Synthèse et caractérisation physico-chimique des composés BiFeO3 et Bi0.45Dy0.55FeO3

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Propriétés magnétiques

Pour les atomes présentant une dissymétrie dans leur cortège électronique telle qu’une couche externe incomplète, il existe un moment magnétique non nul, c’est le cas de certains ions des métaux de transition. Des interactions d’échange entre moments élémentaires voisins naît un champ moléculaire appelé champ de Weiss, pouvant atteindre jusqu’à 103 tesla. L’ordre magnétique est donc issu de la compétition entre deux énergies : l’énergie d’échange et l’énergie d’agitation thermique. La température critique en dessous de laquelle l’ordre magnétique s’établit s’appelle température de Curie (notée TC) dans le cas ferromagnétique et température de Néel (notée TN) dans le cas antiferromagnétique. Au dessus de TC (ou TN), apparaît la phase désordonnée appelée phase paramagnétique.

Phase paramagnétique

En magnétostatique, on considère que les moments magnétiques sont des dipôles magnétiques avec des charges magnétiques fictives (comparables aux charges électriques) et des courants issus de ces charges. Ainsi, d’ après les équations de Maxwell locales, on peut définir une relation entre le champ magnétique appliqué H, l’aimantation M et l’induction magnétique B: B=µ0(H+M)
Où µ0 est la permittivité du vide.
En réalité, dans le champ magnétique total H, il faut distinguer le champ appliqué H0 du champ démagnétisant Hd : H = H0 + Hd avec Hd = – Ñ M
où Ñ est le tenseur du champ démagnétisant qui dépend de la forme de l’échantillon.
Au dessus de la température de transition et pour des champs faibles, l’aimantation (ou moment magnétique total par unité de volume) dans la phase obéit à une loi de Langevin, qui est linéaire sous l’application d’un faible champ magnétique: M=χMH
où χM est la susceptibilité paramagnétique. En effet, la susceptibilité se divise en deux contributions : une susceptibilité négative diamagnétique présente dans tous les corps (faible et toujours du même ordre de grandeur) et une susceptibilité positive paramagnétique (plus élevée) présente seulement dans certains corps.
On utilise aussi la perméabilité magnétique µ pour définir la réaction du matériau à un champ magnétique appliqué. Cette perméabilité relie l’induction B à l’excitation H : B = µ0 (1 + χM) H = µ0µr H B=µH
Plus la perméabilité est élevée, plus grande sera la capacité du matériau à concentrer le flux magnétique.
Dans la phase paramagnétique, à champ faible, c’est l’énergie d’agitation thermique qui l’emporte sur l’énergie d’échange. On observe donc un début d’alignement des moments sous l’effet du champ et une population des niveaux d’énergie de type Boltzmann sous l’effet de la température. Dans cette hypothèse, la susceptibilité paramagnétique obéit à une loi de Curie : χp = C / T où C est la constante de Curie.
En présence d’interaction d’échange, la susceptibilité paramagnétique est modifiée, devenant la loi de Curie-Weiss : χp = C/ (T – θp) où θp est la température de Curie paramagnétique.
Dans un modèle simple d’échange avec les premiers ions voisins, θp est égal à +TC dans le cas d’une interaction ferromagnétique et à -TN dans le cas d’une interaction antiferromagnétique. Notons qu’à champ fort (> 1T), on peut rendre compte de la variation de l’aimantation en fonction du champ appliqué, en utilisant une expression de l’aimantation faisant intervenir la fonction de Brillouin (en µH/kT).

Interaction d’échange et anisotropie

Dans un composé ordonné magnétiquement, c’est l’interaction d’échange entre ions plus proches voisins qui tend à aligner entre eux les moments magnétiques. En première approximation et dans le cas d’une interaction isotrope, l’interaction d’échange entre deux spins Si et Sj d’origine quantique, peut être décrite par l’Hamiltonien de Heisenberg : H = -2JijSiSj
Où Jij est l’intégrale d’échange entre le moment Si et le moment Sj. Si J est positif, l’interaction sera ferromagnétique, si J est négative, l’interaction sera antiferromagnétique.
Cependant, il arrive plus souvent que l’interaction soit anisotrope. Il existe deux types d’anisotropie : l’anisotropie cristalline liée à une déformation de la symétrie du réseau cristallin et l’anisotropie magnétique liée à des intégrales d’échange différentes suivant les directions de l’espace. Les deux principales origines de l’anisotropie magnétique sont le couplage dipolaire et le couplage spin-orbite. C’est donc la contribution de ces deux anisotropies qui conduit à une orientation préférentielle des moments magnétiques, c’est pourquoi, on parle d’anisotropie magnétocristalline. La direction d’anisotropie suivant laquelle l’aimantation va saturer rapidement est appelée « axe facile ».

