TAUX D’INTERET, INSTRUMENT DE LA POLITIQUE MONETAIRE

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Qu’est ce qu’un taux d’intérêt ?

Un taux d’intérêt est un prix qui possède la caractéristique particulière d’être inter temporel. A ce titre, il diffère sensiblement du système de prix de l’ensemble des biens et services. A un instant donné, dans un système monétaire, les prix des biens et services, se définissent les uns par rapport aux autres.
“Soient deux biens A et B, le prix relatif du bien A en termes du bien B est égal à la quantité du bien A nécessaire pour obtenir une unité du bien B : P A,B = B/A = α d’où B = αA (avec A = 1/α B)
Par exemple, si un poireau s’échange contre trois carottes, le prix relatif des carottes en termes de poireau est égal à 1/3, ou encore le prix relatif des poireaux en termes de carottes est égal à 3.Ce prix relatif, P A, B, est un prix à un instant donné.
Avec la multiplication des biens et services échangés dans une économie développée, un tel système de prix relatifs devient compliqué : avec n biens, il existe n² prix relatifs. Par souci de commodité, les hommes ont alors introduit un bien admis comme moyen de paiement contre toute marchandise et servant à exprimer le prix de chaque marchandise : la monnaie. L’économie de troc s’est transformée en économie monétaire.
En supposant que l’unité monétaire soit le franc, à un instant donné, la quantité de francs nécessaires pour obtenir une unité du bien B est : P F,B = B/F = ß soit B = ßF ou encore, le prix du bien B en termes de franc est : PB,F=F/B=ß’ soit pour 1 FF on obtient une quantité de ß’ de B.
Un prix intertemporel se définit comme le prix relatif d’un bien par rapport à lui-même avec un échange, non pas immédiat, mais différé dans le temps.
Compte tenu de la préférence des agents économiques pour le présent, la quantité de B en t=1 sera supérieure à celle de B en t=0. En posant r égal au taux d’accroissement en pourcentage de la quantité échangée dans le temps, on a : B0 (1 + r) B1, d’où P1,0 = (1 + r) B1 = 1+r B1
r : correspond au taux d’intérêt du Bien B sur la période de t=0 à t=1. Dans la terminologie moderne, il s’agit d’un taux de capitalisation qui permet de calculer la valeur future équivalente à celle d’un bien disponible actuellement.
La notion de taux d’intérêt peut également être appréhendée avec un raisonnement inverse : quelle quantité du bien B en t=0 peut s’échanger contre une unité de ce bien B en t=1 ? P0,1 = B1 / B0 = B1 / (1 + r) B1 = 1 / (1 + r)
r : est le taux d’actualisation qui permet de calculer la valeur présente équivalente à celle d’un bien disponible dans le futur.
Ainsi, il existe autant de taux d’intérêt « propres » que de biens échangeables. En particulier, la monnaie a son propre taux d’intérêt, c’est-à-dire son prix inter temporel. Ce taux correspond à la différence existant entre une unité de monnaie actuellement disponible et une certaine quantité de monnaie livrable ultérieurement ayant le même pouvoir d’achat que l’unité monétaire présente : 1 franc en t = 0 X francs en t = 1 en posant i = taux d’accroissement et pourcentage entre y = 0 et t = 1 de la quantité échangée, on a : 1 franc en t = 0 (1+i) francs en t = 1 F1,0 = F0 / F1 = (1 + i) F1 / F1 = (1 + i)
i est le taux d’intérêt monétaire sur la période 0,12” .

