Technologie de nettoyage des circuits d’eau blanche
Circuits d’eaublanche
La machine à papier constitue le cœur de l’industrie des pâtes et papiers à travers le monde. D’origine modeste, elle constitue aujourd’hui un chef-d’œuvre de la technologie où contrôle de procédés à multivariables, vitesses extrêmes et largeurs excessives se cô-toient. Cependant, malgré les années, ses fonctions de base n’ont guère changé: drai-nage, aspiration, pressage, séchage, calandrage.
La fabrication du papier requiert une circulation importante d’eau et de fibres. Pour des raisons économiques (fibres et énergie) et environnementales (effluent), l’industrie des pâtes et papiers doit réduire sa consommation d’ eau fraîche en récupérant et en réutili-sant des eaux blanches qui autrefois étaient envoyées au traitement des eaux usées [4]. La tendance est donc clairement à la fermeture des circuits d’eaux blanches [5, 6].
Eau blanche
Depuis l’invention du papier, l’eau est une composante essentielle à sa fabrication. Son utilisation équivaut à une consommation moyenne d’eau fraîche de 48,7 m3 par tonne de papier produit [7]. Ses rôles sont nombreux: transport, désintégration, dilution, tritura-tion, formation du matelas fibreux, stockage et diffusion d’énergie, nettoyage, etc. À titre d’exemple dans son rôle de transport, d’une consistance à la caisse d’arrivée de 0,8 à 1,0 % de pâte sèche, la feuille de papier consolidée quitte la section des presses à une consistance allant jusqu’à 45 % de pâte sèche. L’eau utilisée pour véhiculer la suspen-sion fibreuse comporte une certaine quantité de petites fibres, de débris de fibres, de ma-tières non fibreuses, de charges, d’amidon et de matières colorantes qui passent à travers la toile de formation en même temps que l’eau. Cette eau d’égouttage est appelée «eau blanche». Elle provient également en partie des caisses aspirantes, du rouleau coucheur et des presses.
L’ eau blanche tient son nom de son aspect blanchâtre , son apparence laiteuse provient des constituants qui la composent. Elle est constituée principalement de fibres, de fibres fines, de charges minérales, de divers additifs chimiques, ainsi que de matières dissoutes et colloïdales (MDC) non retenues sur la toile de formation [8].
La consistance de l’ eau blanche recueillie sous les toiles de formation dans la fosse sous toile peut atteindre 0,5 % de pâte sèche , dont près de 95 % seront des fines et des frag-ments de fibres produits lors de la fabrication des pâtes. Ces fines ont une importance majeure dans la consolidation de la feuille de papier en améliorant de façon significative les propriétés optiques, physiques et mécaniques [9]. Cependant, ces fines réduisent l’ indice d’égouttage de la pâte et la porosité du papier. Cette réduction de la porosité réduit le taux d’ évaporation dans la sécherie ce qui nuira à la productivité de la machine à papier.
La dimension et la forme des particules contenues dans l’ eau blanche (tableau 2.1) affec-tent le comportement des matières solides dans les procédés de filtration, de fractionne-ment et de séparation à l’ intérieur de l’usine [6].
Les eaux blanches doivent être récupérées et réutilisées pour conserver l’eau, les fibres et autres matières qui, sans cela, seraient perdues. Un circuit d’eau blanche fermé permet de récupérer plus de 95 % de l’ eau blanche produite autour de la machine à papier [4].
Ce haut taux de recyclage permet aux usines de réduire leur consommation d’eau fraîche et leurs dépenses en énergie. Ces eaux blanches récupérées de la fabrication du papier se retrouveront dans trois circuits d’eau blanche distinctifs [4, 8]: primaire, secondaire et tertiaire (figure 2.1).
Circuit primaire
Le circuit primaire est relativement court et constitue le système d’ approche d’ une ma-chine à papier. Il comprend entre autres les systèmes de dilutions des pâtes , les épura-teurs, les tamis, la caisse d’ arrivée, les toiles de formation et la fosse sous toile. Ce circuit contient les eaux blanches les plus chargées, car elles sont recueillies au début du bout humide de la machine à papier. Il renvoie 1’eau de la phase d’égouttage à la phase de dilution. Cette eau permet d’ajuster la concentration de la pâte à la caisse d’arrivée en la faisant passer de 2,5 – 3,0 % de pâte sèche au cuvier de mélange des pâtes à 0,8 – 1,0 % de pâte sèche à la caisse d’arrivée (figure 2.2).
La rétention (sans adjuvants chimiques) d’une machine à papier diffère d’une machine à l’autre, car plusieurs facteurs mécaniques 1’influencent [10]:
• La dimension des particules à être retenues;
• La dimension des pores de la toile de la machine;
• La grosseur des pores du matelas fibreux lors de sa formation;
• La vitesse de la machine qui impacte sur la vitesse à laquelle le matelas fi-breux est formée;
• Le poids de base du papier produit;
• Les méthodes de drainage utilisées (lame, rouleau, double toile, caisse aspi-rante).
