La population mondiale ne cesse de croître de façon significative depuis la fin de la dernière guerre mondiale mettant à l’épreuve la sécurité alimentaire dans de nombreuses régions à travers le monde. Cela se manifeste par une demande accrue et une intensification de l’usage des ressources naturelles pour augmenter la production et satisfaire les besoins alimentaires(Rosenzweig and Parry, 1994). Mais il devient de plus en plus difficile d’augmenter cette production agricole à cause des changements climatiques qui peuvent occasionner la sécheresse, des inondations et l’apparition de nouveaux ravageurs mettant ainsi en péril les espèces ou variétés végétales les plus vulnérables. Cela peut conduire à long terme, à la perte de ces variétés, entrainant alors une érosion génétique, compromettant la sécurité alimentaire dans les zones où ces variétés constituent la base de l’alimentation. Il serait donc nécessaire par des programmes de sélection variétale, de produire des variétés adaptées aux contraintes environnementales locales, notamment pour les céréales qui sont la base de l’alimentation mondiale.
Les céréales présentent beaucoup d’importance dans le monde tant sur le plan économique que nutritionnel. Elles sont utilisées pour l’autoconsommation,la transformation artisanale, la transformation industrielle et la commercialisation. En Afrique de l’Ouest,elles occupent une place prépondérante dans l’alimentation des ménages où environ le tiers de la population a un régime alimentaire centré sur la consommation des céréales sèches locales ou introduites (Blein and Soulé, 2011). La production céréalière de l’Afrique de l’Ouest, multipliée par trois ces trente dernières années, a connu une croissance très fortede l’ordre de 4.6% par an et les surfaces cultivées en céréales sont ainsi passées de 19 à 44 millions d’ha sur la période 1980-2008. Elle porte actuellement sur un volume situé entre 52 et 56 millions de tonnespour une population d’environ 300 millions d’habitants (Blein and Soulé, 2011). Parmi ces céréales, le mil occupe une place phare en Afrique. En effet elle constitue de loin la première céréale produite en Afrique de l’ouest et occupe le premier poste des transactions ; les flux d’échanges intra régionaux de produits locaux sont principalement dominés par le mil (Soule and Gansari, 2010). L’aire que couvrent ses bassins de production est plus grande que celle de toutes les autres céréales en Afrique de l’ouest. Sa production est l’apanage des pays sahéliens et sa farine utilisée dans de nombreuses préparations comme par exemple le painle couscous ou des tartes,le mil constitue l’alimentation quotidienne de cinquante (50) millions d’habitants du Sahel (Saïdou et al., 2009). Au Sénégalil occupe une place capitale dans la filière céréalière. En raison de la crise de l’arachide au Sénégal, le mil est de plus en plus cultivé dans un but commercial et pas seulement pour l’autoconsommation (Comité national de concertation initiative mil/sorgho ministère de l’agriculture et de l’élevage Novembre 2001). Il représente 80% de la production céréalière avec une production en moyenne pour ces cinq dernières années de plus de 600 000 tonnes et de 813 295 tonnes en 2011 (Bulletin Mensuel des statistiques économiques d’Août 2012 de l’agence nationale de la statistique et de la démographie). Il constitue avec le Sorghola première culture pratiquée par les ménages ruraux agricoles du Sénégal avec 909 % des ménages (Comité national de concertation initiative mil/sorgho ministère de l’agriculture et de l’élevage Novembre 2001).
Cependant ces céréales sont sous la menace des effets négatifs des changements climatiques. Les points majeurs sur lesquels s’accordent la quasi-totalité des modèles de simulation des changements globaux sont, le réchauffement de la terre et l’accroissement des risques de sécheresse, qui auraient des effets négatifs sur la production agricole. Ces effets seraient particulièrement prononcés en Afrique subsaharienne où les baisses des rendements de certaines céréales comme le riz, le blé et le maïs seraient respectivement de 15 de 34 et de 10 % (Nelson et al., 2009). Par ailleurs, même si la production des céréales a connu une hausse ces trente dernières années en Afrique de l’Ouest, les rendements moyens sont restés faibles et ont peu progressé, passant de 0.9 à 1.2 tonnes par ha sur la même période (Blein and Soulé, 2011).
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
Taxonomie et botanique du mil
Le terme « mil » regroupe plusieurs genres de plantes appartenant à la famille des Poaceae,anciennement connues sous le nom de Graminées, de l’ordre des Cyperales, de la classe des Liliopsida, de la division des Magnoliophyta, du règne des Plantae. Dans cette famille nous pouvons citer les genres Eleusine,PennisetumSetaria, Panicum (Fig.1).