Les différents types et méthodes de calcul des taux d’intérêts

Intérêts simples et intérêts composés

“Un taux d’intérêt peut être défini lorsqu’un capital C est cédé par un agent économique à un autre agent économique pendant une période T sous la condition du remboursement d’une somme R. Si la durée T de l’opération est une année (la journée ou la semaine, etc.). On définit le taux d’intérêt par : i = (R – C) / C = (R / C) – 1
Cet intérêt est dit intérêt simple, car il s’applique à une période.
Si on connaît i et C, il est facile de calculer la somme qui doit être remboursée : R = C + iC = C (1 + i)
Si le capital est placé pendant deux périodes au taux i par période, l’on trouvera à la fin de l’opération une somme correspondant au placement pendant la seconde période de ce que C a produit pendant le première période, soit : R2 = [C (1 + i)] (1 + i) = C (1 + i) ²
ce qui peut être généralisé à des opérations de n périodes par la relation dite des intérêts composés : Rn = C (1 + i) ⁿ
Lorsque le taux d’intérêt d’une sous période in, mensuel par exemple, est connu et que l’on cherche le taux d’intérêt i d’une période plus longue, annuel par exemple, l’on applique la relation : 1 + i = (1 + in)ⁿ où n est le nombre de sous périodes dans la période”3 .
En effet, 1 F investi pour la durée totale, l’année, doit rapporter autant que s’il était investi avec intérêts composés pendant n sous périodes, mois, successives.

Taux d’intérêt réel et taux d’intérêt nominal

Les taux d’intérêt nominaux indiquent combien de francs rapporte un investissement unitaire ou coûte un emprunt unitaire au bout d’une période. Durant l’opération envisagée le niveau général des prix dans l’économie peut avoir changé, ce qui signifie qu’un franc au début et un franc à la fin de la période ne permet pas d’acheter la même quantité de biens. Pour raisonner en pouvoir d’achat constant, il faut utiliser des taux d’intérêts réels qui indiquent quelle fraction d’un « panier type » de consommation rapporte un franc investi au début de la période.
A priori, pour une période future, le taux d’inflation à venir n’étant pas connu, le calcul ne peut être fait qu’en utilisant une valeur prévisionnelle de ce taux4. On calcule alors un taux d’intérêt réel anticipé qui pourra, bien, attendu, s’avérer différent du taux réel effectivement réalisé.

Le taux directeur de la Banque Centrale

Les taux directeurs de la Banque Centrale sont des taux d’intérêt qui servent de référence pour les taux d’intérêt du marché monétaire.5
Dans certains pays, le taux directeur est tout simplement le taux d’escompte auprès de la Banque Centrale. Par exemple dans le cas de la France, ces taux directeurs étaient « le taux d’appel d’offre6 » qui déterminait la borne inférieure des taux, et « le taux des prises en pensions » qui constituait la borne supérieure. Ce dernier est le taux demandé par la Banque Centrale aux banques qui veulent emprunter. Donc la borne inférieure est adoptée lorsque la Banque Centrale cherche à prêter et la borne supérieure est utilisée lorsque elle est sollicitée. Dans le système européen des Banques Centrales, c’est le système d’appel d’offre de la BCE ( Banque Centrale Européen) qui constitue le principal instrument monétaire, et plus accessoirement, d’une part le taux le plus élevé dit de « facilité de prêt marginal » et d’autre part, le taux plus bas dit de « facilité de dépôt ».
En outre le taux directeur est un instrument indirect de la Banque Centrale, avec les réserves obligatoires, lors de son intervention sur le marché inter bancaire de devise (MID) ou pendant l’application d’une politique monétaire. De là, la Banque Centrale peut faire des pressions sur la liquidité bancaire à travers le coût de refinancement, taux directeur.

Taux de base bancaire

Le taux de base bancaire est le taux d’intérêt consentit par les banques aux opérations de crédits effectuées en faveur de leurs meilleurs clients. Le taux de base bancaire sert de référence au calcul des intérêts sur crédits bancaires ordinaires. Il est majoré de diverses commissions dépendant du type de crédits accordé et de la qualité de l’emprunteur. En d’autres termes, c’est un taux qui met en garde la banque contre les mauvais payeurs et de plus il favorise les clients de bonne foi.7

Taux d’escompte et taux de réescompte

L’escompte et le réescompte sont des opérations de mobilisations des effets de commerces, c’est-à-dire ce sont des opérations par lesquelles une banque verse au porteur d’un effet de commerce non échu le montant de celui-ci diminué de l’agio.
Le banquier remploie ainsi ses dépôts. En cas d’insuffisance de ceux-ci, il peut recourir au réescompte de la Banque Centrale en payant un taux d’escompte central
L’opération d’escompte débouchant sur un accroissement de liquidités dans l’économie, il s’ensuit que les autorités monétaires ne peuvent pas en surveiller le volume des mobilisations des effets de commerce. Elles interviennent par la manipulation du taux d’escompte central. Pour freiner un emballement inflationniste, le taux d’escompte est relevé tandis qu’il est abaissé pour relancer l’économie. Les manipulations du taux d’escompte8 ont également d’autres objectifs : un taux élevé freine les fuites de capitaux flottants et tend à les attirer.

