Synthèses et caractérisations des catalyseurs d’hydrotraitement et d’hydrocraquage
Le support du catalyseur
Le support des catalyseurs d’hydrotraitement est généralement un oxyde d’aluminium tandis que celui des catalyseurs d’hydrocraquage est un aluminosilicate. La formation de ces solides est couramment réalisée par précipitation via la voie sol gel. La partie qui suit présente brièvement les principes de base de la chimie sol-gel. Dans un deuxième temps, un cas particulier est abordé, celui de matériaux particulièrement bien adaptés comme support de catalyse hétérogène : les solides mésoporeux organisés, appelés encore solides mésostructurés.
La chimie sol-gel
Le procédé sol-gel permet la formation de polymères inorganiques par polycondensation de précurseurs moléculaires tels que des sels métalliques ou des alcoxydes hydrolysés. Ces synthèses sont généralement réalisées en milieu aqueux, ou hydroalcoolique, à une température proche de l’ambiante ou dans des conditions hydrothermales. De par sa facilité de mise en œuvre et de part son coût très modéré, cette méthode est couramment utilisée pour la synthèse des supports oxydes en catalyse. La polymérisation inorganique s’articule autour de deux étapes : l’hydrolyse et la condensation de précurseurs métalliques. La structure de ces métaux en solution dépend des conditions de synthèses (pH, concentration, force ionique, etc.) et de l’élément chimique (charge, coordinence, rayon ionique, électronégativité , etc.). Les précurseurs utilisés lors de cette étude sont des alcoxydes d’aluminium et de silicium de formule M(OR)z, où z correspond à la charge partielle du métal, ainsi que le trichlorure d’aluminium AlCl3. Cas du Silicium : le cation Si4+ de charge partielle z = 4 et de rayon ionique 0,41 Å présente une coordinence privilégiée N égale à 4. L’alcoxyde utilisé lors de ce travail est le tétraéthoxysilane (TEOS) Si(OCH2CH3)4. La cinétique d’hydrolyse du TEOS est d’ordre 1 par rapport à la concentration en H+ ou OH- , selon le pH de synthèse. Elle est donc minimale à pH 7 en l’absence d’autre catalyseur que H+ ou OHen solution.
En solution diluée, les réactions d’hydrolyse/condensation du TEOS conduisent à la formation d’oligomères linéaires ou cycliques, de bas poids moléculaire. Ces espèces sont notées Si(OH)h(OEt)x(OSi)n avec n + h + x = 4. En l’absence d’autre catalyseur que H+ et OH- , les oligomères formés sont plutôt linéaires et faiblement condensés en milieu très acide (0 < pH < 2) et plutôt ramifiés en milieu moins acide (pH > 2). Les espèces formées se dissolvent lentement en milieu faiblement acide et rapidement pour un pH fortement alcalin. Cas de l’aluminium : le cation Al3+ de charge partielle z = 3 et de rayon ionique r = 0,5 Å peut adopter des coordinences N égales à 4, 5 ou 6. Dans cette étude, nous travaillons avec un chlorure d’aluminium hydraté, AlCl3.6H2O et avec un alcoxyde, le sec-butoxyde d’aluminium Al(OC4H9)3 (SBA).
A pH < 3, l’Al3+ se trouve majoritairement sous forme d’un complexe hexa-aquo [Al(H2O)6] 3+, très peu réactif vis-à-vis de la condensation, et sous forme [Al(OH)4]- pour des pH > 10. L’hydroxylation du complexe hexa-aquo peut être initiée par alcalinisation ou par thermohydrolyse. Pour des taux d’hydroxylation h inférieurs ou égaux à 2,4 des dimères ou trimères chargés positivement ainsi que le polycation [Al13O4(OH)24(H2O)12] 7+ peuvent être obtenus. Le solide ne se forme que pour h = 2,5 dans le domaine d’acidité correspondant à la formation du complexe de charge nulle [Al(OH)3(OH2)3]0.
Les oxydes mésostructurés amorphes
Les matériaux mésostructurés possèdent la particularité d’avoir un réseau uniforme de mésopores organisés périodiquement. Leur synthèse a été reportée la première fois en 1990 par Yanagisawa et al . En 1992, les chercheurs de Mobil Oil Corp ont synthétisé des matériaux dont les pores sont structurés en nid d’abeille avec un diamètre supérieur à 2 nm, la surface spécifique du solide finale étant proche de 1000 m²/g. Ce travail a permis d’ouvrir la voie à la chimie des solides mésoporeux organisés, les SMO, qui est devenu depuis un domaine de recherche spécifique très actif.