En pratique, ces facteurs sont difficilement modifiables pour une machine existante. Pour augmenter la rétention d’une machine à papier, il est, dès lors, nécessaire d’utiliser une approche chimique où plusieurs stratégies peuvent être envisagées pour accroître la rétention [la]. Pour se faire, il est possible, grâce à des polymères cationiques de haut poids moléculaire et de faible densité de charge avec ou sans micro particules (bentonite, silice, ou autres), d’augmenter la taille des petites particules par la formation de flocs qui seront alors retenus dans les interstices du matelas fibreux. On peut aussi lier les petites particules fines aux fibres à l’aide d’un agent coagulant (polymère de bas poids molécu-laire et de haute densité de charge cationique).
Même avec des adjuvants chimiques, la rétention ne pourra jamais être 100 %, car il y aura toujours des particules fines qui s’écouleront avec l’eau à travers la toile.
Circuit secondaire
Le circuit secondaire est assez long et englobe l’ensemble des circuits de fabrication des pâtes, le système de récupération de fibres ainsi que le stockage du surplus d’eau blanche du circuit primaire. Le circuit secondaire a pour but de récupérer au maximum l’eau blanche afin de minimiser les besoins en eau fraîche à travers les différentes étapes de fabrication. La figure 2.3 représente un schéma très simplifié du circuit secondaire, car en fait, le circuit secondaire comprend plusieurs éléments non présentés dans cette figure:
• la récupération de l’excédent d’eau blanche du circuit primaire;
• la clarification d’une partie de cette eau pour obtenir une eau de rinçage;
• le réservoir central de stockage d’eau blanche;
• la dilution de la pâte dans le triturateur;
• le raffinage et le mélange des pâtes;
• la récupération de la pâte cassée;
• la préparation de pâtes d’appoint (ex. pâte kraft);
• les diverses douches de rinçage à l’eau fraîche, clarifiée ou blanche.
L’emploi d’eau récupérée présente de nombreux avantages: économie sur le traitement de l’eau fraîche avant son utilisation et surtout sur l’épuration des eaux usées avant leur rejet à la rivière; diminution des pertes de fibres, des charges et des adjuvants tels les colorants et pigments; et enfin, économie sur le chauffage de l’eau. Aujourd’hui, de nombreuses usines ont réduit leur consommation d’eau fraîche en évitant les gaspillages et en se servant d’eau clarifiée pour les douches de rinçage. Cela permet de supprimer l’impact des chocs de température et de pH [11] causés habituellement par des douches à l’eau fraîche, car l’eau clarifiée a les mêmes caractéristiques que la pâte mise en œuvre sur la toile de formation [4].
Dans un circuit secondaire, on retrouve un épaississeur afin de récupérer la pâte et des récupérateurs clarificateurs (décanteurs, flottation à air dissous, filtre à disques) qui ont pour objectifs de récupérer le maximum de matières fines en suspension et d’obtenir des eaux clarifiées utilisables pour les rinçages.
Circuit tertiaire
Le circuit tertiaire, quant à lui, ne fait pas encore partie intégrante de la fabrication de la pâte ou du papier en Amérique du Nord. Il est constitué par les eaux de fabrication en-voyées au système de traitement des effluents et par les filtrats provenant de l’élimination des boues primaires (fibres – procédés) et secondaires (biologiques) de l’usine. Un réseau d’eau blanche dans une usine intégrée n’est jamais complètement fermé. Le trop-plein du cuvier d’eau blanche est évacué dans le circuit tertiaire. Ce vo-lume excédentaire est directement proportionnel à l’eau fraîche introduite dans les cir-cuits primaire et secondaire [6]. Le circuit tertiaire a pour fonction:
• d’éliminer des circuits de fabrication les éléments colloïdaux qui réduisent l’égouttage, nuisent à la qualité de la feuille et causent le développement de rnlcro-orgarusmes;
• d’évacuer certaines matières solubles dont l’accumulation dans l’eau risque de perturber l’équilibre physico-chimique;
• d’empêcher l’accumulation de particules de résine et de la poix qui peuvent adhérer aux toiles, colmater les feutres, encrasser les lames de docteur.
Quant aux rejets de fibres à l’égout, ils sont inévitables bien qu’il faille les réduire au minimum afin d’éviter les pertes et leurs traitements coûteux. Le circuit tertiaire re-cueille donc toutes les eaux destinées à l’égout (figure 2.4) [1]. Ces eaux rejetées pro-viennent aussi de plusieurs points des procédés de fabrication:
• les purges en continu qui évacuent les agents colloïdaux et les matières dis-soutes;
• certaines eaux de lavage (ex. lavage des copeaux) dont la faible concentration en fibre ne justifie pas leur récupération ou encore qui contiennent des impu-retés nuisibles, comme des poils de couverte ou du sable;
• les rejets des derniers stades des épurateurs tourbillonnaires chargés de bû-chettes, de sable, de morceaux d’écorces, de résine et autres contaminants;
• les volumes excédentaires de pâte et d’eau blanche provenant des casses sur la machine à papier et aux changements de fabrication (couleur, poids de base).
