Techniques de Synthèses
Synthèses par voie solide
L’utilisation de four pour la fabrication de métaux et de matériaux est très ancien, l’utilisation des premiers bas-fourneaux pour la synthèse de métaux à partir de minerais date de plus de 2000 av. J.-C. Dans un bas-fourneau, les oxydes de fer sont réduits en fer métallique par chauffage à haute température en présence de charbon ou de coke. Cependant il faudra attendre le milieu du XXème siècle pour que l’utilisation du four électrique en laboratoire soit généralisée pour l’obtention et l’étude de nouveaux matériaux. Les fours avec chauffage électrique permettent une régulation précise de la température. L’électronique a d’ailleurs contribué également à la complexification et à la diversification des procédés de synthèses en four par l’apport de régulateurs de température, de diverses sondes et encore d’automatisation.
En synthèse par voie solide, plusieurs réactifs, généralement sous forme de poudre, sont intimement broyés, placés dans un creuset puis insérés dans un four afin d’obtenir une phase solide plus ou moins cristallisée. Les synthèses solides ont été́ réalisées dans des fours tubulaires Pyrox VK90, la température maximale atteignable sur ceux utilisés est de 1200°C. Pour les fours sous flux, le mélange réactionnel est inséré dans un tubulaire en quartz permettant l’application de différentes atmosphères : inerte (Argon, Hélium), oxydante (Dioxygène), réductrice (dihydrogène) ou encore légèrement réductrice (Diazote). Si la synthèse nécessite une atmosphère sous vide, les tubes scellés en quartz sont utilisés.
Croissance cristalline par transport en phase vapeur
Pour de multiples raisons, il peut être nécessaire de synthétiser des monocristaux de la phase que l’on souhaite. La taille de ces monocristaux doit permettre une analyse structurale par diffraction des rayons X (RX) ou neutrons, avec une taille minimum de plusieurs dizaines de micromètres (RX) ou plusieurs millimètres (neutrons), ou encore des mesures de propriétés physiques (diélectriques ou magnétiques) qui demande également des tailles de l’ordre de plusieurs millimètres. La croissance cristalline par transport en phase vapeur est une bonne réponse à cette problématique.
La croissance cristalline par transport en phase vapeur, CVT en anglais (chemical vapor transport), désigne une multitude de réactions chimiques mises en jeu lorsque qu’une phase condensée solide est vaporisée en présence d’un réactif gazeux, l’agent de transport, et qui se dépose ensuite sous forme de cristaux. Cette technique vise à obtenir une phase pure sous forme de monocristaux. Cette méthode de croissance cristalline est utilisée pour de nombreux composés : les métaux, oxydes, sulfures, halogénures, et bien d’autres. La croissance cristalline par transport en phase vapeur se produit dans de nombreux cas sans l’intervention humaine, notamment, au niveau de la croûte terrestre lors de la formation des cristaux d’hématite (Fe2O3). Ces cristaux se forment en présence de gaz volcaniques contenant du chlorure d’hydrogène (HCl), Robert Wilhelm Bunsen (1811-1899) est le premier à décrire ce type de réaction en 1852. Dans le cas de la formation naturelle des cristaux d’hématites la réaction de transport mise en jeux est la suivante :
Fe2O3(s) + 6HCl(g) ⇄ 2FeCl3(g) + 3H2O(g)
L’oxyde de fer (III) est ici transformé en phase gaz sous forme de chlorure de fer (III) par l’acide chlorhydrique, c’est la dissolution. Ensuite, due à la réaction inverse, l’oxyde de fer se redépose sous forme cristalline. La zone où se situe la volatilisation est appelée la source et la zone où se forme le cristal est nommée zone de cristallisation (ZC). L’agent de transport (AT) est dans ce cas l’acide chlorhydrique.
De manière générale, L’agent de transport réagit avec le ou les espèces présentes dans le mélange réactionnel situé dans la source pour former les espèces volatilisées. À une autre température, et donc à une autre position d’équilibre, une autre réaction de condensation va se produire, formant ainsi la phase condensée cristallisée dans la zone de cristallisation . Les températures de la source et de la zone de cristallisation sont représentées généralement par T1 et T2, T1 étant la température la moins élevée. Une réaction exothermique transportera donc de T1 vers T2 et de même qu’une réaction endothermique transportera de T2 vers T1. Il a été montré plusieurs fois dans la littérature que seuls les principes thermodynamiques entrent en jeux, dans de très rares cas la cinétique peut influencer. Aujourd’hui la compréhension des phénomènes présents dans le transport en phase vapeur est bien développée, des programmes informatiques permettent même d’optimiser ces procédés lorsque que l’on a une bonne connaissances des réactions mises en jeu et des données thermodynamiques relatives à ces réactions (enthalpie, entropie, chaleur spécifique, etc…).
Il existe deux méthodes, le transport en phase vapeur en milieu ouvert ou fermé. Le transport en phase vapeur utilisé en milieu ouvert nécessite l’utilisation d’agents de transport peu volatiles ou d’un flux continu de cet agent. La méthode la plus répandue dans les laboratoires de recherche reste celle en milieu fermé et notamment en tube de quartz scellé, c’est d’ailleurs celle-ci qui a été utilisé durant cette thèse. Les tubes scellés font généralement de 100 à 200 mm de longueur pour un diamètre de 10 à 20 mm. Il suffit souvent de quelques milligrammes d’agent de transport pour que le transport vapeur ait lieu. Chaque agent de transport a des affinités bien spécifiques avec les éléments chimiques, plusieurs références existent pour pouvoir choisir au mieux l’agent de transport en fonction des éléments ou espèces chimiques à transporter. Le choix de l’agent de transport dépend du domaine de température nécessaire, d’une part pour la formation de la phase cristalline voulue dans la zone de cristallisation et d’autre part, pour que l’agent de transport puisse agir.
