Relargage de cations par induction photochimique
Les premiers systèmes permettant le relargage de cations sont des systèmes activés par photochimie. On se limitera ici à quelques exemples illustrant le relargage de calcium. Les premiers systèmes étudiés sont des composés ayant une partie ligand portant un substituant photoconvertible. Le premier dérivé de ce type a été préparé et étudié par Tsien et al. en 1986 : présenté en figure I-01. Ce groupe, enrichissant le ligand en densité électronique, rend la complexation du calcium très favorable. Par irradiation, le groupe substituant est converti en groupe électroattracteur par transfert intramoléculaire d’un atome d’oxygène suivi d’une déshydratation, ce qui appauvrit le ligand en densité électronique. Ceci se traduit par une diminution de la constante d’affinité du ligand pour le calcium (d’un facteur environ 50), donc par le relargage partiel du calcium dans le milieu. Il est à noter que le remplacement du groupe électrodonneur substituant le ligand BAPTA par un groupe électroattracteur également photosensible permet l’obtention d’espèces piégeant le calcium après photoactivation. Un exemple d’un composé ayant ce type de propriété, préparé par Tsien et al. en 1989 18 est présenté en figure I-02. Le groupe substituant électroattracteur appauvrit le ligand BAPTA en densité électronique, défavorisant la complexation du calcium. Lors de l’irradiation, ce groupe est converti en un groupe électrodonneur par photolyse avec départ de diazote suivie d’une hydratation, enrichissant le ligand en densité électronique. Ceci se traduit par une augmentation de la constante d’affinité du ligand pour le calcium (d’un facteur environ 30), donc par la capture du calcium libre dans le milieu. Ces systèmes ont l’avantage d’être solubles dans l’eau et non-toxiques, donc potentiellement biocompatibles. Cependant, même si la variation d’affinité du ligand pour le calcium est significative, elle n’est pas assez importante : une grande partie du calcium reste donc complexée après irradiation ou est déjà complexée avant irradiation. De plus, la photoconversion de ces systèmes, donc le relargage ou la capture de cation, est irréversible. Pour résoudre le premier problème soulevé, à savoir la décomplexation incomplète du calcium, il a été proposé de nombreux composés pour lesquels, lors de l’irradiation, le ligand chélate est rompu par photolyse. L’un des exemples les plus récents a été proposé en 2006 par Ellis Davies et al. (cf. figure I-03). Ce composé présente un coefficient d’absorbance molaire important pour une longueur d’onde de 350 nm, ce qui permet d’obtenir un relargage de calcium quasi-quantitatif pour une irradiation relativement faible par rapport aux dérivés obtenus précédemment. Ce dérivé est donc un système de choix pour les études in vivo puisque le fait d’abaisser la quantité d’énergie nécessaire au relargage permet de minimiser l’endommagement de tissus vivants par la lumière. Cependant, ce système n’est pas non plus réversible. Pour obtenir des systèmes réversibles, il est nécessaire de préparer des composés photoactivables sans rupture de liaisons chimiques, soit des systèmes activables par transfert de charge photoinduit. C’est le cas du dérivé d’aza-éther-couronne préparé par Martin et al., 20 présenté en figure I-04. Lors de l’irradiation, ce composé passe à un état excité pour lequel la répartition des électrons est modifiée de telle sorte qu’une charge partielle positive apparaît sur l’azote de l’aza-éther-couronne. Par répulsion électrostatique, le calcium est alors éjecté hors de la cavité du ligand. Néanmoins, la durée de vie de l’état excité étant très courte, lorsque le système revient à l’état fondamental, le cation est toujours au voisinage du ligand et est donc immédiatement recomplexé. Il serait envisageable de maintenir le système à l’état excité en utilisant une irradiation continue, mais les dommages cellulaires seraient considérables, rendant toute utilisation in vivo de ce système impossible. De plus, l’emploi de systèmes photo-activables limite leur champ d’application à des milieux transparents aux longueurs d’onde d’excitation. Ils sont donc utilisables pour des études sur cellule unique, mais il est difficile de mener des études sur des organismes vivants complexes avec ces dérivés. L’électrochimie permet, grâce à l’utilisation d’ultramicroélectrodes, d’appliquer un potentiel choisi avec un excellent contrôle spatiotemporel, que ce soit en solution, au voisinage d’une cellule unique, ou au sein d’un organisme vivant plus complexe.
Monocouches autoassemblées
La formation de SAMs repose sur la très bonne affinité du soufre pour l’or : les dérivés soufrés se fixent spontanément par chimisorption via le soufre sur la surface d’une électrode d’or et s’autoorganisent en monocouche. Deux types de composés organiques soufrés peuvent être isolés assez facilement : les thiols (ou les disulfures) et les dithiocarbamates, et permettre l’obtention de SAMs. Pour préparer de tels dérivés, une stratégie de synthèse simple à mettre en œuvre est la fonctionnalisation d’une amine secondaire par substitution nucléophile. Les composés préparés en vue de la formation de SAMs doivent donc avoir une fonction amine secondaire en bout de chaîne. Par ailleurs, il est possible de préparer des SAMs pures, constituées uniquement du composé électroactif, mais aussi des SAMs mixtes, pour lesquelles un alkylthiol non-électroactif est utilisé comme « diluant ». L’inconvénient d’une SAM mixte est que la concentration surfacique en composé actif est plus faible, donc le signal électrochimique est moins intense. Mais l’avantage d’utiliser un diluant est double. Tout d’abord les centres redox sont plus espacés, ils n’interagissent donc pas entre eux, le signal électrochimique est donc directement relié à un seul élément moléculaire sans effets coopératifs positifs ou négatifs. De plus, l’emploi d’un diluant permet d’obtenir une meilleure homogénéité de la phase adsorbée, donc une meilleure résolution du signal électrochimique. L’intégrale du signal étant directement proportionnelle au nombre d’électrons transférés, on peut déterminer facilement le nombre de centres redox mis en jeu lors d’une expérience. Pour déterminer la concentration surfacique en composé actif à partir de cette donnée, il est indispensable de connaître la surface utile de l’électrode d’or. Pour ce faire, le dispositif présenté en figure I-20 a été mis au point au laboratoire.
