Systématique des éléments majeurs des basaltes d’îles océaniques

Le volcanisme de point chaud

Les îles océaniques sont l’expression en surface de panaches mantelliques qui prennent leur source dans un manteau plus profond que dans le cas du volcanisme de dorsales médio-océaniques (Morgan, 1971, 1972; Campbell and Griffith, 1990; Kellog et al., 1999). La formation de ces panaches nécessite la présence dans le manteau profond d’anomalies de densité dont l’origine peut être thermique et/ou compositionnelle (Morgan, 1971; Turcotte and Oxburg, 1978; Wyllie, 1988; Sleep, 1990; Moreira and Allègre, 1998; Courtillot et al., 2003). Le volcanisme basaltique qui forme ces îles océaniques est caractérisé par des compositions plus riches en éléments alcalins par rapport aux basaltes des dorsales médio-océaniques, et par des compositions isotopiques qui témoignent d’un enrichissement ancien de la source en éléments incompatibles par rapport aux éléments moins incompatibles. Ainsi la manifestation de ce volcanisme de point chaud à la surface de la Terre témoigne de la présence d’hétérogénéités chimiques dans le manteau profond probablement associées à des hétérogénéités thermiques (Farnetani et al., 2002).

Si les observations géophysiques nous apportent une vision instantanée et actuelle de la structure interne de la Terre, la géochimie nous donne accès à l’origine, la nature et l’âge des hétérogénéités présentes dans le manteau terrestre. Déchiffrer le message géochimique de ces hétérogénéités est donc un point fondamental dans la compréhension de la différenciation et de la dynamique interne de la Terre. L’étude des systématiques isotopiques de Sr, Nd et Pb des basaltes océaniques a permis d’identifier plusieurs pôles mantelliques dont les compositions isotopiques extrêmes sont vraisemblablement reliées à des matériaux d’origine crustale recyclés dans le manteau profond via les zones de subductions (Hofmann and White, 1982; Zindler et al., 1982; White, 1985; Zindler and Hart, 1986; Hart, 1988; Hart and Hauri, 1992). Un total de cinq pôles a été identifié dans le manteau, dont le pôle DMM (pour Depleted MORB Mantle), le pôle HIMU (ou « high µ » = forts 238U/204Pb, Zindler and Hart, 1986), les pôles enrichis EM-1 et EM-2 (pour Enriched Mantle 1 ou 2) et enfin le pôle FOZO (pour FOcal ZOne, Hart and Hauri, 1992; Stracke et al., 2005).

Le manteau superficiel échantillonné par les basaltes de rides médio-océaniques (MORB) est l’expression directe du DMM, alors que le volcanisme de point chaud échantillonne préférentiellement les composants recyclés dans le manteau profond, tels qu’une ancienne lithosphère ou croûte océanique altérée et subductée, accompagnée ou non par d’anciens sédiments pélagiques ou terrigènes (Cohen and O’Nions, 1982; Hofmann and White, 1982; McKenzie and O’Nions, 1983; Ben Othman et al., 1989; Mahoney, Nicollet, and Dupuy, Mahoney et al.; Weaver, 1991; Chauvel et al., 1992; Milner and le Roex, 1996; Rehkamper and Hofmann, 1997; Thirlwall, 1997; Plank and Langmuir, 1998; Eisele et al., 2002). Ainsi, la grande variété de ces compositions isotopiques des principaux pôles mantelliques suggère la présence d’hétérogénéités lithologiques (i.e. sédiments, éclogite, etc) dans le manteau terrestre. Ce modèle de recyclage est essentiellement basé sur les compositions isotopiques des basaltes océaniques ; cependant, peu d’études ont essayé de tester la compatibilité de ce modèle avec la pétrologie de ces basaltes. Pourtant, les quelques études qui ont abordé cette question semblent indiquer une incompatibilité entre ce modèle et la systématique pétrologique des laves de points chauds (Langmuir, 1994; Niu and O’Hara, 2003).

Systématique des éléments majeurs des basaltes d’îles océaniques

Les compositions en éléments majeurs des laves de points chauds se distinguent de celles des basaltes de dorsales océaniques par une plus grande variabilité chimique, une forte alcalinité associée à de faibles teneurs en SiO2 et Al2O3, et de fortes teneurs en FeO . Cette variabilité chimique peut autant s’exprimer entre les îles volcaniques qu’au sein même de l’histoire éruptive d’une île lors de la construction d’un édifice volcanique : entre les phases pré-bouclier à tendance alcaline, bouclier à tendance tholéiitique, et post-bouclier à tendance fortement alcaline (Diraison, 1991; Le Roy, 1994; Le Dez et al., 1996; Juteau and Maury, 1997; Wagner and Grove, 1998; Herzberg and O’Hara, 2002; Norman et al., 2002). Ces variations de compositions peuvent être dues en partie aux variations des taux de fusion partielle mantellique, et donc de température, au cours du temps : les phases alcalines sont ainsi dues à de faibles taux de fusion partielle, tandis que la phase tholéiitique majeure de construction de l’édifice correspond à de forts taux de fusion partielle. Si les données expérimentales confirment effectivement la forte alcalinité des liquides issus de faibles degrés de fusion partielle d’une péridotite fertile (Green and Ringwood, 1967b; Ito and Kennedy, 1967; Takahashi and Kushiro, 1983; Green and Falloon, 1998), ces expériences ne reproduisent cependant pas les forts FeO, faibles SiO2 et Al2O3 caractéristiques des basaltes d’îles océaniques (Takahashi, 1986; Hirose and Kushiro, 1993; Walter, 1998; Kogiso et al., 2003; Dasgupta et al., 2006).