Le risque dans le calcul des taux d’intérêts

“Un créditeur n’est jamais tout à fait certain de recevoir son dû. Seule, l’espérance d’un intérêt suffisamment élevé peut l’inciter à prêter malgré l’incertitude entachant à son opération. Il exige donc une prime de risque en plus de l’intérêt qu’il demande pour prix de renoncement à la consommation immédiate
On considère qu’une créance fait courir à son détenteur trois types de risques :
· le risque de non-paiement
· le risque de taux
· et le risque de prix.” 9

Le risque de non-paiement

Il y a deux catégories d’instruments qui servent de support au crédit dans les économies modernes. Il s’agit des prêts directs et des prêts obligataires.
Les prêts directs sont accordés par les institutions qui recueillent l’épargne sous forme de dépôts et la redistribuent selon les besoins de leur clientèle. Les prêts obligataires sont émis de façon standardisée sur des marchés, bourses, où ils constituent à être échangés jusqu’à leur échéance, (marchés secondaires).
Les conditions exigées par les prêteurs dépendent du niveau général du taux d’intérêt et du risque propre de l’opération considérée. Le risque de non-paiement est associé à la possibilité que le débiteur n’effectue pas, ou n’effectue pas à temps, la totalité des paiements sur lesquels compte son créditeur.
Ce risque est spécifique à chaque emprunteur. Il dépend également de la forme juridique de prêt et des garanties qu’il comporte. Il est du rôle des banquiers et des analystes financiers de savoir l’apprécier. En contre partie, ils font payer à l’emprunter une prime de risque suffisante pour inciter le bailleur à céder ses fonds. La facturation du crédit par les banques se fait en ajoutant au taux de base bancaire des commissions qui dépendent de la forme du crédit et une majoration spécifique propre à l’emprunteur et au risque qu’il est censé représenter. Le montant des commissions est une fonction du coût de gestion du crédit considéré mais aussi de la sécurité représentée par chaque opération.
Le taux de base bancaire représente le coût marginal des fonds qu’elle va prêter. En fait, différentes sources de fonds n’ayant pas toutes les mêmes coûts coexistent dans le bilan d’une banque, que ce soit des dépôts à vue ou à terme, des emprunts sur le marché monétaire ou, lorsque cela est possible, des refinancements auprès de la Banque centrale. Aux coûts propres de ces sources de fonds sur leurs marchés respectifs, il convient d’ajouter des charges de gestion qui leur sont spécifiques.
Les taux sur le marché obligataire peuvent également être considérés comme la somme d’un taux sans risque, non-paiement, et d’une prime spécifique à l’emprunteur. On considère généralement que le rendement d’obligations d’Etat est dépourvu du risque de non-paiement. Elles sont pour cette raison prises comme référence.

Le risque de taux

Le risque de taux découle d’une éventuelle fluctuation du niveau des taux dans un environnement instable causant soit une perte ou un gain pour le créancier. Dans un tel cas, ce dernier procède normalement à une couverture de risque de taux par des techniques adéquates comme le swaps, par exemple.
“Si Ct est la revenu10 de la période t, k le taux d’actualisation qui convient à ce type de revenu étant donné l’échéance et le risque en cause, le prix P est donné par : Ct P = (1 + k)ⁿ
P est une fonction de k qui est déterminé par l’environnement économique. Si k ou (1 + k) varie de dk ou de d(1 + k), on a une variation du prix dP”11 .

