L’élaboration de céramiques par chauffage micro-ondes est étudiée depuis une vingtaine d’années au laboratoire CRISMAT (Caen). Les recherches sur ce thème remontent à 1980 avec les travaux de L. Quéméneur sur la clinkérisation de crus de cimenterie par rayonnement Micro-ondes [1,2]. De 1985 à 1990 les études se sont orientées d’une part sur le frittage de matériaux diélectriques [3,4,5] et d’autre part sur les mécanismes d’interactions micro-ondes / matière [6]. En 1990, les premiers essais de frittage micro-ondes d’oxydes semi-métalliques ont été effectués avec succès par M. Aliouat, [7]. Néanmoins, les mécanismes d’interaction n’étaient pas clairement définis. Trois ans plus tard, au cours d’une étude sur le frittage et la texturation de YBa2Cu3O7-δ [8,9,10] A. Cherradi mettait en évidence la contribution du champ électrique et magnétique lors du chauffage micro-ondes de céramiques à conductivité électrique non négligeable. A partir de 1998, S. Marinel[11] a démontré le potentiel du chauffage micro-ondes en poursuivant avec succès le travail sur la texturation des oxydes supraconducteurs YBa2Cu3O7-δ. Pour obtenir très rapidement des échantillons de qualité [12], il a développé le premier procédé de chauffage micro-ondes indirect à induction [13] en utilisant un suscepteur à base de LaCrO3.
Synthèse et Frittage de céramiques
Choix et pesée des précurseurs
A l’origine des céramiques modernes se trouvent un/(des) précurseur(s) pulvérulent(s). Cette poudre, majoritairement constituée d’oxydes, d’hydroxydes et de carbonates, est caractérisée par sa composition (nature chimique, impuretés, défauts, …), les propriétés de surface qui en découlent, la taille et la forme de ses grains, la répartition granulométrique, proportion d’agglomérats, … chaque précurseur est ensuite pesé en tenant compte de ses pertes au feu, selon les proportions stœchiométriques de la composition recherchée.
Mélangeage Broyage
Le mélangeage-broyage des poudres est une phase essentielle du cycle de fabrication d’un matériau céramique. En effet, cette étape combine une désagglomération puis un mélange intime des différentes poudres, à un broyage permettant d’obtenir une distribution granulométrique étroite et centrée sur une valeur de diamètre moyen inférieure au micron. Plusieurs dispositifs permettent de réaliser cette étape parmi lesquels : le procédé par attritor et le procédé à broyeur planétaire (pulvérisette).
Broyage par attrition
L’attrition est une méthode de broyage qui utilise des petites billes très dures et de petit diamètre (de l’ordre du millimètre). Les billes sont mises en rotation avec la poudre à broyer en milieu humide. Les produits s’homogénéisent par convection et des forces d’écrasement et de cisaillement réduisent la taille des grains de poudre jusqu’à obtention d’une granulométrie faible et homogène. Cette méthode de broyage met en jeu des énergies conséquentes[1,2,3], ce qui fait que l’attrition est l’une des méthodes de broyage les plus efficaces par comparaison aux méthodes conventionnelles utilisant des billes de taille supérieure (comme la pulvérisette par exemple). De plus, des tailles de grains submicroniques sont atteintes en utilisant des durées d’expérimentation très réduites. Il convient toutefois d’être prudent en contrôlant la pollution qui est susceptible d’intervenir lors de cette étape de fabrication .
Broyeur planétaire
Le broyeur planétaire, encore appelé la pulvérisette, permet de mélanger des produits aussi bien à sec, qu’en milieu humide. Le mélange est introduit dans un bol en agate avec des billes en agate ayant la même fonction que les billes de l’attritor (paragraphe précédent). Le mouvement est de type semi-planétaire si le bol est solidaire du socle sur lequel il est placé ou planétaire dans le cas où le bol peut tourner sur luimême sur le socle. Cette technique permet une réduction plus grossière de la taille des grains comparée au cas de l’attritor. La granulométrie de la poudre obtenue après cette opération est de l’ordre du micron.