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Table des matières
Chapitre 1 – Introduction
1.1 Généralités
1.2 Fabrication du papier
1.3 Structure de la thèse
Chapitre 2 – Circuits d’eau blanche
2.1 Eau blanche
2.1.1 Circuit primaire
2.1.2 Circuit secondaire
2.1.3 Circuit tertiaire
2.2 Fermeture des circuits d’eau blanche
2.3 Constituants de l’eau blanche
2.3.1 Contaminants de l’eau blanche
Pâte thermomécanique – fibres fines
Matières colloïdales et dissoutes
Pâte recyclée – Matières collantes Ions métalliques
2.4 Impacts des contaminants
2.4.1 Effet sur les propriétés physiques et mécaniques du papier.
2.4.2 Effet sur les propriétés optiques du papier.
2.4.3 Effet sur la fabrication du papier
Chapitre 3 – Technologie de nettoyage des circuits d’eau blanche
3.1 Problématique
3.2 Objectifs
3.3 Principe du nettoyage
3.4 Équipements de nettoyage – machine à papier
3.4.1 Lavage
3.4.2 Tamisage
3.4.3 Épuration
3.4.4 Flottation
3.4.5 Épaississage
3.4.6 Désaération
3.5 Solutions possibles
3.5.1 Élimination du retour des fines
3.5.2 Rétention accrue des fines
3.5.3 Blanchiment des fines
3.5.4 Traitement enzymatique des fines
3.5.5 Nettoyage des fines par une séquence de flottation
3.6 Solution innovante retenue: la flottation sur colonne
Chapitre 4 – Flottation
4.1 Flottation à air dispersé versus à air dissous
4.2 Flottation conventionnelle à air dispersé
4.2.1 Principes de la flottation
4.3 Flottation sur colonne
4.3.1 Historique
4.3.2 Principes d’opération
4.3.3 Stratégie de contrôle
4.3.4 Avantages et inconvénients
4.3.5 Autres caractéristiques
4.3.6 Principes théoriques et éléments de contrôle
4.3.6.1 Vélocité du débit
4.3.6.2 Contenu en air (<<gas holdup»)
4.3 .6.3 Dimension des bulles d’ air.
4.3.6.4 Surface superficielle des bulles d’air
4.3.6.5 Temps de résidence
4.4 Surfactants
Chapitre 5 – Flottabilité des fines contaminées
5.1 Caractéristiques des fines contaminées
5.2 Mécanisme de contamination
5.3 Distinction entre flottation et entraînement
Chapitre 6 – Matériels et méthodes
6.1 Méthodologie
6.2 Eaux blanches utilisées
6.3 Caractérisation de l’eau blanche
6.4 Description de la cellule de flottation Leeds
6.5 Description de la colonne de flottation
6.6 Protocole des essais pour la flottation sur colonne sur l’ unité pilote de FPInnovations à Pointe Claire (Qc)
6.7 Plan expérimental pour les essais pilotes à l’usine Abitibi Bowater
6.8 Opération de la colonne mobile
6.9 Sélection du surfactant
6.10 Méthodes d’analyses
6.10.1 Consistance, cendres et formation des feuilles pour essais
6.10.2 Détermination du niveau de blancheur
6.10.3 Détermination de la dimension des particules
6.10.4 Classification des fibres Bauer-McNett
6.10.5 Détermination des matières extractibles
6.10.6 Coefficients de friction statique et dynamique
Chapitre 7 – Résultats et Discussion
7.1 Essais exploratoires de flottation dans une cellule (faisabilité)
7.2 Essais préliminaires chez FPInnovations
7.3 Essais de flottation sur colonne à l’unité pilote chez FPInnovations
7.3.1 Échantillons d’eau blanche
7.3.2 Analyse des résultats chez FPInnovations
7.3.2.1 Amélioration de niveau de blancheur
7.3.2.2 Élimination de l’encre résiduelle
7.3.2.3 Élimination des matières extractibles
7.3.2.4 Eau de lavage
7.3.2.5 Perte de rendement et distribution de la dimension des particules
7.4 Essais de flottation sur l’unité pilote à l’usine
7.4.1 Préparation des formettes et des pâtons
7.4.2 Variabilité de l’eau blanche
7.4.3 Corrections apportées aux débits
7.4.4 Conditions d’hyper-flottation sur colonne
7.4.5 L’enlèvement des encres résiduelles
7.4.6 Gain du niveau de blancheur
7.4.7 Élimination des matières extractibles (DCM)
7.4.8 Impact sur le rendement
7.4.9 Impact de la douche de lavage
7.4.10 Impact de l’ajout de surfactant
7.4.11 Impact du contenu en air dans la zone de mélange
7.5 Essais de recombinaison
7.5.1 Méthodologie utilisée
7.5.2 Propriétés optiques
7.5.3 Propriétés physiques et mécaniques
7.6 Synthèse et analyses des essais
7.7 Essais industriels pour traiter l’eau blanche sur le silo MP 6
7.8 Évaluation sommaire des bénéfices de la colonne sur la MP 6
Chapitre 8 – Conclusions et Recommandations
8.1 Conclusions
8.2 Recommandations
Bibliographie
Annexe
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