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Une définition de la compréhension en lecture
Étymologiquement, Gaffiot (1989) définit le mot comprendre. Du latin « comprehendre » signifiant saisir et comprendre « prendre ensemble » (Gaffiot, 1989, p.126). Comprendre un texte c’est donc être actif dans le traitement du texte, chercher à établir des relations entre les données du texte, entre les informations qui sont délivrées au lecteur. Comprendre c’est faire des liens, considérer le texte dans son ensemble. Le lecteur doit être capable de construire une représentation mentale cohérente de l’ensemble de la situation évoquée par le texte. La compréhension en lecture n’est pas un processus passif de réception, elle repose sur un traitement actif par le lecteur. Au fur et à mesure il se construit cette représentation mentale pour l’intégrer dans un tout cohérent. Ainsi l’élève doit avoir conscience pour Goigoux (2004) de cette responsabilité de lecture, les plus faibles lecteurs pensent que la lecture est une suite d’identification de mots et que la compréhension est le résultat mécanique de la somme d’identification des mots. A l’inverse les bons lecteurs vérifient la cohérence de leur lecture au fil de la progression dans le texte. Pour Gaonac’h et Fayol (2003) l’activité de compréhension est une activité complexe qui s’envisage dans une activité de résolution de problèmes au cours de laquelle le lecteur construit progressivement une représentation.
Bianco (2010) revient sur quelques modèles théoriques, issus de la psychologie cognitive, afin de saisir l’évolution des conceptions autour de la compréhension de texte. On note que les recherches ont été largement influencées par la théorie élaborée par Kintsch et van Dijk. Ils envisagent la compréhension des textes comme une activité de construction du sens. Pour comprendre un texte, le lecteur doit en identifier les mots, mettre en relation les mots et les phrases pour construire une représentation mentale globale et cohérente de la situation décrite par le texte. Un texte est compris séquentiellement grâce à la répétition de cycles de traitement. Au cours de chacun d’eux, une petite quantité de texte est traitée et mise en relation avec les informations analysées lors des cycles précédents. La compréhension d’un texte est donc un mécanisme cyclique, qui procède par étapes et conduit à l’élaboration de différentes strates de représentation. Cette représentation est constituée de trois strates qui concourent à l’intégration de l’ensemble des informations dans un « modèle de situation ». Bianco (2010) détaille ces strates, la première, appelée « structure de surface » représente l’analyse lexicale et syntaxique des énoncés. Ce contenu est représenté, à un second niveau, dans la « base de texte », elle représente l’ensemble des relations existant entre ces énoncés. Enfin, la dernière strate, appelée « modèle de situation », est une représentation schématique et intégrée de l’essentiel du texte et de l’ensemble des états, personnages et événements mais incluant aussi les connaissances antérieures du lecteur. Le processus de compréhension n’implique pas seulement la construction d’une représentation mentale du contenu du texte mais également l’intégration des informations fournies par le texte aux connaissances d’un individu.
Céline Renau Op’t’hoog (2010), alors doctorante en psychologie cognitive et neuro science montre toute l’importance de l’introduction de la notion de modèle de situation dans l’étude du processus de compréhension parce qu’elle en modifie l’objectif. Comprendre un texte n’implique plus seulement la mémorisation des informations du texte mais la mémorisation de la situation évoquée par le texte. Autrement dit, pour comprendre un texte, il faut se représenter la situation qu’il décrit, être capable d’imaginer une situation dans laquelle certains individus possèdent certaines propriétés ou entretiennent certains types de relations décrits par le texte. Si l’individu ne comprend pas les relations entre les faits décrits localement et globalement dans un texte, il ne comprend pas le texte. Le sens n’est pas donné directement par le texte, il est progressivement construit par le lecteur.
Les variables du modèle de compréhension par Jocelyne Giasson
Giasson (1990) explique qu’il existe un consensus à propos des grandes composantes du modèle de compréhension en lecture. Il s’agit des trois variables : lecteur, texte et contexte. La compréhension en lecture est la relation entre ces trois variables indissociables. Le lecteur possède des structures cognitives et affectives qui lui sont propres et indépendantes de la tâche de lecture. Les structures cognitives sont les connaissances que possèdent le lecteur sur la langue (phonologique, syntaxique, lexicale et sémantique) et sur le monde (pour comprendre le lecteur doit établir des relations entre le texte et ses connaissances antérieures). Les structures affectives quant à elles relèvent de ce que veut faire le lecteur, pas de ses capacités, mais de son attitude, son intérêt vis à vis de la lecture. Il faut aussi prendre en compte les processus de lecture que nous détaillerons plus amplement par la suite, ils font référence à la 15 mise en œuvre des habilités nécessaires pour aborder un texte, à ce que fait le lecteur durant la lecture. Le texte constitue la deuxième variable du modèle de compréhension, en fonction du type de texte, narratif, informatif, poétique…la compréhension sera plus ou moins facilitée. Enfin la dernière variable, le contexte, comprend toutes les conditions dans lesquelles se trouvent le lecteur lorsqu’il aborde le texte. Le contexte psychologique relève de l’intérêt du lecteur, de sa motivation et de son intention de lecture. Le contexte social comprend toutes les interactions entre le lecteur, ses pairs ou l’enseignant. Enfin le contexte physique se rapporte à toutes les conditions matérielles durant laquelle se déroule l’activité de lecture, Jocelyne Giasson (1990) cite par exemple le bruit, la température ambiante, la qualité de la reproduction des textes.
Ainsi pour appréhender la notion de compréhension en lecture dans sa globalité il est essentiel de considérer ces trois variables.
Les compétences simultanées requises pour comprendre
Il existe un consensus scientifique autour des compétences requises pour comprendre. Ces compétences ne doivent pas être considérées séparément, elles sont liées et engagées simultanément lors de la lecture. Goigoux (2013) a listé six compétences fondamentales.
Tout d’abord des compétences de décodages qui sont une cible majeure au cours élémentaire. Le décodage doit être automatisé pour éviter à l’élève d’utiliser l’essentiel de ses ressources attentionnelles à déchiffrer chacun des mots. L’accès au sens se fait par une maîtrise du code suffisante pour que les élèves déchiffrent de manière fluide et automatisée. Il doit être la cible d’un entraînement intensif et systématique en atelier de différenciation.
