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Hydrophosphination
L’hydrophosphination est une réaction permettant l’addition d’une phosphine (primaire ou secondaire) sur un composé insaturé. Elle est d’un grand intérêt pour ce qui est de l’économie d’atome (notamment en catalyse métallique) mais aussi pour l’accès à certaines structures inédites. La réaction avec des phosphines secondaires est très présente dans la littérature, notamment avec le substrat Ph2PH.18 Néanmoins, elle reste assez peu connue avec des phosphines primaires (RPH2). Pourtant cette réaction, lorsque la sélectivité est contrôlée, peut permettre la désymétrisation lors de la formation de phosphines secondaires. Les produits pouvant être obtenus lors de l’hydrophosphination d’alcène par une phosphine primaire sont présentés dans le Schéma 8. On constate que deux types de composés peuvent être produits : ceux découlant d’une mono-addition (MA) de l’alcène sur la phosphine (1.12 et 1.13), et ceux issus d’une di addition (DA, 1.14 et 1.15). Dans cette partie, seules les réactions montrant une sélectivité pour la réaction MA (désymétrisation) sont détaillées. Une caractéristique remarquable de cette chimie est l’accès quasi systématique au régioisomère anti-Markovnikov (a-Mar.).
Phospha-Michael
King et Cloyd19 se sont intéressés à la synthèse de bis-phosphines mettant en jeu l’hydrophosphination d’accepteurs phosphorés de type Michael vinylphosphonates ou sulfure de vinylphosphines en présence d’une quantité catalytique de base. Leur première approche (Schéma 9) consiste à mettre en présence un équivalent de phosphine primaire, 1.1 et 1.18a-c, un équivalent de vinylphosphonate et du tert-butylate de potassium en quantité catalytique.
Cette réaction permet d’obtenir le composé mixte intermédiaire phosphine-phosphonate 1.17a-d auquel est ajouté, monotope, du LiAlH4 pour former la diphosphine secondaire/primaire 1.18a-d. Les composés 1.18a-c sont obtenus avec des rendements de 31 à 43%. Notons que le composé 1.18d, triphosphine tertiaire/secondaire/primaire (ouvrant de nombreuses possibilités de synthèse pour des composé tridendates), est quant à lui obtenu avec un rendement de 72% au départ de la diphosphine tertiaire/primaire (Me2-P-CH2-CH2-PH2). En revanche, la réaction en présence de méthylphosphine, conduit spontanément à la di-alkylation.
Réactions Métallo-catalysées
Métaux de transition tardifs
L’hydrophosphination métallocatalysée d’alcènes ou d’alcynes est une réaction très intéressante pour la synthèse de phosphines tertiaires, notamment en termes d’économie d’atomes. En effet, les réactions mettant en jeu des diarylphosphines avec des alcènes activés sont aujourd’hui légion dans la littérature.18 Les métaux de transitions tardifs sont en effet réputés pour leur aptitude à catalyser des réactions d’hydroaminations.21
Ainsi, dans les années 2000, l’équipe de Malisch a développé une approche basée sur la réactivité d’un composé cationique ferro-phosphine (isolable), formé in situ par la réaction du complexe et une phosphine primaire (Schéma 11) en présence de NEt3.22 La réaction est stéréosélective (pour le phosphore), et permet dans un premier temps de générer un nouveau complexe cationique 1.34 incorporant un motif phosphine secondaire. Les auteurs synthétisent plus d’une quarantaine de composés de ce type, jouant à la fois sur les effets électroniques du complexe au fer (R’ = H ou Me), le groupement porté par la phosphine primaire (d’alkyl à aryl très encombré) et la nature de l’insaturation : alcènes activés (ester, nitrile, pyridine, …), cétone ou encore époxyde. L’équipe propose un mécanisme de type phospha-Michael rendu possible grâce à la « super » nucléophilie de la ferro-phosphine 1.32, formée par déprotonation du complexe cationique 1.31.
