HISTORIQUE
Système traditionnel
Généralement, on peut classer en deux catégories bien distinctes ce système traditionnel de financement, à savoir :
– le financement informel
– le financement formel
Financement informel
On qualifie d’informelle toute activité tacite ou illégale c’est à dire qui n’est ni accordée ni autorisée par l’Etat. Dans le cas d’espèce, toute opération financière hors de l’influence directe du système régulier est considérée comme financement informel. Fréquemment, il peut se présenter sous forme de dons ou de prêts qui sont octroyés souvent par des prêteurs privés (particuliers) ou des prêteurs sur gages et tontines (usuriers). En plus il a comme caractère à court terme. Comme cette activité est fondée essentiellement sur le mode relationnel, il est difficile de connaître la forme du contrat qui décrit l’ensemble des engagements réciproques entre le prêteur et l’emprunteur, dans ce cas il y a un risque de comportement opportuniste entre les deux parties contractantes. Cette situation se manifeste surtout en matière de financement externe.
Pour pousser plus loin notre analyse, on va voir le financement interne et le financement externe.
Financement interne
– L’autofinancement qui correspond au surplus de ressources allouées par l’entreprise pendant une période d’exploitation. Il constitue une épargne qui lui permet de financer une partie ou une totalité de ses besoins futurs.
– L’apport qui est le fruit de la participation au capital social d’une société nouvellement créée ou celle dans la phase de son extension. Cet apport peut se présenter sous trois formes à savoir l’apport en numéraire, l’apport en nature et l’apport en travail.
Financement externe
Il peut prendre plusieurs formes :
– Les prêts auprès des amis ou des proches sans perception d’intérêts.
– Le crédit fournisseur qui est le plus pratiqué par l’entreprise pour mieux gérer sa trésorerie ou sa disponibilité.
– Le « vary maitso » qui consiste à prêter de l’argent aux cultivateurs de riz et que ces derniers doivent livrer une certaine quantité de riz au prêteur à titre de remboursement qui aura lieu lors de la moisson. Il est à remarquer que la quantité de riz doit être au moins proportionnelle au montant emprunté. Dans une autre vision, la pratique du « vary maitso » prend une forme d’acte de vente. Les cultivateurs de riz vendent à un prix sacrifiés aux acheteurs leurs produits (riz) qui sont encore dans la rizière. Le paiement se fait au comptant dans ce cas tandis que la livraison aura lieu lors de la moisson. En termes de comptabilité générale, on est en présence de ce que l’on appelle « charges constatées d’avance » chez les acheteurs et réciproquement « produits constatés d’avance » chez les cultivateurs vendeurs.
– L’usure qui consiste à emprunter de l’argent auprès d’un particulier appeler l’usurier en pratiquant un taux d’intérêt et moyennant une garantie ou un gage. Sous cet angle, il est préférable que le contrat soit conclu entre les parties qui se connaissent bien et dans ce cas le climat de confiance existe. Dans le cas contraire, on peut admettre que le financement informel externe est devenu un acte risqué à cause de l’incomplétude du contrat (il pourrait même devenir nul à cause de l’illégalité de l’acte surtout en matière de « vary maitso ») et de l’asymétrie des informations qui incitent à l’opportunisme des parties.
De ce fait, le phénomène d’antisélection peut survenir au prêteur ou au fournisseur, indubitablement, ex ante, il souffre d’une asymétrie informationnelle par rapport au client ou à l’emprunteur car il ne connaît pas la capacité de remboursement ou la moralité de ce dernier. Par contre, le risque moral surgit chez le client ou l’emprunteur, ex post lorsque l’utilisation du financement ne fonctionne pas bien comme il le pensait auparavant (par exemple : il y a une augmentation du prix des matières premières et une augmentation de salaire). A ce moment, un risque de non remboursement se manifeste.
Financement formel
On entend par financement formel toute activité d’octroi de crédit exercée par les banques, elle est considérée comme un système classique. On remarque que ce système varie suivant des différents contextes conjoncturels.
Dans l’antiquité, les temples étaient les premiers centres bancaires connus (Déilphes-Ephise). Dès le IV avant Jésus Christ, on trouvait cependant de banquiers laïcs en Grèce (les trapézistes). A Rome, l’apparition des banques était assez tardive (IIè siècle avant Jésus Christ). Sous la République, l’activité bancaire était le monopole de catégories de citoyens, les chevaliers ou publicains, tenant des livres de caisse et établissant des relevés de compte.
