Taxonomie et botanique de E. camaldulensis
Eucalyptus provient du grec eu (bien) et kaliptos (couvert) car les pétales et sépales sont soudés en un opercule recouvrant étamines et pistil, dont les variations au sein du genre permettent de classer les espèces. Eucalyptus est aussi dénommé gommier rouge pour faire allusion à la gomme résineuse rouge que les arbres exsudent quand ils sont blessés. Les Eucalyptus sont des angiospermes dicotylédones qui appartiennent à la famille des Myrtacées, qui compte 90 genres et environ 3000 espèces. Selon la classification de Pryor et Johnson (Pryor et Johnson, 1971), le genre Eucalyptus comprend 7 sous-genres (Corymbia, Blakella, Eudesmia, Gaubaea, Idiogenes, Monocalyptus et Symphyomyrtus) et environ 700 espèces. Leur nombre précis a évolué au fil des études taxonomiques.
Le fruit est une capsule (opercule) lignifiée qui est mûre au bout d’un an (Fig.1 d et e). Elle contient des graines en général petites qui sont dispersées par le vent (Fig. 1e). La plupart des Eucalyptus ont des feuilles persistantes mais quelques espèces tropicales perdent leurs feuilles à la fin de la saison sèche. L’écorce des arbres de nombreuses espèces est lisse et s’exfolie ou se détache par plaques .
Les plantations de Eucalyptus : origine, répartition dans le monde et inquiétudes écologiques
Les espèces du genre Eucalyptus sont des arbres forestiers originaires d’Australie. La plupart des espèces répertoriées sont originaires de l’île de Tasmanie et de l’île principale d’Australie, seule quelques espèces ont pour origine l’Indonésie .
Mais depuis la fin des années 1980, les Eucalyptus sont transportés dans le monde pour des programmes de reboisement ou dans des programmes de production industrielle (FAO, 2000). En 2009, les estimations faisaient état de plus de 20 millions d’hectares dans le monde (Fig. 3a et b), majoritairement représentés en Asie (8.4 millions ha) et en Amérique (7.5 millions ha). En Afrique, la superficie des plantations est estimée à 2.4 millions hectares dont 63000 au Sénégal (Fig. 3b). Il est possible que Eucalyptus soit maintenant devenu le genre le plus planté en termes de nombre de plants par an. Ce développement à grande échelle des Eucalyptus a engendré une polémique entre les industriels et les associations de protection de la nature (société civile, ONG, scientifiques). En effet, l’incidence de ces plantations sur l’environnement et leur durabilité fait l’objet d’un débat très controversé qui s’est amplifié ces dernières années. Les anti Eucalyptus craignent que les plantations gérées de manière intensive entrainent la compaction des sols, la diminution de la teneur en matière organique, l’acidification et la diminution de la disponibilité d’éléments minéraux (Powers 1999; Cannell 1999; Powers et al., 2005) ainsi qu’un assèchement de nappes phréatiques et une baisse de niveau des rivières. Des recherches ont ainsi été entreprises afin d’apporter des réponses au questionnement des uns et des autres. Ainsi au Congo, comme au Brésil des études sur le bilan de carbone, d’azote, et d’eau à travers le projet « EucFlux » (CIRAD, UMR Eco&Sols 2008) ont abouti à la conclusion que les plantations de Eucalyptus modifient profondément les cycles biogéochimiques dans les écosystèmes d’introduction (Maquere, 2008a et b ; Laclau et al., 2010).
Impact de Eucalyptus sur le sol
Le sol constitue l’interface entre la surface de la terre et le socle rocheux. C’est un milieu complexe structuré et hétérogène. Le sol est une ressource naturelle, non ou lentement renouvelable, constitué d’une fraction organique et d’une fraction minérale, qui représente l’ensemble des produits d’altération physico-chimique de la roche mère. Le sol abrite des milliers d’organismes vivants qui influencent ses caractéristiques physicochimiques (pH, C/N, teneur en éléments minéraux, potentiel redox) et organiques. Parmi ces organismes, les microorganismes tels que les algues, bactéries, champignons, nématodes et protozoaires forment la majeure partie de la population. La plupart d’entre eux dépendent de la matière organique comme source de carbone.
