Taxonomie des bactéries lactiques
Décrites pour la première fois par Orla-Jensen au début du XXe siècle (1919), les bactéries lactiques constituent un groupe hétérogène, qui n’est pas clairement défini du point de vue taxonomique (Lahtinem et al, 2012). La monographie d‟Orla- Jensen (1919) a constitué la base de la classification actuelle des BL. Les critères utilisés (morphologie cellulaire, types fermentaire, les températures de croissance et l’utilisation des sucres) sont toujours très importants pour la classification des BL, bien que l’avènement d’outils taxonomiques plus modernes, les méthodes biologiques en particulier moléculaires, ont considérablement augmenté le nombre de genres de BL a partir des quatre initialement reconnue par Orla-Jensen (Lactobacillus, Leuconostoc, Pediococcus et Streptococcus) (Lahtinem et al, 2012). Une importante étape a été franchie en 1977 par Woese et Fox qui ont introduit la phylogénie moléculaire basée sur la séquence des ARN ribosomiques. Cette méthode a révolutionné la taxonomie des bactéries et la classification des BL a été profondément modifiée. D‟autres méthodes génotypiques (basés sur les acides nucléiques) sont aussi utilisées en classification, comme le pourcentage en GC de l‟ADN ou l‟hybridation ADN:ADN. (Salminen et al., 2004).
Les réorganisations effectuées ont contribué à fusionner des espèces en une seule, ou identifier une espèce comme un nouveau genre (Pot, 2008). L‟ancien genre Streptococcus était divisé au début en trois groupes : Enterococcus, Lactococcus et Streptococcus sensu stricto, mais aujourd’hui, certaines bactéries lactiques qui étaient mobiles, ressemblant aux Lactococcus, ont formé un autre genre séparé ; c‟est les Vagococcus. Les genres Lactobacillus, Leuconostoc et Pediococcus sont globalement restés inchangés, mais quelques bactéries lactiques, auparavant incluses dans le genre Lactobacillus, forment maintenant le genre Carnobacterium qui regroupe des lactobacilles atypiques isolés de différents produits carnés. De plus, des souches de l‟ancienne espèce Pediococcus halophilus ont été incluses dans le genre Tetragenococcus du fait de leur insensibilité à la Vancomycine. Quelques espèces de Lactobacillus et Leuconostoc ont formé un nouveau genre, les Weissella, en raison de leurs différences phylogénétiques avec les autres lactobacilles hétérofermentaires.
Les Leuconostoc oenos, les « Leuconostoc du vin», ont formé le genre Oenococcus (Axelsson, 2004). Le genre Bifidobacterium est considéré comme appartenant aux bactéries lactiques (du fait de son effet probiotique sur l‟organisme et son utilisation dans les aliments) mais il est phylogénétiquement sans rapport avec ces dernières (Vandamme et al, 1996 ; Gevers 2002 ; Patrignani et al, 2006).
Les bactéries lactiques peuvent être divisées arbitrairement du point de vu morphologique en bacilles (Lactobacillus et Carnobacterium) et coques (tous les autres genres). Le genre Weissella est le seul genre qui comporte à la fois des bacilles et des coques (Collins et al, 1993 ; Ho et al, 2007). Selon la dernière édition de Bergey’s manual of systematic bacteriology (2009), les bactéries lactiques sont classées dans le Phylum des Firmicutes, la Classe des Bacilli et l‟Ordre des Lactobacillales renfermant trente cinq genres (Aerococcus, Alloiococcus, Atopobium, Carnobacterium, Enterococcus, Lactobacillus, Lactococcus, Leuconostoc, Oenococcus, Pediococcus, Streptococcus, Tetragenococcus, Vagococcus et Weisella,……… (Pot, 2008)) répartis sur six familles (Fig.1). Parmi ces genres, seulement douze sont importants d‟un point de vue biotechnologique (tab.1) (Fig.2) (Axelsson, 2004 ; Guiraud et al, 2003 ; Limsowtin et al, 2004). D‟autres genres, par exemple : Dolosicoccus, Dolosigranulum, Eremococcus, Facklamia, Globicatella, Helococcus, Ignavigranum et Lactosphaera, ont également été décrits, comportant des souches qui montrent des liens physiologiques et phylogénétiques avec les bactéries lactiques (Broadbent, 2001 ; Axelsson, 2004).
Les nombreux genres et espèces qui constituent ce groupe présentent une grande diversité de caractéristiques physiologiques. Cela se traduit par l’existence entre genres, espèces et au sein des espèces, de nombreuses souches possédant des propriétés technologiques différentes.
