Taxonomie et cycle biologique des Anisakidae
La taxonomie des Anisakidae est la suivante : (Hartwich, 1974) :
Phylum : Nématodes
Ordre : Ascaridida
Superfamille : Ascaridoidea, Baird, 1853
Famille : Anisakidae Skrjabin & Karokhin, 1945
Sous-famille : Anisakinae Chabaud, 1965
Tribu : Anisakinea, Chabaud, 1965
Genres : Anisakis, Dujardin, 1845
Pseudoterranova, Mozgovoi, 1951
Tribu : Contracaecinea, Mozgovoi & Shakhmatova, 1971
Genres : Contracaecum, Railliet & Henry, 1912
Phocascaris, Höst, 1932
Sous-famille : Raphidascaridinae, Hartwich, 1954
Genres : Hysterothylacium, Ward & Magath, 1917
Raphidascaris, Railliet & Henry, 1915
Figure 1 : Taxonomie des Anisakidae selon Hartwich (1974).
Ce classement des Anisakidae dans la Figure 1 est basé sur des critères de morphologie des systèmes excréteur et digestif et l’organe sexuel (spicule). En effet, cette méthode de classification est très utilisée chez les nématodes adultes (Mattiucci et Nascetti, 2008). Actuellement, deux classifications sont en vigueur, celle utilisée dans la présente étude et décrite ci-dessus avec la famille des Anisakidae regroupant les genres Anisakis, Pseudoterranova, Contracaecum, Phocascaris, Raphidascaris et Hysterothylacium (Hartwich, 1974) et celle décrite dans le World Register of Marine Species (WoRMS Editorial Board, 2015). Les Anisakidae ont un cycle biologique hétéroxène. Cela veut dire que leur évolution passe par au moins deux hôtes d’espèce différente pour accomplir leur cycle biologique (Audicana et Kennedy, 2008). Les adultes sont présents dans le tube digestif de pinnipèdes (Pseudoterranova, Contracaecum), de cétacés (Anisakis), d’oiseaux de mer piscivores (Contracaecum) ou de poissons (Hysterothylacium).
Les œufs non embryonnés des Anisakidae sont excrétés avec les matières fécales de l’hôte définitif dans le milieu marin. Les larves de stades L1 et L2 sont présentes dans l’œuf mais le nombre de mues ayant lieu dans l’œuf ne fait pas consensus. Néanmoins, plusieurs études montrent que l’éclosion des œufs permet la libération de larves de stade L3 qui sont libres dans le milieu marin (Audicana et Kennedy, 2008 ; Efsa, 2010). Pour certains genres, la larve peut être ingérée directement par l’hôte définitif mais ceci est très rare (Stoskopf, 1993). La larve L3 libre est plus souvent ingérée par des crustacés, hôtes intermédiaires, comme les copépodes, amphipodes ou le krill. La larve parasite l’hémocoele des crustacés. Les poissons et les céphalopodes interviennent ensuite comme hôtes de transport (paraténique) en se nourrissant des crustacés infectés. Si un poisson ou un mollusque porteur de larves L3 est ingéré par un autre poisson prédateur qui n’est pas l’hôte définitif, les capsules qui contiennent les larves d’Anisakidae sont digérées et la larve s’enkyste à nouveau dans ce nouvel hôte qui joue à son tour le rôle d’hôte paraténique. Ce dernier point est important d’un point de vue épidémiologique et de sécurité des aliments puisque les larves peuvent ainsi être transférées d’un poisson à un autre entrainant une accumulation de ces parasites tout au long de la chaîne alimentaire. Certains Anisakidae migrent du tube digestif vers la cavité corporelle et atteignent les différents organes. Les hôtes définitifs sont des mammifères marins ou des oiseaux piscivores ou des poissons prédateurs dans lesquels la larve L3, après avoir été ingérée, évolue en L4, L5 puis atteint l’âge adulte et sa maturité sexuelle. Chez l’hôte définitif, dans le cas où la larve n’évolue pas vers le stade adulte, elle peut provoquer des granulomes éosinophiles définitifs par exemple chez la baleine boréale (Balaena mysticetus) (Migaki et al., 1982).
Le genre Anisakis
Le genre Anisakis a été créé en 1845 par Dujardin comme sous-genre du genre Ascaris (Linné, 1758). L e nom Anisakis est basé sur anis- (préfixe grec pour différent) et akis (grec pour épine ou spicule, Dujardin, 1845). Les vers appartenant au genre Anisakis sont habituellement retrouvés chez le hareng, hôte paraténique, et la baleine, hôte définitif. Ils sont donc communément appelés ver du hareng (herringworm) ou ver de la baleine (whaleworm). La larve L3 présente dans le poisson (Figure 2) peut mesurer de 9 à 39 mm de long. De couleur blanchâtre, elle peut être enroulée enkystée (Smith et Wootten, 1984a) comme le montre la Figure 2 A. La plupart des larves L3 se trouvent dans la cavité corporelle, sur le foie et sur la paroi du tube digestif et plus rarement, dans la chair des poissons.