Les Eucalyptus par leur matière organique, leurs racines (action mécanique) et leurs exsudations racinaires (Swift et al., 1979) modifient les propriétés physico-chimiques (Farley et al., 2008) du sol tant au niveau microporosité que macroporosité (Keller et Zengler, 2004). Ces modifications peuvent engendrer des répercussions sur la diversité, l’activité, l’abondance et la répartition des microorganismes telluriques. Plusieurs travaux ont souligné l’effet allélopathique des Eucalyptus sur le sol (del Moral et Muller, 1970; Inderjit, 2001).
* Un des effets immédiats du remplacement de la végétation naturelle par une essence forestière est l’apport à la surface du sol d’une litière de composition particulière que la microflore endémique n’est pas habituée à dégrader. Ainsi, le premier stade de son influence sur le sol va être lié aux processus de décomposition et d’incorporation.
Les apports organiques à la surface du sol sont principalement sous forme de feuilles mortes et de fragments de tiges. Les propriétés biochimiques de ces différentes sources de carbones végétales associés aux conditions du milieu et à l’activité biologique globale participent à la formation du sol. Ainsi donc, les apports quantitatifs et qualitatifs de litières conditionnent la qualité du sol (Bréchet et al., 2009) de même que l’abondance et la diversité de ses communautés microbiennes (Orwin et al., 2005).
La qualité des sols peut être altérée par l’introduction d’essences exotiques qui par leurs besoins élevés, par leurs retombées organiques (pauvres en éléments minéraux ou difficilement dégradables par la microflore endémique) ou par leurs effets allélopathiques sur les espèces locales, finissent par appauvrir le sol. La litière des Eucalyptus est souvent citée comme riche en composés phénoliques inhibiteurs. La quantité de polyphénols dans la matière organique permet ainsi d’apprécier sa qualité. En effet ces composés ont un effet inhibiteur sur la composante microbienne du sol et ralentissent la minéralisation de cette matière organique. Le reboisement avec l’option des Eucalyptus, largement salué au début est aujourd’hui très controversé sur le plan écologique à cause notamment de l’impact potentiellement négatif que ces espèces introduites peuvent avoir sur le sol particulièrement sur sa composante microbienne .
Les communautés microbiennes
Les microorganismes du sol sont constitués de communautés complexes de virus, de bactéries, d’actinobactéries de champignons et d’algues. Mais les bactéries, les actinobactéries et les champignons représentent l’essentiel de la biomasse microbienne du sol (Lavelle et Spain, 2001). En Ecologie microbienne, le terme communauté désigne des assemblages d’espèces bactériennes qui sont en interaction dans un même écosystème, milieu, habitat et/ou qui partagent une même fonction (communauté symbiotique). Dans notre manuscrit, le terme communauté pourra intégrer i) une connotation fonctionnelle, c’est-à-dire ensemble des microorganismes dégradant un substrat ou un groupe de substrat (partie concernant l’étude de la diversité fonctionnelle), ou ii) une connotation génétique, c’est-à-dire ensemble des microorganismes partageant le même habitat (partie concernant l’étude des structures par DGGE et TTGE). Les microorganismes qui forment des communautés microbiennes peuvent agir sur leur habitat et interagissent de différentes façons dans leur milieu. L’ensemble des interactions détermine l’équilibre de l’écosystème « sol». Cet équilibre va jouer un rôle fondamental dans le développement des plantes et les potentialités d’adaptation ou de tolérance à divers milieux.
Rôle des communautés microbiennes telluriques dans l’équilibre de l’écosystème
Les communautés microbiennes du sol jouent donc un rôle essentiel dans la dynamique de l’écosystème édaphique. Ce qui explique l’intérêt croissant porté à ces communautés. En tant que décomposeurs, les microorganismes assurent le recyclage de la matière organique et la productivité primaire car, en libérant les nutriments, ils favorisent la croissance végétale. Le bon fonctionnement des plantes, l’état sanitaire des cultures et par la suite la production des ressources alimentaires dépendent en partie de la vie microbienne du sol. Les interactions entre plante-communautés microbiennes sont très diverses et se font principalement au niveau de la rhizosphère.