Viennent ensuite des compétences linguistiques, il s’agit des compétences syntaxiques et lexicales. Pour Goigoux (2013) l’apprentissage du vocabulaire est essentiel. Plus le lecteur connaît de mots, mieux il comprend ce qu’il lit et plus il est capable d’apprendre de nouveaux mots. En d’autres termes, le déficit lexical observé chez de nombreux élèves n’est pas seulement la cause de leurs difficultés, il peut aussi en être la conséquence: ceux qui comprennent mal ce qu’ils lisent, lisent de moins en moins et ont donc moins d’occasions d’enrichir leur vocabulaire. Les élèves qui disposent déjà d’un vocabulaire étendu sont capables d’apprendre des mots nouveaux au contact des textes. Parce qu’ils connaissent déjà la plupart des mots présents du texte dont ils comprennent l’essentiel, ils peuvent deviner correctement ce que les autres mots veulent dire et, ainsi, augmenter leur base de connaissances. Mais leurs camarades qui ignorent le sens de la plupart des mots et qui manquent de connaissances encyclopédiques, ne peuvent combler les vides sans aide. Bianco (2010) parle d’effet Mathieu autrement dit les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent. Cette formule est particulièrement adaptée ici quand on sait que les élèves les plus faibles en lecture sont le plus souvent issus de milieux populaires. Hirsch (2003) a établi qu’un élève performant en première année d’école primaire connaît deux fois plus de mots qu’un élève faible et que cet écart s’accroît, jusqu’à doubler, tout au long de la scolarité primaire. Il est donc essentiel de faire du vocabulaire un apprentissage ritualisé, continu de la maternelle au CM2 afin de compenser les différences sociales et d’aider les plus faibles, il faut donner du sens à cet apprentissage, il doit impérativement être contextualisé pour être intériorisé.
En lien direct avec les compétences linguistiques, des compétences référentielles sont aussi indispensables. En effet l’acquisition de connaissances sur le monde, de connaissances encyclopédiques, permettent à l’élève d’être mieux familiarisé avec le thème du texte et donc de mieux le comprendre, de mieux l’interpréter. Plus il aura de connaissances sur le domaine traité, plus sa compréhension sera riche et sa représentation cohérente. Un enseignement pluridisciplinaire semble donc primordial : l’histoire, les sciences, la géographie sont aussi importants que le français et les maths pour rentrer en compréhension.
Goigoux (2013) expose ensuite des compétences propres à la compréhension. Tout d’abord des compétences inférentielles. Il s’agit de la capacité à raisonner, à comprendre l’implicite, à « lire entre les lignes ». L’élève doit être capable de dépasser le texte et surtout en avoir conscience. Nous verrons dans la deuxième partie l’importance d’un enseignement explicite de cette compétence. Les compétences textuelles sont la capacité à élaborer une cohérence basée sur des éléments assurant la cohésion du texte (connecteurs, anaphores…), sur l’énonciation, sur une culture de l’écrit (connaissance des genres textuels, des stéréotypes, des stratégies narratives…). Enfin l’élève doit développer des compétences stratégiques de lecture. Il doit être capable de s’autoréguler, de contrôler et d’évaluer sa lecture.
L’ensemble de ces compétences doivent être travaillées pour faire progresser les élèves en lecture compréhension, toutes doivent être prises en compte.
Quant à elle, Giasson (1990) considère que le processus de compréhension exige la mise en œuvre de cinq sous-processus, lesquels regroupant un certain nombre d’habilités. Elle a traduit et adapté le modèle d’Irwin (1986), on y retrouve les composantes exposées par Goigoux (2013). Les microprocessus permettent de comprendre l’information contenue dans une phrase (reconnaissance de mots, lecture par groupes de mots, et regrouper les mots en unités signifiantes, sélectionner dans la phrase les mots importants à retenir). Les processus d’intégration ont pour fonction d’effectuer des liens entre les propositions ou les phrases (référents, connecteurs, inférences). Les macroprocessus sont orientés vers la compréhension globale du texte, vers les liens qui permettent de faire du texte un tout cohérent (idées principales, résumé). Les processus d’élaboration permettent au lecteur de dépasser le texte, d’effectuer des inférences (prédiction, image mentale, intégration de l’information du texte aux connaissances antérieures. Les processus métacognitifs gèrent la compréhension et permettent au lecteur de s’ajuster au texte et à la situation.
Bianco (2010) montre qu’il existe aussi une corrélation forte entre le traitement du langage oral et la compréhension en lecture. En effet la compréhension doit être enseignée dès l’école maternelle. A l’oral les enseignants pourront travailler toutes les compétences nécessaires à la compréhension notamment celle de faire des inférences, de travailler sur l’implicite. Les élèves doivent être sollicités à parler en continu. Savoir relater une expérience réelle ou une histoire révèle d’une bonne compréhension, d’une représentation mentale cohérente. Ils apprennent à structurer leur récit, à sélectionner des informations, à restituer des idées et non des mots entendus.
L’enseignement de la compréhension doit donc s’inscrire dans la durée. A travers les articles étudiés nous avons pu saisir l’importance d’enseigner ces compétences de manières explicites et transparentes. L’enseignant doit les rendre visibles afin que les élèves puissent progresser et agir sur leur compréhension en prenant conscience de leur existence et de leur apport.
Savoirs enseignants autour de l’évaluation et de la compréhension en lecture
La notion de savoirs
La notion de savoirs est complexe et difficile à définir. Ils sont nombreux et divers d’où des interprétations plurielles déterminées par les chercheurs.
Il s’agit ici de définir les savoirs dans un contexte bien précis, celui de l’enseignement.
Schneuwly définit les savoirs « comme des ensembles d’énoncés ou de procédures systématiquement élaborés, incorporés dans des pratiques discursives circonscrites et socialement constituées et reconnues » (Schneuwly, 2008, p 64).
A travers cette définition, on devine le rôle central de l’enseignant. Par savoirs il ne faut pas seulement prendre en compte les savoirs savants, les savoirs théoriques, reconnus par tous, incontestables, évoluant cependant au fil des recherches. D’autres dimensions sont aussi à considérer.