LES PRINCIPALES THEORIES DU TAUX D’INTERET

Taux d’intérêt naturel et taux d’intérêt monétaire de Knut Wicksell (1851- 1926

Le principe de neutralité de la monnaie adopté par les auteurs classiques et néoclassiques impliquait que la quantité de monnaie n’influence pas le niveau du taux d’intérêt, si ce n’est temporairement. Dans un premier temps, une augmentation de la quantité de monnaie augmente certes l’offre de prêts d’où une baisse de taux, mais cette augmentation de la quantité de monnaie se répercute aussi sur le niveau des prix dont la hausse signifie une baisse de l’offre réelle de prêts. Finalement, le taux d’intérêt remonte à son niveau initial dès que le prix a augmenté dans la même proportion que la quantité de monnaie.
L’originalité de K. Wicksell tient compte du rôle qu’il attribue à la monnaie sur l’activité économique par le biais du taux d’intérêt. Il démontre qu’une économie peut s’engager dans un processus cumulatif de déséquilibre dès que les deux sortes de taux d’intérêt qu’il distingue, taux naturel et taux monétaire, ne sont pas égaux.
Le taux naturel
“Le taux naturel (ir), décrit comme voulu par la nature, correspond dans la terminologie actuelle, au taux d’intérêt réel. Il est égal à la productivité marginale anticipée du capital, productivité définie comme l’augmentation de la production provenant de l’utilisation d’une unité supplémentaire de capital. Wicksell l’assimile dans un premier temps au rendement physique du capital. Le problème est qu’un tel taux est difficilement mesurable pour une économie dans son ensemble et surtout non comparable à un taux monétaire. C’est pourquoi, dans second temps, Wicksell définit le taux naturel comme un taux de rendement marginal du capital en valeur. Il est important de dire que le taux d’intérêt réel ne tient pas compte de l’inflation”12.
Le taux monétaire
Le taux monétaire (im), ou taux de marché, résulte de la confrontation entre l’offre et la demande de fonds prêtables. Chez Wicksell, l’offre de fonds prêtables, essentiellement composée de crédits bancaires, émane de ménages et des banques. La demande de fonds prêtables par les entreprises, dépend du taux de marché mais également de l’activité économique. Le taux monétaire est le taux payé par les emprunteurs de monnaie. Par leur capacité d’augmenter l’offre de fonds prêtables en octroyant des crédits, les banques peuvent, si leur offre n’est pas parfaitement élastique à la demande, modifier le niveau de ce taux.
La condition d’équilibre
La condition d’équilibre d’un tel système économique est l’égalité entre le taux naturel et le taux monétaire. Dans le cas contraire, il se produit tout d’abord un processus cumulatif déséquilibrant qui, à partir d’un certain seuil déclenche ensuite un processus de rééquilibrage :
Þ Si ir > im, la productivité marginale du capital attendue est supérieure au coût de l’emprunt. Les entreprises vont donc augmenter leur stock de capital et la demande de fonds prêtables auprès des banques va s’accroître. L’économie entre dans une phase d’expansion. La reprise des investissements, financés par crédits bancaires, induit une hausse des prix car l’offre des biens de capital ne s’ajuste instantanément à ce surcroît de demande. Cette hausse de prix déprécie la valeur de stock de capital ce qui accroît d’autant la rentabilité marginale du capital (ir ). L’écart entre ir et im se creuse et renforce la demande d’investissements… le processus cumulatif est déclenché. Il se prolonge jusqu’à ce que l’élasticité de l’offre de fonds prêtable des banques se réduise pour des motifs de solvabilité interne, ou externe. La demande de fonds prêtables se heurtera alors à un relèvement, opéré par les banques, du taux monétaire. L’équilibre sera de nouveau atteint lorsque le niveau du taux monétaire retrouvera celui du taux naturel.
Ainsi, dès que ir et im diffèrent, le taux d’intérêt monétaire a une influence sur la sphère réelle de l’économie puisqu’il provoque des variations de l’investissement. Le seul cas où la monnaie est vraiment neutre sur l’activité économique est celui ir = im.
Un tel modèle comporte au moins deux limites :
– Wicksell le connaît lui-même, le taux naturel étant inobservable, il est difficile de lui ajuster le taux monétaire
– Don Patinkin remarque que si les banques sont tenues de respecter une certaine proportion entre réserves et dépôts ou crédits, l’élasticité de l’offre de fonds prêtables ne peut être aussi élevée que le suppose le processus cumulatif décrit par Wicksell.