Synthèse du précurseur nitré 12
Afin de préparer des composés de type « demi-BAPTA », nous avons isolé le précurseur nitré 12 dont la synthèse est présentée en figure IV-06. Pour introduire des substituants différents sur l’oxygène et sur l’azote de l’ortho-aminophénol, il est nécessaire de discriminer ces deux atomes qui ont une réactivité très proche en protégeant soit la fonction amine, soit la fonction alcool. Cela permet de faire réagir la fonction restée libre, puis, après déprotection, de faire réagir l’autre fonction. Le plus simple est d’opter pour une protection de l’amine : en effet, le produit avec protection de l’amine par une fonction acétamide, l’ortho-acétamidophénol, est commercial. Nous avons donc élaboré la synthèse à partir de ce composé.
Préparation d’un thiol portant un azoture et fonctionnalisation d’électrode
Pour obtenir des SAMs parfaitement organisées, il est nécessaire d’utiliser un thiol à longue chaîne saturée. A l’inverse, pour assurer un transfert électronique assez rapide à travers la SAM, il faut choisir un thiol à chaîne courte. Un bon compromis entre ces deux exigences est d’utiliser un thiol ayant une chaîne de 4 à 8 atomes de carbone. Nous avons donc préparé le dérivé de l’hexanethiol fonctionnalisé par un azoture en position 6, le composé 28, dont la synthèse est présentée en figure IV60.Cette synthèse est adaptée de la synthèse du dérivé analogue du décanethiol réalisée par Collman et al..thiol . Il est également possible d’isoler le thioacétate 31, qui permettra de tester la réaction de « chimie-click » en solution si besoin. L’incubation d’une électrode d’or dans une solution du thiol 28 à 1 mmol.L-1 dans l’éthanol pendant une heure permet d’obtenir une SAM pure à la surface de l’électrode. Cette électrode modifiée peut alors être utilisée pour le greffage par « chimie-click » d’un dérivé portant une fonction alcyne.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Etat de l’art ; conception des molécules-cibles
I ) Relargage de cations par induction photochimique
II ) Capture et relargage de cations par induction électrochimique
1 ) Principe et définitions
2 ) Historique
3 ) Conclusion
III ) Conception des molécules-cibles
1 ) Choix du ligand
2 ) Choix du centre redox
3 ) Choix de l’espaceur
4 ) Choix de la fonction d’ancrage
5 ) Elaboration de stratégies de synthèse
Conclusion
Chapitre II : Elaboration de ligands fondés sur les dérivés de l’azaéther-couronne N-15-C-5
I ) Synthèse
1 ) Préparation du composé 01
2 ) Synthèse de composés dérivés de 01
II ) Etudes électrochimiques
1 ) En milieu organique (acétonitrile)
2 ) En milieu aqueux
Conclusion
Chapitre III : Dérivés de l’iminodiacétate
I ) Synthèse
1 ) Préparation du composé 06
2 ) Préparation d’autres dérivés
II ) Etudes
1 ) En milieu organique
2 ) En milieu aqueux
Conclusion
Chapitre IV : dérivés de type « demi-BAPTA »
I ) Synthèse
1 ) Elaboration de la stratégie de synthèse
2 ) Synthèse du précurseur nitré 12
3 ) Synthèse de dérivés de type « demi-BAPTA »
II ) Etudes en solution
1 ) Caractérisation du système : étude sans cations
2 ) Etudes en milieu aqueux en présence de cations
3 ) Etudes en présence d’un ligand compétiteur : l’EGTA
III ) Vers un système en phase adsorbée
1 ) Préparation d’un thiol portant un azoture et fonctionnalisation d’électrode
2 ) Milieu organique : validation
3 ) Milieu aqueux : perspectives
Conclusion
Chapitre V : Dérivés de BAPTA
I ) Synthèse
1 ) Etude bibliographique
2 ) Elaboration de stratégies de synthèse
3 ) Synthèse de dérivés
II ) Premières études en solution
1 ) Spectrophotométrie UV-visible
2 ) Electrochimie
Conclusion et perspectives
Conclusion générale et perspectives
Annexe 1 : Synthèse et étude de fils moléculaires par voltammétrie cyclique ultrarapide et STM-BJ
I ) Principe des méthodes d’études
1 ) Voltammétrie cyclique ultrarapide
2 ) STM-BJ
II ) Synthèse de fils moléculaires basés sur une phénylènediamine
1 ) Conception du système
2 ) Synthèse
III ) Résultats
Annexe 2 : Partie expérimentale
I ) Généralités
1 ) Synthèse
2 ) Etudes
II ) Synthèse
1 ) Préparation de dérivés de l’aza-éther-couronne N-15-C-5
2 ) Préparation de dérivés de l’IDA
3 ) Préparation de dérivés de type « demi-BAPTA »
4 ) Préparation de dérivés de BAPTA
5 ) Préparation des molécules-modèles
6 ) Préparation d’auxiliaires pour le greffage sur électrode
7 ) Préparation d’un composé utilisé comme fil moléculaire
III ) Méthodes de traitement employées en spectrophotométrie UV-visible
1 ) Méthode de Benesi-Hildebrand
2 ) Méthode de Hill
Références bibliographiques
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