Le couplage magnétoélectrique

Le couplage magnétoélectrique regroupe l’ensemble des interactions entre l’ordre électrique et l’ordre magnétique au sein d’un matériau multiferroïque, qu’elles soient directes ou indirectes, de type linéaire ou bien quadratique.
Un premier paragraphe sera consacré à quelques définitions concernant les multiferroïques. En effet, les terminologies sont nombreuses et parfois improprement employées. Je ferai ensuite un résumé des approches théoriques pour connaître les conditions d’existence et les mécanismes proposés d’un tel couplage. Enfin, je présenterai un historique des études expérimentales qui ont été réalisées sur ces composés et, parmi elles, les premières mises en évidence du couplage magnétoélectrique.

Quelques définitions

C’est en 1958, en découvrant de nouveaux composés ferroélectriques de structure pérovskite contenant des ions fer, que des physiciens russes ont eu l’idée d’étudier un couplage éventuel entre l’ordre magnétique et l’ordre électrique dans de tels systèmes12. Parallèlement, la même année, Landau et Lifshitz suggèrent la possibilité d’induire une polarisation électrique par l’application d’un champ magnétique dans certaines classes cristallines magnétiques, cet effet est appelé « effet magnétoélectrique »13. Les composés appartenant à ces classes de symétrie et présentant cet effet sont appelés composés magnétoélectriques. Deux effets sont alors distingués : l’effet magnétoélectrique de premier ordre (dit linéaire) présent seulement dans les composés qui possèdent un ordre magnétique et l’effet magnétoélectrique de second ordre (dit quadratique) présent aussi dans les composés non ordonnés, comme par exemple certains composés piézoélectriques et paramagnétiques14. Les études menées par I.E. Dzialoshinskii en 1959 puis par V. L. Indenbom en 1960 ont permis d’établir une liste des groupes de symétrie cristalline magnétique pour lesquels l’effet magnétoélectrique est autorisé15, 16.
La particularité des pérovskites à base de fer découvertes en 1958 vient de la coexistence d’une polarisation électrique spontanée et d’un ordre magnétique. De là, est née dans les années 80, l’étude des composés dits « ferroélectromagnétiques » regroupant des matériaux, de structures variées possédant à la fois un ordre électrique (ferroélectrique ou antiferroélectrique) et un ordre magnétique (ferromagnétique, antiferromagnétique et ferrimagnétique)17. Dans les années 90, H. Schmid définit plus précisément ces matériaux susceptibles de présenter un effet ferroélectromagnétique et les appelle « multiferroïques ». Dans ces matériaux coexistent au moins deux des quatre propriétés de ferroélasticité, ferroélectricité, ferromagnétisme18 et récemment ferrotoroïdicité 19, 20. Cependant, en pratique, très peu de matériaux sont simultanément ferromagnétiques et ferroélectriques, BiMnO3 en est un des rares. En effet, les électrons « d » des métaux de transition, essentiels à l’apparition de magnétisme dans une structure, sont peu polarisables et sujets à des distorsions de type Jahn-Teller, ce qui réduit donc la probabilité d’avoir une distorsion ferroélectrique. C’est pourquoi, la plupart des « multiferroïques » sont ferroélastiques, ferroélectriques et/ou ferrotoroïdiques (ou antiferromagnétiques, voir glossaire)
Il existe une soixantaine de matériaux multiferroïques qui sont aujourd’hui revisités car leur double voire triple propriété, intéressante d’un point de vue fondamental si l’on veut comprendre les interactions mises en jeu, peut également être intéressante d’un point de vue technologique. En effet, grâce à leur fonctionnalité multiple, une utilisation dans des dispositifs mêlant électronique de spin et technologie des ferroélectriques pourrait être envisagée.