➤ Principe de synthèse
La synthèse reportée par Beck et al. est une synthèse hydrothermale où l’utilisation d’un agent amphiphile structurant permet la formation d’une porosité mésostructurée. Cet agent structurant est un tensioactif de type ammonium quaternaire. Ce composé forme des micelles lorsque sa concentration est supérieure à la concentration micellaire critique (cmc). Selon la concentration du tensioactif, la température et la force ionique, plusieurs phases micellaires peuvent être observées.
En solution, l’interaction entre les précurseurs métalliques et les assemblages supramoléculaires des molécules organiques est la force motrice de la formation des matériaux mésostructurés organisés. En effet, une interaction favorable permet la condensation des espèces inorganiques autour des micelles. Ainsi, plusieurs types d’interactions sont possibles selon la charge des oligomères inorganiques et la charge des micelles .
➤ Acidité des SMO
Lorsqu’il est incorporé en coordinence 4, sa valence étant de 3, l’aluminium forme des tétraèdres [AlO4]- chargés négativement. Cette charge excédentaire peut être compensée par un cation alcalin ou un proton. Dans ce dernier cas, c’est ce proton qui est à l’origine de l’acidité des aluminosilicates tels que les zéolithes ou les aluminosilicates mésoporeux amorphes.
Dans le cas des matériaux amorphes, il n’est pas possible de relier l’acidité d’un site à une configuration géométrique définie. Grâce à l’adsorption de molécules sondes basiques sur la surface d’aluminosilicates amorphes, Bonelli et al. ont observé l’absence de sites acides de type zéolithiques Si-OH-Al. Cependant, ils ont observé la présence de sites d’acidité modérée Si-O-Al(OH)-O-Si. L’acidité des aluminosilicates amorphes ne semble pas due à un site unique. Par exemple, Chizallet et al.17,19 ont simulé la surface d’un aluminosilicate amorphe via des calculs de DFT combinés à de la dynamique moléculaire. Des calculs d’énergies d’adsorption de molécules sondes ont permis de mettre en évidence des sites acides qui sont des silanols « pseudo-pontants » comme le montre la Figure I. 6. Ainsi l’adsorption de molécules telles que la lutidine engendre la déprotonation du site acide en même temps que la formation d’une liaison Si-O-M (où M peut être soit Al ou Si). Toutefois, la nature exacte des sites acides d’un aluminosilicate amorphe est encore largement débattue.
L’adjonction d’aluminium dans la charpente d’un matériau silicique permet ainsi de fonctionnaliser ce matériau via la création de sites acides. Ces matériaux sont utilisés comme supports de catalyseur d’hydrocraquage qui nécessitent la présence d’un site acide associé à une phase hydro/déshydrogénante.
Afin de déterminer les propriétés texturales de ces matériaux, l’adsorption d’azote est une méthode particulièrement bien adaptée qui permet par le biais de modèles mathématiques d’obtenir des informations sur la surface spécifique, les volumes micro et mésoporeux et le diamètre des mésopores constitutifs de la texture du matériau.
Les SMO possèdent des propriétés texturales très intéressantes pour la catalyse de molécules larges et encombrées, notamment grâce à leur taille de pores de 2 à 13 nm et leur surface spécifique comprise entre 150 et 1100 m²/g. Cependant, ces matériaux montrent le plus souvent une acidité modérée et une faible résistance hydrothermale.
Conclusion : un support de catalyseur est généralement un oxyde montrant des caractéristiques structurales et texturales particulières. Les charges à traiter par les catalyseurs d’hydrotraitement et d’hydrocraquage possèdent des molécules de grandes tailles comme par exemple une coupe pétrolière VGO (Vaccum Gas-Oil, distillat sous vide) composée de 20 à 50 atomes de carbone. En conséquence, la surface spécifique des catalyseurs doit être maximisée afin de garantir une bonne surface d’échange avec les réactifs. De plus, l’accessibilité vers les sites actifs doit être assurée par une taille de pore suffisante pour permettre la diffusion des réactifs et des produits de catalyse. Les solides mésoporeux organisés répondent à ses conditions, de plus l’ajout d’une fonction acide par le biais d’adjonction d’aluminium permet à ces solides d’être utilisés comme supports de catalyseurs d’hydrotraitement et/ou d’hydrocraquage. Le coût de ces solides mésoporeux organisés fait qu’ils ne sont pas encore utilisés industriellement en catalyse. Cependant, ils sont largement répandus dans le milieu académique comme systèmes modèles.
