L’hyponatrémie est définie comme une natrémie plasmatique strictement inférieure à 135 mmol/L. C’est un trouble électrolytique fréquent et un facteur de risque de mortalité. En effet, en 2013, Corona et coll. réalisent une méta-analyse étudiant l’association entre hyponatrémie et mortalité. Quatre-vingt-une études ont inclus 850 222 patients dont 17,4 % avaient une hyponatrémie. L’hyponatrémie est retrouvée comme facteur de risque indépendant de mortalité [1]. De plus l’hyponatrémie est la cause d’une augmentation des dépenses de santé. En 2006, Boscoe et coll. estiment que le traitement de l’hyponatrémie et de ses complications a un coût entre 1,6 et 3,6 milliards d’euros par an aux États-Unis. Les principales raisons sont une augmentation de la durée de séjour hospitalier et le suivi médical nécessaire .
Plusieurs auteurs étudient l’hyponatrémie chez le patient de réanimation. En 1990, DeVita et coll. retrouvent une incidence de 29,6 % de l’hyponatrémie tandis qu’en 2010, Funk et coll. retrouvent une incidence de 17,7 % [3,4]. L’incidence de l’hyponatrémie chez les patients cérébrolésés est variable, estimée entre 11 % et 56 % [5–11]. Dans une étude de 2014, l’hyponatrémie est retrouvée comme un facteur indépendant de mortalité chez le patient avec hémorragie cérébrale .
L’HYPONATRÉMIE
Systèmes de régulations de la natrémie
En dehors des cas de fausse hyponatrémie, l’hyponatrémie traduit une hypoosmolalité plasmatique, une hypotonie plasmatique, et par diffusion d’eau, une hyperhydratation intracellulaire. Les mécanismes principaux de régulation de la natrémie sont la soif et l’action de l’hormone antidiurétique (ADH). Des neurones osmorégulateurs sont situés au niveau de l’hypothalamus et sont sensibles à la tension cellulaire due aux changements d’osmolalité plasmatique. L’activation de l’ADH est plus sensible que l’activation du système de la soif, afin d’éviter une soif permanente .
Activation de l’ADH
L’ADH est aussi appelée Vasopressine. Elle est synthétisée par les noyaux supra optiques et para ventriculaires de l’hypothalamus et libérée par l’hypophyse postérieure. La libération de l’ADH est soumise à deux mécanismes :
– l’osmorégulation : des osmorécepteurs sont sensibles à la tonicité plasmatique, et sont centraux (transient receptor potential vanilloid 1 (TRPV1)) ou périphériques (TRPV4). Ils sont activés en cas d’augmentation de tension intracellulaire, et entraînent une diminution de sécrétion d’ADH [27],
– la barorégulation : des barorécepteurs sont situés dans l’oreillette gauche, les sinus carotidiens et la crosse aortique. En cas de diminution de pression, la sécrétion d’ADH est activée .
Certaines conditions pathologiques (lésions pituitaires, syndrome paranéoplasique) entraînent aussi une libération inappropriée d’ADH (SIADH) [16]. L’ADH a une action rénale. Le tube collecteur est perméable à l’eau via des canaux spécifiques, les aquaporines (AQP). Au niveau de la membrane apicale, la réabsorption d’eau se fait par les AQP2, qui sont adressées à la membrane en réponse à l’activation des récepteurs à la vasopressine de type 2 (V2R). Par ailleurs, par les récepteurs à la vasopressine de type 1a (V1aR), l’ADH a un effet de vasoconstriction périphérique .
Soif
La soif est un mécanisme compensateur de l’hypertonie plasmatique.