Interaction entre plante et communautés microbiennes dans la rhizosphère
La rhizosphère est définie comme un lieu où interagissent le sol, la plante et les microorganismes. Ces interactions peuvent être synergiques (symbioses), antagonistes (compétition, parasitisme, amensalisme) ou neutres (saprophytique) (Fig. 4) et dépendent des conditions physico-chimiques du milieu environnemental (la température, le potentiel hydrique du sol et l’intensité de la lumière), des organismes mis en jeu, de la nature et du nombre d’espèces végétales présentes dans l’écosystème.
Les plantes par leurs exsudats racinaires peuvent avoir un effet sélectif, stimulateur ou inhibiteur sur certains groupes microbiens tels que les rhizobiums et bradyrhizobiums (Fisher et Long, 1992) ou les champignons mycorhiziens (Ishii et al., 1997) aptes à utiliser ces exsudats. Les exsudats racinaires vont ainsi conditionner le développement, la diversité et la densité des organismes présents dans la rhizosphère. Les microorganismes telluriques de leur côté libèrent des molécules telles que des régulateurs de croissance, des acides organiques, des antibiotiques, des hormones, et des enzymes pour assurer la défense de leur territoire et/ou l’intégrité de leur niche. Certaines molécules absorbées par les plantes, influencent à leur tour la croissance végétale (Rai, 2006).
L’ensemble des microorganismes ayant une influence positive sur la croissance des plantes est appelé PGPR (plant growth promoting rhizomicroorganisms). Ces microorganismes appartiennent à différents genres, tels que Bacillus, Pseudomonas, Azospirillum, Herbaspirillum, Acetobacter, Azotobacter et Azoarcus (Steenhoudt et Vanderleyden, 2000). Ils jouent un rôle primordial dans le maintien de l’équilibre écologique du sol et la durabilité des écosystèmes. Grâce à la richesse de la matière organique exsudée par les racines, les organismes du sol vont établir des relations directes ou indirectes avec celles-ci .
Plusieurs auteurs ont montré que les souches de Azospirillum augmentaient de façon significative la croissance du maïs, du blé et du millet en fournissant de l’azote assimilable aux plantes mais aussi produisant de l’AIA (acide indole acétique), une phytohormone impliquée dans la croissance (Dobbelaere et al., 2001; Jacoud et al., 1998; Lucy et al., 2004). De nombreuses autres bactéries notamment les Pseudomonas, les Bacillus, les Bactéries Auxiliaires de la Mycorhization (BAM) ont des effets PGPR démontrés dans plusieurs travaux (Duponnois et Garbaye, 1990 ; Duponnois, 1992 ; Founoune et al., 2002 ; Duponnois et Plenchette, 2003 ; Frey-Klett et al., 2007). Contrairement aux microorganismes à effet PGPR, il existe des phytopathogènes qui réduisent voire anéantissent la croissance et la productivité végétale (Miller et al., 1997 ; Nyvall, 1999).
