La télédétection d’environnements naturels au moyen d’images radar de type SAR a connu récemment un essor considérable. En effet l’imagerie radar présente une faible sensibilité aux conditions atmosphériques (météorologiques) lors des mesures, contrairement à l’optique. Cette technique d’observation permet l’extraction de paramètres bio et géo-physiques pertinents fournissant ainsi un moyen d’accroître nos connaissances sur l’environnement naturel. Les applications radar sont la plupart du temps utilisées pour la compréhension des phénomènes à grande échelle tels que la météorologie, la climatologie voire l’interprétation des phénomènes de rétrodiffusion entre le sol et le couvert végétal. Néanmoins, les capteurs qui opèrent en monopolarisation comme RADARSAT-1 ou ERS-1, ont des capacités limitées pour des applications autres que la cartographie en agriculture, foresterie ou hydrologie. Ainsi les radars multi-fréquences et/ou multi-polarisations interférométriques aéroportés et satellitaires comme SIR-C (JPL), ESAR (DLR), EMISAR (DDRE), ENVISAT (ESA), RADARSAT II (CSA) et ALOS (NASDA) sont des outils plus performants qui fournissent une information sensiblement accrue pour la mesure de certaines grandeurs physiques des milieux naturels comme la hauteur, la densité, l’humidité.
Dans les domaines des fréquences intermédiaires (bande L, 1.3 GHz et bande C, 5.3 GHz), l’identification de la neige sèche demeure un problème difficile à résoudre [Shi 93], [Koskinen 97], [Bernier 98a]. De plus, dans le contexte alpin, la topographie influe très fortement sur l’amplitude et les caractéristiques polarimétriques du signal [Nägler 05]. En bande L, la neige sèche influe peu sur le signal rétrodiffusé dont la composante dominante est directement reliée à la réponse du milieu sous jacent [Shi 00a], [Shi 00b], [Bernier 95]. En bande C, la nature de la réponse rétrodiffusée dépend fortement de l’angle d’incidence. Pour de faibles valeurs de l’angle d’incidence la nature de la diffusion correspond au mécanisme de diffusion de surface, pour des valeurs plus élevées (supérieures à 35°) le mécanisme dominant correspond à la diffusion des particules [Guneriussen 97], [Shi 94].
Polarisation d’une onde
Polarisation d’une onde électromagnétique plane
Une onde électromagnétique plane est définie par un vecteur champ électrique et un vecteur champ magnétique, mutuellement orthogonaux. Ces deux vecteurs étant reliés l’un à l’autre par les équations de Maxwell, l’onde électromagnétique peut être représentée seulement par les variations du champ électrique en fonction du temps.
Convention des systèmes de coordonnées
Dans le but d’exprimer des relations entre l’onde incidente et l’onde diffusée lors de l’interaction avec une cible, il est nécessaire de définir un système de coordonnées et les conventions s’y rapportant. Deux conventions majeures sont utilisées dans la littérature, la convention FSA (Forward Scattering Alignment) utilisée principalement en modélisation électromagnétique pour résoudre des problèmes en configuration bistatique et la convention BSA (Back Scattering Alignment) utilisée en télédétection radar où la configuration de travail est monostatique. Dans les deux cas, les ondes électromagnétiques incidente et diffusée sont exprimées dans des systèmes de coordonnées locales centrés respectivement sur les antennes de transmission et de réception [Ulaby 90].
Théorèmes de décomposition polarimétrique
Les théorèmes de décomposition ont été mis au point afin d’analyser les propriétés polarimétriques de représentations incohérentes résultant d’une moyenne spatiale ou temporelle. De manière générale, deux types de décomposition polarimétrique peuvent être discernés :
– les décompositions basées sur des propriétés mathématiques de la matrice traitée, comme l’orthogonalité des vecteurs propres,
– et celles basées sur un modèle de diffusion. Dans ce cas ci, la décomposition revient à déterminer le poids et certains paramètres des différentes composantes du modèle.
Décomposition polarimétrique suivant un modèle de diffusion
La décomposition polarimétrique de Freeman [Freeman 98] se base sur un modèle de diffusion composite utilisé pour décrire le comportement polarimétrique du signal rétrodiffusé par des diffuseurs naturels, principalement des zones forestières. Ce modèle a pour but d’évaluer l’importance relative des trois mécanismes de diffusion qui participent à la rétrodiffusion globale et ainsi permettre de définir certaines propriétés physiques caractéristiques du milieu observé.
La diffusion de volume
La canopée est considérée comme l’élément participant à la diffusion de volume. Ce mécanisme est modélisé par un nuage de particules cylindriques orientées aléatoirement autour de l’axe de visée du radar.