Phosphore Electrophile
Utilisation d’une halogénophosphine
En 1990, Imamoto utilise la dichlorophénylphosphine 1.68 afin de synthétiser la PAMP, une PIIIm.31 Il étudie deux voies afin de l’obtenir sous forme énantiopure (Schéma 19). La première étape de la méthode (a) est la formation, monotope, de la phosphine 1.69 en mélange racémique. Les deux diastéréoisomères (RP)-1.69 et (SP)-1.69 sont séparés par CCM préparative et obtenus avec respectivement 100% et 93% d’excès diastéréoisomériques. Ceux-ci sont mis en présence de méthyllithium et fournissent les composés (RP)-1.70 et (SP)-1.70 avec 95% de rendements et des excès identiques. La méthode (b) permet la formation monotope du phosphinate borane secondaire 1.71. Pour ce faire, le composé 1.68 est mis en présence de (-)-Menthol, de borane et d’hydrure mixte de lithium et d’aluminium. Cela permet d’obtenir le composé 1.71 souhaité sous forme de mélange racémique. Une séparation par CCM préparative permet l’obtention des deux diastéréoisomères, (RP)-1.71 et (SP)-1.71, avec des excès de 100%. La phosphine-borane secondaire ainsi formée peut ensuite, en présence d’une base forte (ici NaH), réagir avec l’iodométhane pour former les composés 1.72. Il est à noter que, lorsque l diastéréoisomère (SP)-1.72 est soumis à une réaction avec l’anisyllithium, la PAMP 1.70 est obtenue sous forme racémique. Aucune hypothèse n’est émise par les auteurs pour expliquer cette perte de sélectivité qui ne se produit pas lorsque la réaction est effectuée en présence de méthyllithium (méthode (a)).
P(IV) vers P(III) : phosphonium nucléofuge
Horvath et al. se sont intéressés à l’introduction de groupes perfluoroalkyles sur des phosphines, en passant par un intermédiaire de type phosphonium.45 La méthode est simple : il s’agit de mono-alkyler une phosphine tertiaire type R3P avec RF-X, puis de déplacer sélectivement l’un des substituants R en utilisant le phosphonium comme groupe nucléofuge. De cette manière, la chimiosélectivité est assurée. En reproduisant plusieurs fois cette méthode, ils peuvent ainsi obtenir une phosphine (RF)3P où tous les RF sont différents.
Afin de trouver le bon groupement R, ils s’inspirent de la méthode développée par Johnson en 1959.46 Ce dernier réalise l’alkylation de la tri(cyanoethyl)phosphine 1.138 par des halogénoalcanes pour former le phosphonium 1.139 (Schéma 32). Le cation phosphoré est ensuite mis en présence d’un alcoolate de sodium (NaOEt, NaOMe) et l’un des substituants cyanoéthyl est éliminé. Johnson explique la formation du principal produit secondaire, l’éthoxycyanoéthyl 1.143, en s’appuyant sur les travaux de Woolf47 et statue en faveur d’un mécanisme d’élimination, de type rétro-Michael, catalysé par la présence d’une base forte (Schéma 32, (a)). Il propose ensuite une réaction rapide entre l’acrylonitrile 1.141 ainsi obtenu et l’éthanol 1.142, catalysée par la base dans le milieu, libérant de l’éthoxycyanoéthyl 1.143.
Horvath, en revanche, propose un mécanisme plus direct de substitution nucléophile du groupement phosphonium par l’alcoolate (Schéma 32, (b)). Il utilise cette triple substitution afin de synthétiser des ligands phosphines perfluoroalkylées. L’un de ses exemples permet la synthèse d’une phosphine fonctionnalisée possédant trois chaines fluorées différentes avec un rendement total sur six étapes de 46%.