L’enseignant doit s’approprier le savoir, le construire et l’adapter en fonction de son public (âge et contexte). En effet, les savoirs ne sont pas figés en fonction des situations, certains découlent donc directement de l’expérience et du parcours de l’enseignant, ils sont alors détachés des savoirs théoriques. Tardiff (1993) parle de savoirs d’action, Perrenoud (1996), lui, de savoirs d’expérience.
Ainsi, les savoirs théoriques sont adaptés pour devenir des objets d’enseignements et d’apprentissage. Verret (1975) repris par Chevallard (1985-1991) introduit la notion de transposition didactique. On retrouve ces savoirs théoriques adaptés au contexte scolaire au sein des programmes, eux mêmes adaptés par l’enseignant au sein de sa classe en fonction de ses caractéristiques (public, âge…). On comprend donc qu’il y autant d’adaptation des savoirs qu’il existe d’enseignants. Les savoirs sont hétérogènes, ils ne seront pas exploités et enseignés de la même façon, en fonction du rapport de l’enseignant aux savoirs, de sa conception de l’enseignement, de sa pratique professionnelle, de sa formation, de ses habitus, de ses expériences, de ses goûts, de ses affinités. Il est d’autant plus difficile de définir les savoirs enseignants qu’ils ne sont pas toujours conscientisés, les enseignants n’ont pas forcément conscience de l’influence de leurs différentes expériences, de leurs parcours sur leurs savoirs. Certains savoirs ne font pas l’objet d’une pensée réflexive à proprement parler.
Tardiff (1993) définit aussi « les savoirs pour enseigner » autrement dit les savoirs théoriques issus de la recherche sur la façon de les enseigner, sur leur approche métacognitive. L’enseignant doit apprendre à apprendre un savoir.
D’autres savoirs doivent encore être pris en compte comme les savoirs être. Il s’agit des savoirs inhérents au métier d’enseignant comme le travail d’équipe, la communication avec les parents. Au delà il ne faut pas oublier la dimension sociale des savoirs, en effet leur acquisition doit permettre aux élèves d’acquérir l’autonomie requise pour s’intégrer correctement au sein de la société, en cela le maître a lui aussi un rôle social en tant que détenteur des savoirs à transmettre.
Nous retiendrons la définition assez large des savoirs que donne Withner et Garcia-Debanc (2010), synthétisant les propos de Perrenoud, Altet, et Paquay (2008), « le savoir enseignant est donc pluriel, à la fois curriculaire, disciplinaire, professionnel, d’expérience et culturel ».
Si la notion de savoirs est si difficile à définir c’est aussi parce que ces sources sont nombreuses et diverses. Les programmes et les textes institutionnels regroupent les savoirs à enseigner. Ils constituent la principale source pour les enseignants. Les manuels présents au sein des classes sont aussi une source privilégiée. Leur grande diversité illustre d’ailleurs encore une fois la multiplicité de la recherche et donc des savoirs mis en jeu, notamment en français.
Il est évident que la formation initiale et continue est également une source essentielle pour les enseignants. A cela s’ajoutent des sources variées vers lesquelles les enseignants peuvent se tourner dans un souci d’améliorer leur pratique, d’approfondir leurs savoirs. Cette autoformation est par ailleurs une compétence professionnelle nécessaire au métier. On trouve ici les différentes revues scientifiques, articles de recherche mais aussi tout ce qui est relatif aux TICEs tel que les sites institutionnels ou privés.
Schneuwly et Dolz (2009) parlent aussi de savoirs sédimentés, c’est à dire de savoirs hérités qui se transmettent entre collègues malgré le fait qu’ils ne soient plus au cœur des programmes.
De la complexité de dégager une définition des savoirs, nous retiendrons la notion de compétences professionnelles définies par Perrenoud (1996), englobant l’ensemble des champs de savoirs. Par compétence, il faut comprendre la capacité de l’enseignant à mobiliser l’ensemble de ses savoirs cognitifs et affectifs dans des situations particulières.
Nous nous intéresserons dans notre recherche tout particulièrement aux savoirs de l’enseignant en termes d’évaluation et de compréhension en lecture, c’est donc à la discipline du français à laquelle nous faisons référence. Withner et Garcia-Debanc (2010) expliquent d’ailleurs qu’il est essentiel de s’intéresser directement aux savoirs propres à chaque discipline scolaire en raison d’un manque de recherche évident sur ce sujet notamment en français.
Les savoirs enseignants en compréhension en lecture
Avant d’envisager les savoirs enseignants relatifs à l’enseignement de la compréhension en lecture, il faut souligner que ce n’est que depuis la fin des années 70 que se formalise un enseignement-apprentissage de la compréhension en lecture. Jusque là cet enseignement se matérialisait par des questionnaires et ne faisait donc pas l’objet d’un apprentissage propre bien qu’il était évalué.
Par conséquent les recherches autour des compétences nécessaires à l’enseignement de la compréhension en lecture sont récentes et restent largement à étudier.
Les savoirs enseignants en compréhension ne sont pas clairement déterminés par les chercheurs ou encore discutés. Cependant nous pouvons en dégager certains, essentiels, qui sont aussi mobilisés par l’enseignant dans d’autres apprentissages. Cela est d’autant plus vrai que l’enseignement de la compréhension n’est pas limité à une discipline, le français, mais peut être mobilisé dans tout enseignement.
Nous mettrons donc en avant les gestes professionnels nécessaires au bon enseignement de la compréhension en lecture.
Afin d’ordonner notre réflexion nous traiterons d’abord des savoirs que l’enseignant mobilise avant la mise en place de situations d’apprentissages, au cours de celles-ci puis en aval.
En amont l’enseignant doit posséder plusieurs savoirs.