Pathologies
Fausses hyponatrémies
Pseudo-hyponatrémie
Dans cette situation, l’hyponatrémie n’est qu’un artéfact lié aux techniques de mesures [30]. En effet, physiologiquement, la phase liquide du plasma représente 93 % du volume plasmatique. L’autre phase est dite « solide ». Les méthodes de mesure de la natrémie au laboratoire nécessitent une dilution préalable du plasma, avec un ajustement par un facteur de 0,93 pour obtenir la natrémie plasmatique. Si la phase « solide » est augmentée, par exemple lors de la présence d’éléments non hydrosolubles comme des lipides ou des protides, l’ajout d’un volume fixe de dilution induit une plus grande dilution relative de la phase aqueuse et donc une pseudo-hyponatrémie. Pour s’affranchir de ce biais, il faut réaliser une mesure de l’osmolalité plasmatique, qui ne nécessite pas de dilution. L’osmolalité plasmatique nous renseigne sur la tonicité plasmatique. Sa valeur normale, égale à 285 mosm/kg, permet de confirmer la pseudohyponatrémie.
Hyponatrémie non hypotonique
La membrane plasmatique permet la diffusion libre des molécules d’eau, alors qu’elle est imperméable au sodium. Certaines molécules peuvent augmenter la tonicité plasmatique comme le mannitol, le sorbitol ou la glycine ou des molécules présentes en quantité supra-physiologique comme le glucose. Il en résulte un mouvement d’eau du secteur intracellulaire au secteur intravasculaire, induisant une hyponatrémie par dilution. L’osmolalité plasmatique est normale ou augmentée alors qu’il existe une déshydratation intracellulaire .
CSWS
La physiopathologie exacte du CSWS reste incertaine. Plusieurs théories sont proposées.
Système rénine angiotensine aldostérone
La rénine est une enzyme produite et stockée au niveau rénal. Elle est libérée dans la circulation plasmatique en réponse à une diminution de la perfusion rénale. Elle active l’enzyme de conversion de l’angiotensine qui à son tour permet la production d’angiotensine II. L’angiotensine II permet la production d’aldostérone, qui mène, via l’activation d’une cascade de protéines à une réabsorption de sodium et une fuite de potassium au niveau du néphron distal [31]. Un mécanisme d’origine cérébrale semblerait induire une inactivation du système rénine angiotensine aldostérone et donc une natriurèse inadaptée [32,33]. Cette natriurèse est à l’origine d’une déplétion hydro-sodée qui entraîne une sécrétion d’ADH, la réabsorption d’eau et une majoration de l’hyponatrémie .
Peptides natriurétiques
Trois types de peptides natriurétiques pouvant être impliqués dans le CSWS sont identifiés :
– l’Atrial Natriuretic Peptide (ANP),
– le Brain Natriuretic Peptide (BNP),
– le Dendroaspis Natriuretic Peptide (DNP).
Ces peptides ont une action natriurétique, par vasodilatation artérielle rénale et donc augmentation de la filtration glomérulaire, ainsi que par inhibition de l’angiotensine. Une concentration de ces peptides natriurétiques augmentée en cas d’hyponatrémie dans le contexte de lésion cérébrale est retrouvée dans de nombreuses études. Certaines études retrouvent un augmentation du BNP [35 39], d’autres de l’ANP [40–42], et enfin du DNP [43]. Cependant, le lien direct entre leur sécrétion et la présence d’une lésion cérébrale n’a pas encore été clairement établi.
Système nerveux sympathique
Le rein a une innervation autonome qui lui est propre. Selon Peters et coll. [15], une lésion du système nerveux central peut conduire à une diminution du tonus sympathique rénal. Par conséquence, la production de rénine et d’aldostérone diminue, entrainant donc une fuite sodée. De plus, l’artériole afférente est vasoconstrictée. Il en résulte une augmentation de la filtration glomérulaire de plasma et donc une augmentation d’excrétion de sodium. Cependant, de nombreux arguments sont en faveur d’une augmentation du tonus sympathique à la phase initiale d’une lésion cérébrale (œdème pulmonaire neurogénique, myocardite adrénergique), infirmant cette hypothèse .
Hypervolémie et hypertension artérielle
Chez le patient cérébrolésé, une hypertension artérielle supra-physiologique est réalisée afin d’optimiser la perfusion cérébrale. De plus, la période périopératoire favorise un apport hydro-sodé important et donc une hypervolémie. Ces deux mécanismes sont à l’origine de l’inhibition du système rénine angiotensine aldostérone et donc de l’augmentation de la natriurèse .
