Taux de MFIU sur la période d’étude et prévalence de l’obésité et du diabète

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Mort fœtale in utero: quelle fréquence?

Outre l’impact psychologique indéniable, l’ampleur du phénomène de mortinaissance ne doit pas non plus être reléguée au second plan. Chaque année, ce sont près de 3 millions de familles dans le monde qui endurent le paradoxe de la naissance d’un enfant mort et qui doivent faire face aux traumatismes qu’il implique [1].
Le taux de mortinatalité est le rapport du nombre d’enfants nés sans vie à l’ensemble des nés vivants et des enfants sans vie, il s’agit d’un outil d’information appréciable sur la qualité du système de soin périnatal ainsi que sur l’efficacité des stratégies médicales de prise en charge de la grossesse.
A travers le monde, 65 millions de MFIU du troisième trimestre ont lieu chaque année, 98% d’entre elles sont situées dans les pays ayant un faible Produit Industriel Brut (PIB). Le taux de mortinatalité varie de 2 pour 1000 naissances en Finlande à plus de 40 pour 1000 naissances au Nigéria et au Pakistan. 19 millions de MFIU ont cours durant la phase de travail dans le monde (intrapartum). Au final, les MFIU touchent environ 2% des grossesses dans le monde [6;7].
Le calcul du taux de mortinatalité est obligatoire pour chacun des pays de l’Union Européenne [8]. D’après le rapport européen Euro-Peristat, publié le 27 mai 2013 et portant sur les données de 2010, la France est le pays ayant le plus fort taux de mortinatalité d’Europe, soit 9,2 pour 1000 naissances [9]. La principale piste avancée pour expliquer ce résultat est que 40 à 50% des MFIU en France seraient des Interruptions Médicales de Grossesse (IMG) réalisées après la 22ème semaine d’aménorrhée. Une des difficultés soulevée par le rapport concerne l’exploitation des données depuis les registres d’Etat Civil comme nous le soulignions précédemment.

Mort fœtale in utero: principaux facteurs de risque

Selon le CNGOF [4], les principaux facteurs de risques reconnus de MFIU sont les suivants: l’obésité (IMC >30kg/m²), l’âge maternel supérieur à 35 ans, le niveau d’éducation bas, la consommation de cocaïne, les complications vasculaires maternelles (pré-éclampsie et éclampsie), le retard de croissance intra-utérin, l’hématome rétro-placentaire et un antécédent de MFIU. Les facteurs de risque les plus importants pour les pays développés cités par la revue de la littérature publiée dans le Lancet en 2011 [10] sont les suivants : poids maternel, tabagisme maternel, âge maternel, primiparité, petit poids pour l’âge gestationnel, hématome rétro-placentaire, diabète maternel et hypertension maternelle préexistantes.
D’après la littérature, l’obésité et le diabète maternel préexistant sont des facteurs de risque très fortement associés à un décès du fœtus in utero [10-16]. De plus, ces deux facteurs sont intiment liés au mode de vie dans notre société, c’est pourquoi leur prévalence est en constante évolution et l’étude de leur influence sur la grossesse est cruciale. Par ailleurs, il est d’autant plus important d’étudier ces deux facteurs conjointement que leurs physiopathologies sont liées l’une à l’autre.