Au moyen âge, après une période de stagnation ( invasions barbares, disparition du grand commerce, prohibition du prêt à intérêt), l’activité bancaire reprenait au XIè siècle avec la renaissance du commerce. Les grandes opérations financières étaient pratiquées par les juifs, par les templiers (créateurs des arbitrages de change et de la comptabilité à partie double) et par les Lombards. Les grandes foires (Champagne-Lion) développaient les mouvements de fonds, mais l’insécurité du transport donnait naissance à la « lettre de paiement » qui a permis le transfert effectif de numéraire.
De la renaissance au XVIIIè siècle , le développement des échanges à la renaissance donnait une impulsion considérable à la banque. C’était l’époque des grands banquiers (MedicisFugger) . On voyait apparaître la lettre de change et la technique de l’escompte ; Ils s’étaient créés de véritables établissements bancaires à Milan, Venise et Gênes notamment.
Une profonde transformation commençait en Angleterre au XVIIè siècle ; en effet, les orfèvres et les banquiers de Londres acceptaient le dépôt à vue, ce qui a entraîné l’usage du chèque (vers 1670).
Au XIXè siècle, les structures bancaires connaissaient une double évolution :
– d’une part, les développement industriel et commercial et l’apparition de grandes sociétés rendaient nécessaire la création de banques puissantes : en Angleterre, les « BIG FIVE » (les cinq plus grandes banques anglaises) ; en France, le Comptoir d’Escompte de Paris (1848), le Crédit Lyonnais (1863) et la Société Générale.
– D’autre part, le privilège de l’émission du billet de banque, remplaçant petit à petit la monnaie métallique, était retiré aux banques privées au profit des banques d’émission. Les banques contemporaines, la profession est réglementée par les lois de 1941, complétées par celles de 1945. « Nul n’est autorisé à pratiquer le commerce de banque s’il n’est inscrit sur une liste dressée par le Conseil National du Crédit (CNC) ».Ce dernier, avec la Commission de Contrôle des Banques (CCB) et l’Association Professionnelle des Banques (APB) constituaient les trois organismes de contrôle du système bancaire. D’une manière générale, les banques contemporaines sont classées en trois grandes catégories : les banques de dépôts, les banques d’affaires et les banques de développement.
• Les banques de dépôts assurent un certain nombre de services et consentent diverses catégories de crédits.
Parmi ces services figurent :
– le paiement des chèques
– la domiciliation des quittances
– l’exécution de transferts de fonds (virements)
– l’encaissement de chèques et d’effets de commerce
– la domiciliation des effets de commerces
– la garde des titres et l’encaissement des coupons correspondants
– les placements des emprunts publics
– la participation aux modifications des capitaux des sociétés
– le paiement des coupons au guichet
– la délivrance de devises
– la location de coffres
– l’exécution de toutes les opérations avec l’étranger dans le cadre de la réglementation des changes.
Parmi les crédits octroyés figurent :
– l’escompte des effets de commerce et des bons du trésor
– les facilités de caisse et les découverts
– les avances sur marchés publics
– les avances sur marchandises et les escomptes de warrant
– les cautions de toutes sortes
– les crédits documentaires
– les crédits à court, moyen et long terme
– les avances sur titres
– les prêts personnels aux particuliers.
• Les banques d’affaires exécutent en général toutes les opérations des banques de dépôts, mais ne peuvent engager, dans les entreprises, des fonds à moins de deux ans. Par ailleurs, elles créent des sociétés pour l’exploitation des ressources naturelles, le développement de l’industrie de transformation et/ou la mise en valeur d’une région déterminée. De plus, elles animent les marchés financiers.
• Les banques de développement travaillent avec les ressources de l’Etat et pour son compte dans le financement des opérations de développement, inscrites généralement dans un plan et dans l’exécution desquelles la rentabilité financière est faible, sinon nulle, et les « risques » sont plus ou moins élevés.
Pour le cas de Madagascar, l’évolution de ce système classique est marquée par quatre époques biens distinctes :
L’époque précoloniale, la situation monétaire d’alors étant assez mal connue. L’économie étant fragmentée en de nombreuses communautés tribales dominées par le troc. Il circulait néanmoins quelques pièces étrangères, notamment le Thaler autrichien, la monnaie française de 5 francs et l’Ariary, monnaie locale imitant le piastre mexicain. Le commerce extérieur de l’époque était estimé à 1 million de franc or (soit environ 200.000 piastres). MAYEUR rapporte que dans les « Tsena » créés par ANDRIANAMPOINIMERINA, on en rencontrait toutes les productions de la Grande Ile et même les produits importés d’Inde par les européens et les indiens de Surate. Ces premiers marchés employaient très peu de numéraires, à l’exception de quelques morceaux d’argent que les gens se donnaient au poids, en subdivisant le piastre, monnaie d’argent représentant en principe 25 grammes d’argent au titre de 9/10è, soit 22.5 grammes d’argent fin. Il pouvait se décomposer en 720 morceaux et valait 5 francs or.