Aspects théoriques

Symétrie magnétique et cristalline

Un composé multiferroïque de type ferroélectrique/magnétique présente une polarisation spontanée et une aimantation micro ou macroscopique. Il faut donc tout d’abord que sa symétrie ne possède ni centre d’inversion spatiale ni centre d’inversion temporelle.
La symétrie d’inversion temporelle vient du fait que les charges (ou densité microscopique de charges ρ) et les courants (ou densité microscopique de courants j) se comportent différemment à l’égard de l’inversion du signe du temps t13.
En effet, lorsque l’on change t en –t, alors j est changé en –j. Ceci donne donc un nouvel élément de symétrie : la transformation notée R. L’état d’un corps peut donc se comporter de deux façons vis-à-vis de la transformation R. Premièrement, la transformation R ne change pas l’état du corps, ce qui signifie que j=-j et par conséquent j=0, ce sont les corps qui ne possède pas de moment magnétique. Deuxièmement, la transformation change l’état du corps, dans ce cas j≠0, ce sont les corps qui possèdent un moment magnétique. Parmi eux, les ferromagnétiques qui ont une aimantation macroscopique non nulle et les antiferromagnétiques dont l’aimantation macroscopique est nulle. Notons que la transformation R peut être combinée avec tous les autres éléments de symétrie cristalline (rotations, réflexions et translations) pour former ainsi les groupes spatiaux magnétiques. Mais si on ne s’intéresse qu’aux propriétés macroscopiques des corps, connaître la symétrie d’espace n’est pas nécessaire, seule la symétrie ponctuelle est utile. On parle alors de classes cristallines magnétiques, appelées aussi groupes de Shubnikov. Il existe 32 classes cristallines et 122 classes cristallines magnétiques. Pour qu’en plus une aimantation spontanée existe, il faut qu’au moins une composante du vecteur M, soit inchangée pour toutes les transformations de la classe cristalline magnétique donnée.
Enfin, lorsque l’on change t en –t, la densité de charge ρ est toujours invariante. De même que pour l’aimantation spontanée, pour qu’une polarisation spontanée existe, il faut qu’au moins une composante du vecteur P, reste invariante pour toutes les transformations de la classe cristalline donnée. Celle-ci se déduit de la classe cristalline magnétique en remplaçant l’élément R par l’unité.
En résumé, dans un composé ordonné magnétiquement, la symétrie d’inversion temporelle change l’aimantation alors que la symétrie d’inversion spatiale la laisse invariante. Dans un ferroélectrique, la symétrie d’inversion spatiale change la polarisation alors que la symétrie d’inversion temporelle la laisse invariante. On comprend donc pourquoi un composé multiferroïque ne doit posséder ni centre d’inversion temporelle ni centre d’inversion spatiale.
Pour qu’un composé présente un effet magnétoélectrique linéaire, il faut également que sa symétrie ne possède ni centre d’inversion spatiale ni centre d’inversion temporelle. Cependant, tous les matériaux qui présentent un effet magnétoélectrique linéaire ne présentent pas nécessairement une polarisation et/ou une aimantation spontanée(s). Par conséquent, tous les composés magnétoélectriques qui présentent un effet linéaire ne sont pas multiferroïques. A l’inverse, tous les composés multiferroïques ne présentent pas un effet magnétoélectrique linéaire, c’est le cas par exemple du composé BiFeO3. L’origine du couplage magnétoélectrique viendrait donc de l’effet magnétoélectrique quadratique.