Mort fœtale in utero et obésité

Selon l’OMS, le surpoids et l’obésité sont définis comme «une accumulation anormale ou excessive de graisse qui présente un risque pour la santé ». L’outil de mesure du surpoids et de l’obésité communément utilisé est l’Indice de Masse Corporelle (IMC), qui correspond au poids en kilogrammes divisé par le carré de la taille exprimée en mètre (kg/m²). L’OMS définit le surpoids comme un IMC égal ou supérieur à 25 kg/m² et l’obésité comme un IMC égal ou supérieur à 30 kg/m². Toujours d’après l’OMS, 1,3 milliards d’adultes sont en surpoids dans le monde et près de 600 millions sont obèses. En 2014, 11% des hommes et 15% des femmes étaient considérés comme obèses. Ainsi, la prévalence de l’obésité a plus que doublé au niveau mondial entre 1980 et 2014. Parmi les conséquences les plus fréquentes du surpoids et de l’obésité on trouve les maladies cardiovasculaires, le diabète et aussi certains cancers [17; 18].
A l’échelle française, selon l’étude Obépi datant de 2012, près de 7 millions de français de plus de 18 ans sont considérés comme obèse soit 15% et près de 15 millions de français sont en surpoids avec un IMC compris entre 25 et 30 soit 32,4% [19]. A la vue de ces chiffres, l’obésité apparaît comme un problème de santé publique d’envergure qu’il ne faut pas sous-estimer d’autant que les complications qui en découlent sont variées et potentiellement gravissimes.
Concernant la prise en charge obstétricale des femmes en situation de surpoids ou d’obésité, l’accent est principalement mis sur la limitation de la prise de poids pendant la grossesse, le suivi diététique voir psychologique, l’encouragement à la pratique d’une activité physique ainsi que sur la surveillance des facteurs de co-morbidité tel l’hypertension ou le diabète par exemple. Un IMC élevé, indépendamment du diabète est fortement associé à un risque accru de complications obstétricales, en particulier de complications relatives à un excès de masse fœtale (dystocie des épaules, dystocie mécanique de progression du mobile fœtal…), de tissu graisseux (syndrome métabolique) et de pré-éclampsie (crise d’éclampsie, césarienne en urgence…) [20]. Outre les complications obstétricales, des difficultés de prise en charge peuvent également survenir: notamment la difficulté à poser une voie d’abord veineuse, à effectuer une rachianesthésie ou une analgésie péridurale, à surveiller le rythme cardiaque fœtal et la tocométrie, incision et extraction difficile en cas de césarienne…

Mort fœtale in utero et diabète

Diabète préexistant (diabète chronique)

Nous entendons par diabète préexistant la présence d’un diabète avant la grossesse. Il peut s’agir d’un diabète de type 1 ou 2 connus, traités ou non avant la grossesse, ou bien d’un diabète de type 2 diagnostiqué au début de la grossesse. Le diabète de type 1 est une atteinte auto-immune des cellules Béta des îlots de Langerhans sécrétrices d’insuline situées au niveau du pancréas. Le diabète de type 2 quant à lui est lié à une insulinopénie relative associée à une résistance insulinique.
Le diabète maternel chronique (par opposition au diabète gestationnel) multiplie le risque de MFIU par 3. Chaque année environ 2194 MFIU peuvent lui être attribuées dans les pays développés [10].