Tout d’abord des savoirs issus des textes officiels, en particulier des programmes. Le bulletin officiel de 2008 relatif au français au cycle 3 précise que « l’étude des textes, et en particulier des textes littéraires, vise à développer les capacités de compréhension. La lecture continue à faire l’objet d’un apprentissage systématique :
– automatisation de la reconnaissance des mots, lecture aisée de mots irréguliers et rares, augmentation de la rapidité et de l’efficacité de la lecture silencieuse ;
– compréhension des phrases ;
– compréhension de textes scolaires (énoncés de problèmes, consignes, leçons et exercices des manuels) ;
– compréhension de textes informatifs et documentaires ;
– compréhension de textes littéraires (récits, descriptions, dialogues, poèmes) ;
L’élève apprend à comprendre le sens d’un texte en en reformulant l’essentiel et en répondant à des questions le concernant.
Cette compréhension s’appuie sur le repérage des principaux éléments du texte (par exemple, le sujet d’un texte documentaire, les personnages et les événements d’un récit), mais aussi sur son analyse précise. Celle-ci consiste principalement en l’observation des traits distinctifs qui donnent au texte sa cohérence : titre, organisation en phrases et en paragraphes, rôle de la ponctuation et des mots de liaison, usage des pronoms, temps verbaux, champs lexicaux. » L’enseignant doit donc avoir des connaissances solides sur les apprentissages qu’il souhaite transmettre à ses élèves.
Il est aussi essentiel que l’enseignant connaisse les différents profils d’élèves qui composent sa classe. A partir des compétences exposées à travers la définition de la compréhension, des auteurs ont définis plusieurs profils que nous exposerons en troisième sous-partie. Ces profils doivent être connus des enseignants pour mieux enseigner et mieux évaluer.
A cela s’ajoute la nécessité pour lui d’avoir des connaissances en psychologie cognitive, c’est à dire qu’il doit avoir des notions sur les différents stades de développement de l’enfant. En cela il pourra proposer des apprentissages adaptés situés dans la zone proximale de développement que Vygotsky, cité par Bodrova et Leong (2011, p 62) définit comme « la distance entre le niveau de développement actuel (la résolution indépendante de problèmes), et le niveau de développement potentiel (la résolution de problèmes supervisée par un adulte ou en collaboration avec des pairs plus habiles) ». Connaître l’élève, ses capacités, permettra à l’enseignant de placer l’élève dans des situations motivantes où il s’impliquera plus facilement.
Prévoir les différentes modalités d’apprentissage, différents supports, prendre en compte le contexte et le climat de classe l’aidera aussi à adapter ses activités au mieux des capacités de chacun de ses élèves.
Déterminer des objectifs clairs d’apprentissage, les programmer au sein de progression, concevoir des séquences d’enseignements réfléchies fait également partie des savoirs essentiels nécessaires à tout enseignement.
Au cours du déroulement des situations d’apprentissage, l’enseignant exerce d’autres savoirs.
En effet il doit placer l’élève en situation de réussite, c’est à dire valoriser ses différentes activités, il doit le rassurer, le motiver, l’investir dans la tâche donnée, en ayant une posture bienveillante. Pour cela il est aussi important de donner du sens à cette tâche, de la contextualiser, de l’expliciter, l’élève doit comprendre pourquoi il l’effectue. Pour garder sa motivation intacte l’enseignant doit pouvoir différencier ses apprentissages, étayer l’aide qu’il peut apporter à ses élèves afin de maintenir chacun d’entre eux dans sa zone proximale de développement.
L’enseignant doit savoir remettre en question ses pratiques prévues initialement s’il constate que ses préparations étaient inadéquates au niveau de ses élèves, qu’elles soient trop facilement réalisées ou à l’inverse trop difficilement atteignables. L’enseignant doit avoir continuellement un regard critique sur sa pratique.
Il doit considérer les élèves dans leur globalité, il ne doit pas les envisager uniquement d’un point de vue cognitif mais aussi d’un point de vue socio-affectif. Autrement dit, l’enseignant doit prendre en compte le contexte de l’élève en dehors et dans l’école, sa personnalité, ses goûts, ses envies pour pouvoir au mieux adapter son enseignement.
En aval de ces moments d’apprentissage l’enseignant doit adopter une posture réflexive sur le déroulement de ses différentes activités. Si elles ont posé des problèmes, il doit être capable de déterminer l’origine de erreurs rencontrées, il ne suffit pas uniquement de les identifier. En effet cela doit lui permettre de faire évoluer sa pratique et de proposer, a posteriori, de la remédiation à ses élèves.
Dans le cadre précis de la compréhension en lecture l’enseignant doit savoir varier les modalités de travail (individuel, groupe, collectif), proposer des tâches diverses que nous étudierons plus longuement lorsque nous développerons la démarche de l’enseignement explicite. Elles peuvent prendre la forme de différents types de lecture (collectives, haute voix, silencieuse, émanant du professeur…) sur différents types de texte, elles peuvent aussi allier texte et images. L’enseignant ne doit pas sous estimer l’interaction entre élèves ni les activités de discussions que ce soit entre élèves ou individuelles. En effet elles permettent aux élèves d’expliciter les procédures qu’ils ont mobilisées et les rendre plus lisibles à l’enseignant.
Les savoirs enseignants en évaluation
Comme nous l’avons déjà précisé, l’observation est au cœur des pratiques enseignantes et ne doit pas se contenter de se cantonner à des temps d’évaluation formalisés. L’enseignant par l’observation évalue continuellement.
Le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation détermine ce qui est attendu des enseignants en matière d’évaluation sous l’item :
« P5 Évaluer les progrès et les acquisitions des élèves :
– En situation d’apprentissage, repérer les difficultés des élèves afin de mieux assurer la progression des apprentissages.
– Construire et utiliser des outils permettant l’évaluation des besoins, des progrès et du degré d’acquisition des savoirs et des compétences.
– Analyser les réussites et les erreurs, concevoir et mettre en œuvre des activités de remédiation et de consolidation des acquis.
– Faire comprendre aux élèves les principes de l’évaluation afin de développer leurs capacités d’auto-évaluation.
– Communiquer aux élèves et aux parents les résultats attendus au regard des objectifs et des repères contenus dans les programmes.