Le genre Lactobacillus
En 1896, le genre Lactobacillus a été décrit pour la première fois par Beijerinck, et l’espèce type était Lactobacillus delbrueckii. Le genre Lactobacillus est le genre principal et de loin le plus grand et le plus diversifié de la famille des Lactobacillaceae, il comprend actuellement 158 espèces, sept de ces espèces sont constituées de 18 sous-espèces (Tab.2) (Zhang et Cai, 2014). Il est également très hétérogène, englobant les espèces avec une grande variété phénotypique, biochimiques et physiologiques. L’hétérogénéité se traduit par la gamme du pourcentage GC de l’ADN des espèces incluses dans ce genre. Cette gamme est de 32 à 55% (Zhang et Cai, 2014). Nombreuses d‟entre elles sont des agents de fermentation lactique intervenant dans de nombreuses industries ou qui sont rencontrées comme contaminants (Dworkin et al, 2006). Ils sont immobiles, asporulés et catalase négative. On rencontre chez les lactobacilles une variabilité de forme (fins, incurvés, coccobacilles,….) et de longueur (fig.3).
La longueur des bacilles et le degré de courbure dépend de l’âge de la culture, la composition du milieu (par exemple, la disponibilité des esters d’acide oléique) et le taux d’oxygène. Cependant, les principales différences morphologiques entre les espèces restent habituellement clairement reconnaissables. Certaines espèces de lactobacilles produisant du gaz (Par exemple, Lactobacillus fermentum et Lactobacillus brevis) présentent toujours un mélange de bacilles longs et courts (Fig.3 – E) (De Vos et al, 2009).
La division cellulaire se produit seulement sur un seul plan. La tendance à former des chaînettes varie selon les espèces et même des souches, ceci dépend de la phase de croissance et le pH du milieu (Zhang et Cai, 2014 ; De Vos et al, 2009). Les lactobacilles ont des exigences nutritionnelles très complexes en acides aminés, vitamines, acides gras, nucléotides, glucides et en sels minéraux. La température de croissance est comprise entre 2 et 53 ° C, avec un optimum entre 30 et 40 ° C (De Vos et al, 2009). Le pH de croissance est compris entre 3 et 8 avec un optimum habituellement allant de 5.5 à 6.2 (Zhang et Cai, 2014).
À l’origine, les espèces du genre Lactobacillus ont été regroupés en fonction de leur température de croissance et leurs capacité à fermenter les hexoses, et par la suite en fonction de leur potentiel homo ou hétérofermentaire. Orla-Jensen (1919) a subdivisé ce groupe d’une manière similaire à celle des coques lactiques. Ainsi, les sous-genres de Lactobacillus ont été créés: Thermobacterium, Streptobacterium et Betabacterium (tab.3). Remarquablement, cette division est toujours valide à un degré considérable, bien que les désignations aient été abandonnées et quelques modifications dans les définitions des sous-groupes ont été faites (Zhang et Cai, 2014 ; Salminen et al, 2004). Ces subdivisions étaient revisitées par Pot et ses collègues en 1994, mais la définition acceptée «moderne» si on peut le dire comme ca, est celle donnée par Hammes et Vogel en 1995 et qui divise le genre en 3 sous-genres sur la base du type des sucres fermentés et le processus de fermentation utilisé (Zhang et Cai, 2014 ; Salminen et al, 2004). – Groupe I : formé des lactobacilles homofermentaires stricts qui regroupent les espèces de l‟ancien sous-genre Thermobacterium ne produisant presque exclusivement que de l’acide lactique a partir de la fermentation des hexoses par glycolyse.
Ils ne peuvent fermenter ni les pentoses ni les gluconates. – Groupe II : formé de lactobacilles heterofermentaires facultatifs qui regroupent les espèces de l‟ancien sous genre Streptobacterium et qui fermentent les hexoses en acide lactique par glycolyse, et peuvent fermenter les pentoses en acide lactique et en acide acétique grâce a une phosphocetolase inductible. Ils ne produisent pas de CO2 lors de la fermentation du glucose mais ils en produisent lors de la Fermentation du gluconate – Groupe III : formé de lactobacilles heterofermentaires stricts qui regroupent les espèces de l‟ancien sous-genre Bêtabacterium, qui fermentent les hexoses en acide lactique, acide acétique (ou éthanol) et CO2 (voie hétérofermentaire de la 6-phosphogluconate déshydrogénase/phosphocétolase), et qui fermentent les pentoses en acide lactique et acide acétique (voie hétéfermentative de la glycéraldéhyde-3- phosphate/pyruvate kinase/lactate déshydrogénase) (Zhang et Cai, 2014 ; Salminen et al, 2004 ; Bakhouche, 2006).