|
Table des matières
1° INTRODUCTION GENERALE
2° Chapitre 1 : ETAT DES CONNAISSANCES
2.1. La Zone aride, contraintes climatiques, édaphiques et reboisement de Eucalyptus comme solution
2.2. Taxonomie et botanique de E. camaldulensis
2.3. Les plantations de Eucalyptus : origine, répartition dans le monde et inquiétudes écologiques
2.4. Impact de Eucalyptus sur le sol
2.5. Les communautés microbiennes
2.5.1. Rôle des communautés microbiennes telluriques dans l’équilibre de l’écosystème
2.5.1.2. Origine, diversité et biologie de la symbiose mycorhizienne arbusculaire
2.5.1.2. a. Avantage de la symbiose mycorhizienne et son rôle écologique
2.5.1.2. b. Les champignons Mycorhiziens médiateurs de la coexistence des plantes
2.5.1.2. c. Phylogénie des Gloméromycètes
2.5.1.3. La symbiose rhizobium-légumineuse
2.5.1.3. a. Classification des rhizobiums
2.5.1.3. b. Les légumineuses, répartition, importance économique et écologique
2.6. Promotion de l’utilisation des biotechnologies
2.7. Méthodes d’études des micro-organismes telluriques
2.7.1. Approche quantitative : la biomasse microbienne
2.7.2. Approche qualitative : les activités enzymatiques
2.7.2.1. Caractérisation des communautés microbiennes par la diversité catabolique (catabolic response profile, CRP)
2.7.2.2. Caractérisation des communautés microbiennes par La PCR-T/DGGE
2.7.2.3. Caractérisation des communautés microbiennes par la PCR/RFLP
2.7.2.4. Le séquençage
2.7.3. Limites des méthodes utilisées pour analyser la structure et la fonction des communautés microbiennes du sol
2.8. Relation entre diversité, stabilité et qualité des sols et des écosystèmes
2.8.1. Les indices de diversité
2.8.1.1. L’indice de diversité de Shannon-Weaver
2.8.1.2. L’équitabilité (evenness)
2.8.1.3. Indice de Simpson-Yule
2.9. Conclusion
3° Chapitre 2 : IMPACT DE EUCALYPTUS CAMALDULENSIS SUR LES CARACTERISTIQUES CHIMIQUES ET MICROBIOLOGIQUES DES SOLS
3.1. INTRODUCTION
3.2. Démarche expérimentale
3 .2.1. Présentation des zones d’étude
3 .2.1.b. Le Sénégal Oriental
3 .2.1.c. Les Niayes
3.2 .1.d. La Casamance
3 .2.1.e. La Vallée du fleuve
3 .2.2. Echantillonnage
3 .2.3. Analyses chimiques des sols
3 .2.3.1. Extraction et dosage de polyphénols des sols
3 .2.3.2. Biomasse microbienne totale des sols
3 .2.3.3. Activité enzymatique
3.2.3.4. Diversité et profils de réponse catabolique
3 .2.3.5. Structure des communautés microbiennes
3.2.4. Analyse statistique
3.3. RESULTATS
3.3.1. Diversité fonctionnelle (activité catabolique et enzymatique)
3.3.2. Diversité génétique
3.3.3. Analyse de corrélation entre les variables mesurées
3.4. DISCUSSION
3.5. CONCLUSION
4°) Chapitre 3 : INFLUENCE DES SOLS DE PLANTATIONS DE E. CAMALDULENSIS SUR LE DEVELOPPEMENT DES ESPECES D’ACACIAS SAHELIENS ET L’ARACHIDE
4.1. INTRODUCTION
4.2. MATERIEL ET METHODES
4.2.1. Les sols
4.2.2. Substrat de culture et matériel végétal
4.2.3. Dispositif expérimental
4.2.4. Paramètres mesurés
4.2.5. Analyse statistique
4.3. RESULTATS
4.3. 1.a. Analyse en composante principale de l’effet couvert
4.3.1.b. Effet âge sur la croissance (PA et PR), la mycorhization et la nodulation des Acacias sahéliens
4.3.2. Influence des sols sous Eucalyptus sur la croissance, la mycorhization et la nodulation d’A. hypogea
4.3.2.a. Analyse en composante principale de l’effet couvert
4.3.2.b. Effet âge sur la croissance (PA et PR), la mycorhization et la nodulation de Arachis hypogea
4.4. DISCUSSION
4.5. CONCLUSION
5° Sous chapitre 3a : IMPACT DE EUCALYPTUS CAMALDULENSIS SUR LA DENSITE DE SPORES DE SA RHIZOSPHERE ET SUR LA DIVERSITE DES CHAMPIGNONS MA
5.1. INTRODUCTION
5.2. MATERIEL ET METHODES
5.2.1. Extraction de spores à partir du sol initial
5.2.2. Identification des champignons à partir des spores extraites et calcul de la diversité
5.2.3. Diversité des champignons MA dans les racines de Zea mays et des légumineuses précédentes (A. seyal, A. senegal, A. albida et Arachis hypogea )
5.2.3.1. Extraction d’ADN à partir des racines
5.3. RESULTATS
6° CONCLUSION GENERALE