Le genre Pennisetumcommunément appelé mil pénicillaire ou mil à chandelle est caractérisé par un épi compact d’une longueur variant de 10 à 150 cm. C’est le mil le plus cultivé à travers le monde et peut pousser dans des sols sableux et pauvres. Très adapté aux conditions de sécheresse, son potentiel de rendement est le plus élevé de tous les mils cultivés en température élevée ou en condition de sécheresse (Bezançon et al., 1997). Ceci est dû au fait qu’il a la capacité de mettre en place des mécanismes physiologiques favorisant la tolérance à la sécheresse comme le ralentissement des pertes en eau au niveau des feuilles supérieures, via une régulation de l’évapotranspiration, assurant le maintien d’un niveau hydrique favorable (Winkel et al., 1997). Il est constitué par une soixantaine d’espèces qui sont distribuées dans les régions tropicales et subtropicales (Bezançon et al., 1997) dont Pennisetumglaucum.
L’espèce Pennisetumglaucum
Pennisetumglaucumest une plante annuelle, diploïde (2n = 14), sexuée, à fleurs hermaphrodites, à reproduction allogame favorisée par un phénomène de protogynie prononcée et à pollinisation anémophile. Pennisetumglaucum est constituée de trois sous-espèces :
– Pennisetumglaucumspp.monodiiqui est le type sauvage, poussant à l’état naturel en dehors des champs. Elle n’existe que dans le Sahel, au sud du Sahara.
– Pennisetumglaucumspp. glaucuml’espèce cultivée. Elle se différencie du type sauvage notamment par la non-caducité des graines à maturité (Tostain, 1998), l’augmentation de la taille des graines, la perte de la dormance, la diminution de la longueur des soies de l’épi (Poncet et al., 1998) et six gènes sous sélection, intervenant dans la date de floraison (Clotault et al., 2012).
– Pennisetumglaucumsppstenostachyumqui regroupe l’ensemble des formes intermédiaires issues d’hybridations naturelles entre formes cultivées et formes sauvages (Marchais et al., 1993). Le nom des sous-espèces peut aussi changer en fonction des auteurs, l’espèce sauvage est aussi appelée Pennisetumglaucumsppviolaceumet la forme intermédiaire Pennisetumglaucumsppsieberianum(Zon, 1992).
La sous-espèce cultivée peut être subdivisée en deux grandes variétés, discriminées par la longueur de leur cycle de culture, une variété précoceet l’autre tardive. Ces variétés sont réparties suivant un gradient nord-sud en fonction de la pluviosité (Fig.2 et 3). La variété tardive appelée maiwa ou Somno (au Niger et au Nigeria) et Sanio (au Sénégal et au Mali)est le plus souvent rencontrée dans les zones où les pluies sont les plus abondantes (Bezançon et al., 1997). Elle a un cycle de 110 à 150 jours tandis que la variété précoce désignée sous le nom de Guero (au Niger et au Nigeria) et Souna (au Sénégal et au Mali), a un cycle de 75 à 100 jours. Elle est cultivée dans les zones plus aridesmoins pluvieuses.
Origine et histoire évolutive de Pennisetumglaucum
Pennisetumglaucum a été domestiquée il y a plus de 4800 années (Clotault et al., 2012; Manning et al., 2011) en Afrique de l’ouest (Haussmann et al., 2006; Oumar et al., 2008) dans le Sahel SudSaharien, dans la zone constituée par le nord du fleuve Sénégal et le nord-ouest du Mali (Fig. 4) (Tostain, 1998). Cette hypothèse se base sur le fait que dans cette zone, on a la plus faible distance génétique entre mils sauvages et cultivés (Tostain, 1992) et que la distribution géographique du type sauvage de mil est limitée à cette zone (Bezançon et al., 1997), mais aussi sur des données archéologiques par datation(Manning et al., 2011). C’est à partir de ce foyer de domestication (« A ») que Pennisetumglaucum a évolué (Fig. 4) pour engendrer un groupe de mil (« C ») qui va migrer dans trois grandes directions : Une migration ancienne vers l’Afrique de l’est et l’Inde du groupe (C), une migration de mil tardif E provenant du foyer secondaire de différenciation de mils issus du groupe C situé autour du lac Tchad vers la zone soudanienne de l’Afrique de l’ouest ; et enfin une autre migration vers le centre et le sud de l’Afrique (Tostain, 1992).
