Système énergétique et industriel dominé par les ressources fossiles et diminution des stocks
Les ressources fossiles sont utilisées directement comme énergie primaire ou bien sous forme de matière première pour l’industrie pétrochimique. Dans le domaine de l’énergie, la consommation mondiale de charbon, de pétrole et de gaz naturel n’a cessé d’augmenter comme nous pouvons le constater sur la période 1990 2017. L’exemple du charbon est le plus marquant, sa consommation a augmenté de 1500 millions de tonnes, en équivalent pétrole, entre 1992 et 2017. Le charbon, le gaz naturel et le pétrole représentaient 85% de la consommation mondiale d’énergie primaire en 2017 suivant les données du rapport de 2018 de British Petroleum (BP).[1] Plusieurs événements majeurs ont contribué à l’augmentation de l’utilisation de ces ressources ces dernières années. L’engouement pour le gaz de schiste américain a fait augmenter de + 0,1% la part des combustibles fossiles dans la consommation énergétique mondiale totale entre 2011 et 2012. Le recul de l’énergie nucléaire après l’accident de Fukushima en 2011 s’est fait ressentir lui aussi sur l’utilisation des énergies fossiles ; par exemple, l’utilisation du gaz naturel au Japon a subi une hausse de 22% l’année qui a suivi.[2] Dans le cas du charbon, la demande reste forte dans une grande partie des pays en développement. Par exemple l’Inde, subissant une demande énergétique forte en raison de sa croissance démographique, se tourne prioritairement vers le charbon dont le stock est conséquent et rapidement disponible.
Dans le domaine de l’industrie chimique, seules une à deux tonnes sur les 400 millions de tonnes produits organiques fabriqués dans le monde chaque année ne proviennent pas de ressources fossiles.[3] La pétrochimie fournit aux manufacturiers des matières premières comme l’éthylène, le propylène, le butadiène ou des molécules aromatiques obtenues à partir du gaz naturel ou du pétrole. Les secteurs industriels utilisant ces produits sont très nombreux (chimie, sidérurgie, alimentation, pharmacie, textile, etc.), avec pour conséquence le fait que la majorité des objets de notre quotidien proviennent de ressources fossiles, d’où l’importance majeure, à la fois économique et sociétale, de ces ressources .
La question de la gestion des stocks se pose de façon urgente lorsque les consommations augmentent aussi rapidement. En effet, les ressources fossiles ont, d’après l’étymologie du mot, un processus de formation long. Aujourd’hui, pour la plupart des ressources fossiles un comptage précis est effectué sur les réserves connues ou, par extrapolation, sur les futures découvertes. Cela permet de déterminer l’épuisement à plus ou moins long terme de chaque ressource. Le bilan de ce comptage est chaque année plus alarmant : en 2018, dans son rapport annuel sur l’énergie, BP a annoncé que les réserves en ressources fossiles majoritaires ne permettraient pas, sans diminution de la consommation, de dépasser les 150 ans d’utilisation. Pour mesurer la longévité d’une ressource fossile, l’indice le plus utilisé est le rapport « R / P » , qui représente les réserves en fin d’année par rapport à la production de l’année, hypothèse étant que la production reste au niveau de l’année précédente.
Perturbation anthropogénique du cycle du carbone
Le cycle du carbone est naturellement équilibré. Les éléments principaux de ce cycle font partie de trois grandes catégories. La première correspond aux flux entre l’atmosphère et les étendues d’eau (océans, mers, lacs…), en effet il existe un échange permanent de dioxyde de carbone (CO2) entre ces deux réservoirs par dissolution ou dégazage. Le second comprend les échanges entre l’atmosphère et la biosphère, pendant lequel le CO2 est consommé par photosynthèse et est dégagé par respiration ou fermentation. Enfin, il existe des échanges considérés comme « lents » vers les sols comme la fossilisation ou la sédimentation.
Cependant, les catégories précédentes ne font pas intervenir le CO2 anthropogénique, dont la plus grande source est la combustion des ressources fossiles, toujours plus intensive et nécessaire à la vie de la population humaine en expansion. En 2017, ces émissions représentent 34 Gt de CO2 d’après le rapport « Carbon Budget » du Global Carbon Project de 2018. Cette quantité de CO2 vient perturber l’équilibre naturel . L’environnement se retrouve donc à essayer de contrebalancer et malgré cela entraîne une accumulation de celui-ci dans l’atmosphère de l’excédent de CO2 de 17,3 Gt supplémentaire, pour l’année 2017.
Ce problème du CO2 anthropogénique est de plus en plus préoccupant : toujours d’après le rapport « Carbon Budget », les émissions de CO2 ont augmenté de 1,6 % en 2017. Cette augmentation n’est pas un événement isolé puisque, depuis 2012, la croissance de la consommation annuelle des ressources fossiles est en moyenne de + 0.6 % par an . Cela se répercute inexorablement sur la concentration en CO2 atmosphérique, qui est passée de 340 ppm en 1980 à plus de 390 ppm en 2015.
