Remarques préliminaires et organisation du travail
Ancrage théorique
Parmi les analyses récentes de to, et, plus généralement, des prépositions, une grande majorité se réclame du domaine théorique de la linguistique cognitive. C’est le cas notamment des travaux de B. Bergen et N. Chang (2000), de B. Cappelle et R. Declerck (2005), de T. Nakazawa (2006), de A. Tyler et V. Evans (2003 et 2004), de J. Zwarts et Y. Winter (2000) et de J. Zwarts (2005, 2007) . La plupart de ces travaux reposent sur les principes posés par R. Langacker dans Foundations of cognitive grammar (1987-1991), par G. Lakoff (1997), par L. Talmy (1983 et 2000 notamment), par A. Herskovits (1986) , K. Coventry (1998), ou encore par C. Vandeloise (1986).
Les analyses s’inscrivant dans le cadre de la linguistique cognitive ne sont pas homogènes, dans la mesure où celle-ci ne constitue pas un courant théorique unique, mais plutôt un ensemble de principes sur lesquels les auteurs fondent plusieurs types d’analyse, comme le souligne C. Guimier (2006).
Leur point commun, pour ce qui concerne l’étude des marqueurs prépositionels, est qu’elles donnent la primauté à leur valeur spatiale, et considèrent généralement leurs autres emplois comme étant dérivés de cette valeur première par métaphore, concept à propos duquel É. Gilbert (2006) souligne qu’ « il n’est jamais vraiment clairement défini. » .
De fait, l’un des problèmes majeurs posés par l’utilisation de la métaphore comme outil théorique dans les analyses d’inspiration cognitiviste est que ce concept ne fait jamais l’objet d’une définition précise en tant qu’outil métalinguistique. Une autre conséquence des principes fondant la démarche de ces linguistes est que l’analyse des emplois non spatiaux des marqueurs est souvent reléguée au second plan, y compris dans les travaux qui se veulent moins géométriques et plus fonctionnalistes (A. Tyler et V. Evans, 2003).
Il est exact que l’analyse diachronique (voir M.L. Groussier 1984) témoigne du fait que les prépositions ayant un emploi spatial ont généralement vu cet emploi attesté avant les autres interprétations qui leur sont associées. Cette primauté chronologique ne signifie pas pour autant qu’en synchronie, la valeur spatiale de ces marqueurs acquière une quelconque préséance sur les autres valeurs. L’analyse polysémique, comme l’analyse monosémique basée sur un sens premier à partir duquel seraient dérivés les autres sens du marqueur selon des processus qui restent, le plus souvent, à décrire, reposent implicitement sur l’idée que les marqueurs prépositionnels possèdent une assise sémantique, principe que nous rejetons. Nous ne considèrerons pas pour autant que les marqueurs prépositionnels sont « vides » ou « incolores » (E. Spang Hanssen 1963), mais plutôt qu’ils possèdent une « identité » (au sens de J.J. Franckel et D. Paillard 2007) se manifestant sous la forme d’une « Principe Générateur » (Y. Homma, 2009) qui participe à la construction de valeurs locales en interaction avec les propriétés du contexte.
Méthodologie
La méthode adoptée repose sur la constitution d’un corpus à partir d’énoncés attestés recueillis dans le British National Corpus, dans le Corpus of Contemporary American English, dans des romans de littérature contemporaine britannique ou américaine, ainsi que sur divers sites web du domaine .co.uk du moteur de recherche google. Les énoncés ainsi récoltés ont été classés en fonction des interprétations qui leur étaient associées ainsi que de paramètres plus syntaxiques (tels la détermination du nom introduit par le marqueur, ou encore, la fonction du syntagme prépositionnel dans l’analyse traditionnelle), ou encore des formes aspecto-temporelles ou modales en jeu dans l’énoncé.
Cette méthode de classement a permis de faire émerger des observations, que nous avons contrôlées en manipulant les énoncés, et en les soumettant au jugement de locuteurs natifs de l’anglais. À partir de là, nous avons formulé un certain nombre d’hypothèses que nous avons théorisées au moyen des outils élaborés par A. Culioli.
Y constitue l’aboutissement de l’occurrence de procès
Dans un premier temps, on s’intéressera aux énoncés dans lesquels le syntagme prépositionnel en to et, plus particulièrement, le terme Y, s’interprète comme le point final, le terme de l’occurrence de procès, de façon à mettre en lumière un certain nombre de régularités dans le fonctionnement du marqueur à travers la variété des contextes sémantiques. Les énoncés de ce type, on le verra dans les pages qui suivent, impliquent systématiquement que l’un des éléments de l’occurrence de relation prédicative connaisse un changement de ses délimitations, en lien avec la validation de cette occurrence de relation.
L’Espace
Dans un premier temps, on considèrera les énoncés dans lesquels le marqueur to introduit un syntagme nominal conceptualisé comme une localisation spatiale, et où il est associé à des procès renvoyant à un déplacement dans l’espace du référent de leur C0 ou de leur C1.
A. Culioli attribue au constituant remplissant la fonction de sujet la dénomination de complément de rang zéro, les autres compléments étant notés Cn en fonction de l’ordre dans lequel ils apparaissent dans la linéarité de l’énoncé :
« Ainsi, on notera Sujet (d’une phrase) = (C0, Agent, Thème). C0 se lit complément de rang zéro dans une théorie des compléments, impliquant que le sujet (de surface) dans les langues où sa présence est obligatoire, est nécessaire comme élément de l’ensemble de départ, pour que l’énoncé soit canoniquement bien formé […] » (1999a : 26) .