Théorie de Von Böhm-Bawerk (1851 – 1914)

L’analyse du taux d’intérêt est indissociable de celle du processus de production et du comportement des agents économiques. La production capitalistique est définie comme un détour de production : pour produire plus, il est nécessaire de produire d’abord des biens d’équipement. Le surplus de quantités produites grâce à l’utilisation de capital correspondant à la productivité du capital. L’intérêt peut alors être traité comme le rendement productif du capital mesuré par son coût en termes de biens présents sacrifiés. Cette production capitalistique est consommatrice de temps, or l’attitude des agents économiques est telle que la valeur des biens présents est supérieure à celle des biens futurs à qualité, quantité et forme identique ; d’où la justification d’un taux d’intérêt. Von Böhm-Bawerk identifie trois motifs explicatifs de cette différence de valeur :
– “Dans une économie en croissance, l’offre de biens est supérieure dans le futur à l’offre dans le présent et les agents économiques anticipent une amélioration de leur niveau de vie.
– Les agents économiques tendent à sous-évaluer leurs besoins futurs. On peut également présenter ce motif psychologique comme une mauvaise appréciation, par l’être humain, de la satisfaction future procurée par la consommation future.
Enfin, la production ne peut être mise en œuvre que si l’entrepreneur dispose de biens présents. Sinon, il doit attendre avant de commencer sa production, ce qui allonge d’autant la durée totale jusqu’à la disponibilité des biens. Plutôt la production commence, plus le rendement du capital sera élevé.”13 .
Bien que ce dernier motif soit discutable, les biens utilisés pour une production commençant plus tard auront une moindre valeur, les deux premiers suffisent à justifier la dépréciation des biens futurs.
Les économistes néoclassiques ont développé cette approche en terme réel de la détermination du taux d’intérêt. Il est possible de résumer leurs principaux résultats concernant la formation à long terme du taux d’intérêt à partir de la « règle d’or de l’accumulation ». Le postulat de départ est que la monnaie ne joue aucun autre rôle que celui d’une unité de compte utilisé dans les échanges. Les entrepreneurs ne peuvent financer leurs investissements, accumulation du capital, qu’en empruntant auprès des ménages dont l’offre de prêts correspond à leur épargne. La demande de prêts dépend de la productivité marginale du capital définie ici comme le taux qui égalise la valeur présente des flux monétaires futurs issus de l’investissement considéré au coût de cet investissement. Plus le taux d’intérêt est faible comparé à cette productivité, plus les entrepreneurs sont incités à investir. Par ailleurs, l’épargne des ménages est supposée augmenter avec le taux d’intérêt car une hausse de ce dernier provoque une hausse des prix des biens de consommation présents par rapport aux biens futurs, dont la valeur actuelle est plus faible. Cette hausse des prix décourage alors la consommation présente, effet dit de substitution entre consommation présente et consommation future, au profit de l’épargne qui augmente. Le taux d’intérêt d’équilibre entre épargne et investissement est atteint quand le taux marginal de substitution entre consommation présente et future est égal à la productivité marginale du capital. Dans une économie en croissance, avec une hypothèse de concurrence pure et parfaite et donc une rémunération des facteurs de production à leur productivité marginale, la « règle d’or » implique, pour obtenir une situation optimale, telle que maximiser la consommation par tête, que la productivité marginale du capital, donc le taux d’intérêt, soit égal au taux de croissance de cette économie, lui-même est égal au taux de croissance de la force de travail, main d’œuvre et gain de productivité par unité de main d’œuvre. Présenté différemment, ce problème correspond à celui de la répartition de la valeur ajoutée entre les différents facteurs de production : capital et travail. A taux de croissance donné, toute hausse excessive du taux d’intérêt provoque une hausse de la rémunération du capital au détriment du travail.
I. Fisher propose également une théorie néoclassique de la détermination du taux d’intérêt par l’équilibre entre l’offre de prêts, fonction de la psychologie des épargnants et de la « préférence dans le temps » des agents économiques, et la demande de prêts, fonction des opportunités d’investissement qui dépendent du « taux de rendement par rapport au coût », équivalent d’un taux d’actualisation. Mais I Fisher est surtout connu pour avoir introduit une distinction entre taux réel et taux nominal, taux apparent. Son analyse de la relation entre niveau des prix et taux d’intérêt est célèbre car elle a résolu ce que Keynes a appelé le paradoxe de Gibson :