Synthèse par réaction en phase solide
Dans cette partie nous allons décrire les synthèses par réaction en phase solide utilisées pour élaborer des échantillons dans le cadre de cette thèse. Après l’étape de mélangeage broyage , la poudre résultante est soumise à un cycle thermique appelé chamottage. Le chamottage consiste en la réaction totale ou partielle en phase solide des précurseurs après décomposition des carbonates et hydroxydes.
Le départ de CO2 et H2O est d’autant plus aisé que la réaction s’effectue sur une poudre et non sur des échantillons déjà mis en forme où un emprisonnement des gaz serait a l’origine d’une plus grande porosité fermée. A la fin du chamottage, une nouvelle étape de mélangeage-broyage est souvent effectuée avant la mise en forme.
D’autres méthodes de synthèses existent. Elles visent généralement à obtenir des poudres fines, réactives et homogènes. Par exemple, pour la synthèse dite de coprécipitation, une solution des différents cations est dans un premier temps préparée ; ensuite, une phase solide est formée soit par précipitation, soit par évaporation ou extraction du solvant. On peut aussi citer les synthèses par spray-pyrolysis, spray-dryer, où une solution de précurseurs est atomisée. Ces derniers procédés d’atomisation nécessitent beaucoup de réglages et leur optimisation s’avère difficile.
Mise en forme
Généralement un liant organique est ajouté a la poudre avant le pressage. Ce liant organique permet d’améliorer la coulabilité de la poudre lors du pressage et de limiter les problèmes d’adhérence sur les parois du moule. La mise en forme des échantillons destinés à être frittés se fait par l’application d’une pression soit uni-axiale .
Le Frittage
Définitions
Il est difficile de donner une définition du frittage faisant l’unanimité. Nous proposons deux définitions du frittage reportées dans la littérature :
• G. Cizeron de l’Institut de céramique français donne une définition du frittage :
« Le frittage est un processus faisant évoluer par traitement thermique, un système constitué de particules individuelles (ou un aggloméré poreux), en l’absence de pression externe exercée ou sous l’effet d’une telle pression, de sorte qu’au moins certaines des propriétés du système (sinon toutes) soient modifiées dans le sens d’une réduction de l’énergie libre globale du système. Parallèlement, cette évolution entraîne une diminution importante (sinon complète) de la porosité initiale. Enfin, le processus suppose qu’au moins une phase solide existe constamment pendant tout le traitement thermique, de façon à conserver une certaine stabilité de forme et de dimension au système considéré. » .
• J.-M. Haussonne dans son article « Céramiques pour composants Electroniques» donne une définition proposée lors d’une série de conférences prononcées en 1968 à l’Institut de Céramique Français et à l’École Nationale Supérieure de Céramique Industrielle de Sèvres :
« Le frittage est la consolidation par action de la chaleur d’un agglomérat granulaire plus ou moins compact, avec ou sans fusion d’un ou de plusieurs de ses constituants ».
Ces définitions peuvent généralement se résumer ainsi : le frittage est la consolidation obtenue par l’apport d’énergie à un matériau, sans fusion d’au moins l’un des constituants, dans le but de minimiser l’énergie du système. (L’apport d’énergie peut être par exemple thermique, mécanique . . .) .
A la lecture des différentes définitions, on remarque que deux types de frittage existent :
(i) le « frittage en phase solide » si tous ces constituants reste en phase solide et
(ii) le « frittage en phase liquide » si au moins l’un des constituants est en phase liquide et l’un au moins des constituants reste en phase solide.