Phosphiraniums dans la littérature
Phosphiraniums postulés dans des mécanismes
Dans la plupart des publications relatant la formation de phosphiraniums, ces espèces seraient formées de façon transitoire et directement consommées in-situ. Ainsi, suite à l’obtention d’un résultat inattendu, lors de l’hydrolyse de la réaction entre un mélange de dichlorophénylphosphine 1.161 et le 2,3-dimétyl-2-butène 1.162, Crews et son équipe statuent sur un mécanisme passant par la formation d’un phosphiranium (Schéma 39, (a)).59 En effet, ils n’obtiennent pas le composé 1.164 attendu (résultant de l’ajout de l’eau sur le carbocation 1.163) mais le composé 1.166 possédant un acide phosphinique. Bien que le passage par le phosphiranium 1.165 n’ait pas été mis en évidence, ils postulent tout de même sa formation pour expliquer le résultat obtenu. Muhammad et Lawrence proposent, eux aussi, un mécanisme mettant en jeu un phosphiranium (Schéma 39, (b)).60 La réaction entre une β-hydroxyphosphine 1.167 et le PCl3 permet la formation d’un groupe partant de type oxyde de chlorophosphine 1.168, déplacé par une réaction SN2 intramoléculaire conduisant au cycle phosphoré 1.169. Ils proposent l’attaque nucléophile du phosphore par le chlore ou la triethylamine, entrainant un réarrangement et la formation de l’alcène 1.170. Une fois de plus la formation du phosphiranium n’a pu être mise en évidence.
Synthèse de phosphiraniums
Un travail conduit au sein du laboratoire URCOM, initié lors de la thèse précédente de Julien Gasnot (2014-2017) s’est d’abord concentré sur l’accès aux sels de phosphiraniums et aux modulations structurales possibles permettant, dans la mesure du possible d’isoler et de caractériser, de nouvelles espèces. Ces variations se sont portées en grande majorité sur trois paramètres : 1) la nature de l’aryle porté par le phosphirane parent, paramètre demandant une modification en amont de la quaternarisation, lors de la synthèse du phosphirane précurseur, 2) la nature du groupement quaternarisant, en faisant varier l’agent de quaternarisation et enfin 3) la nature du contre-ion, de nouveau par variation du partenaire électrophile permettant la quaternarisation choix de phosphirane s’est basé sur plusieurs critères énoncés et argumentés ci-après. La tension de cycle, ainsi que la propension du phosphore à s’oxyder, ont forcé l’équipe à se diriger vers un composé possédant un équilibre subtil entre stabilité et réactivité. En effet, celui-ci devait être assez stable pour être manipulé, dans les conditions respectant les précautions d’usage imposées par la sensibilité des phosphines tertiaires (distillations et dégazages des solvants, manipulations sous gaz inerte, …), mais aussi être capable de réagir dans des conditions douces lors de la formation des phosphiraniums d’intérêts. Au vu des informations de la bibliographie sur les phosphiranes (présentés dans le chap. 1.2.1.), l’équipe a choisi de se diriger vers un composé possédant un groupement aryle. Ainsi le choix initial s’est réduit à trois composés : le 1-phénylphosphirane 1.184, le 1-mésitylphosphirane 1.190 et le 1-supermésitylphosphirane 1.176. Parmi ces trois composés, le mésitylphosphirane 1.190 (Schéma 45) s’est avéré posséder les qualités requises, à savoir une synthèse courte et un juste équilibre entre stabilité et réactivité.
Alkylation
La réaction mise en place par Wild et Hockless a été reproduite sur le phosphirane modèle : 1-mesitylphosphirane 1.190. Mis en présence de deux équivalents de méthyltriflate dans du dichlorométhane, le méthylphosphiranium 1.191 correspondant est obtenu en 1 heure à température ambiante avec un rendement supérieur à 95%, après évaporation de l’excès de méthyltriflate (Schéma 45, (a)).
Comme les autres cycles tendus à trois chainons, le phosphiranium 1.191 est caractérisé par des déplacements chimiques en RMN1H, 13C et 31P de très hauts champs ainsi que par de grandes constantes de couplage JP-C et JP-H. De plus, lorsqu’il est stocké à -20 °C et en l’absence totale d’eau et d’air, celui-ci s’est avéré être stable sur de longues périodes (plusieurs mois).
Les conditions de la réaction peuvent aussi être appliquées à des phosphiranes possédant des substituants simples sur le cycle carboné (Schéma 45, (b)) : ici des groupements méthyles 1.192a et 1.192b. Une fois de plus, d’excellents rendements sont obtenus pour les composés souhaités, 1.193a et 1.193b, qui se sont en revanche révélés assez instables.
