Dans le système traditionnel énergétique français d’après-guerre, les territoires avaient peu de marge de manœuvre sur les questions énergétiques. En effet, Electricité De France (EDF) et Gaz De France (GDF) avaient obtenu, à leur création en 1946, un quasi-monopole pour la production, l’importation, le transport et la distribution de l’électricité et du gaz afin de satisfaire une politique étatique énergétique tournée vers la reconstruction. En 1946, la propriété des entreprises privées concessionnaires des services publics d’électricité et de gaz a été transférée à l’Etat, à l’exception de quelques Entreprises Locales de Distribution (ELD). Les collectivités territoriales ont gardé le pouvoir concédant et la maîtrise d’ouvrage des investissements sur leurs réseaux de distribution. Elles n’avaient pourtant aucun pouvoir pour produire de l’énergie et négocier les contrats d’approvisionnement d’électricité et de gaz.
Pour le pétrole, le gaz et le charbon, notre territoire national est entièrement dépendant de l’étranger pour ses approvisionnements. L’Union Européenne connait une situation similaire, dans une moindre mesure car elle a des gisements pétroliers et gaziers en mer du Nord et des mines de charbon et de lignite qui sont toujours exploitées. Les ressources en hydrocarbures de la France sont faibles : quelques forages de pétrole en Région parisienne et en Aquitaine (le gisement du gaz de Lacq n’étant plus exploité depuis 2013) ; des gaz de schistes, sujet tabou dont on ne sait pas exactement ce que les réserves représentent ; et quelques réserves de charbon. La dernière mine de charbon française a fermé en avril 2004 à La Houvre en Lorraine, la société publique Charbonnage de France a été liquidée en 2008. Un projet pour relancer la filière à partir de nouveaux gisements identifiés dans la Nièvre a été étudié puis abandonné après de fortes mobilisations hostiles. Pour le pétrole brut, La France en importait 134,9 millions de tonnes en 1973 contre 53,6 millions de tonnes en 2014 (chiffres INSEE). 95% des importations françaises provenaient de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) en 1973 contre 53,6% en 2014. La dépendance diminue face au pétrole et face à l’OPEP.
Le pétrole brut est acheminé par voie maritime et par oléoducs dans les 9 raffineries métropolitaines et dans celle de Fort-de-France, en Martinique. Le pipeline sud européen traverse la France, de la Méditerranée vers la Suisse et l’Allemagne. Celui d’Ile de France alimente les raffineries de Grandpuits, en Seine-et-Marne, et du Havre. Grandpuits a été construite en 1966, à l’origine pour raffiner le brut issu des forages d’Ile-de-France. Les raffineries appartiennent en majorité à TOTAL et à ExxonMobil, c’est-à-dire à des groupes pétroliers privés. Leur localisation spatiale est située près des ports industriels français (Dunkerque, Le Havre, Fos-sur-Mer) et de grands fleuves (Rhône et Seine pour Feyzin et Grandpuits), pour permettre le déchargement des navires pétroliers. Elles connaissent actuellement des difficultés, du fait de surcapacités importantes dans l’Union Européenne, comme en témoigne la fermeture en 2010 de la raffinerie des Flandres, sur notre terrain d’étude du Nord, dans la périphérie de Dunkerque. C’était pourtant la dernière raffinerie à avoir été construite en France, avec une mise en service en 1974.
Peut-on se réjouir d’une baisse associée des émissions de dioxyde de carbone dans la région Hauts-de-France, liée aux fermetures industrielles ? De nouvelles raffineries s’ouvrent près des champs pétroliers, dans des pays qui ne sont pas soumis à la contrainte carbone du Protocole de Kyoto et c’est un des défis de la COP21 de traiter ce sujet. La raffinerie de Dunkerque est, par exemple, en sursis dans cette mondialisation et ne traite plus que des résidus pour produire de l’huile et du bitume. Le gaz naturel provient principalement de Norvège (40%), Russie (20%), Pays Bas (16%), Algérie (12%), Qatar (4%), Nigéria (3%). Gaz de France a organisé son monopole d’importation après la seconde guerre mondiale, en négociant des contrats à long terme indexés sur des indices pétroliers, pour un approvisionnement par gazoduc et par méthaniers, grâce au Gaz Naturel Liquéfié (GNL). Le GNL est toujours du méthane (CH4) qui a été liquéfié à moins 160°C, ce qui permet au gaz de perdre 600 fois son volume naturel et d’être chargé dans des bateaux spécifiques, les méthaniers, activité dans laquelle nous avons été directement impliqué pendant un séjour professionnel de 3 ans à Londres. Les ports français de regasification sont Montoir-deBretagne et Fos-sur-Mer (Fos Tonkin et Fos Cavaou). Ce sont des ports dédiés, mis en service en 1972 pour Fos Tonkin et en 1980 pour Montoir-de-Bretagne, qui ont fait l’objet d’un aménagement spécifique en bonne concertation avec les collectivités territoriales concernées, c’est-à-dire les régions Pays de Loire et Provence-Alpes-Côted’Azur (PACA) et les départements Loire Atlantique et Bouches-du-Rhône.