Diabète gestationnel

Au cours de la grossesse physiologique, une insulino-résistance apparaît au début du 2ème trimestre et s’accentue progressivement pour devenir maximale au 3ème trimestre de grossesse. Cette résistance est liée d’une part à une augmentation de la masse tissulaire maternelle et d’autre part à un effet antagoniste des hormones placentaires. Il est décrit dans la littérature un hyperinsulinisme réactionnel physiologique pour compenser l’insulino-résistance et satisfaire les besoins nécessaires à la croissance du fœtus. Dans le cas du diabète gestationnel, il existe la même situation d’insulino-résistance mais qui n’est pas compensée par une sécrétion d’insuline. Ceci ayant pour conséquence la mise en place d’une hyperglycémie maternelle, et donc d’un trouble de la tolérance glucidique aussi appelé diabète gestationnel [21].
Dans les dernières recommandations du CNGOF concernant la prise en charge du diabète gestationnel [22], la définition de l’OMS est rappelée: ainsi, il s’agit d’un « trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois pendant la grossesse, quels que soient le traitement nécessaire et l’évolution dans le post-partum ». Le CNGOF précise que cette définition regroupe en réalité deux pathologies distinctes: le diabète de type 2, préexistant mais découvert seulement à l’occasion de la grossesse et qui persiste dans le post-partum et un trouble de la tolérance glucidique apparue au cours de la grossesse et disparaissant, au cours du post-partum.
Selon cette définition, le diabète gestationnel a une prévalence estimée en 2010 de 2% à 6% des grossesses, ce taux pouvant varier significativement dans des populations spécifiques. De plus, comme le souligne le CNGOF dans ces mêmes recommandations, la tendance étant à l’augmentation de la prévalence.
Avant 2010, les modalités de dépistage gestationnel reposaient sur un dépistage non ciblé, puis par la réalisation du test d’O’Sullivan (ingestion de 50 grammes de glucose, puis mesure à une heure de la glycémie). Si ce test était positif les patientes devaient ensuite réaliser un test d’hyperglycémie provoquée orale (HGPO) à 100 grammes de glucose [23]. Ce dépistage n’est plus d’actualité du fait de la difficulté de sa mise en œuvre: mauvaise tolérance par les patientes, augmentation du délai de prise en charge, mauvaise observance et reproductibilité difficile en sont des exemples.
Les facteurs de risques de diabète gestationnel reconnus sont les suivants: surcharge pondérale, âge (>35 ans), origine ethnique (population asiatique), antécédents familiaux au premier degré de diabète de type 2, antécédents obstétricaux de diabète gestationnel ou de macrosomie et syndrome des ovaires polykystiques [22]. Ces facteurs de risques servent désormais de support au dépistage du diabète gestationnel au cours de la grossesse. En effet, les femmes présentant l’un de ces facteurs de risque doit faire l’objet d’un dépistage systématique du diabète par la mesure de la glycémie à jeun jusqu’à 24 semaines d’aménorrhée et par la mesure de la réponse de l’organisme à une HGPO avec 75 grammes de glucose à partir de la 24ème semaine d’aménorrhée.
Il est admis depuis ces mêmes recommandations que dans le cadre du diabète gestationnel, l’obésité et le surpoids maternel sont considérés comme des facteurs de risque surajoutés de pré-éclampsie et de césarienne [22].
Le diabète gestationnel (DG) ne semble pas être un facteur de risque indépendant de MFIU [10]. Cependant, l’augmentation de sa prévalence constatée dans les pays développés depuis plusieurs années, et son association fréquente avec d’autres risques reconnus tels que l’obésité et l’âge maternel, impliquent de réévaluer son impact en termes de mortalité fœtale.

Question de recherche

Nous avons mis en lumière que le diabète chronique et l’obésité sont des facteurs de risque de mort fœtale in utero. De plus, ces deux facteurs sont intiment liés au mode de vie dans notre société, c’est pourquoi leur prévalence est en constante évolution. Il s’agit par ailleurs de facteurs sur lesquels des mesures de prévention et des prises en charge adaptées sont envisageables. Nous pouvons donc légitimement nous interroger: au Centre Hospitalier Universitaire de Caen, quelle est la part du diabète et de l’obésité parmi les facteurs de risque de mort fœtale in utero? Dans notre étude, nous tenterons donc de déterminer la part du diabète et de l’obésité dans l’occurrence de la mort fœtale. Pour répondre à cette interrogation, nous exposerons dans un premier temps les principaux objectifs de ce travail. Dans un second temps, la partie «matériel et méthode» contiendra un descriptif détaillé des moyens et outils employés, ainsi que des définitions retenues pour notre étude. Ensuite, nous exposerons dans la partie «résultats» ce que nous aurons observé. Pour finir, nous traiterons du travail qu’il reste à accomplir et discuterons des résultats dans la partie «discussion».

Matériel et méthodes

Objectifs de l’étude

L’objectif principal de l’étude était de déterminer les facteurs de risque de MFIU et plus particulièrement de déterminer le rôle du diabète et de l’obésité dans la survenue d’une Mort fœtale intra-utérine au CHU de Caen entre 2008 et 2014.
L’objectif secondaire était de décrire l’évolution de la fréquence des MFIU et de certains facteurs de risque au CHU de Caen sur cette même période.

Lieu et période d’étude

L’étude était de type monocentrique, réalisée au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Caen. La période sélectionnée allait du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2014, soit une durée totale de 7 ans.

Sélection des cas

Critères d’inclusion : étaient inclus dans cette étude la totalité des décès in utero «spontanés» répondant à la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) survenus au CHU de Caen pendant la période d’étude. Pour être comptabilisé, le poids de naissance devait être supérieur ou égal à 500 grammes et/ou l’âge gestationnel supérieur ou égal à 22 semaines d’aménorrhée.
Critères d’exclusion : Les interruptions médicales de grossesses (IMG) quelque soit leur terme n’étaient pas prises en compte dans l’étude. De même, les interruptions volontaires de grossesse (IVG) étaient exclues.