Le CO2 anthropogénique est mis en cause dans le cadre du réchauffement climatique. En effet, un rapport scientifique de 2013 montre que le CO2 est incriminé dans environ 60 % du forçage radiatif,[7] bien loin des autres polluants comme les oxydes d’azote ou les hydrocarbures comme le méthane. La principale conséquence de ce forçage radiatif est le réchauffement climatique qui entraîne entre autres l’augmentation du niveau des océans et leur acidification, la fonte des glaces ainsi que l’augmentation des anomalies de températures . Les répercussions sur notre quotidien sont de plus en plus grandes et ce sujet devient un réel problème politique et sociétal.
L’utilisation du CO2 : émergence de plusieurs solutions
En parallèle des directives concernant la diminution des émissions de CO2 négociées actuellement dans le monde (accords de Paris, COP 24…), il y a nécessité d’agir à plus court terme contre l’accumulation du CO2 dans l’atmosphère. Avant de pouvoir utiliser le CO2, il est nécessaire de le récupérer. En pratique, pour maximiser les chances d’extraire efficacement le CO2 de l’atmosphère, des unités de captage devront être installées au plus près des sources d’émission, où la concentration en CO2 est la plus forte. Les installations industrielles produisant une quantité importante de CO2 sur des sites de productions sédentaires sont donc très propices à l’installation de ces unités de captage, par exemple à la sortie de leurs cheminées. Ces installations sont d’autant plus intéressantes que les émissions de CO2 d’origine fossile provenant de sources stationnaires représentent une part significative des émissions totales d’environ 60 %. Par exemple, un haut fourneau pour la production d’acier émet en une année environ 10 Mt de CO2 et une centrale à charbon produit sur la même période environ 6 Mt de CO2. [9] A l’inverse, le domaine des transports est plus complexe, chaque véhicule émettant une faible quantité de CO2 et les dispositifs de capture du CO2 pouvant difficilement être dimensionnés ou fonctionner à ces faibles concentrations .
Il existe plusieurs technologies de captage du CO2 sur le marché. La plus couramment utilisée est l’extraction par solvant organique. Le CO2 contenu dans les fumées peut être extrait par un solvant chimique. Le CO2 est ensuite régénéré au besoin, le plus souvent par chauffage. Les solvants utilisés actuellement sont des amines ou bien des liquides ioniques. On peut aussi citer des technologies secondaires comme l’absorption à travers des roches poreuses, la réaction réversible avec la chaux vive ou plus récemment le captage par voie cryogénique.
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Table des matières
Chapitre I : Introduction générale
1. Système énergétique et industriel dominé par les ressources fossiles et diminution des stocks
2. Perturbation anthropogénique du cycle du carbone
3. L’utilisation du CO2 : émergence de plusieurs solutions
3.1. Stockage du CO2
3.2. Mimétisme de la photosynthèse
3.3. Valorisation chimique du CO2, vers un cycle neutre en carbone
4. Les molécules C1
4.1. Le méthane (CH4)
4.2. Le monoxyde de carbone (CO)
4.3. Le méthanol (MeOH)
4.4. L’acide formique (HCOOH)
5. Présentation des objectifs de la thèse
6. Références
Chapitre II : L’acide formique comme vecteur de monoxyde de carbone
1 Introduction
2 État de l’art sur la décarbonylation de l’acide formique
3 Concept de Liquid Chemical Looping (LCL)
4 Étude de la décarbonylation des formiates d’alkyles
4.1. État de l’art sur la décarbonylation des formiates d’alkyle
4.2. Étude de la réactivité des alcoolates pour la décarbonylation des formiates d’alkyles
4.3. Études mécanistiques
5 Optimisation de la décarbonylation des formiates d’alkyles
5.1. Système à double chambre
5.2. Système en autoclave
5.3. Catalyse supportée pour l’optimisation de l’étape de décarbonylation du LCL
6 Optimisation de l’étape de génération du formiate de méthyle sans catalyseur
7 Conclusion et perspective
7.1. Conclusion
7.2. Pile à monoxyde de carbone
8 Références
Chapitre III : Dismutation des formiates de silicium et leur recyclabilité pour la production renouvelable de méthanol
1. Introduction
2. La réduction indirecte du CO2 en méthanol grâce à l’acide formique
3. Inspiration et résultats préliminaires
4. Résultats et discussions
4.1. Étendue de la réaction et mise en évidence mécanistique
4.2. Accroissement d’échelle de la réaction
4.3. Recyclage des sous-produits silylés en formiate de silicium
5. Conclusion et perspectives
6. Références
Chapitre IV : Réduction du méthanol en méthane par l’acide formique
1. Introduction
2. État de l’art de la formation de méthane à partir des formiates
3. Résultats et discussion
3.1. Résultats catalytiques avec des catalyseurs au ruthénium
3.2. Résultats catalytiques avec des catalyseurs sans métaux nobles
4. Conclusion et perspectives
4.1. Réduction indirecte du méthanol en méthane
4.2. Nouvelle voie de synthèse de dérivés diphényléthane
4.3. Le formiate de méthyle comme réducteur et agent de méthylation
5. Références
Chapitre V : Conclusion générale