Couplages magnétoélectriques direct et indirect

En 1982, Smolenskii et Chupis17 décrivent la nature de l’effet magnétoélectrique direct à partir de l’énergie magnétoélectrique mise en jeu de la façon suivante: « dans des cristaux ordonnés magnétiquement, l’énergie magnétoélectrique, induite par un champ magnétique extérieur, va légèrement perturber le système de spin. De plus, si une polarisation électrique apparaît dans le cristal magnétique, le champ électrique interne induit, de l’ordre de 105 kV/cm, va fortement agir sur le sous-système de spins. Des estimations montrent que l’énergie magnétoélectrique est du même ordre de grandeur que l’énergie d’échange ».
Cette énergie magnétoélectrique fait apparaître deux composantes : l’énergie isotrope issue de l’énergie magnétique d’échange et l’énergie anisotrope issue de l’énergie magnétique anisotrope de Dzialoshinskii-Moriya, faisant intervenir le couplage spin-orbite. Ces deux énergies décrivent la modification de l’énergie d’échange lorsqu’une polarisation électrique apparaît et inversement l’effet du champ d’échange sur l’amplitude de la polarisation.
Une autre forme de couplage peut donner également d’importants effets magnétoélectriques par le biais de la piézoélectricité et du piézomagnétisme dans les hétérostructures. C’est ce que l’on appelle l’effet magnétoélectrique indirect.
On peut envisager deux types de mécanismes pour rendre compte de l’interaction entre ordre électrique et ordre magnétique dans des matériaux multiferroïques :
• le couplage direct : c’est le cas où les ions magnétiques participent à l’ordre ferroélectrique. On peut donc prévoir que l’application d’un champ électrique qui agit sur le moment dipolaire, agira également sur l’angle entre les ions magnétiques et les ions oxygène, modifiant ainsi l’intégrale d’échange entre les ions magnétiques. Il s’agit d’un effet magnétoélectrique direct induit par un champ extérieur ou interne. En effet, de même que la présence d’un champ magnétique extérieur peut induire une polarisation électrique, la présence d’un champ magnétique interne peut également induire une polarisation électrique spontanée. On l’appelle effet magnétoélectrique spontané23. Dans ces composés où la polarisation électrique est induite par l’ordre magnétique, les deux températures d’ordre coïncident et on parle de ferroélectrique « impropre ». La polarisation est alors 100 fois plus faible que pour un ferroélectrique classique mais l’effet magnétoélectrique attendu est fort.
• le couplage indirect : c’est le cas où l’ordre électrique et l’ordre magnétique proviennent de deux réseaux différents ou de deux composés intimement mélangés ou bien superposés en fine couche. Dans ces composés multiferroïques, les ions magnétiques vont être déplacés par électrostriction. Dans ce cas, l’interaction du système ferroélectrique avec le système magnétique se fait via les propriétés élastiques.

Théorie thermodynamique

De même que pour un composé ferroélectrique ou ferromagnétique, il est possible de décrire l’équilibre d’un système magnétoélectrique à partir d’une théorie thermodynamique. On utilise alors une expression de l’énergie libre g tenant compte de toutes les contraintes du système21 : g = g(T, Ei, Hi, Tij) où T est la température, Ei le champ électrique, Hi le champ magnétique, Tij le tenseur de contrainte mécanique.
Cette expression est valable si aucune transition de phase n’existe entre les deux températures d’ordre (que l’on notera TE et TM), si toutefois elles sont différentes.
Les dérivées partielles de g par rapport à T, Ei, Hi et Tij donnent respectivement l’entropie s, la polarisation Pi, l’aimantation Mi et le tenseur de déformation mécanique Sij : – ∂g/∂T = s – ∂g/∂Ei = Pi – ∂g/∂Hi = sMi – ∂g/∂Tij = Sij
Dans le cas le plus compliqué, les expressions de la polarisation, de l’aimantation et de la déformation élastique d’un composé multiferroïque s’écrivent (en gras sont les termes magnétoélectriques) : Pi = Pi(s) + χEijEj + ijHj + + χEijkEjEk + ijkHjEk + ½ ijkHjHk + dijkTjk…

Ferroélectricité impropre dans les structures magnétiques cycloïdales

Il a été montré que l’interaction de Dzyaloshinskii-Moriya, de par son universalité, peut également s’étendre au cas des multiferroïques présentant une structure magnétique modulée, telles que les manganites hexagonales24. En effet, l’interaction de Dzialoshinskii-Moriya qui relie symétrie cristalline et interaction magnétique, peut également expliquer comment une spirale magnétique peut briser la symétrie du cristal et ainsi induire de la ferroélectricité dans la structure. Il s’agit alors de transition ferroélectrique impropre, car la polarisation électrique est induite par une transition magnétique, les deux températures d’ordres sont alors confondues. La transition ferroélectrique est du second ordre alors que dans les ferroélectriques classiques, les transitions de phase sont souvent du premier ordre. Cependant, l’existence d’une structure magnétique cycloïdale n’entraîne pas toujours de la ferroélectricité dans la structure, il existe une restriction de symétrie : il faut que l’axe de rotation des moments magnétiques e soit différent du vecteur de propagation k de la spirale. Le vecteur P sera alors proportionnel au produit vectoriel de ces deux vecteurs25. On peut donc expliquer la coexistence de ferroélectricité et d’ordre magnétique dans certains composés multiferroïques à structure magnétique incommensurable par le biais d’un mécanisme microscopique de Dzialoshinskii-Moriya.
Une autre approche, phénoménologique, basée sur des considérations de symétrie a également été discutée pour expliquer l’apparition de ferroélectricité dans les structures modulée26. En considérant des arguments de symétrie et un terme d’énergie magnétoélectrique invariant appelé « invariant de Lifshitz », les auteurs montrent que les composés de structure magnétique en spirale présentent en général une polarisation électrique spontanée.