– Inscrire l’évaluation des progrès et des acquis des élèves dans une perspective de réussite de leur projet d’orientation. »
L’enseignant doit donc faire un travail de conception de l’évaluation, d’identification et d’interprétation des erreurs pour pouvoir apporter une remédiation adaptée aux besoins de ses élèves. Il doit aussi leur permettre de prendre conscience que l’évaluation doit les aider à avoir un esprit critique sur leurs connaissances. En favorisant l’auto-évaluation, il doit permettre aux élèves d’acquérir leur autonomie.
Peu de recherches ont été faites sur les savoirs enseignants en matière d’évaluation. Néanmoins, Jorro (2000) détermine quatre postures de l’enseignant-évaluateur traduisant des savoirs d’actions que les enseignants s’approprient.
Elle décrit en premier lieu la posture «de contrôleur » (Jorro, 2000, p.35) selon laquelle l’intérêt de l’enseignant se concentre uniquement sur les résultats. Les activités qu’il propose sont de nature répétitive et l’enseignement est délivré de manière unilatérale. Elle 25 explique que «l’œil » et « la voix » (Jorro, 2000, p.35) sont des symboles de cette posture en ce qu’ils lui permettent d’inspecter et d’ordonner tout en gardant une certaine distance par rapport aux élèves. Les propos de l’enseignant dans cette posture sont le plus souvent binaires et sont symptomatiques de la logique réussite/échec dans laquelle il se situe. Lorsqu’il occupe cette posture, l’enseignant propose souvent des évaluations sommatives plus difficiles que les exercices qu’il a proposés. L’élève occupe alors une posture passive.
En deuxième lieu, elle évoque la posture de « pisteur-talonneur » (Jorro, 2000, p.36), d’entraîneur. La pédagogie par objectifs illustre cette posture dans la mesure où l’enseignant établit une progression, fixe des objectifs intermédiaires et globaux, essaie d’anticiper les comportements de ses élèves. Il est présent pour apporter une remédiation lorsqu’elle est nécessaire afin que ses objectifs prévisionnels soient atteints. Par le biais d’évaluations diagnostiques, il vérifie que les pré-requis nécessaires à son enseignement sont maîtrisés. L’enseignant dans cette posture trace le chemin que l’élève doit emprunter et évalue continuellement les apprentissages pour que celui-ci atteigne les objectifs fixés.
En troisième lieu elle fait référence à la posture « de conseiller » (Jorro, 2000, p.38). Ici, l’enseignant est un véritable didacticien. En cela, il confère une grande importance aux situations d’apprentissage qu’il propose pour que l’élève puisse lui-même construire ses compétences. Les démarches des élèves sont au cœur de son « écoute » (Jorro, 2000, p.38) afin qu’il puisse être en mesure d’individualiser les conseils qu’il délivre. Les élèves font face à des situations problèmes qu’ils ont à résoudre. Puisque cette posture marque son « savoir d’expert » (Jorro, 2000, p.39) dans la discipline enseignée, l’enseignant est en mesure de proposer des dispositifs de différenciation précis et adaptés pour chacun de ses élèves. L’auto-évaluation est encouragée pour développer le regard réflexif de l’élève sur ce qu’il apprend. Les évaluations formatives sont évidemment pensées par l’enseignant, on comprend alors que l’erreur est « formative » pour l’élève, c’est elle qui lui permet d’avancer. Elle ne sanctionne plus négativement les élèves mais elle leur est utile car elle leur permet notamment d’expliciter les procédures utilisées avec le maître pour comprendre son origine. L’enseignant qui se place dans cette posture évaluative évalue aussi sa propre pratique. Elle explique qu’il prend en compte les erreurs commises par les élèves pour repenser sa pratique et préciser ses interventions.
Enfin, la quatrième posture décrite par l’auteur est celle du «consultant » (Jorro, 2000, p.39). Ici, l’enseignant fait en sorte que les élèves donnent du sens à ce qu’ils font en restant en retrait pour que les élèves parviennent à s’émanciper peu à peu. La transmission d’une pensée réflexive marque son rapport au métier, elle explique qu’il favorise la parole questionnante des élèves. L’enseignant accorde une place importante au monde dans lequel vit l’élève, il prend en compte ses particularités et singularités afin de tisser des liens entre le mode de vie des élèves, leur culture et l’école. Les situations-projet sont favorisées par cet enseignant.
Elle constate donc qu’il existe quatre postures d’enseignant-évaluateur. Ses recherches l’ont alors amenée à concevoir la posture qui serait idéale pour l’enseignant-évaluateur, celle de « l’ami critique » (Jorro, 2005). Cet « ami critique » maîtrise cinq gestes évaluatifs lui permettant d’agir d’évaluer dans la bienveillance et l’exigence :
– il définit clairement l’objet de son évaluation ce qui montre bien qu’il a pensé son enseignement de manière réflexive et problématisée
– il établit un référentiel réaliste des compétences attendues par les élèves. L’objectif ici n’est pas d’attendre des élèves l’excellence mais de permettre à l’enseignant de pouvoir confronter le niveau effectif des élèves à celui qu’ils devraient pouvoir atteindre
– il interprète alors, grâce à son référentiel, le travail de ses élèves en portant attention aux termes employés et en replaçant toute activité dans son contexte pour être le plus juste possible
– il est présent pour conseiller les élèves et est toujours à l’écoute. Il aide les élèves à prendre conscience des stratégies qu’ils développent afin que ceux-ci puissent surmonter les obstacles auxquels ils font face
– il communique avec les élèves autour des résultats des évaluations par le biais de « feed back ». Elle constate que ces retours facilitent grandement l’auto-régulation de l’activité des élèves lorsqu’ils sont portés sur l’analyse conjointe de l’origine de l’erreur de l’élève et non pas sur une nouvelle explication de la notion étudiée.
En développant ces cinq gestes l’enseignant-évaluateur permet aux élèves de devenir progressivement autonomes et évite tout jugement de valeurs dont on connaît les impacts négatifs en termes d’image de soi et de l’institution scolaire.
Jorro (2006) pointe du doigt le manque de formation professionnelle des enseignants en terme d’évaluation ce qui peut conduire à son évitement ou à ne pas la penser à sa juste valeur. Elle considère qu’il faudrait davantage associer les enseignants et les formateurs autour de cette question en partant de la pratique du terrain pour que le formateur devienne « l’ami critique » de l’enseignant en formation et lui permettre d’acquérir les savoirs enseignants en la matière qui peuvent lui faire défaut.