L’époque coloniale et l’installation des banques commerciales privées, En janvier 1900, les billets de la Banque de France obtenaient cour légal à Madagascar. Jusqu’en 1914, les billets se multipliaient alors que les monnaies d’argent se thésaurisaient (en vertu de la « Loi de Gresham », loi selon laquelle lorsque deux monnaies se trouvent concurremment en circulation, la mauvaise chasse la bonne). Dans ce cas, la monnaie métallique était censée être « la bonne », car supposée ne pas se déprécier, contrairement aux billets. A côté des billets de la Banque de France et jusqu’en 1992 circulait ainsi une monnaie locale émise par l’autorité locale et frappée à l’effigie du zébu avec une valeur de 5 centimes à 2 francs. En 1914, la masse monétaire était estimée à 80 millions de francs. En Décembre 1925 la Banque (privée) de Madagascar s’était créée et elle a obtenu immédiatement le privilège d’émission des billets (avec un retrait parallèle des billets de la Banque de France). Avec la crise économique de 1929, la Métropole était obligée de « revoir » ses relations avec les colonies et c’était ainsi que la « Zone Franc » s’était créée, forme de repli de la Métropole sur ses puissances coloniales en cas de dépression. De 1942 à 1944, le Franc CFA s’était créé (Colonies Françaises d’Afrique) dont la parité était fixée à 1,70 franc métropolitain. En 1948, la France procédait à deux dévaluations successives, l’une en janvier entraînant également celle du CFA, l’autre en octobre, non suivie par la CFA dont la parité passait de 1.70 à 2.00 francs métropolitains. A partir de 1950, les filiales de banques françaises s’étaient installées à Madagascar :
– la Banque de Madagascar et des Comores (BMC) en mars 1950 qui avait immédiatement le privilège de l’émission. C’était une filiale de la Banque Nationale de Paris (BNP), du Crédit Lyonnais, de la société générale, de la Banque de Paris et des Pays-Bas et de la colonie de Madagascar.
– La Banque Franco-Chinoise (BFC) en 1951. C’était une filiale de la Banque Française d’Indochine.
– La Banque Nationale pour le Commerce et l’Industrie de l’Océan-Indien (BNCIOI) en 1954, filiale de la BNP et dont le rayon d’action couvrait Madagascar, la Réunion et la Martinique.
– La BAnque Malgache d’EScompte et de crédit (BAMES), dont les capitaux étaient fournis partie par l’ancien Comptoir d’Escompte de Paris, fusionnée avec la BNP, et partie par le territoire de Madagascar.
L’année 1950 avait également vu la naissance de deux organismes financiers :
– Le Crédit de Madagascar (CM) était créé par le Ministre de la France d’Outre Mer et dont le capital était fourni partie par la Caisse Centrale d’Outre Mer, et partie par Madagascar.
– La société nationale d’investissement (SNI), la banque spécialisée dans la gestion de portefeuilles et dans les prises de participation. Sa fonction initiale se limitait à la gestion des placements. Mais son statut s’était très vite élargi pour lui permettre de devenir une grande société financière avec pour mission de réaliser une politique astucieuse de développement par l’investissement, notamment dans les secteurs hôtelier ( Nosy-Be) et agricole (SOMALAC).
L’indépendance politique et les accords de coopération franco-malagasy de 1960
• Aux termes des accords de 1960, le franc demeurait la monnaie des Etats membres de la communauté, sa dénomination pouvait être modifiée (par exemple Fmg à Madagascar) , mais sa parité restait inchangée par rapport au FF (1FF=50 Francs). Toutes les monnaies ayant cours dans la communauté étaient librement convertibles et égard des autres zones. Des institutions communes étaient créées, le CNC ( Consul National du Crédit) qui ne s’était jamais réuni et la CCB.
• L’Institut d’Emission Malgache (IEM) Par décret du 30 juin 1963, Madagascar dénommait son unité monétaire « Fmg », monnaie garantie par l’encaisse de métal et de devises de la Zone Franc. L’Institut d’Emission Malgache gérait la monnaie malgache à la place de la BMC. En outre, elle devait élaborer :
– un nouveau statut des banques commerciales
– un conseil du crédit
– un service de centrale des risques
– une CCB
Elle doit également :
– définir la politique monétaire, et
– élaborer de nouvelles techniques bancaires.
A noter que sa gestion était paritaire (franco-malagasy à concurrence de 50% chacune).
