ºS): implications sismotectoniques pour la côte nord du Chili
2.2.3. Un épisode interglaciaire chaud et de longue durée pendant le stade isotopique 11 : évidence de terrasses marines en Amérique tropicale occidentale
Chapitre 3. Datations des surfaces alluviales par la méthode 10Be produit in situ
3.1 Introduction
3.2 Datations 10Be des cônes alluviaux de la Péninsule de Mejillones
3.2.1 Les cônes de déjection
3.2.2 Séquence de cônes alluviaux de la Péninsule de Mejillones
3.2.3 Résultats des datations par âge d’exposition
3.2.4 Implications paléoclimatiques
Chapitre 4. Tectonique et Néotectonique
4.1 Introduction
4.2. Déformation cassante dans la Péninsule de Mejillones
4.2.1 Déformations miocènes et pliocènes
4.2.2 Déformations pléistocènes
4.3 Taux de glissement le long de failles normales actives parallèles à la fosse dans le nord du Chili, estimés à partir de données de 10Be : exemple de la Faille de Mejillones
4.4 Néotectonique côtière dans le sud des Andes Centrales : soulèvement et déformation de terrasses marines dans le nord du Chili (27ºS)
Chapitre 5. Conclusions générales
5.1 La paléontologie, un outil très puissant
5.2 Les datations des cinérites et les problèmes de la remobilisation
5.3 Estimation des taux de vitesses de déplacement de la Faille
Mejillones par l’étude des cosmogéniques
5.4 Corrélations paléoclimatiques
5.5 Néotectonique et taux de soulèvement
5.6 Néotectonique et les déformations cassantes
5.7 Modèle de déformation tectonique
Références
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