La phase active du catalyseur
La phase active des catalyseurs d’hydrotraitement et d’hydrocraquage est composée d’un sulfure de métal de transition, généralement le Mo ou le W. Les phases sulfurées associées à ces deux métaux étant isostructurales, l’exemple du MoS2 est pris dans cette partie. Avant de décrire la structure et les propriétés catalytiques de cette phase, un bref aperçu de la chimie du molybdène et du tungstène sous forme cationique et sous forme de polyoxométallates (hétéropolyanions) est dressé en première partie.
|
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I.A. Synthèses et caractérisations des catalyseurs d’hydrotraitement et d’hydrocraquage
I.A.1. Le support du catalyseur
I.A.1.a. La chimie sol-gel
I.A.1.b. Les oxydes mésostructurés amorphes
I.A.2. La phase active du catalyseur
I.A.2.a. La chimie du molybdène et du tungstène en solution
I.A.2.b. Le sulfure de molybdène et de tungstène : Mo(W)S2
I.A.2.c. Le MoS2 promu par Co ou Ni
I.A.3. Synthèse du catalyseur final
I.A.3.a. Imprégnation à sec
I.A.3.b. Co-condensation Sol-Gel
I.A.3.c. Sulfuration des oxydes précurseurs de Co(Ni)Mo(W)S2
I.B. Vers l’incorporation d’une phase métallique dans un support mésostructuré via un procédé original : la voie aérosol
I.B.1. Principe de l’atomisation
I.B.2. Description des synthèses par voie aérosol
I.B.3. Propriétés du procédé aérosol
I.C. Conclusions et objectifs de la thèse
I.D. BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE II : SYNTHESE PAR VOIE AEROSOL DE CATALYSEURS (CO)MOP/SIO2(- AL2O3) MESOSTRUCTURES
II.A. Introduction
II.B. Synthèse des matériaux
II.B.1. Principe de synthèse
II.B.2. Solutions des précurseurs de la matrice
II.B.3. Solutions des précurseurs de la phase oxométallique
II.B.4. Solutions de tensioactif
II.B.5. Solutions d’atomisation finales et conditions opératoires d’atomisation
II.C. Caractérisations de la matrice des matériaux
II.C.1. Choix du tensioactif
II.C.2. Comparaison des matériaux synthétisés avec le TSI 9306 et le Büchi B-290
II.C.3. Influence de la température de calcination des matériaux
II.C.3.a. Propriétés texturales et structurales des matériaux de référence
II.C.3.b. Propriétés texturales et structurales des matériaux SiKeg10%Y
II.C.3.c. Propriétés texturales et structurales des matériaux SiKeg20%Y
II.C.4. Influence de la nature de la phase oxométallique
II.C.4.a. Matériaux de type silice-cobalt-PMo12
II.C.4.b. Matériaux de type silice-cobalt-P2Mo5
II.C.5. Influence de la nature de la matrice
II.D. Conclusions
II.E. Bibliographie
CHAPITRE III : CARACTERISATION DE LA PHASE OXOMETALLIQUE DES CATALYSEURS (CO)MOP/SIO2(-AL2O3)
III.A. Introduction
III.B. Préparation des matériaux imprégnés
III.C. Structure de la phase oxométallique
III.C.1. Spectroscopies vibrationnelles
III.C.1.a. Silice pure
III.C.1.b. Matériaux Silice-PMo12 (SiKeg)
III.C.2. Diffraction des rayons X sur poudre
III.C.2.a. Matériaux Silice-PMo12
III.C.2.b. Matériaux Silice– CoPMo12
III.C.2.c. Matériaux Silice– CoP2Mo5
III.C.3. RMN du solide du noyau 31P
III.C.3.a. Conservation des HPA
III.C.3.b. Effet de la maturation des catalyseurs sur la phase oxométallique
III.C.3.c. Etude de la partie détruite des HPA
III.D. Dispersion de la phase oxométallique
III.D.1. Cartographie MEB-EDX
III.D.1.a. Matériaux imprégnés
III.D.1.b. Matériaux synthétisés par voie aérosol
III.D.1.c. Matériaux après maturation
III.D.2. Mesure du temps de relaxation du noyau 31P
III.E. Interactions phase oxométallique – matrice
III.E.1. Principe de l’expérience de relargage
III.E.2. Résultats
III.E.2.a. Matériaux imprégnés
III.E.2.b. Matériaux synthétisés par voie aérosol
III.F. Conclusions et discussion
III.F.1. Conclusions sur les analyses spectroscopiques
III.F.2. Conclusions sur la localisation de la phase oxométallique
III.G. Bibliographie
CONCLUSION GENERALE
Télécharger le rapport complet