Le paradoxe de A. Gibson (1923) concerne la corrélation positive qu’il constate entre le niveau général des prix et le taux d’intérêt nominal. Si de nos jours une telle corrélation parait évidente, cela n’était pas le cas avec une approche monétariste classique qui contient deux propositions indépendantes : le taux d’intérêt est déterminé par des facteurs réels (productivité du capital et épargne) sur le marché des crédits et donc indépendamment du niveau des prix ; le niveau de prix est déterminé par l’offre de monnaie.
Dans un tel schéma, si le taux d’intérêt est faible, la demande d’investissement est forte. Pour financer ces investissements, la demande de crédits augmente, d’où une augmentation de la distribution de crédits, c’est-à-dire une augmentation de la masse monétaire qui entraîne une hausse des prix. C’est ainsi que les taux faibles étaient associés à des périodes de hausse des prix.
Or, Gibson remarquera qu’en période de prix élevés, les taux d’intérêt étaient élevés.
Fisher explique ce phénomène par l’intégration d’anticipation d’inflation dans les taux d’intérêt nominaux.
Le modèle économique de Fisher est un modèle classique avec trois marchés :
– marchés de biens et de services,
– marchés du travail,
– et marchés de la monnaie, avec une théorie quantitative de la monnaie : la quantité de monnaie détermine le niveau des prix.
Ce modèle comprend trois agents : les ménages, les entreprises et le système bancaire. La particularité de ces agents économiques : ils sont cohérents. Autrement dit, ils vont anticiper l’inflation avec un modèle à retard échelonné. L’inflation anticipée est ainsi une moyenne pondérée des variations passées du niveau des prix.
“Le taux réel diffère du taux d’intérêt monétaire constaté ou du taux nominal, car l’étalon monétaire varie au cours du temps. C’est la remise an cause de la fonction de réserve de valeur de la monnaie : la hausse des prix en déprécie le pouvoir d’achat. Et le taux nominal doit intégrer cette dépréciation anticipée pendant la durée du prêt. D’où : (1 + im) = (1 + ir) (1 + ∏ t)
avec : im = taux monétaire ir = taux réel
∏t = inflation anticipée en t = somme pondérée des taux d’inflation courant et passés.
Exemple : pour un taux réel de 5 % et un taux d’inflation anticipé de 4 %, le taux monétaire s’établira à un niveau tel que : (1 + im) = (1 + 0,05) (1 + 0,04) = 1,092 soit im = 9,2 %
Pour des taux faibles, il est possible d’utiliser la formule approximative suivante : im = ir + ∏t (9% = 5 % + 4 %)
C’est ainsi que Fisher montre que le taux nominal est élevé quand le niveau général des prix est élevé, non pas parce qu’il est élevé mais parce qu’il a augmenté et inversement.” 14
L’étude statistique de Fisher porte sur la période de 1870 – 1940. Les taux nominaux observés semblent certes influencés par les anticipations des agents vis-à-vis de la hausse des prix. Cependant, les anticipations s’ajustent très lentement par rapport aux variations effectives du niveau des prix. Selon les taux étudiés court terme ou long terme, le retard moyen d’ajustement varie entre 10 et 3 ans ! La plausibilité de délais aussi longs n’est pas évidente. De nombreux auteurs, comme par exemple T Sargent, ont par la suite effectué de nouveaux tests économétriques et approfondi l’étude de cette corrélation. Trois principales conclusions en ressortent :
Les travaux récents révèlent des retards beaucoup plus courts si l’on utilise un autre processus de formation des anticipations autre qu’un processus autorégressif. La diffusion plus rapide et plus large des indices de prix, ainsi que l’essor des marchés financiers ont certainement participé au raccourcissement des ajustements d’anticipation.
La stabilité du taux réel, supposée par Fisher, n’est pas vérifiée au cours du temps : en période de forte inflation, les taux réels sont très faibles et en période de désinflation, les taux réels augmentent.
Il existe une certaine interaction entre taux d’intérêt et taux d’inflation : la causalité ne va pas uniquement du taux d’inflation vers le taux nominal. Le niveau du taux d’intérêt influencé aussi, à travers par exemple les charges financière qu’il entraîne, le taux d’inflation. Une telle interaction signifie que ces deux grandeurs sont déterminées par d’autres variables.