Etudes de diversité de Pennisetumglaucum
Les études phénotypiques
La diversité phénotypique du mil a été étudiée au sein de différentes collections nationales et mondiales. L’étude de la diversité phénotypique des mils pénicillaires cultivés au Sénégal et au Mali a montré que les mils maliens sont plus polymorphes et très différents des mils sénégalais (Marchais, 1982). La caractérisation préliminaire de 281 accessions de mils originaires d’Afrique de l’ouest et du centre (Haussmann et al., 2006), basée sur des caractères phénotypiques comme la date de floraison, la longueur des panicules, la hauteur de la plante, le poids et la couleur des graines, a montré une large diversité pour ces caractères considérés et indique une corrélation entre date de floraison et origine géographique. La description agro morphologique de 169 variétés de mils d’Inde (Yadav O. P., 2007) dont une partie provenant de l’ouest de Rajasthan et une autre de l’est et du centre de Rajasthan montre une variabilité de la diversité en fonction des indicateurs de diversité considérés.Par exemple, la forme et la compacité des panicules sont relativement moins variables que d’autres descripteurs considérés. En revanche, l’étude de la diversité phénotypique de 145 lignées issues de 122 variétés de mil provenant de l’ouest et du centre de l’Afrique (Stich et al., 2010) définit 5 sous-groupes et montre que certains caractères phénotypiques sont associés de manière significative à la structure génétique des populations. Ces études ont montré une diversité phénotypique relativement importante du mil, surtout à l’échelle régionale. Mais il est à noter qu’elles seules ne sont pas suffisantes pour caractériser les ressources génétiques, il est nécessaire de les compléter avec des études génétiques.
Les études génétiques
L’étude de la diversité du mil, au sein de la collection mondiale, au moyen de marqueurs enzymatiques (Tostain, 1992) a mis en évidence plusieurs groupes génétiquement distincts ; deux grands groupes de cultivars précoces, un groupe de cultivars tardifs en Afrique de l’ouest, ungroupe en Afrique de l’est rassemblant des cultivars précoces et tardifs et un dernier groupe en Inde avec des cultivars précoces et tardifs. L’évaluation de la diversité des mils sauvages et cultivés au Niger,montre que les mils cultivés présentent moins de diversité génétique que les mils sauvages (Mariac et al., 2006). L’étude de la diversité génétique de 72 accessions de mils originaires du Sud du-Sahara et de l’Inde par le moyen de 34 marqueurs microsatellites (Kapila et al., 2008) a révélé une diversité importante et les classe en cinq groupes, en concordances avec leur pedigree. L’analyse de la diversité génétique des variétés de mil provenant du Zimbabwe à l’aide de marqueurs microsatellites (Chakauya and Tongoona, 2008) a révélé une opposition avec la caractérisation agro-morphologique de cette même collection. L’étude de la diversité génétique du mil a été réalisée à l’aide de marqueurs RAPD(Govindaraj et al., 2009). Ce qui a permis de déterminer la relation génétique entre 20 accessions de mil et de les classer sous huit groupes distincts. Par contre l’analyse de la diversité génétique de 24 lignées de mil par des marqueurs DArT a permis de décrire efficacement les relations génétiques entre un ensemble de lignées pures de mils (Supriya, 2010) et de les classer en deux groupes. L’étude de l’évolution des diversités phénotypiques et génétiques des mils cultivés au Niger de 1976 à 2003 (Chantereau et al., 2010) a montré une absence d’érosion génétique au cours du temps. La caractérisation génétique par des marqueurs microsatellites et enzymatiques de six variétés améliorées de mil au Brésil (Mendonça Neto et al., 2013) a permis d’observer que la plupart des semences commercialisées au Brésil appartiennent à d’autres cultivars. Toutes ces études permettent de mettre en évidence une importante diversité du mil qui est variable en fonction des zones d’étude. Mais permettent aussi de remarquer que la diversité génétique du mil n’a pas encore été étudiée dans certains pays comme le Sénégal.
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Table des matières
INTRODUCTION
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
1 Taxonomie et botanique du mil
1.1 L’espèce Pennisetumglaucum
2 Origine et histoire évolutive de Pennisetumglaucum
3 Etudes de diversité de Pennisetumglaucum
3.1 Les études phénotypiques
3.2 Les études génétiques
4 Les différents types de marqueurs
4.1 Les marqueurs morphologiques
4.2 Les marqueurs biochimiques/enzymatiques
4.3 Les marqueurs moléculaires
MATERIEL ET METHODES
1 Matériel végétal
1.1 Extraction et quantification de l’ADN
1.2 Amplification de l’ADN et génotypage
2 Méthode
2.1 Détermination de la qualité des données
2.2 Vérification de redondances de génotypes
2.3 Etude de la diversité génétique
RESULTATS
1 Qualité des données
2 Vérification de redondances de génotypes
3 Niveau de diversité génétique
3.1 Analyse au niveau type Accession
3.2 Analyse au niveau régional des accessions locales
4 Structure de la diversité génétique
4.1 Analyse en composantes principales (ACP)
4.2 Approche Bayésienne
4.3 Relations phylogénétiques au sein de la collection
DISCUSSION
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES