Du macro au micro, la miniaturisation des capteurs
Profitant des formidables avancées de la microélectronique, de nombreuses techniques de miniaturisation des composants, autrefois imposants, sont aujourd’hui employées dans la réalisation de capteurs divers et variés. La conception de tels objets s’inscrit par ailleurs dans la feuille de route de l’industrie du semiconducteur qui s’intéresse aujourd’hui à l’augmentation des fonctionnalités offertes par les microtechnologies. On fait référence ici à la stratégie « More than Moore », qui vise l’ajout de nouvelles fonctions aux systèmes intégrés et nommée en référence au « More Moore », loi économique et industrielle pressentie dans les années 1960 par l’un des fondateurs d’Intel et qui porte sur la miniaturisation toujours croissante, des transistors MOS .
Si la réduction des dimensions des objets offre notamment un gain en terme de coût de fabrication, elle offre, dans le domaine des capteurs de gaz, un intérêt plus important encore dans l’augmentation de la performance de ces mêmes objets. Ainsi, comme nous le verrons par la suite, le passage à l’échelle micro ou nanométrique, se révèle parfois intéressant afin d’augmenter la sensibilité des capteurs.
Technologies de miniaturisation et exemples de capteurs
Exemple dominant dans la recherche sur les capteurs de gaz, les détecteurs MOX sont aujourd’hui fortement étudiés sous forme de nanofils semiconducteurs. Comme nous le présentions précédemment, ces capteurs exploitent un effet de surface qui conduit, par le biais de réactions d’oxydo-réduction, à une variation de la résistivité électrique du matériau. Ainsi, en profitant du rapport surface/volume important de ces capteurs, il est possible d’augmenter fortement leur sensibilité par rapport au gaz environnant.
L’augmentation du rapport surface/volume avec la miniaturisation des dispositifs, est également mise à profit dans la réalisation de transistors fonctionnalisés notamment pour la mesure de PH ou la détection d’espèces biologiques [17]. L’utilisation d’un objet présentant une surface d’adsorption maximisée permettant ici d’augmenter considérablement l’influence du gaz sur l’état de déplétion dans le canal.
Dans le domaine des capteurs gravimétriques, la réduction de taille mène également à un gain de sensibilité important. Une nouvelle fois, c’est le rapport surface/volume des objets qui est exploité, l’utilisation d’objet de très faible dimensions permettant d’obtenir un rapport masse adsorbée/masse du capteur très important. Pour des objets présentant une masse très faible, il est ainsi possible de détecter de très faibles concentrations de gaz. Outre la réduction de dimension des capteurs traditionnels que sont la microbalance à quartz et les filtres SAW, ces dernières années ont vu apparaitre des capteurs reposant sur l’utilisation de nano-résonateurs NEMS. Reposant sur des transductions variées (piézoélectrique, piézorésistive, électrostatique, optique), ceux-ci, par leurs dimensions très faibles permettent d’obtenir des limites de détection extrêmement basses [18]. Ces objets représentent ces dernières années un axe de recherche important [19], notamment dans leurs applications en tant que capteurs de gaz ou pour la spectrométrie de masse .
Les microTCD
En ce qui concerne les capteurs de conductivité thermique, plusieurs exemples de microTCD ont été démontrés depuis le début des années 2000. Les méthodes de fabrication employées s’appuyant sur des procédés utilisés classiquement dans les microsystèmes. La conception et la fabrication d’un micro-TCD sont notamment démontrées par les équipes de Sandia Labs dans un rapport de 2003 .
Sa réalisation met en œuvre le dépôt d’une couche de métal, en l’occurrence du platine, sur une membrane réalisée en nitrure de silicium. L’utilisation du platine est justifiée par ses performances électriques, à savoir une résistivité très faible et un coefficient thermique important qui entraine une dépendance forte du signal de détection par rapport à la température. L’emploi d’une membrane en nitrure de silicium est quant à lui justifié par les propriétés d’isolation thermique et électrique offertes par ce matériau permettant de maximiser la sensibilité du capteur par rapport au gaz environnant. Dans ce dispositif, les échanges thermiques interviennent à travers le gaz situé sous la membrane, dans une tranchée gravée dans le substrat de silicium à l’aide d’un procédé KOH. La profondeur du gap de conduction thermique correspond ici à l’épaisseur du substrat de silicium, soit 500µm. Deux architectures électriques sont proposées par les auteurs. Celles-ci passent par l’utilisation de ponts de Wheatstone afin de réaliser une mesure différentielle .
Les deux architectures sont sensiblement identiques, à la différence que la seconde (B) exploite la totalité des résistances du pont et permet ainsi d’obtenir un signal utile deux fois plus important (ce qui permet in fine de diviser par √2 la limite de détection du capteur comme nous les verrons par la suite), cette dernière nécessite cependant un montage fluidique plus complexe (avec 4 dispositifs en parallèle) .