Sélection des témoins

Les témoins étaient sélectionnés parmi les naissances vivantes à terme, appariés aux cas sur l’âge maternel (+/- 5 ans) et l’année de survenue de la MFIU (figure 1). Trois témoins étaient sélectionnés pour chaque cas pour assurer une puissance statistique suffisante [24].

Constitution de la base de données

Le Réseau de Périnatalité de Basse-Normandie (RPBN) recense prospectivement depuis le 1er janvier 2005 l’ensemble des cas de MFIU survenant dans la région dans le cadre d’un observatoire régional, et réalise des contrôles d’exhaustivité du recueil à partir des données issues de plusieurs sources : le service d’anatomo-pathologie et de fœtopathologie du CHU de Caen, le Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI), l’état-civil, et la déclaration des cas par les maternités.
Le RPBN constitue également une base de données des accouchements et des naissances survenant dans la région, depuis 2010 (2008 pour les accouchements et les naissances du CHU de Caen). La source de données pour cette base de données est le PMSI : à chaque hospitalisation est réalisé un résumé d’unité médicale (RUM) qui contient plusieurs informations concernant la patiente et la cause de l’hospitalisation ou du transfert de service. A la sortie de la maternité, les RUM sont compilés pour réaliser un résumé de sortie standardisé (RSS) qui contient diverses informations concernant l’hospitalisation de la patiente. Une fois anonymisés, les RSS deviennent des résumés de sortie anonymes (RSA) qui sont collectés dans le Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI). Pour
les maternités qui disposent d’un dossier patient informatisé, des données supplémentaires à celles recueillies dans le PMSI sont collectées : poids en début de grossesse et taille, permettant le calcul de l’IMC, tabagisme pendant la grossesse, parité.
L’extraction des données et l’appariement des cas et des témoins ont été réalisés par un bio-informaticien travaillant au RPBN.
La base de données de l’observatoire régional de la mortalité fœto-infantile (ORMI) a reçu l’autorisation CNIL N°DR-2015-203 du 17 avril 2015, celle des accouchements et naissances de Basse-Normandie l’autorisation CNIL N°DE-2011-024 du 28 avril 2011.

Variables analysées

L’étude portait sur les variables suivantes:
• L’âge maternel au moment de l’accouchement (variable d’appariement).
• L’année de survenue de la MFIU (pour les cas) ou de la naissance (pour les témoins) (variable d’appariement).
• Le poids au début de grossesse et la taille, permettant de calculer l’indice de masse corporel (IMC) maternel (poids / taille², exprimé en kg/m²).
• La parité.
• Le rang de grossesse (singleton, jumeaux ou triplés).
• Le terme de la naissance en semaine d’aménorrhée révolue.
• La présence ou non d’un tabagisme maternel durant la grossesse.
• L’antécédent de césarienne chez la patiente.
• La présence ou non de diabète chronique (diabète de type 1 ou 2 préexistant avant la grossesse).
• La présence ou non d’un diabète gestationnel durant la grossesse.
• La survenue d’une rupture prématurée des membranes au cours de la grossesse, c’est à dire la rupture des membranes avant le début du travail.
• La survenue d’une menace d’accouchement prématuré au cours de la grossesse (survenue entre 22SA et 36 SA révolues de contractions utérines régulières associées à des modifications cervicales qui peuvent conduire à un accouchement en l’absence d’intervention médicale) [25].
• La présence d’un retard de croissance intra-utérin du fœtus (association d’un poids fœtal ou de naissance inférieur au 10ème percentile avec des arguments en faveur d’un défaut de croissance pathologique – arrêt ou infléchissement de la courbe de croissance) [26].
• L’existence d’une hypertension artérielle.
• L’existence ou non d’un hématome rétro-placentaire.
• La présence ou non d’un HELLP syndrome (association d’une hémolyse, d’une cytolyse hépatique et d’une thrombopénie).
• La présence ou non d’un placenta prævia hémorragique (anomalie de l’insertion placentaire sur tout ou partie du segment inférieur de l’utérus, associée à des métrorragies).
• La survenue d’une rupture utérine (discontinuité de l’utérus gravide atteignant le corps utérin ou le segment inférieur, au cours de la grossesse ou du travail).
• La survenue d’une hémorragie au cours du post-partum (perte sanguine supérieure à 500mL après l’accouchement) [27].

