Synthèse et caractérisation du composite organique conducteur

En 1977, MacDiarmid [1], Heeger [2, 3] et Shirakawa découvraient les polymères conducteurs intrinsèques et ouvraient une perspective nouvelle aux polymères. Leur découverte fut récompensée par le Prix Nobel de chimie en 2000. Aujourd’hui, il est difficile d’ignorer l’apport des matériaux polymères conducteurs dans les développements technologiques qui, dès maintenant et dans les prochaines années conduisent à l’apparition de nouveaux procédés des capteurs, domaine qui est voué à une forte expansion compte tenu des enjeux environnementaux et de santé publique. C’est dans ce contexte que l’Ecole des Mines de Douai (EMD), associée à l’Institut Pluridisciplinaire de Recherche sur l’Environnement et les Matériaux (IPREM) et en particulier sa composante : Equipe de Physique et Chimie des Polymères (EPCP), a entrepris un nouveau projet de recherche sur la réalisation de capteurs de gaz acido-basique à base de polymères conducteurs. Dans le cadre de ce nouveau programme, j’ai été recrutée pour effectuer une thèse dirigée par le professeur Jacques Desbrières de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA) et codirigée par Nathalie Redon (enseignante-chercheur à l’EMD) et Stéphanie Reynaud (chargée de recherche CNRS à l’IPREM). L’intitulé de la thèse est : «Conception, Caractérisation et Mise en œuvre de matériaux organiques conducteurs pour des applications dans le domaine des capteurs chimiques ». Les deux laboratoires de recherche impliqués dans cette thèse apportent leurs compétences pour la mise au point de capteurs innovants. Le laboratoire de l’Ecole des Mines de Douai est, entre autres, reconnu pour ses travaux dans le domaine de la caractérisation des propriétés spécifiques des polymères conducteurs et dans l’élaboration de systèmes permettant le contrôle en température, humidité et concentration en polluants de l’atmosphère. L’Equipe de Physique et Chimie des Polymères apporte quant à elle ses compétences dans les domaines de la synthèse et de la caractérisation des polymères. Le domaine évoqué par le titre est très vaste et il est impossible d’étudier de façon exhaustive le champ des capteurs chimiques, même en se limitant aux capteurs fabriqués à base de polymères, dans le cadre d’une thèse. Les compétences des laboratoires impliqués (EMD et EPCP), une étude bibliographique consciencieuse et les contraintes industrielles ont permis de centrer nos travaux de recherche sur la mise au point d’un capteur tout polymère pour la détection de l’ammoniac et plus particulièrement dans le cadre de la protection des personnes.

De nos jours, il est impossible d’ignorer l’importance des plastiques dans le développement des nouvelles technologies. En effet, ils sont présents dans tous les domaines, de l’alimentaire à l’aérospatiale en passant par les cosmétiques. Ils sont légers, simples à mettre en œuvre et ont un prix de revient nettement moindre à la majorité de leurs concurrents. La découverte en 1977 [1] du premier polymère conducteur intrinsèque (PCI), le polyacétylène, a élargi les domaines d’applications des polymères en leur ouvrant les portes de la conduction électrique jusque-là réservée aux métaux et aux matériaux semi-conducteurs. Les nouveaux développements sont par exemple, la réalisation de batteries légères, de capteurs, de blindages électromagnétiques, de composants électroniques ou encore d’écrans couleurs souples. Les polymères organiques conducteurs constituent une nouvelle classe de « métaux synthétiques » qui peuvent, pour certains, combiner les propriétés chimiques et physiques des polymères avec les propriétés de conduction des métaux et semi-conducteurs. Toutefois jusqu’à maintenant les inconvénients majeurs résidaient dans les difficultés de mise en œuvre et dans leur modeste stabilité à l’environnement. En 1985, MacDiarmid et al. [2] montrent que parmi les PCI, la polyaniline (Pani) présente une stabilité à l’air acceptable. Il est aussi le seul PCI pouvant présenter soit un dopage protonique le rendant sensible aux variations de pH [3] soit électrochimique. De plus ce PCI est bon marché, devenant ainsi le premier polymère conducteur commercialement disponible. Dès 1992, des applications impliquant la Pani sont en cours d’étude et de mise au point dans divers laboratoires et industries. Ces études ont débouché sur la création de sociétés ou de filiales, comme par exemple Panipol, Ormecon, Polyone, Plextronics,… Elles se consacrent à la commercialisation et au développement de la polyaniline pour des applications dans le domaine de l’électronique plastique. Parallèlement, nous sommes dans « le nouvel âge d’or des fabricants de capteurs » [4] dont la première préoccupation est la baisse des coûts de fabrication. Il n’y a donc qu’un pas à franchir pour se demander si l’utilisation de PCI, dans ce domaine, serait une réponse à la réduction des coûts.