Le rapport démontre la réponse linéaire du capteur. Si les auteurs ne procèdent pas dans leur publication, à une mesure de bruit en bonne et due forme, ils annoncent cependant une limite de détection de l’ordre de 100ppm de monoxyde de carbone dans l’hélium. Entre 2009 et 2011, une équipe de Schlumberger publie une série d’articles [22]–[26] démontrant la réalisation d’un capteur de conductivité thermique utilisant des procédés proches de ceux employés plus tôt par Sandia Labs.
La membrane reste réalisée en nitrure de silicium mais le métal déposé est ici du nickel. Comme pour le dispositif en platine, une couche d’accroche en chrome est déposée entre le nitrure de silicium et le métal. Ce dispositif présente une taille inférieure à celui développé par Sandia Labs puisque le canal ne fait que 100µm de profondeur. En outre, un packaging adapté en pyrex est développé permettant le placement de la membrane dans le flux de gaz.
Dans leur dernière publication, les auteurs s’intéressent plus particulièrement à l’importance du nombre de Knudsen dans la mise au point d’un TCD. Ce nombre, défini par le rapport entre le libre parcours des molécules de gaz et les dimensions caractéristiques de la conduction thermique s’avère avoir un impact important sur la réponse du capteur. Ce point sera étudié et discuté en détail dans les chapitres suivants et mènera notamment à la réalisation d’un capteur de pression.
Le nanoTCD, intérêt et principe de fonctionnement
Dans les réalisations précédentes, la miniaturisation des dispositifs offre pour seul intérêt la réduction des coûts et de la consommation du capteur sans présenter de réelle avancée en termes de performances. L’approche employée dans cette thèse consiste à profiter des propriétés des objets à l’échelle nanométrique afin d’augmenter la sensibilité et la limite de détection de ces capteurs. En particulier, l’utilisation de nanofils de silicium en lieu et place du classique bicouche métal/isolant offre des perspectives intéressantes qui s’appuient sur les recherches effectuées les dernières années sur les propriétés électriques et thermiques de ces nano objets.
Les nanofils de silicium, propriétés et applications
Par le terme nanofil on désigne généralement une structure linéaire dont la dimension caractéristique est inférieure au micromètre. Celle-ci peut se présenter horizontalement, posée sur un autre matériau ou sous la forme d’un pont suspendu, mais également disposé verticalement .
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre 1 : Contexte et Etat de l’Art
1.1 Capteurs de gaz
1.1.1 Critères de classification
1.1.2 Types de capteurs
1.1.3 Capteurs TCD
1.1.4 Chromatographie en phase gazeuse
1.2 Du macro au micro, la miniaturisation des capteurs
1.2.1 Technologies de miniaturisation et exemples de capteurs
1.2.2 Les microTCD
1.2.3 Le nanoTCD, intérêt et principe de fonctionnement
1.2.4 Application à la réalisation d’un système d’analyse portatif
Chapitre 2 : Modélisation électrothermique d’un nanofil de silicium
2.1 Prérequis à la modélisation
2.1.1 Géométrie et hypothèses
2.1.2 Matériaux et modèle électrique
2.1.3 Coefficient thermique de résistance
2.2 Modélisation thermique
2.2.1 Élévation de la température d’un corps et chaleur spécifique
2.2.2 Modes de transfert thermique
2.2.3 Equation de la chaleur en présence d’un gaz
2.2.4 Propagation de la chaleur dans un nanofil de silicium
2.2.5 Conduction thermique dans un gaz parfait
2.2.6 Analogie thermique/électrique
2.2.7 Comportement à haute température
2.2.8 Flambage thermique d’un nanofil de silicium
2.3 Phénomènes de bruit dans les nanofils de silicium
2.3.1 Définition et intérêt
2.3.2 Sources de bruit
Chapitre 3 : Conception, fabrication et caractérisation d’un capteur électrothermique
3.1 Conception d’une jauge Pirani
3.1.1 Principe de fonctionnement d’une jauge Pirani
3.1.2 Influence de l’espèce gazeuse
3.1.3 Méthodes de transduction et mesures
3.1.4 Temps de réponse du capteur, transduction par la phase
3.1.5 Propositions alternatives
3.2 Conception d’un capteur de gaz
3.2.1 Figures de mérite de bruit et de sensibilité
3.2.2 Calcul de bruit
3.2.3 Calcul de la limite de détection (LOD)
3.2.4 Vers un design optimisé
3.3 Fabrication des dispositifs
3.3.1 Description des procédés
3.3.2 Problématiques rencontrées
3.4 Mesures de sensibilité sous gaz
3.4.1 Principe et mesures préliminaires
3.4.2 Mesures de sensibilité et comparaison des modes de transduction
3.4.3 Couplage avec une colonne de chromatographie
Conclusion générale