Au vu de cette mise au point théorique relative aux savoirs enseignants en termes d’évaluation et de compréhension en lecture et après avoir dégagé les compétences nécessaires aux élèves en compréhension mais aussi lors des évaluations, il nous a semblé important de comprendre comment enseigner concrètement cette compréhension en lecture pour donner du sens à son évaluation.
L’enseignement explicite
Cèbe, Goigoux et Thomazet (2004) ainsi que Van Grunderbeeck et de Payette (2007) font le même constat, l’enseignement des stratégies d’enseignement de la compréhension n’est pas assez développé. Beaucoup d’enseignants consacrent le temps de lecture à donner des directives et à évaluer les élèves par des questions sur le texte.
Les auteurs proposent d’aller plus loin que le fait de poser des questions ou de faire répéter les tâches de lecture par les élèves. Ils développent l’idée d’un enseignement explicite pour pallier aux difficultés propres à la compréhension.
La démarche de l’enseignement explicite
L’enseignement explicite a pour but de rendre transparent les processus cognitifs nécessaires à la compréhension en lecture et de développer l’autonomie des élèves dans la recherche de sens. Cet enseignement est mis en avant par de nombreux chercheurs qui s’accordent tous sur le rôle essentiel joué par l’enseignant au cours de cette démarche ainsi que sur l’élève acteur de son apprentissage. En effet, ils placent l’enseignant au cœur de l’apprentissage dans ces pratiques pédagogiques. Il doit être un guide pour l’élève dans son activité intellectuelle, l’enseignant doit amener l’élève à réfléchir sur son raisonnement. Il 28l’aide à prendre conscience de ses difficultés pour accéder au sens du texte.
De nombreux auteurs ont décrit cet enseignement de manières différentes mais Giasson (2013) définit des étapes essentielles et communes à tous. L’enseignement explicite repose donc sur une démarche en plusieurs étapes qui permettent au lecteur de d’accéder graduellement à son autonomie dans la construction de sens.
La première étape consiste à définir les stratégies et expliquer leur utilité. Les lecteurs doivent comprendre comment et pourquoi telle ou telle stratégie leur sera utile pour comprendre un texte. L’enseignant doit expliciter clairement aux élèves les activités qui vont être faites, pourquoi il procède d’une façon ou d’une autre, quels sont les objectifs à atteindre, pourquoi la stratégie enseignée leurs sera utile et quand ils pourront l’appliquer. Certains auteurs ont montré l’importance de valoriser la stratégie. Cette valorisation peut permettre à l’élève de penser à l’utiliser en dehors du cadre dans lequel il l’applique habituellement.
Dans un deuxième temps, l’enseignant doit rendre transparent les processus cognitifs pendant l’acte de lecture. Il doit expliquer ce qui se passe dans la tête d’un bon lecteur pendant la lecture d’un texte. Les processus doivent être illustrés par l’enseignant qui sert alors de modèle aux élèves mauvais lecteurs. Cette illustration est réalisée grâce à des exemples sur des textes lus collectivement. Lors de la lecture d’un texte l’enseignant va faire des pauses et expliquer aux élèves comment il fait pour comprendre la signification d’un mot ou le déroulement d’un événement. Il donne les indices, les éléments qui le mettent sur la voie au fil de la lecture.
L’interaction avec l’élève constitue une troisième étape. Les interactions permettent à l’enseignant de laisser l’élève choisir sa stratégie tout en le guidant en lui donnant des indices. L’aide étayée de l’enseignant est de moins en moins importante à mesure que l’élève maîtrise les processus cognitifs qui lui permettent de comprendre un texte. Le professeur doit donc s’adapter en fonction des difficultés de ses élèves. Le lecteur est amené à maîtriser sa stratégie pour pouvoir la réinvestir. Au cours de la discussion l’enseignant explique à l’élève pourquoi sa réponse est bonne ou mauvaise et non si la réponse est la bonne ou la mauvaise. L’interaction peut également avoir lieu entre les élèves, en petits groupes. Les échanges entre élèves sont en effet essentiels et efficaces pour une meilleure compréhension. Le travail de groupe permet aux élève de voir quelles stratégies utilisent les autres, de les confronter et de modifier leurs conceptions.
La quatrième étape consiste à laisser l’élève choisir sa stratégie, il doit décider seul quelle stratégie mettre en place. Le professeur veille à ce que la stratégie choisie soit efficace, il guide les lecteurs en difficulté. Après quelques lectures en autonomie avec utilisation de stratégies une mise en commun est effectuée. Elle sert à prévenir des utilisations inefficaces de stratégies.
Enfin une dernière étape consiste à ce que le professeur s’assure que les stratégies soient appliquées par les élèves pour toutes les lectures qu’ils feront, même en dehors de l’école. Il les incite à appliquer les stratégies apprises pour toutes leurs lectures, mêmes personnelles. Il doit veiller à ce que les élèves sachent quand utiliser la bonne stratégie en fonction du type de texte auquel ils sont confrontés.
Les stratégies enseignées doivent permettre aux lecteurs de savoir quoi faire, pourquoi ils le font, comment ils vont le faire et quand ils vont l’appliquer. Ces étapes permettent donc à l’enseignant de guider l’élève pour qu’il soit ensuite autonome en compréhension. L’élève est actif de son apprentissage et de ses progrès en donnant sens à ce qu’il fait. Le professeur doit pouvoir s’adapter en fonction des problèmes rencontrés. La tâche de lecture est donnée dans son entier dès le début de la démarche, l’enseignant doit donner toutes les aides dès le début pour que l’élève puisse réaliser la tâche dans sa totalité.
Les principales mises en œuvres
L’enseignement explicite débouche sur diverses mises en activités mais il en existe deux essentielles selon Cèbe, Goigoux et Thomazet (2004), le questionnaire et le résumé.
