Le prélèvement à caractère fiscal
Le prélèvement fiscal est destiné d’une part à alimenter le trésor public, de ce fait, il est perçu au profit de l’état, des collectivités locales, des établissements publics à caractère administratif, et d’autre part à en redistribuer une partie sous forme d’aides diverses aux plus défavorisés et à ceux que le régime veut favoriser. Comme définition possible de l’impôt, on peut retenir celle donné » par M.Mehl » l’impôt est un prélèvement pécuniaire, requise des personnes physiques ou morales de droit privé et, éventuellement, de droit public, d’après leur facultés contributives, par voie d’autorité, à titre définitif et sans contrepartie déterminée, en vue de la couverture des charges publiques de l’état et ses autres collectivités territoriales, ou de l’intervention de la puissances publique ». Il y a donc absence totale de toute notion de contrepartie directe en matière d’impôt. C’est précisément ce qui différencie l’impôt des autres prélèvements tel que la taxe, les taxes parafiscales et les redevances qui sont perçue à l’occasion d’un service rendu, ou prélevés dans un but économique, social et professionnel au profit des personnes morales de droit public et privées autres que l’Etat et les collectivités locales : CNSS, la mutuelle, ordres des avocats…etc.
Le rôle financier
Avec les finances publiques modernes au règne de l’interventionnisme étatique, ce rôle a repris une place importante, car l’Etat, dans ces actions, s’appuis essentiellement sur les fonds. Pour un équilibre général, l’Etat par le biais de l’instrument fiscale, doit être financé suffisamment en réalisant une rentabilité financière importante, pour cela il faut que l’ensemble du système fiscale présente des qualités obligatoires :
*La généralité : L’impôt doit toucher tous les citoyens, toutes les capacités contributives, toutes les matières imposables et toutes les assiettes fiscales possibles.
*La pluralité : Le devoir d’imposer toutes les assiettes fiscales possibles, par le moyen de plusieurs impôts, car seule la multiplicité pourra nous satisfaire une rentabilité financière accrue.
*L’automaticité : L’augmentation du taux de l’impôt engendre automatiquement, l’accroissement de la rentabilité d’impôt.
*La stabilité et l’élasticité :Un système fiscal, pour être productif doit comprendre des impôts stables qui garantissent des recettes et des ressources constantes, non soumises à la conjoncture économique et des impôts élastiques qui permettent une rentabilité en corrélation avec la conjoncture économique. En somme, l’impôt joue un rôle financier important qui permet à l’Etat de remédier aux inégalités socio-économiques que crée le libéralisme sauvage.
Le rôle social : La justice fiscale
Il faut dire que la définition de la notion de justice fiscale est difficile dans la mesure où elle change dans le temps et dans l’espace. C’est pour cela qu’on tente de faire une analyse du rôle social de l’impôt, afin d’éclaircir cette notion, ceci à travers deux niveaux :
*L’égalité devant l’impôt : C’est-à-dire la participation de tous et de chacun à l’effort fiscale selon le principe de la capacité contributive. L’article 5 et 17 de notre constitution posent ce principe, mais en réalité cette égalité n’est pas appliquée dans le système fiscal, cette inapplication peut engendrer d’autres inégalités qui aggravent celles existantes en matière de répartition du revenu national. Cette absence d’encadrement nuit énormément au principe de l’égalité devant l’impôt qui devient vicié et vidé de son sens et sa portée constitutive. On peut justifier ce disfonctionnement par des réalités éclatantes d’abord :
– la domination de l’imposition indirect : Ce phénomène reflète bien le désintéressement, voire la négligence de la justice fiscale marocaine, car 70 % des recettes fiscales proviennent des impôts indirectes qui sont supportés enfin de compte par le consommateur final, ce qui touche négativement les détenteurs des revenus moyens et faibles, même les sans revenus.
– l’application restreinte de la retenue à la source : L’application de cette technique seulement aux salariés et aux fonctionnaires nuit énormément au principe de l’égalité, C’est une technique non généralisée à toutes les catégories socioprofessionnelles. Cette non généralisation permet aux autres contribuables qui sont soumis au système déclaratif de frauder, alors que les autres, c’est un tiers qui calcule, déclare et collecte l’impôt et le verse au trésor public.
– la fraude fiscale : Elle nuit au principe de l’égalité devant l’impôt à plusieurs niveaux :
Elle constitue un manque à gagner pour l’Etat, qui dépasse 20 M. de dirhams par an.
Elle porte atteinte à la compétitivité ;
Elle fausse l’équité et la justice des impôts directes.