• La Banque Nationale Malgache pour le développement (BNM) Un accord inter-gouvernemental de juin 1960 transformait le CM en société conventionnelle de droit international, la SMIC (Société Malgache d’Investissement et de Crédit) elle-même était devenue BNM depuis 1963. La BNM gardait son caractère de banque publique mais fonctionnait sous le statut de société anonyme . Elle était habituée à effectuer deux grandes catégories d’opérations :
– d’une part sur ses ressources personnelles (constituées essentiellement d’emprunt) et sous sa propre responsabilité, elle finançait toutes les opérations pouvant concourir au développement de l’industrie, de l’artisanat, du commerce, de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, de l’amélioration de l’habitat et de l’équipement familial ainsi qu’au développement du mouvement coopératif et de l’équipement professionnel.
– D’autre part, sur des ressources financées par le budget et pour le compte de l’Etat, des collectivités publiques ou des établissements publics, elle finançait les « opérations au rasdu-sol » (micro-hydrauliques, barrages, etc .).
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE1. SYSTEME DE MICRO-FINANCE
CHAPITRE 1. HISTORIQUE
Section 1. Système traditionnel
1.1. Financement informel
1.1.1. Financement interne
1.1.2. Financement externe
1.2. Financement formel
1.3. Etude comparative de l’informel et du formel
Section2. Evolution du système de financement
2.1. Problèmes du système traditionnel
2.1.1. Au niveau de l’informel
2.1.2. Au niveau du formel
2.2. Naissance du système de micro-finance
2.2.1. Historique et règles de gestion
2.2.2. Contexte historique
2.2.3. Etat des lieux
2.3. Analyse comparative du système classique et du système de micro-finance
2.3.1. Pourquoi le système bancaire classique ne touche-t-il pas les pauvres?
2.3.2. La micro-finance touche-t-elle les plus pauvres et peut-on faire supporter à des emprunteurs pauvres des taux d’intérêt élevés?
Section 3 : Présentation de la micro-finance à Madagascar
3.1. Genèse du système de micro-finance
3.1.1. Avant 1990 : l’origine
3.1.2. 1990-1995 : phase d’émergence des institutions de micro-finance
3.1.3. 1996-2003 : phase de développement et de croissance
3.2. Typologie des institutions de micro-finance
3.2.1. Institutions de micro-finance mutualistes
3.2.2. Institutions de micro-finance non mutualistes
3.2.3. Pré-institutions de micro-finance
3.3. Contexte actuel
La micro-finance et le développement des MPME à Madagascar
3.3.1. Environnement de la micro-finance à Madagascar
CHAPITRE2 . APPROCHE THEORIQUE
Section1 : Définition
Section2 : Rôles et objectifs
2.1. Rôles
2.1.1. Intermédiation financière
2.1.2. Intermédiation sociale
2.2. Objectifs
Section 3 : Différentes formes de micro-finance
3.1. Institutions financières mutualistes
3.2. Institutions de micro-finance non mutualistes
CONCLUSION PARTIELLE
PARTIE 2 . ETUDE DES IMPACTS DE LA MICRO-FINANCE SUR LES MPME
CHAPITRE 1 . EVOLUTION DE LA CREATION DES ENTREPRISES
CHAPITRE2 . ETUDE DE CAS DE L’ADEFI ET DE LA SIPEM
Section 1 : Présentation de l’ADEFI et de la SIPEM
1.1. ADEFI
1.2. SIPEM
Section 2. Pérennité et viabilité financière
2.1. ADEFI
2.2. SIPEM
CHAPITRE 3 . CAS DES MPME PROMOTRICES DE L’ADEFI
Section 1 : Entreprise de fabrication de marmites
1.1.Présentation de l’entreprise
1.2.Création, développement et pérennité
Section 2 . Entreprise artisanale
1.1.Présentation de l’entreprise
1.2.Création, développement et pérennité
Section 3. Entreprise de secteur élevage
3.1. Présentation de l’entreprise
3.2. Création, développement et pérennité
CHAPITRE 4 . CAS DES MICRO-ENTREPRISES FINANCEES PAR LA SIPEM
Section 1. Entreprises « agroalimentaires »
1.1.Présentation de l’entreprise
La micro-finance et le développement des MPME à Madagascar
1.2.Création, développement et pérennité
Section 2. Entreprise « magasin de PPN »
2.1. Présentation du magasin
2.2. Création, développement et pérennité
Section 3. Entreprise « salon de coiffure »
3.1. Présentation du salon
3.2. Création, développement et pérennité
Analyse du choix de financement des promoteurs
CHAPITRE 5. PROBLEMES ET SOLUTIONS PROPOSEES
Section 1. Problèmes rencontrés par les MPME
1.1.Au niveau des entreprises bénéficiaires du micro-crédit
1.2.Au niveau des entreprises exclues du système de micro-finance
Section 2. Problèmes rencontrés par les institutions de micro-finance
Section 3. Solutions proposées
CONCLUSION PARTIELLE
CONCLUSION GENERALE