Les auteurs montrent que la résolution d’un questionnaire génère des difficultés qui ne se réduisent pas à la seule compréhension du texte. Ils constatent que si les élèves passent beaucoup de temps à répondre à des questionnaires, ils en passent très peu à apprendre à le faire. Pour répondre aux questions les élèves faibles lecteurs ne cherchent pas automatiquement à comprendre le sens du texte. Ils repèrent des mots-clés ou des indices qui pourraient leur donner la bonne réponse, ils n’ont pas une compréhension fine du texte. Ces lecteurs échouent donc à répondre aux questions qui nécessitent de faire des inférences.
C’est pourquoi, les auteurs insistent sur l’importance d’apprendre à traiter les questionnaires de lecture en tant que tâches spécifiques de l’univers scolaire. Les auteurs insistent sur l’idée selon laquelle la résolution d’un questionnaire doit faire l’objet d’un apprentissage préalable des stratégies qui permettent de le traiter. Ils doivent construire les compétences qui leur permettront de répondre correctement à un questionnaire. Les élèves doivent comprendre l’utilité du questionnaire dans l’acte de lecture, et se rendre compte qu’il peut les aider à interroger, à préparer le texte, à prendre le contrôle sur leur activité. Il faut que l’enseignant leur fasse comprendre qu’un questionnaire peut les aider à améliorer la compréhension d’un texte, que ce n’est pas uniquement un moyen d’évaluation.
Ces auteurs donnent des pistes d’activités permettant aux enseignants d’expliciter les procédures à mettre en place par les élèves selon les types de texte et de questions auxquels ils sont confrontés. Ces activités débouchent sur la mise en place d’une typologie des questions avec les élèves. Dans un premier temps l’enseignant donne les questions avant la lecture du texte, cela va permettre aux élèves de se préparer pour la lecture, de construire le contrôle de l’activité. En effet, la lecture des questions par le professeur va entraîner des hypothèses sur le contenu du texte et sur les connaissances attendues, ce qui va permettre à l’élève de planifier son activité. Dans une seconde étape les élèves vont lire un texte puis les questions et les réponses en rapport avec ce texte. Cette activité permet aux élèves de revenir sur le texte et de chercher les indices qui permettent de répondre. Elle est également utile pour faire comprendre aux élèves que toutes les réponses ne sont pas écrites dans un texte, certaines nécessitent de faire des inférences. Le professeur présente divers moyens qui permettent de répondre aux questions.
Au cours de ces activités les lecteurs ont pu constater qu’il existait différents types de question et ainsi différentes procédures pour y répondre. Avec l’aide de l’enseignant ils vont établir une typologie des questions qu’ils pourront utiliser pour les lectures futures. Il existe trois types de questions : celles dont les réponses sont écrites exactement dans le texte ; les questions dont les réponses nécessitent une reformulation ; et enfin les questions dont les réponses nécessitent de faire des inférences. Chaque type de questions nécessite une procédure différente : recopier le texte, le reformuler, relever des indices ou utiliser des connaissances ultérieures.
Selon les auteurs, résumer et synthétiser sont également des activités essentielles auxquelles il convient de confronter le lecteur. Pour ce faire, les auteurs proposent de prendre appui sur le résumé, qui ne doit pas être considéré comme un objet à enseigner mais un outil favorisant synthèses, organisation en mémoire des informations lues et incitant à une auto évaluation de la compréhension. Le résumé peut être utilisé comme outil pour la compréhension puisqu’il permet d’organiser les connaissances et de construire une intention de lecture. Un résumé se caractérise par un maintien de l’équivalence des informations, une économie de moyen et une adaptation à la situation dans lequel il est réalisé. Le résumé repose sur l’idée d’information importante, d’idée principale dans un texte. Il existe deux types d’informations importantes : celles qui le sont textuellement c’est-à-dire celles que l’auteur présente comme importantes et celle qui le sont contextuellement c’est-à-dire d’après l’intention de lecture du lecteur. Cette notion d’information importante est difficile pour les lecteurs faibles. En effet, ils ont tendance à considérer comme importantes les informations qui les intéressent personnellement. Si il n’est pas travaillé avec les faibles lecteurs le résumé sera donc subjectif.
Les caractéristiques principales du résumé doivent être assimilées par les élèves progressivement au cours des activités avec l’enseignant. Il faut que les élèves sachent ce qu’est un bon résumé. Les auteurs conseillent dans un premier temps de donner plusieurs résumés aux choix d’un texte déjà connu et travaillé par les élèves. Ces derniers doivent trouver quel est le bon résumé et le justifier. Cette verbalisation permet au professeur d’établir la règle au fil de l’activité. Une fiche d’aide guidera les élèves dans les activités futures. Une fois la notion de résumé travaillée et comprise par les élèves, l’enseignant peut mettre en avant qu’il peut être utilisé pour toutes les disciplines de l’école. Le professeur peut alors le travailler pendant d’autres leçons pour réactiver la notion et faire comprendre aux élèves que c’est un outil important qui ne leur servira pas uniquement en lecture à l’école. Cet outil est utile pour la compréhension d’autres leçons et peut créer une intention de lecture en créant des attentes et en organisant les informations lors de la lecture. Il est important que l’enseignant discute de son intérêt pour que les élèves pensent à le réutiliser et puisse l’assimiler correctement. Il peut l’utiliser au cours de leçons en donnant un résumé avant et ensuite demander aux élèves ce que cela leur a apporté. Ils vont alors formuler l’intérêt du résumé. L’assimilation de la notion de résumé se poursuit en travaillant sur des résumés de textes déjà connus par les élèves. Ils doivent réinvestir ce qu’ils ont déjà vu en ordonnant des résumés, en les améliorant, en détectant des incohérences. Là encore ils doivent justifier leurs choix pour compléter la fiche réalisée précédemment. Petit à petit les élèves sont amenés à construire un résumé, ils sont incités à repérer individuellement les informations importantes. L’enseignant confronte ensuite les différents travaux. Puis il leur demande de reformuler les informations. Une fois le travail de reformulation maîtrisé (après quelques entraînements) par les élèves le professeur les laisse rédiger leur résumé.
Le résumé est donc une notion essentielle à travailler avec les élèves selon les auteurs puisque pour effectuer ce travail un lecteur doit avoir une compréhension fine d’un texte, il doit comprendre l’enchaînement des événements et classer les informations les unes par rapport aux autres. Une fois que l’enseignant estime que la notion est maîtrisée par les élèves il peut s’en servir pour évaluer la compréhension d’un texte.