Paul Marie Gaudmet disait :‘’ pour que la fiscalité directe soit équitable, il faut qu’elle ne soit pas faussée par la fraude, la fraude détruit l’équité de la fiscalité directe la plus perfectionnée. ‘’
*L’égalité par l’impôt : Le souci de la justice redistributive est le projet de toute société juste et équitable. Cette redistribution résulte de l’intervention de l’Etat qui met en place des mécanismes correcteurs de l’inégalité individuelle des revenus, qui est issue de la détention des facteurs de productions. L’Etat dispose de plusieurs moyens pour réduire les inégalités socio-économiques tel que : les dépenses sociales, la politique des revenus, la politique de l’éducation et de l’enseignement, la politique de l’emploi et de la formation continue. La théorie générale de l’impôt propose plusieurs moyens pour redistribuer les revenus par la fiscalité :
– la progressivité de l’impôt en relation avec les facultés contributives : le taux augmente au fur et à mesure que le volume et le montant du revenu augmentent, afin d’arriver à une certaine égalités des sacrifices entre les différentes catégories de contribuables. Paul Marie Gaudemet disait que : ‘’ l’impôt progressif serait préconisé comme un impôt de redressement pour établir la justice fiscale au sein d’un système fiscal faussé par l’injustice de fiscalité indirecte. ‘’
– la sélectivité de l’impôt : A ce niveau on prend en considération l’origine des revenus.
– la personnalisation de l’impôt : A ce niveau on doit prendre en considération la personne contribuable, ses charges familiales et professionnelles.
– la sélectivité des impôts indirectes : la sélection se fait en fonction de la nature du besoin en exonérant les consommations et les produits de première nécessité, imposer un taux très modérés au consommation courante, un taux important pour la consommation de confort et un taux très élevés pour les consommateurs de luxe.
L’interventionnisme fiscal
1. Au lendemain de l’indépendance : Le choix d’un système où l’Etat devait jouer un rôle prépondérant semblait l’unique voie pour sortir le pays du sous-développement et c’est dans cette perspective qu’a été initiée une politique d’aide au développement fondée sur l’octroi d’avantages fiscaux. Ainsi progressivement de 1958 à 1973, le champ des activités qui allait en bénéficier s’élargit. De 1973 à 1983, -la nouveauté introduite a consisté dans la modulation des avantages en fonction de la localisation régionale en vue de favoriser un développement régional harmonieux.
2. Au début des années quatre-vingt-dix : On assiste à une tentative d’inverser la tendance en s’orientant vers une rationalisation des avantages fiscaux. Une réflexion engagée à ce sujet en 1995 a abouti à la mise en place d’une charte des investissements. Cette charte, entrée en vigueur en 1996, remplace les différents codes sectoriels qui couvraient précédemment l’essentiel des activités économiques du pays. Les avantages fiscaux sont orientés vers des activités considérées comme prioritaire ainsi que vers des régions défavorisées. Ils sont introduits dans le droit commun échappant de ce fait à toute autorisation préalable.
3. Actuellement : Un retour en arrière semble se dessiner au regard du nombre de plus en plus important de secteurs qui demandent des avantages et qui les obtiennent (Le secteur minier, secteur du tourisme, l’enseignement, la promotion immobilière…). Force est de constater que si les avantages consentis par l’Etat sont substantiels, leur efficacité reste cependant difficile à vérifier. L’interventionniste fiscal a conduit à l’élaboration d’un nouveau concept : celui de «dépenses fiscales ». Celui-ci désigne le coût résultant des dispositions fiscales à caractère dérogatoire. Ces mesures incitatives ont pour conséquence de diminuer les ressources fiscales. Elles représentent, de ce fait, une charge pour le budget de l’Etat et un allègement pour les contribuables qui en bénéficient. Si l’évaluation de ces dépenses est difficile à faire, le nombre d’exonérations accordées donne une idée globale de leur importance. D’un autre côté, on peut dire que ces incitations aggravent la complexité du système fiscal et affectent même les conditions de son équité.
La résistance à l’impôt
L’expérience montre, à travers un faisceau d’indicateurs, une certaine évolution positive du civisme fiscal au Maroc. Parmi ces indicateurs, on peut citer :
L’amélioration du nombre des déclarations et des résultats déclarés ;
L’accroissement des montants des paiements spontanés ;
L’augmentation des émissions d’impôts.
Le niveau des émissions est un indicateur de l’effort des performances des services de la direction des impôts. Elles sont le résultat de traitement des déclarations et des régularisations de la situation fiscale des contribuables suite au contrôle fiscal. Après le ralentissement de 1999 (-7,6%) suite à la mise à niveau comptable et fiscale et à la prescription fiscale anticipée, les émissions ont enregistré une augmentation de 8,1% en 2000 et 14,4% en 2001, atteignant 10,2 Milliards de DH. Malgré les améliorations constatées, une résistance à l’impôt perdure. Ainsi, nous nous sommes intéressés au comportement des contribuables pour en dresser une typologie. Celle-ci se fonde sur la possibilité de classer le contribuable marocain dans l’une des catégories suivantes :
1. Le contribuable « de base», Est celui qui recourt assez souvent au contentieux, et conteste pour contester. Il refuse l’impôt en faisant valoir le niveau élevé des taux d’imposition.