Le genre Leuconostoc
Le terme Leuconostoc vient du mot « Nostoc » qui est une algue bleue mucilagineuse et « Leuco » veut dire blanc (Säde, 2011). La première description du genre Leuconostoc a été rapportée par Van Tieghem en 1878 (Zhang et Cai, 2014). Ces bactéries lactiques sont apparues à l‟ origine, sous forme de chaines, d‟aspect mucilagineux, non pigmentés. Les premières souches ont été isolées à partir d‟accidents apparus dans les sucreries. Les Leuconostocs responsables de ces accidents produisent du dextrane en milieu saccharosé (entourées d‟une gaine comme celle des Nostocs) (Zarour, 2010). Au cours des dernières années, plusieurs espèces ont été reclassées à l’intérieur du genre Leuconostoc et de nouvelles espèces y ont été ajoutées. En 1984, trois espèces de Leuc. mesenteroides (Leuc. mesenteroides subsp. mesenteroides, Leuc. mesenteroides subsp. dextranicum et Leuc. mesenteroides subsp.cremoris) ont été reclassés en sous-espèces de Leuc. mesenteroides (Zhang et Cai, 2014). Leuc. fallax est un Leuconostoc atypique isoler de la choucroute, qui a été découvert par « Martinez-Murcia et al » en 1991; par la suite, des variétés de la souche Leuc. Fallax ont été isolées de la choucroute fermentée (Zhang et Cai, 2014). En 1993, le groupe Leuc. paramesenteroides et certains lactobacilles hétérofermentaires atypique ont été reclassé en un nouveau genre appelé Weisella (Säde, 2011; Zhang et Cai, 2014). En 1995, Leuc. oenos a été reclassé dans le genre Oenococcus comme O. oneni. En 2006, Leuc. Argentinum a été reclassé comme étant le synonyme de Leuc. lactis, après une analyse numérique des zones avec répétitions palindromiques extragéniques (Repetitive Extragenic Palindromic ou REP-PCR) séparant les zones codantes sur le génome, le profil protéique complet (SDS-PAGE) et le polymorphisme de longueur des fragments amplifiés fluorescents (FALFP) (Zhang et Cai, 2014).
En 2008, quatre espèces de Leuconostoc (Leuc. durionis, Leuc. ficulneum, Leuc. pseudoficulneum et Leuc. fructosum) ont été affectés à un nouveau genre appelé Fructobacillus. Par la suite, certaines nouvelles souches, y compris Leuc. holzapfelii, Leuc. Palmae et Leuc. miyukkimchii, ont également été identifiés à partir du vin et du kimchi (Zhang et Cai, 2014).
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Revue bibliographique
I : Les Bactéries Lactiques
I-1-Historique
I-2- Généralités
I-3- Habitat
I-4-Taxonomie des bactéries lactiques
I-5- Caractéristiques des principaux genres des bactéries lactiques
I-5-1- Le genre Lactobacillus
I-5-2- Les genres Leuconostoc, Oenococcus, Weissella et Fructobacillus
I-5-2-1- Le genre Leuconostoc
I-5-2-1- Le genre Weissella
I-5-2-3- Le genre Oenococcus
I-5-3- Les genres Enterococcus, Lactococcus et Streptococcus
I-5-3-1- Le genre Lactococcus
I-5-3-2- Le genre Enterococcus
I-5-3-3- Le genre Streptococcus
I-5-4- Les genres Pediococcus, et Tetragenococcus
I-5-5- Le genre Bifidobacterium
I-5-6- Le genre Aerococcus
I-5-7- Le genre Carnobacterium
I-5-8- Le genre Vagococcus
I-6-Physiologie et voies métaboliques centrales des bactéries lactiques
I-6-1- Transport des sucres
I-6-1-1- Le système perméase
I-6-1-2- Système PTS
I-6-2-Catabolisme des sucres
I-6-2-1- Les voies du métabolisme des sucres chez les BL
I-6-2-1-1- Voie homofermentaire ou EMP
I-6-2-1-2- Voie hétérofermentraire ou voie des pentoses phosphate
I-6-2-2- Métabolisme du lactose
I-6-3-Métabolisme du citrate
I-6-4- Activité protéolytique
I-6-5- Métabolisme de l’oxygène
I-6-6- Influence des cations
I-7- Applications industrielles des bactéries lactiques
I-7- 1- domaine alimentaire
I-7-1-1 rôle sur la structure, la texture et les caractéristiques organoleptiques
I-7-1-2- rôle dans la conservation
I-7-2- Domaine de santé
I-7-3- En chimie
I-8- Les bactéries lactiques comme probiotiques
I-8-1- Définitions
I-8-2- Applications des probiotiques
I-8-2-1- L’amélioration de la digestion du lactose