Aspects pratiques: état de l’art

Pour confronter ces prévisions théoriques à des études expérimentales, il est nécessaire de synthétiser des matériaux de grande pureté ayant des résistivités élevées (ρ > 107 Ω.cm). Il est aussi nécessaire d’entreprendre un travail de caractérisation des propriétés magnétiques et électriques. C’est pourquoi, la mise en évidence expérimentale du couplage magnétoélectrique en est encore à ses débuts.
Cette mise en évidence peut se faire de deux manières. Ou bien indirectement, en mesurant la constante diélectrique (susceptibilité magnétique) près de la température de transition magnétique (électrique), ou bien directement, en mesurant le signal magnétique (électrique) en fonction du champ électrique (magnétique) appliqué. Les études expérimentales montrent qu’il est plus facile de modifier la polarisation électrique sous l’effet d’un champ magnétique car quelques kG suffisent alors que l’inverse nécessite l’application de plusieurs kV/cm.
Les effets attendus d’un tel couplage magnétoélectrique sont le retournement de la polarisation d’un domaine via un champ électrique (et inversement) et une modulation du champ coercitif électrique via l’application d’un champ magnétique (et inversement).
Les principaux résultats obtenus sur les composés multiferroïques sont détaillés dans la liste ci-dessous, dans laquelle les matériaux sont classés en fonction de leur structure cristalline.

Les boracites

C’est en 1966 dans l’équipe de H. Schmid à Genève qu’a été observé pour la première fois expérimentalement l’effet magnétoélectrique dans un composé multiferroïque. Il s’agit de monocristaux de boracites de type Ni-I27. Les boracites sont des composés du type M3B7O13X dans lesquels M est un cation métallique bivalent et X un halogène. On y retrouve les octaèdres de type MO6 (ici XMg6) reliés par les sommets et l’ion polarisable (ici X-) des structures pérovskites, les autres ions sont situés entre les octaèdres et regroupés en ion complexe (B7O5)5-.
Dans les monocristaux de Ni-I, les auteurs mettent en évidence l’apparition simultanée de ferroélectricité et de ferromagnétisme faible en dessous de 64K, par des mesures de constante diélectrique et d’effet Faraday. Il s’agit donc d’une transition ferroélectrique impropre. Ils montrent également qu’un retournement de la polarisation de 180° entraîne une rotation de l’aimantation de 90° dans le plan et inversement27. Par ailleurs, d’autres études mettent en évidence que l’application d’un champ électrique alternatif induit un moment magnétique dans ces monocristaux de Ni-I28. Les mêmes auteurs montrent que l’évolution de la constante diélectrique sous champ électrique alternatif dépend fortement de l’amplitude et de la direction du champ magnétique appliqué. La meilleure variation est obtenue pour une température proche de la transition. Ils montrent enfin, que l’effet ME linéaire s’observe pour des températures inférieures à 60K alors que l’effet quadratique s’observe dans l’intervalle de températures comprises entre 60 et 64 K.
L’effet ME linéaire a également été mis en évidence dans d’autres boracites : Ni-Cl, Cu-Cl, Co-I, Ni-Br, Mn-I mais l’ordre de grandeur de l’effet est au moins deux fois plus faible.

Les composés du type BaMF4

J.F. Scott et al. à Oxford s’intéressent dans les années 70 aux composés BaMF4 dans lesquels M est un ion métallique bivalent. En particulier, ils étudient le composé BaMnF4 et montrent qu’en dessous de 25K apparaissent simultanément ferroélectricité et moment ferromagnétique faible. La mesure de la constante diélectrique en fonction de la température montre une anomalie autour de la transition magnétique29, prouvant la manifestation d’un effet magnétoélectrique. Les auteurs montrent que c’est l’ordre ferroélectrique qui est à l’origine de l’apparition d’une aimantation spontanée dans la structure30.
Plus tard, H. Schmid et al. ont démontré que BaMF4 ne présente pas de moment ferromagnétique faible et donc pas d’effet magnétoélectrique linéaire31. Les auteurs montrent que seul un effet quadratique est mesurable et que l’incommensurabilité de la structure magnétique supprime l’effet linéaire. Ces résultats ont été confirmés par la suite par J.F. Scott et al. qui discutent de l’absence de ferromagnétisme faible et de l’annulation de l’effet linéaire32.