L’étude de Hauri (1996) est la première à reporter des corrélations entre les compositions en éléments majeurs et les rapports isotopiques des basaltes du stade bouclier de l’île de Big Island, issus du point chaud d’Hawaii . D’après l’auteur, ces corrélations seraient dues à la présence d’un composant ayant une lithologie distincte de celle d’une péridotite, telle qu’une croûte océanique recyclée qui s’exprimerait sous la forme d’une éclogite ou d’une pyroxénite à quartz (Hauri, 1996).

Au cours de cette dernière décennie, de nombreuses études expérimentales ont ainsi tenté d’expliquer les compositions alcalines des laves de points chauds en utilisant différentes lithologies dans leurs expérimentations de fusion partielle. Des lithologies de type pyroxénitiques, éclogitiques mais aussi l’influence des volatils CO2 sur différentes lithologies ont été évaluées (Hauri and Hart, 1993; Dixon et al., 1997; Saal et al., 1998; Coltorti et al., 1999; Kogarko et al., 2001; Neumann et al., 2002; Hirschmann et al., 2003; Kogiso et al., 2003; Dasgupta et al., 2006, 2007). Cependant comme nous le verrons dans ce manuscrit, ces études expérimentales n’amènent pas de réponse univoque quant à l’origine de ces compositions en éléments majeurs pour les points chauds.

Récemment, les études de Jackson and Dasgupta (2008), d’Humphreys and Niu (2009) et de Dasgupta et al. (2010) ont tenté d’amener des éléments de réponses en étudiant la systématique des éléments majeurs dans les laves de points chauds. La méthode adoptée suit celle de Klein and Langmuir (1987), qui est d’élaborer une base de données globale sur les laves de points chauds et de les corriger des effets de la cristallisation fractionnée, pour mettre en valeur les effets de fusion partielle sur ces compositions. Ainsi, la variabilité potentielle des compositions primaires résultantes peut possiblement refléter celles de leurs lithologies sources.

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Table des matières

1 Introduction générale
1.1 Le volcanisme de point chaud
1.2 Systématique des éléments majeurs des basaltes d’îles océaniques
1.3 Le point chaud de Crozet
2 Méthodes analytiques
2.1 Géochronologie K-Ar
2.1.1 Principe de la méthode
2.1.2 Préparation des échantillons
2.1.3 Analyse du K par spectrométrie d’émission atomique
2.1.4 Analyse de l’Argon par spectrométrie de masse
2.2 Analyses des éléments majeurs
2.2.1 Microsonde électronique : les phases minérales
2.2.2 Analyses à l’ICP-AES : roche totale et matrice
2.3 Analyses des éléments en trace
2.3.1 Préparation des échantillons
2.3.2 Préparation de la Solution Standard Interne
2.3.3 Mise en solution des échantillons
2.3.4 Analyse des solutions à l’ICP-MS
2.3.5 Traitement des données brutes
2.3.6 Validation et discussion des données
2.4 Géochimie isotopique
2.4.1 Préparation des échantillons
2.4.2 Séparation des isotopes
2.4.3 Mesure des rapports isotopiques du Pb, du Sr et du Nd
3 Etude géologique de l’île de la Possession
3.1 Le plateau de Crozet
3.1.1 Caractéristiques générales
3.1.2 Origine du plateau de Crozet
3.1.3 Relations avec les autres structures magmatiques de l’océan indien sud
3.2 L’archipel de Crozet
3.2.1 L’île de la Possession
3.2.2 Les autres îles
3.3 Objectifs
3.3.1 Mission 2009
3.3.2 Mission 2010
3.4 Etude géologique et géochronologique de l’île de la Possession
3.4.1 Introduction
3.4.2 Geology and geochronology of l’île de la Possession (Crozet Archipelago, Austral Indian Ocean)
3.4.3 Conclusions
4 Pétrologie et géochimie des laves de Crozet
4.1 Contexte de l’étude
4.1.1 Etudes précédentes
4.1.2 Sélection et localisation des échantillons
4.2 Pétrographie et minéralogie des échantillons
4.2.1 Pétrographie
4.2.2 Minéralogie
4.3 Eléments majeurs
4.3.1 Présentation des données
4.3.2 Processus de cristallisation fractionnée et estimation de la composition du liquide primaire
4.3.3 Identification de la lithologie de la source
4.4 Conclusions sur la systématique des éléments majeurs
4.5 Eléments en traces et isotopes
4.5.1 Les Terres Rares
4.5.2 Message des éléments incompatibles en liaison avec les signatures isotopiques
4.6 Conclusions sur la systématique des éléments en trace et des signatures isotopiques
4.7 Conclusions : pétrogenèse des laves du point chaud de Crozet
5 Conclusion générale

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