Schéma de recherche, calendrier et méthodologie
Le schéma de recherche a été illustré dans le schéma 1 pour montrer que la problématique est complexe. Nous avons adopté des approches croisées, à la fois théoriques pour le corpus et le positionnement de la recherche, expérimentales pour les terrains, quantitatives pour les statistiques et dynamiques pour comprendre les résultats en fonction des facteurs d’influence en profitant de colloques et groupes de travail spécialisés pour confronter les hypothèses.
Ces recherches sont soumises à la réglementation qui a été en forte évolution, avec des décisions à la fois supranationales et nationales, qui se concrétisent par des textes de lois, des décrets d’application qui modifient sans cesse le code de l’énergie, le code de l’environnement et le code général des collectivités territoriales.
Le niveau d’analyse a été divisé en niveau mondial, niveau européen, niveau national, niveau régional et niveau local, où se déroulent nos enquêtes de terrain. Ce sont donc les régions Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), les départements du Nord et du Var qui vont être particulièrement observés dans l’enchevêtrement des compétences pour l’énergie, l’air et le climat et pour les initiatives locales.
Enfin, les facteurs d’influence sont des données externes et des tendances de fonds qui ont un impact direct sur notre problématique. Il s’agit de la montée en puissance de la lutte contre le changement climatique, la déréglementation des marchés électriques et gaziers, la révolution technologique et numérique, la démographie et la décentralisation territoriale. Le calendrier de recherche permet de récapituler les travaux effectués dans un horizon de temps de trois ans et de mieux visualiser la progression.
Méthodologie
Le premier volet de recherche a consisté à lire la littérature académique et le corpus pour positionner la thèse mais aussi l’abondante littérature grise, les réglementations européennes et nationales, les rapports de parlementaires et d’experts, les synthèses réalisées dans le cadre du Grenelle de l’environnement et du débat national sur la transition énergétique, les plans et schémas territoriaux, les projets de loi. Beaucoup d’analyses sont faites sur la transition énergétique, avec des approches différentes, par des associations souvent militantes qui ont l’écoute des pouvoirs publics et qui participent à la diffusion d’idées en influençant le législateur. La veille législative peut se faire aider par de nouveaux outils comme le système d’alertes disponible sur le site internet du Sénat qui peut adresser automatiquement des références pour le mot clé « transition énergétique ». L’enjeu est de mettre en perspective cette masse d’informations grises avec la littérature académique.
Le deuxième volet de recherche a consisté à sélectionner les terrains et à organiser la collecte d’informations par des voyages d’études. Les deux terrains retenus en France nous ont semblé significatifs pour leurs réalisations probantes dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique. Le premier terrain de Lille, espace urbain, se veut exemplaire en matière de transition énergétique. Le second terrain du Pays de Fayence, espace rural, n’a jamais revendiqué une fibre écologique particulière alors qu’il a réalisé deux projets importants de production d’électricité verte à 50 ans d’écart. C’est aussi un nœud majeur dans le transport d’électricité de la région Provence-Alpes-Côte-D’azur. L’ouverture de cette thèse sur l’Afrique, avec l’espace désertique de Ouarzazate et l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine suggère que les potentialités sont au sud et permet de dessiner la verticale.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE : terrains de recherche : montée en puissance inéluctable des territoires sur les questions « énergie, air, climat » dans la mondialisation.
Contexte de la recherche, épistémologie et revue de la littérature.
Contexte de la recherche.
Schéma de recherche, calendrier et méthodologie.
Cartographie et Systèmes d’Informations Géographiques (SIG)
Corpus, revue de la littérature et épistémologie.
Littérature sur les terrains de recherche français.
Littérature sur le territoire et les collectivités territoriales.
Littérature sur le climat.
Littérature sur l’énergie et la transition énergétique.
Facteurs d’influence de la décentralisation énergétique.
Lutte contre le réchauffement climatique.
Déréglementation des marchés de l’électricité et du gaz.
La révolution technologique et numérique.
Démographie et décentralisation territoriale.
Premier terrain de recherche : une conurbation française.
Présentation de la Métropole Européenne de Lille et de ses
compétences.
Problématiques urbaines pour l’énergie, l’air et le climat.