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Table des matières
I. REMERCIEMENTS
II. TABLE DES MATIÈRES
III. ABRÉVIATIONS
IV. INTRODUCTION
V. L’HYPONATRÉMIE
A. SYSTÈMES DE RÉGULATIONS DE LA NATRÉMIE
1. Activation de l’ADH
2. Soif
B. PATHOLOGIES
1. Fausses hyponatrémies
a) Pseudo-hyponatrémie
b) Hyponatrémie non hypotonique
2. CSWS
a) Système rénine angiotensine aldostérone
b) Peptides natriurétiques
c) Système nerveux sympathique
d) Hypervolémie et hypertension artérielle
3. SIADH
C. CONSÉQUENCES DE L’HYPONATRÉMIE
1. Lésions cérébrales
2. Clinique
D. MYÉLINOLYSE CENTROPONTINE
1. Physiopathologie
2. Diagnostic
3. Traitement
E. PRINCIPE DES TRAITEMENTS DE L’HYPONATRÉMIE
1. Vitesse de correction de l’hyponatrémie
2. Bolus NaCl 3 %
3. Traitement spécifique des fausses hyponatrémies
a) Pseudo-hyponatrémie
b) Hyponatrémie non hypotonique
4. Traitement spécifique du SIADH
a) Restriction Hydrique
b) Urée
(1) Effet osmotique
(2) Effet diurétique
c) Antagonistes des récepteurs à la vasopressine (VRAs)
5. Traitement spécifique du CSWS
a) Réhydratation
b) Désoxycortone (Syncortyl)
VI. MATÉRIEL ET MÉTHODES
A. DURÉE DE L’ÉTUDE
B. CRITÈRES DE JUGEMENT
1. Critère de jugement principal
2. Critères de jugement secondaires
C. POPULATION
D. ÉLABORATION DU PROTOCOLE
1. Élaboration de l’arbre diagnostique d’une hyponatrémie
2. Élaboration du guide de traitement et de surveillance de l’hyponatrémie
a) Traitement et surveillance du CSWS
(1) Présence de symptômes sévères
(2) Présence de symptômes modérés
(3) Hyponatrémie asymptomatique
b) Traitement et surveillance du SIADH
(1) Traitement d’urgence et surveillance de la natrémie
(a) Présence de symptômes sévères
(b) Présence de symptômes modérés
(c) Hyponatrémie asymptomatique
(2) Traitement spécifique
(a) Restriction hydrique possible
(b) Restriction hydrique impossible
E. ÉVALUATION DU PROTOCOLE
F. RECUEIL DE DONNÉES
1. Données générales du patient
2. Données biologiques
3. Données cliniques
4. Évaluation du protocole
G. STATISTIQUES
VII. RÉSULTATS
A. POPULATION GÉNÉRALE
1. Description de la population
2. Incidence de l’hyponatrémie
B. PATIENTS HYPONATRÉMIQUES
1. Description de la population
2. Délai de correction de l’hyponatrémie
3. Délai de survenue de l’hyponatrémie
4. Diagnostic étiologique de l’hyponatrémie
5. Bilan entrées-sorties
6. Application du protocole
7. Traitements de l’hyponatrémie
a) Modalités
b) Complications liées au protocole de traitement
C. ÉVALUATION DU PROTOCOLE
VIII. DISCUSSION
A. BÉNÉFICE DU PROTOCOLE
B. LIMITES DU PROTOCOLE
C. DISCUSSION DES DONNÉES
1. Population
2. Incidence et mortalité de l’hyponatrémie
3. Efficacité d’un protocole
a) Délai de correction
b) Mortalité des patients hyponatrémiques
c) Incidence des différents diagnostics
d) Bilan entrés-sorties
e) Application du protocole diagnostique
f) Traitements
(1) Modalités
(2) Complications liées aux traitements
D. ÉVALUATION DU PROTOCOLE
E. NOUVELLE VERSION DU PROTOCOLE
IX. CONCLUSION
X. BIBLIOGRAPHIE
XI. ANNEXES