Il a également été envisagé de faire varier le contre ion du phosphiranium. Pour cela le changement d’agent d’alkylation est apparu comme la méthode la plus évidente afin de s’affranchir d’une étape délicate de métathèse d’anions. Plusieurs agents alkylants ont été essayés (MeOMs, MeOTs, MeI, ou encore (MeO)2SO2) mais seul le sel de Meerwein, Me3OBF4 a permis d’isoler le sel de phosphiranium 1.194 correspondant (Schéma 45, (c)).
L’effort de diversification s’est ensuite poursuivi avec l’étude de la formation du 1-benzyl-1-mésitylphosphiranium 1.196 et du 1-allyl-1-mésitylphosphiranium 1.197. La difficulté a été la formation des composés trifluorométhanesulfonates qui se sont avérés instables à température ambiante. Pour contourner ce problème, les réactions ont été réalisées en mode monotope (de l’alcool correspondant au phosphiranium) selon des conditions opératoires reportées par Corey et Helal,66 en n’excédant pas une température de -30 °C (Schéma 45, (d)). Cette méthode a permis l’obtention des composés 1.196 et 1.197 avec d’excellents rendements de 90 et 95% respectivement.
Arylation
L’accès à des diarylphosphiraniums a également été étudiée. La réaction présentée ci-dessous est une adaptation de la réaction d’arylation électrophile développée sur une diphénylphosphine vinylique par Kondo, en 1999.67 Un abaissement de la température s’est avéré nécessaire (de 140 °C à 80 ou 50 °C) pour limiter la dégradation des composés phosphiraniums plus sensibles. La réaction permet ainsi d’obtenir en 1 heure, trois nouveaux sels de phosphiraniums (Schéma 46). On peut noter les différences notables de rendements, d’abord entre ces composés (1.198 à 1.200) et ensuite avec le méthylphosphiranium 1.191, montrant des différences de stabilité entre ces différentes espèces diarylées et les espèces alkylées correspondantes. A l’inverse du phosphiranium méthylé, le composé 1.198 ne peut être stocké à -20 °C (sous atmosphère interte), que pendant une période limitée n’excédant pas quelques semaines. Ces différences de rendements mettent en évidence deux facteurs importants pouvant influencer la stabilité des sels diarylés. La comparaison des deux premières réactions (1.198 et 1.199) montre que le contre-ion joue un rôle important, non seulement dans la formation du sel mais également sur sa stabilité. Le faible rendement d’obtention du composé p-tBu-phényl 1.200 peut être imputé à plusieurs paramètres et notamment à la présence d’un groupe donneur par effet inductif sur l’aryle, qui déstabilise probablement le sel (surtout dans les conditions de la réaction, relativement drastiques pour de tels composés).
Réaction d’Ouverture C-Centrée (ROCC)
Réaction avec le 1-méthyl-1-mésitylphosphiranium 1.191
L’étude de l’ouverture par un nucléophile a été réalisée sur le 1-mésityl-1-méthylphosphiranium 1.191 modèle. En effet, ce dernier présente les mêmes atouts que le 1-mésitylphosphirane précurseur (cf. partie précédente) : une facilité d’accès d’une part, et une stabilité suffisante pour être manipulé sans craindre une dégradation trop rapide, d’autre part.
Comme évoqué précédemment, les phosphiraniums possèdent deux sites réactionnels concurrents pouvant réagir avec un nucléophile. Le Schéma 47 ci-dessous illustre les différents produits pouvant potentiellement être formés par réaction du 1-mésityl-1-méthylphosphiranium 1.191 avec un nucléophile. Une attaque sur l’un des carbones du cycle, comme attendue, conduit à la formation d’une phosphine acyclique β-fonctionnalisée 1.201a (réaction visée).
Une attaque sur le phosphore évolue, quant à elle, vers la formation de phosphines oxydées ouvertes, résultant d’un échange entre le nucléophile porté par le phosphore et l’eau présente dans le milieu réactionnel. L’oxyde de phosphine 1.202 résulte directement du produit de l’ouverture P-centrée 1.201b, et l’oxyde de phosphine 1.203 est formée par élimination d’éthylène.