Lorsque plusieurs espèces chimiques doivent être transportées, il faudra, s’il en existe, un agent de transport réagissant avec ces espèces dans les mêmes domaines de températures. Sinon il faudra utiliser un mélange de plusieurs agents de transport. Il faudra également que la température de la zone de cristallisation ZC permette les réactions chimiques nécessaires à la formation de la phase finale voulue.
Synthèses hydrothermales
Le terme hydrothermal a une origine géologique. Sir Roderick Murchison (1792- 1871), géologue britannique, est le premier à utiliser ce terme en décrivant l’action de l’eau dans la croûte terrestre à des températures et pressions très élevées. Cette action provoque la formation de nombreuses roches et minéraux. Les premières synthèses hydrothermales ont été réalisées au XIXème siècle afin de comprendre la genèse des roches et minéraux en simulant les conditions de température et de pression existantes dans la croûte terrestre. Ces synthèses étaient effectuées à l’aide du « digesteur » de Papin, aujourd’hui nommé autoclave, l’eau et les précurseurs étaient insérés dans un récipient métallique fermé permettant la montée en pression et en température avec chauffage. Denis Papin (1647-1713), physicien, mathématicien et inventeur français, invente en 1679 ce qu’il nomme le « digesteur », un récipient en fonte contenant l’eau et pouvant être scellé avec des vis. Denis Papin voulait obtenir de l’eau à haute température toujours liquide, étant impossible à pression atmosphérique, l’idée lui est venue de confiner l’eau en la chauffant pour que la pression générée maintienne l’eau à l’état liquide.
Denis Papin n’a utilisé son invention qu’avec des aliments afin d’étudier leur cuisson et d’obtenir différents produits alimentaires. Il faudra attendre le XIXème siècle pour que le « digesteur » soit utilisé en laboratoire à des fins géologique pour l’étude de la formation des roches et minéraux en milieu hydrothermal. En 1845, Karl Emil von Schafhäutl (1803-1890), géologue allemand, a synthétisé les premiers cristaux de quartz avec le « digesteur ». De nombreux cristaux ont été synthétisés par la suite cependant la popularisation de ce type de synthèse n’apparaît que dans les années 1940 où l’industrie commence a utilisé ce procédé.
Il existe deux types de synthèse hydrothermale de par leur mode de chauffage, l’une par chauffage classique c’est-à-dire avec des résistances conventionnelles et l’autre par chauffage micro-onde. Chaque méthode a ses avantages et inconvénients qui vont être explicités par la suite.
|
Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Synthèses et caractérisations des oxydes
1. Techniques de Synthèses
Synthèses par voie solide
Croissance cristalline par transport en phase vapeur
Synthèses hydrothermales
Les synthèses en solution
Chauffage Classique
Chauffage par micro-ondes
Caractérisations chimiques
Analyse EDS
Analyses thermiques ATG/DSC
Caractérisations structurales
La diffraction
Résolution de la structure cristallographique
Extraction du facteur de structure
Affinements structuraux
Techniques d’acquisition de données de diffraction
Diffraction des rayons X sur monocristal
Collecte des données de diffraction
Diffraction des rayons X sur poudre
Collecte des données de diffraction
Traitements des données
Dispositifs expérimentaux
Diffractomètre D8 advance Vario-1 de Bruker
X’Pert Pro de PANalytical
D2B
D20
Précession des électrons en mode tomographie (PEDT)
Acquisition de données PEDT
Caractérisations physiques
Propriétés diélectriques des matériaux
Mesure de la constante diélectrique
Propriétés magnétiques
États magnétiques
Paramagnétisme
Ferromagnétisme
Antiferromagnétisme
Ferrimagnétisme
Mesure expérimentale des propriétés magnétiques
SQUID (Superconducting QUantum Interference Device)
PPMS (Physical Property Measurement System)
Multiferroïsme et couplage magnétoélectrique
Bibliographie
Chapitre 2 : Recherche de nouvelles phases, exploration de systèmes chimiques
Introduction
Établissement d’un protocole pour la recherche de nouvelles phases
Protocole pour les synthèses par voie solide
Protocole pour les synthèses hydrothermales
Choix des systèmes chimiques à étudier
Résultats des recherches dans les bases de données
Résumé des synthèses exploratoires
Voie solide
Voie hydrothermale
Nouvel oxyde hydraté (MnIII)2(MnII)3Se6O18(H2O)17
Synthèse
Résolution structurale
Nouvel oxyphosphate Na2Co6Te2(PO4)2O10
Synthèse
Résolution structurale
Conclusion
Bibliographie
Chapitre 3 : Nouveaux oxydes par voie solide Bi6(M5/6W1/6)4W4O28 (M=Fe,Cr)
Introduction
Système Bi-Fe-W-O
Composés référencés
BiFeWO6 existe-t-il ?
Nouveaux oxydes Bi6(M5/6W1/6)4W4O28 (M = Fe, Cr)
Synthèse de Bi6(Fe5/6W1/6)4W4O28
Bi6M3,33W4,67O28 avec M = Fe, Cr
Étude des propriétés physiques
Propriétés diélectriques et transition de phase
Mesures magnétiques
Mesures magnétiques sur Bi6Cr3.33W4,67O28
Mesures magnétiques sur Bi6(Fe5/6 W1/6)4W4O28
Mesures optiques
Mesures de transmittance
La phase pyrochlore BiMWO6 (M = Cr,Fe)
Conclusion
Bibliographie
Chapitre 4 : Étude de l’oxychlorure Co6-xZnx(TeO3)2(TeO6)Cl2, crsitallogenèse et mesures magnétiques
Conclusion