La double réflexion
Le mécanisme de double réflexion, engendré par la réflexion sol-tronc, est modélisé par un dièdre dont les surfaces de réflexion sont considérées comme des matériaux de constantes diélectriques différentes, correspondant au sol et aux troncs. Les coefficients de réflexion des troncs sont respectivement RTh et RTv pour les polarisations horizontale et verticale. Le sol, quant à lui, est modélisé par les coefficients de réflexion de Fresnel, RSh et RSv.
Les sites d’étude des Alpes
Les données radar
Les données SAR polarimétriques ont été acquises durant les campagnes de mesures de SIR-C en 1994 sur les Alpes françaises. Les différentes mesures effectuées par le radar ont eu lieu le 12 avril 1994 et le 3 octobre 1994 dans les bandes de fréquence L (1.3 GHz) et C (5.3 GHz) et suivant les quatre canaux de polarisation HH, VV, HV et VH (H pour horizontale et V pour verticale). Les images SAR résultantes ont une résolution spatiale de 20.7 mètres en distance et de 6.19 mètres en azimut. La taille d’un pixel est de 4.37 mètres en azimut et de 13.32 mètres en distance. L’angle d’incidence radar au centre de l’image est de l’ordre de 50°.
Deux sites des Alpes françaises ont été sélectionnés afin de tester les méthodes proposées. Ils correspondent aux régions de Risoul et du col d’Izoard, toutes deux situées au nord ouest de Gap (département des Hautes Alpes) à la limite des massifs du Queyras et du Parpaillon selon la division du CEN (Centre d’Etude de la Neige, Météo France, Grenoble) . Le choix de ces sites est motivé par la possibilité de recoupement entre les données du 12 avril 1994 et celles du 03 octobre 1994, par la représentativité de l’environnement alpin ainsi que par la présence de mesures de terrain collectées à proximité.
La variabilité du relief et la diversité du milieu naturel rendent l’étude du couvert neigeux complexe. En effet ces régions alpines se composent de sommets rocheux, de zones de forêts (mélèzes et conifères principalement) et de champs agricoles dans les vallées. En hiver la limite inférieure de neige se situe à une altitude de 1600 mètres. La neige recouvre alors une partie des forêts mais les vallées, à une altitude plus basse, restent libres de neige.
En raison de la forte topographie de ces régions alpines, une partie de cette étude a été orientée sur une zone de moindre pente se situant à une altitude de 2526 mètres appelé le Pic du Clocher, localisée près de la station de Risoul. Cette zone comporte une partie sans végétation qui permet d’étudier la réponse d’un couvert neigeux sur un sol nu à une onde incidente polarisée. Une analyse plus approfondie sera abordée dans le chapitre dédié à la modélisation où une comparaison sera faite entre les données radar et les résultats du modèle.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I. Introduction à la polarimétrie radar
I.1 Introduction
I.2 Polarisation d’une onde
I.2.1 Polarisation d’une onde électromagnétique plane
I.2.2 Ellipse de polarisation et état de polarisation
I.2.3 Le vecteur de Jones
I.2.4 Le vecteur de Stokes et le vecteur de Stokes modifié
I.2.4.1 Le vecteur de Stokes
I.2.4.2 Le vecteur de Stokes modifié
I.2.5 Addition incohérente des vecteurs de Stokes
I.3 Convention des systèmes de coordonnées
I.3.1 Système de coordonnées en convention FSA
I.3.2 Système de coordonnées en convention BSA
I.4 Représentation polarimétrique d’une cible radar
I.4.1 Représentation matricielle cohérente
I.4.2 Représentation matricielle incohérente
I.4.2.1 La matrice de Kennaugh
I.4.2.2 La matrice de Mueller modifiée
I.4.2.3 Le vecteur cible
I.4.2.4 Les matrices de cohérence et de covariance
I.5 Théorèmes de décomposition polarimétrique
I.5.1 Décomposition polarimétrique suivant un modèle de diffusion
I.5.1.1 La diffusion de volume
I.5.1.2 La double réflexion
I.5.1.3 La diffusion de surface
I.5.2 Théorèmes de décomposition polarimétrique aux valeurs/vecteurs propres
I.5.2.1 Les valeurs propres
I.5.2.2 Détermination du nombre de mécanismes dominants
I.5.2.3 Les vecteurs propres
I.5.2.4 Interprétation statistique de la décomposition
I.5.2.5 Décomposition de l’espace H – α