Frittage en phase liquide
Le frittage en phase liquide implique la présence d’au moins deux constituants dont l’un est susceptible de fondre ou la présence d’un eutectique. L’intérêt principal de ce type de frittage réside dans le fait que la phase liquide, choisie, fond à une températures inférieure à la température de densification en phase solide facilitant la réorganisation du compact et sa consolidation. Généralement on distingue trois grandes étapes : le réarrangement, la dissolution-précipitation, et l’évolution microstructurale.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : GENERALITES
1.1. Synthèse et Frittage de céramiques
1.1.1. Généralités-Introduction
1.1.2. Choix et pesée des précurseurs
1.1.3. Mélangeage Broyage
1.1.4. Synthèse par réaction en phase solide
1.1.5. Mise en forme
1.1.6. Le Frittage
1.2. BaZrO3, Zirconate à propriétés diélectriques
1.2.1. Introduction
1.2.2. Structure cristalline
1.2.3. Grandeurs caractéristiques des matériaux diélectriques
1.3. La0.8Sr0.2MnO3 , Manganite à propriétés magnétorésistives
1.3.1. Structure cristalline
1.3.2. Propriétés physiques et phénomènes de magnétorésistance
1.4. YBa2Cu3O7-δ , Cuprate à propriétés supraconductrices
1.4.1. La supraconduction
1.4.2. Matériaux supraconducteurs YBa2Cu3O7-δ
1.4.3. Texturation
1.4.4. Applications
CHAPITRE 2 : LES MICRO-ONDES
2.1. Généralités sur les Micro-ondes
2.1.1. Le rayonnement électromagnétique
2.1.2. Générateurs micro-ondes
2.1.3. Propagation de l’onde
2.1.3.1. Equations de Maxwell
2.1.3.2. Propagation en espace libre
2.1.3.3. Propagation d’une onde plane
2.1.3.4. Propagation guidée
2.1.4. Applicateurs électromagnétiques
2.1.4.1. Principe
2.1.4.2. Les cavités surdimensionnées
2.1.4.3. Les cavités résonantes
2.2. Interactions micro-ondes matière
2.2.1. Théorie des interactions micro-ondes matière
2.2.1.1. Introduction
2.2.1.2. Interaction champ électrique matière
2.2.1.3. Interaction champ magnétique matière
2.2.2. Modélisation et spécificité du chauffage micro-ondes
2.2.2.1. Les pertes thermiques
2.2.2.2. Bilan énergétique
2.2.2.3. Stabilité / emballement / rupture thermique
2.3. Etat de l’art des procédés micro-ondes appliqués aux céramiques
2.3.1. Historique
2.3.2. Facteurs influençant le chauffage
2.3.3. Les différents types de chauffage
2.3.3.1. Chauffage direct
2.3.3.2. Chauffage indirect / hybride
2.3.4. Contrainte du chauffage micro-ondes
2.3.4.1. Mesure de la température
2.3.4.2. Normes
Chapitre 3 : Synthèse et frittage micro-ondes d’oxydes réfractaires
3.1. Introduction
3.2. Etat de l’art sur la synthèse et le frittage de Manganites par chauffage micro-ondes
3.2.1. Synthèse micro-ondes de manganites
3.2.2. Frittage micro-ondes de manganites
3.3. Elaboration par chauffage micro-ondes direct de La0.8Sr0.2MnO3
3.3.1. Caractérisations des poudres sélectionnées
3.3.2. Préparation du mélange de poudre précurseur
3.3.3. Dispositif micro-ondes et conditions expérimentales
3.3.4. Résultat de la synthèse micro-ondes par chauffage direct
3.3.5. Discussion sur la synthèse micro-ondes par chauffage direct
3.3.6. Conclusions
3.4. Elaboration par chauffage micro-ondes indirect de La0.8Sr0.2MnO3
3.4.1. Conditions expérimentales
3.4.2. Influence des précurseurs sur la synthèse de La0.8Sr0.2MnO3
3.4.3. Frittage réactif de La0.8Sr0.2MnO3 sans déplacement
3.4.4. Résultats et discussions sur le frittage réactif de La0.8Sr0.2MnO3 continu
3.4.5. Conclusions
3.5. Utilisation du procédé micro-ondes continu pour le frittage de BaZrO3
3.5.1. Introduction
3.5.2. Conditions expérimentales du frittage de BaZrO3 continu
3.5.3. Résultats et discussions
3.5.4. Conclusions sur le frittage de BaZrO3
3.6. Conclusions
3.7. Références
CONCLUSION