2. Le contribuable « averti » S’appuie sur les systèmes fiscaux des pays développés pour relever les imperfections de notre fiscalité et la rejeter. Adepte des comparaisons partielles, il fait abstraction du contexte local et des différences de mentalités.
3. Le contribuable « défenseur de la veuve et de l’orphelin » Est celui qui refuse de reverser l’impôt retenu invoquant le fait que les catégories sociales pour lesquels il doit opérer des prélèvements méritent des exonérations.
4. Le contribuable « solliciteur » En permanence se distingue par ses demandes incessantes d’exonérations fiscales au motif qu’il fournit des biens et services collectifs devant être pris en charge normalement par l’Etat. Cette typologie du contribuable provient du fait que la personnalité du redevable moderne, comme l’a avancé le Professeur Pierre BELTRAME, « se trouve scindée en deux : d’un coté, en tant que -citoyen- bénéficiaire des services publics, il réclame toujours plus à l’Etat et de l’autre, en tant que contribuable, il rechigne à contribuer ».
Contraintes et complexités des analyses comparatives des systèmes fiscaux
A notre connaissance, il existe très peu d’études comparatives systématiques donnant une vue d’ensemble des changements survenus dans les systèmes fiscaux des différents pays. Nombre d’études se concentrent sur un pays ou sur un thème spécifique. En règle générale, elles ne tiennent pas suffisamment compte de la dynamique internationale et temporelle globale. Les comparaisons internationales sont souvent des analyses extrêmement techniques et quantitatives quand elles ne comparent pas les aspects fiscaux essentiellement du point de vue juridique, négligeant les dimensions économique et financière. Le grand public a donc rarement accès à des informations relatives aux politiques fiscales présentées sous une forme compréhensible et synthétique. L’objet de l’étude est d’une telle complexité qu’il n’est guère possible de réaliser une étude exhaustive. Les systèmes fiscaux changent en permanence. Il est difficile de cerner la dynamique de nombreux changements isolés ou de la présenter de manière actualisée en continu. De nombreux pays ne procèdent qu’à des réformes fiscales mineures, d’ailleurs les changements de systèmes empruntent souvent la voie des petits pas intégrés dans le processus ordinaire d’établissement du budget. Il est certes capital de se concentrer sur les véritables éléments de réforme, mais l’évaluation de la pertinence se révèle souvent difficile. La faible comparabilité des systèmes fiscaux constitue un autre problème. En effet, les systèmes fiscaux sont très hétérogènes et fortement marqués par des particularités nationales. En conséquence, les comparaisons possibles sont soit très générales, soit détaillées, mais circonscrites à une question bien précise. A cela s’ajoute l’imperfection des critères utilisés pour évaluer et comparer la charge fiscale effective des sociétés et des particuliers. En outre, lors de réformes nationales et internationales, les systèmes fiscaux servent souvent les objectifs politiques les plus divers, ce qui peut entraver la procédure d’évaluation.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : les fondements du système fiscal
I/ le prélèvement à caractère fiscal
II/ le rôle de l’impôt
1. le rôle financier
2. le rôle social : La justice fiscale
3. le rôle économique de l’impôt
III/ les classifications du prélèvement fiscal
1. Impôt unique / impôt multiple
2. Impôt réel et impôt personnel
3. Impôt proportionnel et impôt progressif
4. Impôt de quotité et impôt de répartition
5. Impôts directs/impôts indirects
IV/ le choix de la matière imposable
1. Impôt sur le revenu
2. Impôt sur la dépense
3. Impôt sur le capital
Chapitre 2 : Système fiscal marocain, finalités et limites
I- L’interventionnisme fiscal
1. Au lendemain de l’indépendance
2. Au début des années quatre-vingt-dix
3. Actuellement
II – L’équité fiscale
1. L’équité horizontale
2. L’équité verticale
III- La résistance à l’impôt
1. Le contribuable « de base»
2. Le contribuable « averti »
3. Le contribuable « défenseur de la veuve et de l’orphelin »
4. Le contribuable « solliciteur »
Chapitre3 : systèmes fiscaux comparés
I- contraintes et complexités des analyses comparatives des systèmes fiscaux
II- Le choix des systèmes fiscaux à comparer à celui du Maroc
III- convergences et divergences des systèmes fiscaux étudiés
1. En matière de l’IS
2. En matière de l’IR
3. En matière de la TVA
4. En matière des tarifs douaniers
IV- Voies possibles d’amélioration du système fiscal marocain
1. Au niveau de la Taxe sur la valeur ajoutée
2. Au niveau de l’impôt sur les sociétés
3. Au niveau de l’Impôt général sur le revenu
4. Au niveau la Fiscalité locale
Conclusion
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