Ainsi, par exemple, dans un énoncé comme (2), Isabella est le C0, Paris le C1 et 1325 le C2.
[…] Isabella went to Paris in 1325 […]
C’est cette terminologie qui sera adoptée tout au long de ce travail pour désigner les constituants de l’énoncé.
Les contextes de déplacement dans l’espace d’une entité constituent l’emploi de to le plus fréquemment analysé. Le concept de « préposition dynamique » telle que l’introduisent J. Zwarts et Y Winter (2000), R. Folli et G. Ramchand (2005), J. Zwarts (2005, 2007), entre autres, sera discuté dans cette partie :
« Directional prepositions are more “dynamic” than the locative ones: they are usually connected to a verb or a noun expressing movement or direction as in . Unlike the locative ones, the directional prepositions often resist predicative constructions .
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Table des matières
Introduction
1. Remarques préliminaires et organisation du travail
1.1. Ancrage théorique
1.2. Méthodologie
1.3. Organisation du travail
2. Y constitue l’aboutissement de l’occurrence de procès
2.0. Introduction
2.1. L’Espace
2.1.0. Introduction
2.1.1. To et l’expression d’un déplacement dans l’espace, les énoncés du type de Isabella went to Paris
2.1.2. For, éléments de comparaison : she ran for the door
2.1.3. To et at : le statut du visé : he threw the ball to/at Dave
2.1.4. To, on et les procès statiques : I stood to/on his left
2.1.5. From/to, for et l’expression de la temporalité
2.1.6. Conclusion
2.2. Les relations de transfert
2.2.0. Introduction
2.2.1. To, for, et l’alternance entre complémentation ditransitive et complémentation prépositionnelle : remarques préliminaires
2.2.2. Bring et send : complémentation ditransitive, complémentation prépositionnelle en to et complémentation prépositionnelle en for
2.2.3. Lose, quelques remarques sur les énoncés du type : he lost his seat to a Socialist
2.2.4. To, for double complémentation et repérage subjectif
2.2.5. For et l’interprétation en termes de substitution : we can, if you wish, draft a letter for you
2.2.6. Conclusion
2.3. Les énoncés résultatifs
2.3.0. Introduction
2.3.1. Enoncés résultatifs et changement de délimitation qualitative : he was shot to death
2.3.2. Résultat et haut degré
2.3.3. Syntagmes prépositionnels et participes passés : éléments pour une comparaison : he was shot to death vs he was shot dead
2.3.4. Les énoncés résultatifs en into : it can turn gold into copper
2.3.5. Conclusion
3. Quand to intervient dans la spécification de l’occurrence de procès : la construction de propriétés différentielles sur l’occurrence de relation prédicative
3.0. Introduction
3.1. La simultanéité : The girls awoke to the sound of rain rattling on the windows
3.1.0. Introduction
3.1.1. Propriétés des termes et relation temporelle
3.1.2. Simultanéité et nuance causale : Caroline jumped to the sound of the inspector’s voice
3.1.3. L’évaluation de l’occurrence de procès
3.1.4. Quelques remarques sur un cas particulier : the nation awoke to the need to protect the public from exposure to toxic chemicals
3.1.5. Conclusion
3.2. L’expression du but : he went out to dinner
3.2.0. Introduction
3.2.1. To particule infinitive et expression du but
3.2.2. To préposition, to particule infinitive, et for
3.2.3. Les propriétés de la relation prédicative
3.2.4. Les propositions infinitives de but : éléments de comparaison
3.2.5. Quelques remarques sur les valeurs causale et finale de for
3.2.6. Conclusion
3.3. La complémentation des procès renvoyant à un mode de communication : he said it to me yesterday
3.3.0. Introduction
3.3.1. L’altérité sur Y
3.3.2. Quelques remarques à propos des deux modes de complémentation de tell
3.3.3. Les propriétés du terme X : la mise en relation du syntagme prépositionnel et de l’occurrence de procès
3.3.4. Conclusion
3.4. La relation de cause à conséquence : To my surprise it was a stranger
3.4.0. Introduction
3.4.1. Le terme Y
3.4.2. La relation prédicative
3.4.3. Eléments pour une caractérisation de la relation causale : to X’s surprise
3.4.4. Conclusion
3.5. Conclusion
4. To, for et l’articulation du discours : source du point de vue et modes de repérage
4.0. Introduction
4.1. To, for et la position initiale détachée : considérations sur le statut de Y
4.1.0. Introduction
4.1.1. Y comme source de point de vue : to me, chess is not a sport
4.1.2. La relation prédicative : mode de fonctionnement de l’occurrence de procès
4.1.3. According to : une comparaison
4.1.4. Conclusion
4.2. To Y et For Y : similitudes et divergences
4.2.0. Introduction
4.2.1. For them, their son was dead
4.2.2. For Y comme étalon
4.2.3. To me, for me et les semi-copules
4.2.4. Position initiale et position post-verbale
4.2.5. Conclusion
4.3. As to et as for: comparaison et analyse
4.3.0. Introduction
4.3.1. Quelques remarques concernant le rôle de as dans la construction de as to et as for
4.3.2. As to et as for, éléments de comparaison
4.3.3. Quelques remarques concernant la position finale de as to
4.3.4. Conclusion
4.4. Conclusion
5. Construction d’une relation entre deux syntagmes nominaux
Conclusion