Les mammifères marins excrètent leurs fèces contenant les œufs d’A. simplex non embryonnés dans le milieu marin. Selon Hafsteinsson et Rizvi cité dans la thèse d’Augry (2012), la femelle d’A. simplex peut pondre de 200 000 à 500 000 œufs par jour (Hafsteinsson et Rizvi, 1987). Les larves de stade L1, L2 et L3 ont maturé dans l’œuf avant l’éclosion en larve L3 libre dans le milieu marin. Une expérience faite sur les œufs d’A. simplex récupérés à partir de fèces de dauphin à nez blanc (Lagenorhynchus albirostris) a montré que les œufs ont éclos à des températures supérieures à – 0,7°C. La rapidité de l’éclosion de la larve dépend de la température de l’eau. Cela peut prendre 5 jours à 24,3 °C ou bien 55 à 72 jours à 3,8°C. Plus la température est chaude, plus l’éclosion est rapide (Brattey et Clark, 1992). La larve L3 peut être ingérée par les hôtes intermédiaires crustacés tels que des copépodes et des euphausiacés (krill) ou directement par l’hôte définitif. Les hôtes paraténiques de premier niveau pourrait être les céphalopodes. Ceux-ci peuvent être soit directement ingérés par des mammifères marins soit par des poissons marins, hôtes paraténiques de deuxième niveau. Les parasites peuvent s’accumuler chez les poissons qui sont finalement ingérés par les mammifères marins. Dans une étude sur les A. simplex dans le nord de la mer du Nord (Mer de Norvège), le copépode Paraeuchaeta norvegica est un premier hôte intermédiaire obligatoire pour A. simplex (stade L3 uniquement) et les brosés améthyses (Maurolicus muelleri) sont les premiers hôtes paraténiques poisson obligatoire avant d’être ingéré par le lieu noir (Pollachius virens) (Klimpel et al., 2004).
Le genre Pseudoterranova
Les vers appartenant au genre Pseudoterranova sont également appelés vers du cabillaud (codworm) ou ver du phoque (sealworm). La larve L3 se trouve dans les poissons et mesure de 9 à 58 mm de long. Sa couleur est blanc-crème, jaune-brun ou brun-rouge. La forme enkystée est irrégulière (Figure 4). La larve L3 se trouve habituellement dans la chair de poisson et plus rarement dans la cavité viscérale (Smith et Wootten, 1984b).
Après l’éclosion, la larve L3 est libre puis se fixe au substrat (Figure 5). Cette larve L3 peut être directement ingérée par l’hôte définitif, un mammifère marin. La larve L3 peut être également ingérée par des copépodes benthiques, puis des poissons et ensuite par l’hôte définitif. Elle peut aussi être ingérée par des copépodes benthiques, qui sont eux-mêmes ingérés par des Crustacés ou des Annélides polychètes ou des Mollusques (Stoskopf, 1993). Ces hôtes intermédiaires sont ensuite ingérés par des poissons benthiques qui sont les proies des poissons piscivores. Ceux-ci sont ensuite mangés par les hôtes définitifs, les mammifères marins. L’homme intervient en tant qu’hôte accidentel dans ce cycle (Stoskopf, 1993).
Le genre Contracaecum
Les vers appartenant au genre Contracaecum spp. sont de couleur blanc-verdâtre et parfois teintés de rouge. La larve L3 présente dans les poissons mesure de 7 à 30 mm de long (Figure 6 A). La larve L3 se trouve habituellement sur la surface du foie des poissons (Smith, 1984) (Figure 6 B).
Le cycle biologique des nématodes appartenant au genre Contracaecum (Figure 7) débute par l’excrétion des œufs non embryonnés avec les fèces des hôtes définitifs dans le milieu marin. Les œufs se développent ensuite en larves de stades L1, L2, L3 puis éclosent pour atteindre le stade L3 libre. Cette larve L3 peut être directement ingérée par l’hôte définitif ou être ingérée par des petits poissons, qui sont eux mêmes ingérés par l’hôte définitif sans passer par les poissons de grande taille. Le cycle peut aussi être plus complexe en passant par des Crustacés ou des larves d’insectes qui sont à leur tour ingérés par plusieurs d’espèces de poisson prédateur de taille différente. Les hôtes définitifs relèvent de deux catégories : les pinnipèdes et les oiseaux piscivores selon l’espèce de Contracaecum (Køie et Fagerholm, 1995).