Les structures spinelles

A la même période, des études sont faites par des physiciens russes sur les oxydes de structure spinelle. Par exemple, le composé PbMn2O4 qui possède un moment ferromagnétique faible en dessous de 63K semble présenter un effet magnétoélectrique linéaire33. Par ailleurs, un faible signal magnétoélectrique a été mesuré dans des monocristaux de Co1.75Mn1.25O4 à basse température34. Dans le composé Cr2BeO4, l’effet magnétoélectrique se manifeste par l’apparition d’une polarisation spontanée à la température de transition magnétique, correspondant à une structure de type cycloïdal35. Il s’agit donc de ferroélectricité impropre.

Les pérovskites

Quand les pérovskites à base de fer ont été découvertes à la fin des années 50, une propriété supplémentaire est venue se greffer : le magnétisme. De là est née l’idée d’étudier le couplage entre ordre électrique et ordre magnétique, étude qui a pris toute son ampleur ces dernières années avec la possibilité de retourner l’aimantation via un champ électrique et inversement, dans les manganites de terres rares. Les multiferroïques de structures pérovskites ont donc fait l’objet des plus anciennes mais aussi des plus récentes études de couplages magnétoélectriques. Je vais détailler ci-après les trois types de structures pérovskites qui ont été synthétisées et étudiées : les structures simples, les solutions-solides et les structures en couche. Les structures pérovskites offrent en effet un large potentiel pour l’étude du couplage magnétoélectrique.