Après plusieurs essais d’ouverture C-centrée en présence d’un grand nombre de nucléophiles, l’aniline 1.204 s’est révélée être le seul composé capable de réaliser la ROCC, et ce, avec une très bonne sélectivité. En effet, aucun composé provenant d’une attaque sur le phosphore n’est observé dans le brut réactionnel. La réaction optimisée est présentée sur le certain nombre de caractéristiques, telles que sa nucléophilie, son pKa, sa taille, …. Sur la base de ces observations, l’ouverture par une seconde famille de nucléophiles azotés, les hydroxylamines O-alkylées, possédant des propriétés comparables a été envisagée. Un premier essai d’ouverture du phosphiranium modèle avec la O-benzylhydroxylamine a permis de confirmer le potentiel de cette classe de nucléophile avec la formation du produit d’ouverture C-centrée attendu. Notons cependant que le rendement obtenu est plus faible qu’avec l’aniline (32% vs 84%), en raison d’une moins bonne sélectivité pour l’ouverture C-centrée (composés provenant d’une attaque P-centrée plus présents dans le brut réactionnel). Bien que modeste, ce premier résultat ouvre néanmoins des perspectives intéressantes.
Il est important de noter que la réaction d’ouverture C-centrée avec l’aniline 1.204 ne conduit pas directement à la β-amino phosphine ouverte 1.205 mais au protiophosphonium intermédiaire 1.207 (Schéma 49). Le spectre RMN 31P du brut réactionnel, montre en effet un signal large à -20 ppm. Cette forme laisse penser qu’un équilibre entre le protiophosphonium 1.207 et le protio-ammonium 1.206 est possible. En revanche, la présence de ce composé ammonium 1.206 n’a jamais pu être mise en évidence. De plus, cela nous permet de comprendre l’importance du pKa dans la réaction d’ouverture lors de la réaction avec un nucléophile protique. Une rapide filtration du brut réactionnel est réalisée en fin de réaction sur alumine basique pour libérer le composé 1.205 attendu, qui donne un signal bien résolu en RMN 31P à -49 ppm. Schéma 49 : Mécanisme supposé de l’ouverture C-centrée du 1-mésityl-1-méthylphosphiranium
Les méthodes classiques d’analyses (CCM, RMN 1H et 31P) ont aussi montré la présence d’un second composé 1.208 minoritaire, possédant une structure proche du composé d’ouverture C-centrée. Une colonne chromatographique a permis de séparer les deux composés et de déterminer la nature de ce second produit. La présence d’un seul phosphore pour ce second composé 1.208 en RMN 31P a tout d’abord brouillé les pistes, mais les intégrations en RMN 1H ont permis de prouver qu’il s’agissait du produit di-alkylé de l’aniline. Celle-ci, après avoir ouvert une première molécule de phosphiranium peut ensuite réagir de nouveau avec une autre molécule cyclique et former le produit 1.208 (Schéma 50).
Le ratio final entre les anilines mono et di-alkylées peut paraitre surprenant si l’on considère que les amines secondaires sont plus nucléophiles que leurs homologues primaires.
Ceci s’explique probablement par la présence du proton partagé par les atomes d’azote et de phosphore (1.206 en équilibre avec 1.207, Schéma 49) qui ralentit (mais n’inhibe pas) l’attaque nucléophile de l’amine secondaire sur les carbones du cycle.
La réaction a ensuite été étendue à différentes anilines (Schéma 52). Cette étude a permis de relever certaines tendances. Logiquement, lorsque l’aniline est activée (p-anisidine), le temps de réaction est réduit. En revanche, le rendement est plus faible dû à une perte de sélectivité de l’attaque C-centrée. Les anilines encombrées, telle que la mésitylaniline, allongent le temps de réaction. Les anilines désactivées (m-ditrifluorométhyl et p-nitro) augmentent le temps de réaction et diminuent drastiquement la formation du composé de di-alkylation. L’utilisation d’anilines secondaires (N-substituées), telle que la N-méthylaniline, permet de prévenir la formation des composés de di-addition.
Réaction avec d’autres phosphiraniums synthétisés
La réaction a ensuite été étendue aux autres phosphiraniums synthétisés. Le Schéma 53, ci-dessous regroupe les résultats de la ROCC obtenus avec l’aniline ou la N-méthylaniline à partir de phosphiraniums qui diffèrent du modèle par le groupement aryle, le cycle carboné ou encore le groupement quaternarisant.