I.6 Conclusion
Chapitre II. Présentation des données
II.1 Introduction
II.2 Les sites d’étude des Alpes
II.2.1 Les données radar
II.2.2 Les mesures terrain
II.2.3 Les images optiques Landsat
II.3 Le modèle numérique de terrain
II.3.1 La mission SRTM
II.3.2 Les caractéristiques du MNT SRTM
II.3.3 Utilisation du MNT
II.3.4 Les images optiques projetées dans le plan oblique radar
II.4 Conclusion
Chapitre III. Modélisation de la diffusion d’un couvert neigeux
III.1 Introduction
III.2 Caractérisation du couvert neigeux
III.2.1 Composition de la neige
III.2.1.1 Les particules de glace
III.2.1.2 La teneur en eau liquide
III.2.1.3 La densité de la neige
III.2.2 La constante diélectrique de la neige
III.2.2.1 La neige sèche
III.2.2.2 La neige humide
III.2.3 La profondeur de pénétration
III.2.4 L’interface air-neige
III.2.5 Synthèse
III.3 Le modèle de diffusion d’un sol recouvert de neige
III.3.1 Le transfert radiatif
III.3.1.1 L’équation du transfert radiatif scalaire
III.3.1.2 L’équation du transfert radiatif vectoriel
III.3.1.3 Solution itérative de l’équation du transfert radiatif vectoriel
III.3.2 Modèle de diffusion de surface
III.3.2.1 Description d’une surface rugueuse
III.3.2.2 La méthode de Kirchhoff – Approximation scalaire
III.3.2.3 La méthode de l’équation intégrale (IEM)
III.4 Caractérisation polarimétrique d’un sol enneigé
III.4.1 La réponse d’un sol en rétrodiffusion
III.4.1.1 Comportement en puissance
III.4.1.2 Comportement polarimétrique
III.4.2 La rétrodiffusion de volume
III.4.2.1 Comportement en puissance
III.4.2.2 Comportement polarimétrique
III.4.3 Le mécanisme de double rebond
III.4.3.1 Comportement en puissance
III.4.3.2 Comportement polarimétrique
III.4.4 La rétrodiffusion totale d’un couvert neigeux
III.4.4.1 Comportement en puissance
III.4.4.2 Comportement polarimétrique
III.5 Conclusion
Chapitre IV. Cartographie de la neige sèche
IV.1 Introduction
IV.2 Pré-traitement des données SAR polarimétriques
IV.2.1 Filtrage des données
IV.2.1.1 Moyennage multi-vues
IV.2.1.2 Filtrage de speckle
IV.2.2 Regroupement par caractéristiques polarimétriques
IV.3 Analyse au moyen des paramètres polarimétriques H et α
IV.3.1 Variations fréquentielles
IV.3.2 Variations temporelles
IV.3.3 Discussion
IV.4 Approche multi-temporelle et multi-fréquentielle
IV.4.1 Détection des forêts
IV.4.1.1 Décomposition à partir d’un modèle de diffusion
IV.4.1.2 Combinaisons entre l’entropie et l’anisotropie
IV.4.1.3 Application aux données SAR en bande L
IV.4.2 Détection des surfaces
IV.4.3 Détection des forêts enneigées
IV.4.4 Détection des surfaces enneigées
IV.4.4.1 Optimisation du Contraste Polarimétrique classique (OPCE)
IV.4.4.2 Maximisation de la Variation du Contraste Polarimétrique (PCVE)
IV.4.5 Cartographie globale multi-fréquentielle du couvert neigeux
IV.4.5.1 Représentation de l’ensemble du couvert neigeux
IV.4.5.2 Algorithme de synthèse
IV.5 Approche multi-temporelle et mono-fréquentielle en bande C
IV.5.1 Application à la bande C de la méthode développée en bande L
IV.5.1.1 Détection des forêts
IV.5.1.2 Détection des surfaces
IV.5.1.3 Détection des forêts enneigées
IV.5.1.4 Détection de surfaces enneigées
IV.5.2 Méthodes adaptées à la bande C
IV.5.2.1 Détection des forêts : Procédure basée sur l’entropie seule
IV.5.2.2 Détection des surfaces : Procédure basée sur l’angle α
IV.5.2.3 Détection de la petite végétation
IV.5.2.4 Détection des forêts enneigées
IV.5.2.5 Détection des surfaces enneigées
IV.5.2.6 Détection de la neige sur la petite végétation
IV.5.3 Cartographie globale mono-fréquentielle du couvert neigeux
IV.5.3.1 Représentation de l’ensemble du couvert neigeux
IV.5.3.2 Algorithme de synthèse des deux méthodes
IV.6 Estimation des performances
IV.6.1 Approche multi-temporelle et multi-fréquentielle
IV.6.1.1 Site de Risoul
IV.6.1.2 Site d’Izoard
IV.6.1.3 Discussion
IV.6.2 Approche multi-temporelle et mono-fréquentielle en bande C
IV.6.2.1 Estimation à partir de la méthode développée en bande L
IV.6.2.2 Estimation à partir de la méthode adaptée à la bande C
IV.6.3 Récapitulatif
IV.7 Conclusion
Chapitre V. Analyse polarimétrique altitudinale du manteau neigeux
Conclusion