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Table des matières

Glossaire
Chapitre 1 : Ferroélectricité, magnétisme et couplage magnétoélectrique
I – Propriétés électriques
1 – Phase paraélectrique
2 – Ferroélectricité
a – Définition
b – Transitions d
e phase
c – Phase ferroélectrique
d – Domaines ferroélectriques et cycle d’hystérésis
3 – Piézoélectricité
4 – Les pérovskites
II – Propriétés magnétiques
1 – Phase paramagnétique
2 – Interaction d’échange et anisotropie
3 – Ferromagnétisme
4 – Antiferromagnétisme
5 – Ferromagnétisme faible ou antiferromagnétisme non compensé
6 – Ferrimagnétisme
III – Le couplage magnétoélectrique
1 – Quelques définitions
2 – Aspects théoriques
a – Symétrie magnétique et cristalline
b – Couplages magnétoélectriques direct et indirect
c – Théorie thermodynamique de Landau
d – Ferroélectricité impropre dans les structures magnétiques cycloïdales
3 – Aspects pratiques: état de l’art
a – Les boracites
b – Les composés du type BaMF4
c – Les structures spinelles
d – Les pérovskites
e – Les structures du type RMn2O5
f – Les structures en couches
4 – Vers les applications…
Bibliographie
Chapitre 2 : Synthèse et caractérisation physico-chimique des composés BiFeO3 et Bi0.45Dy0.55FeO3
I – Synthèse et caractérisation de BiFeO3 sous forme de poudre
1 – Réaction en phase solide
a – Diagramme de phase Fe2O3-Bi2O3
b – Etude des cinétiques de réactions
c – Protocole expérimental
2 – Caractérisation par diffraction des rayons X
4 – Etude par thermogravimétrie
5 – Mise en évidence des transitions structurales
6 – Conclusion
II – Synthèse et caractérisation de monocristaux de BiFeO3
1 – Technique de croissance en flux
a – Protocole expérimental
b – Morphologie des cristaux
2 – Analyse chimique à la microsonde électronique
a – Principe
b – Résultats
3 – Caractérisation structurale par diffraction des rayons X
4 – Conclusion
III – Synthèse et caractérisation de Bi0.45Dy0.55FeO3 sous forme de poudre
1 – Réaction en phase solide
2 – Caractérisation par diffraction des rayons X et structure cristalline
3 – Etude de la stœchiométrie
4 – Conclusion
IV – Synthèse et caractérisation de monocristaux de Bi0.45Dy0.55FeO3
1 – Technique de croissance en flux
2 – Analyse chimique à la microsonde électronique
3 – Conclusion
Bibliographie
Chapitre 3 : Propriétés ferroélectriques de monocristaux de BiFeO3 et Bi0.45Dy0.55FeO3
I – Origine de la ferroélectricité dans le composé BiFeO3
1 – Distorsions structurales
2 – Observation des domaines ferroélastiques au microscope optique en lumière polarisée
a – Le principe du microscope polarisant
b – Observation des monocristaux synthétisés
c – Observation sous application d’un champ électrique
3 – Mise en évidence de domaines polaires opposés par attaque chimique à l’acide nitrique
a – Principe de la technique
b – Observation d’un cristal polydomaine après application d’un champ électrique
4 – Conclusion
II – Spectroscopie Raman vibrationnelle sous champ électrique sur un monocristal de BiFeO3
1 – Principe et approche théorique
2 – Partie expérimentale
a – Dispositif expérimental
b – Mise en évidence des dynamiques de réseau
c – Déplacements des modes de vibration sous champ électrique
3 – Conclusion
1 – Principe de la technique
2 – Ecriture et observation des domaines ferroélectriques de monocristaux de BiFeO3 et Bi0.45Dy0.55FeO3
a – Préparation
b – Observations sur un monocristal de BiFeO3
c – Monocristal de Bi0.45Dy0.55FeO3
3 – Cycle d’hystérésis local de réponse piézoélectrique de monocristaux de BiFeO3
a – Cycle d’hystérésis à réponse piézoélectrique
b – Quelques formules utiles
c – Effet de pointe
4 – Conclusion
IV – Mesure macroscopique des courants de charge de monocristaux de BiFeO3
1 – Principe de la mesure
a – Schéma du montage
2 – Premiers cycles de polarisation à température ambiante
3 – Evolution des paramètres après plusieurs cycles
4 – Conclusion
Bibliographie
Chapitre 4 : Propriétés magnétiques des composés BiFeO3 et Bi0.45Dy0.55FeO3
I – Propriétés magnétiques de BiFeO3
1 – Structure magnétique cycloïdale
2 – Principe du magnétomètre SQUID
3 – Courbes d’aimantation à 300 K sur une poudre de BiFeO3
4 – Courbes d’aimantation à 300 K sur un monocristal de BiFeO3
5 – Conclusion
II – Propriétés magnétiques de Bi0.45Dy0.55FeO3
1 – Structure magnétique de DyFeO3
2 – Mise en évidence de la structure magnétique de Bi0.45Dy0.55FeO3 par diffraction des neutrons
3 – Courbes d’aimantation à 300 K d’une poudre de Bi0.45Dy0.55FeO3
4 – Conclusion
III – Spectroscopie Mössbauer sur 57Fe
1 – Quelques notions théoriques et définitions,
2 – Dispositif expérimental
3 – Mise en évidence de l’anisotropie hyperfine dans BiFeO3
a – Interprétation de l’élargissement des raies
b – Interprétation de l’asymétrie du spectre
c – Evolution du champ hyperfin en fonction de la température et détermination de TN
4 – Comparaison avec Bi0.45Dy0.55FeO3
5 – Conclusion
Bibliographie
Chapitre 5 : Etude magnétoélectrique sur des monocristaux de BiFeO3
I – Symétrie et interaction magnétoélectrique dans BiFeO3
II – Mesure d’aimantation sous champ électrique au magnétomètre SQUID
1 – Dispositif
2 – Mesures et résultats
a – Courbes d’aimantation en fonction de l’orientation du champ magnétique appliqué
b – Courbes d’aimantation en fonction du champ électrique appliqué
3 – Conclusion
III – Mesure de cycle d’hystérésis P(E) en fonction du champ magnétique
IV – Mesure de la constante diélectrique en fonction du champ magnétique
1 – Quelques rappels
2 – Historique
3 – Mesures et résultats
V – Conclusion des trois mesures magnétoélectriques
VI – Etude magnétoélectrique par diffraction de neutrons sur un monocristal de BiFeO3 à température ambiante.
1 – Partie expérimentale
2 – Structure nucléaire de BiFeO3
3 – Structure magnétique en spirale cycloïdale de BiFeO3
a – Modèle proposé par I. Sosnowska et al. à partir de données de diffraction de neutrons sur poudre
b – Mise en évidence d’un domaine antiferromagnétique unique
c – Conclusion
4 – Etude magnétoélectrique
a – Etude du couplage entre domaine magnétique et domaine ferroélectrique
b – Conclusion
Bibliographie

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