Méthodes statistiques

Les variables continues ont été décrites par leur moyenne et leur écart-type en cas de distribution normale, et par leur valeur médiane, le premier et le troisième quartile en cas de distribution asymétrique. Les variables qualitatives quant à elles, étaient décrites par leur fréquence et leur pourcentage.
Pour l’analyse de l’évolution du taux de MFIU et des facteurs de risque sur la période d’étude, les tests statistiques utilisés étaient le test de Chi² de Pearson et le test du Chi² de tendance de Cochran-Armitage. Par rapport au test du chi² de Pearson utilisé classiquement pour tester l’association entre deux variables qualitatives, le Chi² de Cochran-Armitage permet de tester l’existence d’une tendance à l’augmentation ou à la diminution de la répartition d’une variable entre les différentes classes de l’autre variable.
Pour le calcul des odds-ratio (OR), les variables numériques ont été regroupées en classes : la parité a été divisée en 3 classes : primiparité, 1-3 enfants (référence), et grande multiparité (≥4 enfants), et l’IMC a été divisé en 3 classes : <25 (référence), ≥25 à <30 (surpoids), et ≥30 (obésité). La grande multiparité et l’obésité ont également été étudiées en divisant la parité et l’IMC en 2 classes (respectivement <4 enfants / ≥4 enfants, et <30 kg/m² / ≥30 kg/m²).
Les OR et leur intervalle de confiance à 95% ont été calculés par une méthode de régression logistique conditionnelle de façon à prendre en compte l’appariement dans les analyses [23]. Pour l’analyse multivariée, les caractéristiques maternelles et les pathologies de la grossesse associées au risque de MFIU avec p<0.10 en analyse univariée ont été incluses dans un modèle de régression logistique conditionnelle.
En complément et afin de préciser le risque lié à l’association du diabète gestationnel et de certains facteurs de risque de MFIU, une interaction entre l’existence d’un diabète gestationnel et l’obésité, le tabagisme et l’hypertension artérielle a été recherchée.
Une p-value inférieure à 0.05 était considérée comme statistiquement significative. Une fois extraites, les données ont été collectées dans un tableau Excel®, puis les analyses ont été réalisées dans les logiciels statistiques EpiData Analysis v2.2 et SAS v9.4.

Etude des facteurs de risque de MFIU

En analyse univariée, les caractéristiques maternelles et pathologies de la grossesse suivantes étaient significativement associées à un plus grand risque de MFIU : grossesse multiple (OR=60.10), RCIU (OR=7.94), grande multiparité (n≥4) (OR=2.67), tabagisme pendant la grossesse (OR=2.51), obésité (IMC≥30) (OR=1.71). En revanche, un antécédent de césarienne, le diabète chronique, le diabète gestationnel et l’hypertension artérielle n’apparaissaient pas comme facteurs de risque de MFIU (tableaux III).
Parmi les complications de la grossesse, les MFIU étaient plus fréquentes en cas de d’hémorragie de la délivrance (OR=24.00), de placenta prævia hémorragique (OR=12.00), de rupture prématurée des membranes (OR=8.81) et de pré-éclampsie (OR=3.32). L’Odds-Ratio ne pouvait pas être calculé pour les hématomes rétro-placentaires (16 cas – 11,7% – pour les MFIU, et aucun cas pour les témoins). Le nombre de HELLP syndrome et de rupture utérine n’étaient pas significativement plus fréquents chez les cas que chez les témoins (tableaux IV).