Le genre Hysterothylacium
Les vers appartenant au genre Hysterothylacium spp. sont des Anisakidae dont la larve est de couleur blanchâtre à grise et très active. La larve mesure entre 1,5 et 2,5 mm (Boireau et al., 2002). La femelle peut atteindre 8 cm (Berland, 1991) (Figure 8). Leurs hôtes définitifs sont des poissons, un même individu pouvant héberger des formes larvaires et adultes. Les Hysterothylacium n’induisent pas de problème en santé humaine puisqu’ils sont tués à basse température. Ils sont très actifs à 10°C mais ils meurent à 30°C. La survie de ces larves nécessite une température basse (Huang, 1988). De plus, les vers du genre Hysterothylacium ne sont pas de vrais parasites ; ils entretiennent plutôt des relations de mutualisme avec leur hôte puisqu’ils sont capables de décomposer les aliments ingérés par leurs hôtes ce qui permet l’accélération de la digestion (Berland, 1991 ; Berland, 1980). Plusieurs études ont montré que leur organe cible est le tube digestif. Le genre Hysterothylacium a été décrit une fois comme pouvant être pathogène pour l’homme et plus tard, cette hypothèse a été rejetée lorsqu’il a été montré que ces nématodes ne pouvaient pas pénétrer dans la muqueuse de l’intestin animal et qu’ils ne pouvaient pas survivre à une température de 37°C (Huang, 1988 ; Miliotis et Bier, 2003). De plus, une expérience d’introduction de larves d’Hysterothylacium de façon artificielle par voie orale et par la cavité péritonéale sur modèle murin a montrée la mort de l’ensemble des parasites contrairement aux larves d’A. simplex qui restent très actives dans le même modèle animal (Huang, 1988). En revanche, certaines études ont montré que H. aduncum a été retrouvé dans la chair d’anchois (Engraulis encrasicolus) de la mer Tyrrhénienne au large de l’Italie, ainsi que dans les viscères et les muscles de sardines (Sardina pilchardus). Hysterothylacium aduncum dans cette étude a été identifié par méthode moléculaire (Liberato et al., 2013).
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Table des matières
Introduction
Etude bibliographique
I. Taxonomie et cycle biologique des Anisakidae
I.1. Le genre Anisakis
I.2. Le genre Pseudoterranova
I.3. Le genre Contracaecum
I.4. Le genre Hysterothylacium
II. Distribution des Anisakidae dans les différents types d’hôtes et facteurs influençant leur distribution
II.1. Distribution des Anisakidae par espèce hôte
II.1.1. Hôte intermédiaire
II.1.2. Hôte paraténique
II.1.3. Hôte définitif
II.2. Distribution géographique des genres et espèces d’Anisakidae
II.2.1. Anisakis spp., Dujardin, 1845
II.2.2. Pseudoterranova spp., Mozgovoi, 1951
II.2.3. Contracaecum spp., Railliet & Henry, 1912
II.2.4. Hysterothylacium spp., Ward & Magath, 1917
II.3. Les différents facteurs impactant la distribution des Anisakidae
II.3.1. Facteurs intrinsèques
II.3.2. Facteurs extrinsèques
II.4. Distribution des Anisakidae dans les différents organes ou tissus des poissons
III. Impact des Anisakidae sur la santé humaine
III.1. Clinique de l’Anisakidose et allergie
III.1.1. Définition et historique de la maladie
III.1.2. Réponse immunitaire vis-à-vis des Anisakidae
III.1.3. Les différentes formes cliniques de l’Anisakidose
III.2. Diagnostic et traitement
III.3. Epidémiologie de l’Anisakidose
III.4. Facteur de contamination
IV. Impact des Anisakidae sur la filière pêche
IV.1. Données de consommation des produits de la pêche
IV.2. Méthodes de maîtrise du risque et élimination parasitaire dans les produits de la pêche
IV.2.1. Eviscération précoce
IV.2.2. Inspection visuelle
IV.2.3. Découpe
IV.2.4. Ecrasement par presse hydraulique et observation sous lumière UV.
IV.2.5. Digestion pepsique
IV.3. Règlements et prévention face au risque parasitaire
IV.4. Impact des méthodes de conservation sur la viabilité des Anisakidae
IV.4.1. La résistance d’Anisakis à différentes conditions environnementales
IV.4.2. Efficacité reconnue de la température sur les Anisakidae
IV.4.3. Méthodes de transformation et de préservation des produits de la pêche
IV.4.4. Autres méthodes alternatives de préservation des produits de la pêche
V. Les méthodes d’identification des Anisakidae
V.1. Identification morphologique
V.1.1. Larve de stade L3 appartenant au genre Anisakis spp
V.1.2. Larve de stade L3 appartenant au genre Pseudoterranova spp.
V.1.3. Larve de stade L3 appartenant au genre Contracaecum spp
V.1.4. Larve de stade L3 appartenant au genre Hysterothylacium spp.
V.2. Identification par les méthodes biochimiques
V.2.1. MEE (Multilocus Enzyme Electophoresis)
V.2.2. ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay)
V.3. Identification par les méthodes moléculaires
V.3.1. La réaction de polymérisation en chaine (PCR)
V.3.2. La PCR quantitative (qPCR) ou PCR en temps réel (rtPCR)
V.4. Métagénétique et utilisation du séquençage à haut-débit
V.4.1.Les étapes clés du séquençage haut-débit de 2ème V.4.1. génération pour son application en métagénétique
V.4.2. L’analyse bioinformatique des données de séquençage à haut débit
Objectifs de thèse
Conclusion
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