Le composé 1.210 est issu de la réaction entre le supermésitylphosphiranium et l’aniline 1.204. La conversion n’est complète qu’après 96 heures, montrant que ce phosphiranium est moins réactif dû au fort encombrement stérique. De plus, le rendement plus faible qu’en présence du modèle 1.191 (34% vs 84%), malgré une conversion complète, montre que le composé se dégrade significativement au fil du temps dans les conditions de la réaction. Notons que la réaction a également été effectuée avec le phénylphosphiranium (50 °C, 1 h) mais conduit uniquement au composé d’ouverture P-centrée 1.202.
La réaction avec le phosphiranium mono-méthylé sur le cycle carboné 1.192a conduit à la formation, avec de faibles rendements (allant de 18 à 24%), de deux composés régioisomères : l’un résultant d’une attaque de l’aniline sur le carbone non substitué 1.211b, et l’autre provenant de l’attaque sur le carbone portant le méthyle 1.211a. Contrairement au résultat logiquement attendu dans une réaction de SN2, c’est ce dernier composé qui est majoritaire (77/23).
Les phosphiraniums benzyl 1.196 et allyl 1.197 ont eux aussi été engagés avec l’aniline. La réaction nécessite 16 heures pour atteindre une conversion complète mais est réalisable à t.a., montrant que ces deux espèces sont plus réactives que le phosphiranium méthyle 1.191. De plus, les composés d’ouverture C-centrée 1.212 et 1.213 sont obtenus avec de bons rendements (respectivement 71 et 78%) approchant celui du composé modèle (84%). Les groupements allyl et benzyl semblent donc « déstabiliser » subtilement la structure : pas assez pour compromettre leur manipulation, mais suffisamment pour les rendre plus réactifs. Ces rendements légèrement inférieurs, qui reflètent probablement cette réactivité électrophile accrue, sont liés à une proportion légèrement plus importante de produit d’addition P-centrée.
Le phosphiranium di-arylé 1.198 permet l’obtention des composés 1.214, 1.215 et 1.216 avec des rendements plus faibles, compris entre 36 et 49%. Ceux-ci peuvent être expliqués par une stabilité plus faible du phosphiranium 1.198, liée à la présence conjointe des deux groupements aryles sur le phosphore qui ajoute probablement une tension supplémentaire au cation déjà assez instable. Un suivi de l’essai en présence de la 3,5-ditrifluorométhylaniline montre que la réaction peut, à l’instar des phosphiraniums benzylique 1.196 et allylique 1.197, être effectuée à température ambiante. Le produit désiré 1.215 n’est isolé qu’avec un faible rendement de 36%. Ces observations confirment une très nette augmentation de la réactivité qui est malheureusement largement transposée sur le phosphore. La balance réactivité/sélectivité qui penchait pour la C-sélectivité dans les cas précédents est maintenant équilibrée. Ce profil de réactivité est confirmé par le résultat obtenu en présence de la N-méthylaniline, qui donne une conversion complète après 2,5 heures seulement de réaction mais un rendement modeste de 49%. Celui-ci est toutefois le meilleur des 3 obtenus dans cette série et il confirme les attributs des anilines secondaires : une meilleure nucléophilie et un encombrement stérique supérieur à l’aniline parente contribuant à une réaction plus rapide, plus C-sélective et évitant la formation de produits de di-addition.