Principaux résultats

Notre étude incluait une large série de cas (N=137) sur une période de 7 ans. Sur cette période, le taux global de MFIU était de 6,2‰ naissances. La proportion de femmes obèses était en augmentation (p<10-2, Chi² de tendance), le diabète chronique avait une prévalence de 0,6% sans augmentation significative sur la période étudiée. En revanche, nous avons noté une augmentation significative de la fréquence du diabète gestationnel, passant de 3,8% en 2008 à 11,0% en 2014 (p<10-3, Chi² de tendance).
En analyse univariée notre étude ne montrait pas un sur-risque lié au diabète qu’il soit gestationnel ou chronique, ni au surpoids. En revanche, les facteurs de risque mis en évidence étaient la grande multiparité (OR= 2,67), l’obésité (OR=1,71), les grossesses multiples (OR=60,10), le tabagisme maternel (OR=2,51) et le RCIU (OR=7,94). Les complications obstétricales suivantes étaient associées à un sur-risque de MFIU: la rupture prématurée des membranes (OR=8,81), le placenta prævia hémorragique (OR=12), la pré-éclampsie (OR=3,32) et l’hémorragie de la délivrance (OR=24).
L’analyse multivariée incluant les caractéristiques maternelles et les pathologies de la grossesse retrouvait comme facteurs de risque indépendants de MFIU la grande multiparité (ORa=2,84), l’obésité (ORa=1,90), les grossesses multiples (ORa=47,47), le tabagisme maternel (ORa=2,60) et le RCIU (ORa=6,70). L’association d’un DG avec l’obésité, le tabagisme ou l’hypertension artérielle n’était pas reliée à un risque accru de MFIU.

Points forts et limites

Notre étude est de type monocentrique, elle a été réalisée au CHU de Caen dans une maternité de type 3. Cela signifie que cette maternité dispose d’un plateau technique développé et a pour mission l’accueil des patientes ayant des pathologies obstétricales lourdes en provenance des maternités de toute la région. Par conséquent, elle concentre un plus grand nombre de grossesses compliquées et induit inévitablement un biais de sélection. Néanmoins, cela permet d’obtenir une homogénéité du recueil des données et de la prise en charge des patientes. Par ailleurs, l’exclusion des IVG et IMG permettait d’obtenir des informations précises sur les MFIU dites «spontanées». Un point faible de notre étude était de ne pas inclure la totalité des facteurs de risques reconnus de MFIU, comme la consommation d’alcool, de drogue ou encore le niveau socio-économique. Cependant, notre recherche avait pour avantage de traiter en plus des facteurs de risque maternels, l’association de certaines complications obstétricales avec la survenue d’une MFIU. Un autre point à souligner concerne le recueil des données. Le tabagisme maternel était recueilli de façon peu précise, ne prenant pas en compte le nombre de cigarettes consommées et n’incluant pas non plus le tabagisme passif induit par le conjoint ou l’entourage. Certaines autres variables peuvent également avoir été plus ou moins bien codées dans le cadre du PMSI. Cependant, un avantage du PMSI est que l’encodage des RUM et RSS est réalisé de façon systématique pour chaque séjour de patiente, assurant ainsi l’exhaustivité de la base de données. Par ailleurs, le recensement des cas de MFIU a été réalisé de façon prospective par le RPBN et a fait l’objet de contrôles d’exhaustivité par le croisement de plusieurs sources d’information.

Analyse

Exercice clinique

Diagnostique et prise en charge des MFIU au CHU de Caen

Le diagnostic de la MFIU est d’abord clinique (absence de battement du cœur fœtal), puis est confirmé par un examen échographique. Suite à la découverte de la MFIU, l’annonce est faite avec à la fois le plus de douceur, d’empathie et de franchise possible au couple. Ensuite, la patiente est dirigée vers le service de gynécologie-obstétrique où elle reçoit des informations concernant les démarches administratives. A cette occasion, il lui est également proposé un soutien psychologique. Lors de l’entretien, il est également proposé un rendez-vous de synthèse environ deux mois après l’accouchement une fois tous les résultats du bilan étiologiques en mains. Afin de partager le diagnostic et les conséquences éventuelles pour une prochaine grossesse.

Prise en charge de l’obésité au CHU de Caen

Au CHU de Caen, il n’existe pas de protocole spécifique à la prise en charge de la femme obèse. Cependant, l’obésité est souvent évoquée en tant que facteur de co-morbidité dans la plupart des autres protocoles obstétricaux (pré-éclampsie, risque thromboembolique…).
Par conséquent, la prise en charge repose sur l’expertise et le bon sens clinique des professionnels. En effet, c’est à eux qu’il incombe d’adresser la patiente à la consultation spécialisée adaptée à chaque situation. Ainsi, une patiente obèse peut tantôt être orientée vers une diététicienne, un psychologue ou encore un pédopsychiatre. En l’absence de complication obstétricale, le suivi correspond donc le plus souvent à celui d’une grossesse physiologique.