Tacit, un outil numérique, conçu pour s’adapter aux différents profils de lecteurs
Cet enseignement explicite doit être adapté aux différents profils de lecteurs, il est essentiel de les déterminer pour adapter au mieux son enseignement et mieux évaluer. Dans cette optique, le logiciel Tacit a été élaboré par des chercheurs de l’université Rennes 2.
Identification des différents profils de lecteurs
Van Grunderbeeck et Payette (2007) ont recoupé des études réalisées par différents chercheurs sur les difficultés que rencontrent les élèves en compréhension en lecture. Elles tentent de mettre en évidence les différences entre les bons et les mauvais lecteurs.
Smith (1991), Loridant (1993) Gersten (1998), Martel (2004), Mc Cormick (2004) montrent que les bons lecteurs utilisent davantage de stratégies de lecture notamment des stratégies métacognitives, autrement dit, ils gèrent et régulent mieux leur compréhension en lecture. Ils recourent plus facilement à leurs connaissances antérieures et possèdent des compétences lexicales plus vastes.
Ainsi se dessine un portrait du faible lecteur : il manque de compétences linguistiques, textuelles, référentielles ; il utilise peu de stratégies de lecture, son contexte affectif est peu propice à l’apprentissage et il a des faiblesses en écriture.
Cependant pour les auteurs il ne suffit pas de définir les distinctions entre bons et 33 faibles lecteurs. Il est essentiel d’étudier les faibles lecteurs entre eux et de tenter de définir des profils plus précis.
A partir des données de la première étude de Van Grunderbeeck, Théorêt, Chouinard, Cartier et Garon (2003) qui avait pour but de déterminer quelles sont les difficultés des faibles lecteurs qui entament le secondaire, une deuxième étude (Payette, 2004) a été réalisée dans le but d’affiner les profils des faibles lecteurs et de mieux cibler les défaillances en termes d’habilités de lecture de chacun d’entre eux. Deux questions ont conduit cette étude, quels sont les processus utilisés ou non par les faibles lecteurs et quelles différences d’utilisation de ces processus existent-ils entre eux.
Ils ont mis en place une grille d’évaluation ciblant les sous-processus d’Irwin (excepté les processus métacognitifs).
Les auteurs constatent tout d’abord une faible capacité chez les faibles lecteurs à faire des inférences et à utiliser des processus d’élaboration. Ils arrivent après regroupement à dégager cinq profils de faibles lecteurs. Un groupe utilise surtout les microprocessus en négligeant tous les autres processus, leur mémoire vite saturée les limite dans l’étude du texte. Un deuxième groupe montre des bonnes capacités de compréhension des textes, ils maîtrisent l’utilisation macroprocessus et les processus d’intégration (inférences), ils éprouvent des difficultés métacognitives qui s’illustrent par des difficultés à verbaliser leur démarche et à justifier leur proposition. Un troisième groupe montre des difficultés à produire des inférences à construire des liens implicites. Un quatrième groupe utilise surtout les macroprocessus le conduisant à faire un traitement trop schématique de la situation de l’énoncé à s’en faire une idée trop globale et très peu détaillée, enfin le dernier groupe peut se définir selon un trait de caractère, celui de vouloir répondre au maximum de questions même sans en connaître la réponse d’où un nombre d’erreurs importantes.
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Table des matières
1. Introduction
2. L’évaluation des compétences en lecture
2.1 L’évaluation
2.1.1Éléments de définition
2.1.2Des facteurs influençant l’évaluation
2.2 Les compétences des élèves en lecture
2.2.1 Une définition de la compréhension en lecture
2.2.2 Les variables du modèle de compréhension par Jocelyne Giasson
2.2.3 Les compétences simultanées requises pour comprendre
2.3 Savoirs enseignants autour de l’évaluation et de la compréhension en lecture
2.3.1 La notion de savoirs
2.3.2 Les savoirs enseignants en compréhension en lecture
2.3.3 Les savoirs enseignants en évaluation
3. L’enseignement explicite
3.1 La démarche de l’enseignement explicite
3.2 Les principales mises en œuvres
4. Tacit, un outil numérique, conçu pour s’adapter aux différents profils de lecteurs
4.1 Identification des différents profils de lecteurs
4.2 L’outil numérique : Tacit
5. Aspects méthodologiques
5.1 Cadre général de la recherche
5.2 Méthodes de recueil de données
5.2.1 Recueil de donnés et évolution
5.2.2 Élaboration et justification des modes de recueil de données choisi
5.2.3 Phases de l’analyse
6. Analyse
6.1 Analyses préalables à l’expérience Tacit
6.1.1 Présentation et analyse de l’enseignement et de l’évaluation de la compréhension en lecture proposés par l’enseignante
6.1.1.1 La formation de l’enseignante en compréhension en lecture.
6.1.1.2 L’enseignement proposé et les difficultés rencontrées
6.1.1.3 L’évaluation de la compréhension en lecture
6.1.2 L’élaboration des profils de lecteur de ses élèves
6.1.2.1 Les profils de lecteurs dégagés par l’enseignante
6.1.2.2 Analyses des travaux des élèves en classe et de leurs bilans trimestriels
6.1.2.3 Confrontation des profils avec les résultats de l’évaluation diagnostique de Tacit
6.2 L’expérience Tacit
6.2.1 Analyse des résultats
6.2.1.1Les types d’inférences rencontrées par les élèves au cours de l’expérience
6.2.1.2 Les résultats obtenus par les élèves en évaluations et en entraînements
6.2.1.3 Origine de leurs erreurs et proposition de profils précis de lecteur en implicite
6.2.1.4 Confrontation des profils précis issus de Tacit et de M1 en implicite
6.2.2 Apports dégagés de l’outil Tacit
6.2.2.1 Un climat propice aux apprentissages
6.2.2.2 Un enseignement de l’explicite facilité
6.2.3 Discussions autour de l’outil Tacit
7. Retour sur expérience
7.1 De nombreuses difficultés rencontrées
7.2 Une expérience formatrice
8. Conclusion
9. Bibliographie
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