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre I : Etat de l’Art
1.1. Création de liaison C-P
1.1.1. Phosphore nucléophile
1.1.2. Hydrophosphination
1.1.2.1. Phospha-Michael
1.1.2.2. Réactions Métallo-catalysées
1.1.2.2.1. Métaux de transition tardifs
1.1.2.2.2. Métaux de transition précoces et Lanthanides
1.1.3. Phosphore Electrophile
1.1.3.1. Utilisation d’une halogénophosphine
1.1.3.2. Substrat Oxazaphospholane
1.2. Coupure liaison C-P
1.2.1. P(III) vers P(II) : coupure réductrice
1.2.2. P(IV) vers P(III) : phosphonium nucléofuge
1.3. Fonctionnalisation sélective de groupements
1.3.1. Déprotonation sélective
1.3.2. Réaction d’ouverture C-centrée d’ions phosphiranium (travaux du laboratoire)
1.3.2.1. Phosphiraniums dans la littérature
1.3.2.1.1. Phosphiraniums postulés dans des mécanismes
1.3.2.1.2. Phosphiraniums mis en évidence
1.3.2.1.3. Phosphiraniums caractérisés
1.3.2.2. Synthèse de phosphiraniums
1.3.2.2.1. Alkylation
1.3.2.2.2. Arylation
1.3.2.3. Réaction d’Ouverture C-Centrée (ROCC)
1.3.2.3.1. Réaction avec le 1-méthyl-1-mésitylphosphiranium 1
1.3.2.3.2. Réaction avec d’autres phosphiraniums synthétisés
1.3.2.3.3. Réaction d’ouverture avec deux équivalents de phosphiranium
1.3.2.4. Conclusion
1.4. Bilan sur les méthodes de synthèse de PIIIm
Chapitre II : Synthèse et Réactivité des Ions Phosphiranium en Chimie Polaire
2.1. Synthèse et réactivité de phosphiranes
2.1.1. Synthèse de phosphiranes : état de l’art
2.1.2. Optimisation de la synthèse du phosphirane modèle
2.1.2.1. Synthèse de la phosphine primaire
2.1.2.2. Optimisation de la Réaction de Cyclisation
2.1.3. Synthèse et réactivité de nouveaux arylphosphiraniums
2.1.3.1. Synthèses d’arylphosphiranes précurseurs
2.1.3.1.1. Supermésitylphosphirane
2.1.3.1.2. Naphtyl et biphénylphosphirane
2.1.3.1.3. Autres Arylphosphiranes
2.1.3.2. Synthèse d’arylphosphiraniums originaux
2.1.3.3. Etudes de la réactivité des arylphosphiraniums via la ROCC
2.2. Modulation d’agents quaternarisants
2.2.1. Motifs méthylène esters : quaternarisation et ouverture
2.2.1.1. Synthèses des Phosphiraniums
2.2.1.1.1. Synthèse à partir de composés halogénés
2.2.1.1.2. Synthèse à partir de composés triflates
2.2.1.2. Etude de la ROCC sur les phosphiraniums méthylènes ester
2.2.1.2.1. Réaction d’ouverture avec l’aniline
2.2.1.2.2. Anilines Substituées
2.2.1.2.3. Effet de l’échelle
2.2.1.2.4. Hydroxylamine
2.2.1.3. Conclusion
2.2.3. Recherches de nouveaux groupements quaternarisants
2.3. Etude de potentiels partenaires nucléophiles pour la ROCC
2.3.1. Recherche de nouveaux nucléophiles
2.3.1.1. Nucléophiles anioniques
2.3.1.1.1. Anions
2.3.1.1.2. Nucléophiles Oxygénés
2.3.1.1.3. Iodure
2.3.1.2. Nucléophiles Azotés Neutres
2.3.1.2.1. En présence du méthylmésitylphosphiranium 2.1 modèle
2.3.1.2.2. En présence du méthylsupermésitylphosphiranium 2.59
2.3.2. Etudes de composés ambivalents
2.3.2.1. Formation de phosphétane
2.3.2.2. Formation de phospholane
2.3.2.3. Formation de phosphinane
2.4.4. Conclusion
Chapitre III : Arylation de Phosphines par Catalyse Photorédox
3.1. Etat de l’art
3.1.1. Photocatalyseur
3.1.2. Complexe de Transfert de Charge
3.2. Arylation de Phosphines
3.2.1. Etude et optimisation de la méthode de Denton
3.2.2. Travaux de Karchava
3.2.3. Développement d’une nouvelle approche
3.2.3.1. Développement de la méthode en présence de triéthylamine
3.2.3.2. Transposition de la méthode de Karchava
3.3. Arylation de Phosphiranes
3.3.1. Méthodes connues d’arylation de phosphines
3.3.2. Essais d’arylation en présence de diaryliodonium
3.3.3. Essais d’arylation en présence d’aryldiazonium
3.3.4. Conclusion
Conclusion Générale
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