Les déterminants du taux d’intérêt chez John Maynard Keynes (1883- 1996)

L’analyse keynésienne est célèbre pour avoir justifié l’intervention de l’Etat dans l’activité économique afin de lutter contre le chômage.
Le modèle keynésien comporte trois marchés :
– Le marché de biens et services
– Le marché de la monnaie
– Et le marché du travail
La démarche keynésienne est profondément différente de celle des auteurs classiques :
– Elle se situe dans une optique à court terme qui est celle de la politique économique conjoncturelle, justification de l’intervention de l’Etat ;
– Elle introduit l’interdépendance entre les 3 marchés avec l’idée suivante : le marché des biens et services et celui de la monnaie peuvent être simultanément équilibrés mais cet équilibre n’entraîne pas automatiquement celui du marché du travail « équilibre de sous emploi »
Le taux d’intérêt est déterminé uniquement sur le marché de la monnaie, c’est à dire uniquement par des facteurs monétaires. « Il est le prix qui équilibre le désir de détenir la richesse sous forme de monnaie et la quantité de la monnaie disponible ». La quantité de monnaie disponible correspond à l’offre de monnaie ; elle est exogène au système. Les autorités le contrôlent par l’intermédiaire de la Banque Centrale et de la politique monétaire.
Par contre, la demande de monnaie, qui reflète la préférence pour la liquidité des agents, comporte deux variables explicatives fondamentales : l’activité économique et les prévisions de taux d’intérêt.
“Keynes distingue trois motifs de demande d’encaisses monétaires :
– Un motif de transaction : la monnaie est demandée pour son rôle d’instrument d’échange immédiat qu’elle est la seule à remplir. Il s’agit du « besoin de monnaie pour la réalisation courante des échanges personnels et professionnels », besoin dû à la non simultanéité des recettes et des dépenses ;
– Un motif de précaution : la conservation de monnaie correspond ici à l’impossibilité de prévision parfaite des dépenses.
– La demande d’encaisses monétaires résultant de ces deux motifs dépend du niveau du revenu nominal.
– Le motif de spéculation doit être interprété comme un arbitrage effectué par les agents entre la détention de monnaie et la détention d’actifs financiers. Cet arbitrage provient du fait que les encaisses monétaires ne procurent aucun revenu alors que les titres sont rémunérés. Deux précisions s’avèrent ici indispensables à la compréhension du raisonnement keynésien.”15
Ce n’est pas le niveau actuel du taux d’intérêt qui guide le comportement d’arbitrage en monnaie ou titres des agents mais la variation anticipée du taux d’intérêt sur le marché des valeurs. Le prix d’une obligation n’étant que la valeur actualisée des flux monétaires qu’elle procure, toute variation du taux d’intérêt entraîne une modification de son prix. Si le taux d’intérêt est à un niveau très faible, la probabilité qu’il remonte est d’autant plus élevée. Or, toute hausse du taux impliquera une baisse du prix des actifs et donc une moins-value sur le titre détenu. Dans ce cas inverse, les agents conserveront toute leur épargne en encaisses monétaires et la demande de titres sera nulle. Dans le cas contraire, avec un taux d’intérêt très élevé, les agents anticipent plutôt une baisse du taux, donc des opportunités de plus-value : la demande de titres sera maximale et celles de monnaie, pour motif de spéculation, sera nulle.