I-8-2-2- Réduction du taux de cholestérol sanguin
I-8-2-3-Diminution des allergies alimentaires
I-8-2-4- Réduction du risque de diarrhée
I-8-2-5- Le traitement des maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI
I-8-2-6- Le traitements gastriques
I-8-2-7- La prévention du cancer du côlon et autres cancers
I-8-3- La sélection des probiotiques
Chapitre II : De L’olivier a Amorej
II-1- Historique
II-1-1- Origine et expansion de l’olivier
II-1-2- Un arbre tout en symbole
II-2-Religions et usages sacrés
II-2-1- La civilisation grecque
II-2-2 L’Islam
II-2-3- Le Christianisme
II-3- Le secteur oléicole dans le monde
II-4-le secteur oléicole en Algérie
II-4-1-1- Oliveraie dite moderne
II-4-1- Les oliveraies en Algérie
II-4-1-2- Oliveraie dite traditionnelle
II-4-2- La consommation de l’huile d’olives En Algérie
II-4-3- Les variétés d’olivier en Algérie et leur localisation
II-4-4- L’Industrie oléicole en Algérie
II-5- Etymologie
II-6- Classification botanique de l’olivier
II-7- Description botanique
II-8- La composition chimique de l’olivier et de son huile
II-9- Les procédés de fabrication de l’huile d’olive
II-9- 1- La récolte des olives
II-9- 2- Les principes de base de l’extraction de l’huile d’olive
II-9- 2- 1- Opérations préliminaires
II-9- 2- 2- Broyage
II-9- 2- 3- Malaxage
II-9- 2- 4- Séparation des phases
II-9- 2- 5- Le stockage
II-9-3- Procédés d’extraction d’huiles d’olives
II-9-3- 1- Procédés en discontinu ou système à presse
II-9-3-2- Procédés en continu ou système à centrifugation
II-9-3-2-1- Procédé continu à trois phases
II-9-3-2-2-Procédé continu à deux phases ou procédé écologique
II-10- Les bienfaits de l’huile d’olive
II-10- 1- Prévention des maladies cardiovasculaires
II-10-2- Appareil digestif « Estomac »
II-10- 3- Système hépatobiliaire « Vésicule biliaire »
II-10- 4- Pancréas
II-10- 5- Pression artérielle
II-10- 6- Agrégation plaquettaire
II-10- 7- Ostéoporose
II-10- 8-Huile d’olive et fonction cognitive
II-10- 9- Activité anti-inflammatoire
II-10- 10- Prévention des cancers
II-10- 11-Systéme immunitaire
II-10- 12- Propriétésantioxydantes
II-10- 13- Toxicité
II-10- 14- Autres utilisations de l’huile d’olive
Chapitre II : Matériel et méthode
1- Provenance des échantillons
2- Dénombrement et isolement des bactéries lactiques
3- purification
4- Pré-identification des bactéries lactiques isolées
4-1- Recherche de la catalase
4-2- Examen microscopique
5- Conservation des souches
5-1- Conservation courte durée
5-2- Conservation longue durée
6- Identification des isolats
6-1- Croissance à différentes températures
6-2- Tolérance au pH acide et alcalin
6-3- Recherche de l’arginine dihydrolase (ADH)
6-4- Détermination du Type fermentaire
6-5- Croissance en présence de diverses concentrations de NaCl
6-6- Production de dextrane
6-7- L’hémolyse
6-8- L’utilisation des carbohydrates
6-9- L’utilisation du citrate
6-10- La production d’acétoine
6-11- Etude de l’activité protéolytique en milieu solide
6-12- Etude de l’activité lipolytique en milieu solide
6-13- L’antibiogramme
7- L’élaboration d’un nouveau milieu de culture à base d’Amoredj
Chapitre III : Résultats et discussion
1- Dénombrement de la flore mésophile aérobie totale
2- L’isolement
3- L’identification du genre
3-1- L’aspect morphologique
3-1-1- L’aspect macroscopique
3-1-2- L’aspect microscopique
4-Test de la catalase
5-Type fermentaire
6-L’hydrolyse de l’arginine
7-L’identification des espèces
7-1- La croissance à différentes températures
7-2- La thermorésistance
7-3- La tolérance à la salinité et à l’acidité
7-4- La production de d’extrane
7-5-L’utilisation de citrate
7-6-La production d’acétoine
7-7- L’hémolyse
7-8-L’utilisation des carbohydrates
8- Etude de l’activité protéolytique
9- Etude de l’activité lipolytique
10- L’antibiogramme
11-L’élaboration d’un nouveau milieu de culture à base d’Amoredj
Discussion
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes
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