Evolution du dépistage du diabète au CHU de Caen

Avant 2010, le dépistage du diabète était réalisée dès la première consultation obstétricale chez toutes les femmes ayant soit présenté un diabète gestationnel lors d’une précédente grossesse, soit un antécédent familial de diabète, soit une obésité, un âge supérieur à 35 ans ou bien des antécédents obstétricaux de pré-éclampsie, de MFIU, de macrosomie ou encore de malformation congénitale. Dans un premier temps, le dépistage reposait sur le test de O’Sullivan, consistant à mesurer la glycémie une heure après la prise de 50 grammes de glucose. Il était positif si la glycémie était supérieure à 1,30g/L, si la glycémie était supérieure à 2g/L, le test diagnostic n’était pas nécessaire et si le dépistage était négatif, il devait être renouvelé une seconde fois entre 24 et 28 SA. Dans un second temps, le test diagnostique reposait sur la mesure de la glycémie suite à une HGPO avec 100g de glucose aux temps HO, H1, H2 et H3. Le test était positif si au moins deux valeurs dépassaient les seuils suivants: 0,95g/L à H0, 1,80g/L à H1, 1,55g/L à H2 et 1,40g/L à H3.
Depuis 2011, le dépistage ciblé est la règle, il se présente en deux temps. Dans un premier temps, il repose sur la mesure d’une glycémie à jeun dès la première consultation et est réalisable jusqu’à 24SA. Les critères de dépistage sont ceux recommandés par le CNGOF. Il n’est pas réalisé d’HGPO avant 24 SA. Les seuils retenus au 1er trimestre sont les suivants: 1,26g/L pour le diabète de type II préexistant méconnu et 0,92g/L pour le diabète gestationnel précoce. En cas de diabète de type II, la patiente est rapidement orientée vers le service d’endocrinologie-diabétologie et vers une consultation spécialisée avec un obstétricien. Une échographie du cœur fœtal est planifiée le 5ème mois en raison du risque accru de malformation cardiaque fœtale. En cas de dépistage positif du diabète gestationnel précoce, il est réalisé un contrôle de la glycémie à jeun à 1 mois. Si cette glycémie de contrôle est supérieure à 1,05g/L une consultation avec un médecin endocrinologue est planifiée. En revanche, si la glycémie est comprise entre 0,92g/L et 1,05g/L une HGPO avec 75g de glucose est programmée entre 24 et 28 SA.
Dans un second temps, entre 24 et 28 SA, un autre dépistage ciblé basé sur les mêmes critères doit être réalisé. Il repose sur une HGPO avec 75g de glucose et la mesure de la glycémie à 0, 1 et 2 heures après l’ingestion du glucose. Le diagnostic de diabète gestationnel est établi si au moins une des valeurs de l’HGPO dépasse ou est égale aux seuils glycémiques suivants: le seuil de la glycémie à jeun est de 0,92g/L, celle à une heure de 1,80g/L et celle de deux heures à 1,53g/L. En cas de vomissements ou de mauvaise tolérance à l’HGPO, ne sont réalisées que les glycémies à jeun et à deux heures sans ingestion des 75 grammes de glucose. Un dépistage de rattrapage peut être réalisé au-delà de 28 SA si le dépistage n’a pas été réalisé avant, ou bien si un facteur de risque lié à la grossesse est présent, à savoir: des biométries fœtales supérieures au 97ème percentile, la présence d’un hydramnios ou encore une glycosurie à jeun élevée et persistante. Les protocoles de dépistage et de prise en charge du diabète au CHU de Caen sont disponibles en annexe 1 et 2.