De ces trois motifs découlent une demande de monnaie qui, étant donnée la quantité de monnaie en circulation, détermine le niveau du taux d’intérêt. Contrairement à l’approche des Monétaristes, la monnaie n’est pas neutre sur l’activité économique car, pour Keynes, le taux d’intérêt constitue une variable explicative de l’investissement. Ainsi, « toutes choses égales par ailleurs », une augmentation de l’offre de monnaie induite une baisse des taux d’intérêt qui à son tour provoque une augmentation de l’investissement.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : APPROCHE THÉORIQUE DU TAUX D’INTERET
Chapitre 1 : DEFINITIONS
1. Qu’est ce qu’un taux ?
2. Qu’est ce qu’un taux d’intérêt ?
2.1. Les différents types et méthodes de calcul des taux d’intérêts
2.1.1. Intérêts simples et intérêts composés
2.1.2. Taux d’intérêt réel et taux d’intérêt nominal
2.1.3. Le taux directeur de la Banque Centrale
2.1.4. Taux de base bancaire
2.1.5. Taux d’escompte et taux de réescompte
2.2. Le risque dans le calcul des taux d’intérêts
2.2.1. Le risque de non-paiement
2.2.2. Le risque de taux
Chapitre 2 : LES PRINCIPALES THEORIES DU TAUX D’INTERET
1. Taux d’intérêt naturel et taux d’intérêt monétaire de Knut Wicksell (1851-1926
2. Théorie de Von Böhm-Bawerk (1851 – 1914)
3. Taux d’intérêt, taux d’intérêt nominal et anticipation inflationniste de Irving FISHER (1867 – 1947)
4. Les déterminants du taux d’intérêt chez John Maynard Keynes (1883-1996)
PARTIE II : TAUX D’INTERET, INSTRUMENT DE LA POLITIQUE MONETAIRE
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION SUR LA POLITIQUE MONETAIRE
2.1.1. Des taux longs à la politique monétaire attendue
1.1. De la courbe des taux à la politique monétaire attendue : la prime de terme
1.2. La politique monétaire attendue composante «réelle »
2.1.2. Politique monétaire réelle et inflation de longue période
2.1.3. Taux d’intérêt, banque centrale et banque de second rang
CHAPITRE 2 : ANALYSE MICROECONOMIQUE
1. L’explication de la structure par échéance des taux d’intérêt
1.1. La courbe de rendement
1.2. La théorie des anticipations
1.3. La théorie de la préférence pour la liquidité
1.4. La théorie de la segmentation
2. Structure par terme des taux débiteurs
1.1.1.1. Taux de base bancaire , TBB,
1.1.1.2. Les conditions débitrices des banques
Chapitre 3 : ANALYSE MACROECONOMIQUE
1. Rôle des taux d’intérêt dans l’économie nationale
1.2. Les taux d’intérêt dans le système économique et financier
1.3. La relation banque – entreprise – taux d’intérêt
1.4. Relation banque -ménage et taux d’intérêt
2. Economie de marché de titres et économie de crédit
2.1. Les caractéristiques des systèmes de financement
2.2. Fonds prêt ables et préférences pour la liquidité
2.3. Les taux d’intérêt en économie d’endettement
3. La détermination des taux d’intérêt dans une économie à prix fixes, change fixe,
4. Les taux d’intérêt dans une économie à prix flexibles
4.1. Taux d’intérêt nominaux et anticipations inflationnistes
4.2. L’effet Phillips
5. Pourquoi la Banque Centrale contrôle-t-elle les taux d’intérêt ?
PARTIE III : CAS PRATIQUE : MADAGASCAR
Chapitre 1 : SYSTEME FINANCIER ET POLITIQUE MONETAIRE DE L’ECONOMIE MALGACHE
1. Caractéristique du système financier
2. Politique monétaire de Madagascar
Chapitre 2 : EVOLUTION DES TAUX D’INTERET A MADAGASCAR
1. Taux directeur de la Banque Centrale de Madagascar depuis 2001
2. Evolution des taux d’intérêt des banques de 2000 à 2003.
Chapitre 3 : ANALYSE PORTÉE SUR CES EVOLUTIONS
1. Période de diminution des taux directeurs : 12 juin 2001- 13 janvier 2003
1.1. Taux d’intérêt créditeurs
1.2. Taux d’intérêt débiteurs
1.3. Structure des taux d’intérêt
2. Période d’augmentation des taux directeurs : 13 janvier 2003 – 16 septembre 2004
RÉSUMÉ ANALYTIQUE

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