Dynamique de la Troisième Révolution Industrielle (TRI).
Organisation du transport et de la distribution d’électricité et de gaz.
Fin des tarifs réglementés de l’électricité et du gaz.
Deuxième terrain de recherche : un espace rural varois.
Sur les traces du professeur Yves Lacoste, présentation du pays de
Fayence et de ses compétences.
Problématiques rurales pour l’énergie, l’air et le climat.
Des réseaux pour développer le territoire du Pays de Fayence
L’exploitation du sous-sol, des mines de gîte métallique de spath
fluor au gaz de schiste.
La catastrophe de Malpasset et le barrage de Saint-Cassien.
La centrale solaire photovoltaïque de Callian.
Ouverture de la recherche sur deux terrains africains.
Chapitre Intitulé Page
DEUXIÈME PARTIE : Politiques publiques, indépendance énergétique et documents d’aménagement et d’urbanisme.
Nouvelles politiques publiques, nouvelles dynamiques des
espaces ?
Comment les tarifs de rachat ont affecté nos paysages et provoqué
la polémique ?
Espace urbain et espace rural à énergie positive.
Les dynamiques régionales sur le climat.
Comment évolue le mix énergétique français ?
Indépendance et transition énergétique.
L’éolien en France et sur nos terrains.
L’énergie solaire en France et sur nos terrains.
Le biogaz en France et sur nos terrains.
La biomasse en France et sur nos terrains.
L’hydraulique en France et sur nos terrains.
Comment renforcer la maîtrise des consommations énergétiques
dans les territoires ?
La gestion des déchets et l’économie circulaire.
Les enjeux du transport, de la distribution et du stockage d’énergie.
Contrats, schémas directeurs, plans, facilitateurs et acteurs de
cohésion ?
Les contrats, schémas directeurs et plans à vocation générale sur
nos terrains de recherche français.
Les contrats de Projets État-Région.
Le Schéma Régional de Développement Economique, d’Innovation
et d’Internationalisation (SRDEII).
Du Schéma Régional d’Aménagement et de Développement
Durable du Territoire (SRADDT) au SRADDET.
Le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT).
Le Plan Local d’Urbanisme communal et Intercommunal (PLUI).
L’agenda 21.
Les contrats, schémas directeurs, plans à vocation spécifique sur
nos terrains de recherche français.
Le Schéma Régional du Climat, de l’Air et de l’Energie (SRCAE), le
Schéma Régional de l’Intermodalité (SRI), le SRIT et le Plan
Régional de Prévention et Gestion des Déchets se fondent dans le
SRADDET.
Le Schéma Régional de Raccordement au Réseau des ENR.
Le SRCE et le Schéma Régional de l’Enseignement Supérieur.
Du PCET au PCAET (Plan Climat Air Energie Territorial).
Interfaces de nos terrains avec départements, régions et Etat.
Interfaces des terrains avec les départements Nord et Var.
Interfaces des terrains avec les régions Hauts-de-France et PACA.
Interfaces avec l’Etat.
Synthèse du rôle des acteurs territoriaux dans la transition
énergétique et la lutte contre le changement climatique.
Les régions.
Les départements.
Les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale.
Les communes.
Les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer.
Chapitre Intitulé Page
TROISIÈME PARTIE : gouvernance, ouverture sur l’Afrique et résultats.
La nécessaire solidarité entre territoires français.
Le principe républicain de la péréquation.
La péréquation tarifaire pour l’électricité et le gaz.
La Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE).
Cadre budgétaire territorial et transition énergétique.
Ressources des intercommunalités et transition énergétique.
Relations financières entre EPCI et ses communes.
Les nouveaux outils de gouvernance.
Et si l’avenir de la transition énergétique était au Sud ?
La verticale Europe, Méditerranée, Afrique face à la transition
énergétique.
Troisième terrain de recherche : Ouarzazate au Maroc.
Les quatre phases du complexe solaire NOOR de Ouarzazate.
Les conséquences en termes d’aménagement du territoire.
Quatrième terrain de recherche : l’Union Economique et Monétaire
Ouest-Africaine (UEMOA).
Le quarantième anniversaire de la Banque Ouest-Africaine de
Développement à Lomé, Togo.
Le forum africain de l’électricité 2014 à Dakar, Sénégal.
Résultats de recherche.
Résultats concernant la transition énergétique en France.
Résultats concernant l’espace urbain sous contrainte carbone.
Résultats concernant l’espace rural sous contrainte carbone.
Résultats concernant la transition énergétique en Méditerranée.
Résultats concernant la transition énergétique en Afrique.
CONCLUSION GÉNÈRALE
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