Rôle du diabète

Notre étude avait pour objectif principal de déterminer le rôle du diabète dans la survenue d’une MFIU. Ainsi, nous n’avons pas mis en évidence de sur-risque lié au diabète, qu’il soit gestationnel ou chronique préexistant à la grossesse, ou qu’il soit associé à d’autres facteurs reconnus tels que l’obésité, le tabagisme ou l’hypertension artérielle.
Une étude réalisée par le Stillbirth Collaborative Research Network Writing Group [29] publiée en 2011 montrait un sur-risque lié au diabète chronique (ORa=3,47) (voir le tableau VI qui présente une comparaison des résultats de 3 études cas-témoins avec nos résultats). Leur étude était de type multicentrique, avait un effectif de 614 MFIU pour 1816 témoins et évaluait l’impact de plusieurs facteurs en utilisant un modèle d’analyse multivariée. Leur étude incluait, comme la nôtre, les singletons et les grossesses gémellaires. La différence portait principalement sur le terme d’inclusion des MFIU qui était de 20 SA. Leur étude avait également un effectif plus important, et donc une puissance plus importante pour mettre en évidence ce facteur de risque dont la prévalence est faible. De plus, il s’agissait d’une étude américaine, ce qui peut impliquer des disparités importantes des prises en charge suivant l’ethnie ou encore le niveau socio-économiques des patientes créant ainsi un biais important.
L’étude italienne de Facchinetti F. et al., était en accord avec nos résultats et ne montrait pas non plus de sur-risque lié au diabète. Cette étude était de type multicentrique, étudiait également les singletons et les jumeaux et incluait les MFIU à partir de 22 SA [30]. L’effectif étudié était légèrement supérieur au nôtre avec 254 cas pour 497 témoins.
La méta-analyse publiée dans le Lancet par Flenady et al. estimait que le risque de MFIU était trois fois plus important chez les femmes ayant un diabète préexistant par rapport aux femmes qui n’en avaient pas. Cette étude souligne que le diabète peut avoir un impact important sur la survenue d’une MFIU, mais que néanmoins, il peut être pris en charge précocement, limitant ainsi potentiellement son impact. D’autres études ne traitant pas de manière spécifique la mort fœtale sont en désaccord avec nos résultats [10].
Une de nos hypothèses est que le diabète est correctement pris en charge au CHU de Caen, avec une surveillance adaptée et suffisamment précoce pour qu’il n’entraine aucune complication. Comme pressenti, notre étude montrait une tendance à l’augmentation de la prévalence du diabète gestationnel (p<10-3, Chi² de tendance). Ainsi, sa proportion était de 3,8% en 2008 contre 11% en 2014. Nos résultats dépassaient donc les estimations du CNGOF comprises entre 2 et 6% [22]. Cette hausse peut s’expliquer soit par le fait qu’une part croissante de patientes est dépistée au fil des années, soit que le changement de méthodologie survenu en 2011 ait augmenté artificiellement son incidence. Or, notre étude a pu démontrer une augmentation significative de la fréquence du diabète gestationnel sur la période restreinte 2011-2014, après les modifications des critères diagnostiques (p<10-3, Chi² de tendance). C’est pourquoi il est peu probable que l’augmentation de la fréquence du diabète gestationnel soit liée au changement de méthodologie.

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Table des matières

Introduction
1. Mort fœtale in utero: définitions et aspects législatifs
2. Mort fœtale in utero: quelle fréquence?
3. Mort fœtale in utero: principaux facteurs de risque
3.1. Mort fœtale in utero et obésité
3.2. Mort fœtale in utero et diabète
3.2.1. Diabète préexistant (diabète chronique)
3.2.2. Diabète gestationnel
4. Question de recherche
Matériel et méthodes
1. Objectifs de l’étude
2. Lieu et période d’étude
3. Sélection des cas
4. Sélection des témoins
5. Constitution de la base de données
6. Variables analysées
7. Méthodes statistiques
Résultats
1. Nombre d’inclusions
2. Taux de MFIU sur la période d’étude et prévalence de l’obésité et du diabète
3. Etude des facteurs de risque de MFIU
Analyse et Discussion
1. Principaux résultats
2. Points forts et limites
3. Analyse
3.1. Exercice clinique
3.2. Rôle du diabète
3.3. Rôle de l’obésité
3.4. Autres facteurs de risque et tendances
4. Perspectives
Conclusion
Bibliographie

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