Il faut aussi noter que, d’après l’Agence Européenne de l’Environnement (AEE), plus de 10 millions de tonnes d’ammoniac sont produits et utilisés dans l’ouest de l’Europe. L’ammoniac est un produit toxique, corrosif et dangereux pour l’environnement [5]. Son utilisation est donc réglementée par des normes internationales, européennes et françaises. Pour suivre ces réglementations et protéger les personnes travaillant dans des secteurs faisant appel à l’ammoniac, les industriels ont l’obligation de s’équiper de capteurs pour prévenir des fuites éventuelles

Les Polymères conducteurs

Définitions générales

La conductivité, la conductance, la résistivité et la résistance

La résistivité d’un matériau représente sa capacité à s’opposer à la circulation du courant électrique. Elle correspond à la résistance d’un tronçon de matériau de 1 m de longueur et de 1 m2 de section ; elle s’exprime Ω.m (Ohm × mètre) dans le système international d’unités. La conductivité électrique est l’aptitude d’un matériau à laisser les charges électriques se déplacer librement, autrement dit à laisser le passage du courant électrique. La conductivité est l’inverse de la résistivité. Elle correspond à la conductance d’un tronçon de matériau de 1 m de longueur et de 1 m2 de section ; elle s’exprime en S/m dans le système international des unités. C’est le rapport entre la densité de courant et l’intensité du champ électrique. C’est l’inverse de la résistivité. Le symbole généralement utilisé pour désigner la conductivité est la lettre grecque sigma : σ.

Les polymères conducteurs

Les polymères conducteurs désignent des macromolécules qui ont la propriété de transporter des charges (électrons ou trous). Leur particularité est de posséder une structure – conjuguée permettant la délocalisation des électrons le long du squelette macromoléculaire. Un système ?-conjugué se traduit par une alternance de simples et doubles liaisons, ce qui a pour conséquence importante d’induire une rigidité significative de la chaîne et de rendre par là même les matériaux à base de polymère ?-conjugué insolubles et infusibles. Cette caractéristique a limité l’intégration de ces  Néanmoins, les recherches de ces dernières années ont permis d’améliorer la solubilité, les possibilités de mise en œuvre, la structure et les propriétés de transport électronique.

Structure électronique et dopage des polymères -conjug

Structure électronique avant dopage

La structure électronique des polymères ?-conjugués peut être décrite par une structure de bande [12, 13]. Pour expliquer cette structure de bande, partons du cas le plus simple du polyacétylène comme illustré sur la Figure 1. Pour la molécule d’éthylène, l’orbitale moléculaire occupée de plus haute énergie (HOMO : Highest Occupied Molecular Orbital) et l’inoccupée de plus basse énergie (LUMO : Lowest Unoccupied Molecular Orbital) sont respectivement les orbitales liante ? et anti-liante ?* . L’ajout de motifs conduit à une augmentation du nombre d’orbitales moléculaires de type ? ainsi qu’à une diminution de la différence d’énergie entre la HOMO et la LUMO due à un plus fort recouvrement orbitalaire. Quand le nombre de motifs est élevé, les niveaux liants et anti-liants discrets sont de moins en moins discernables et le système peut être décrit par deux bandes énergétiques séparées par une bande interdite ou gap énergétique : la bande issue de la HOMO est appelée Bande de Valence (BV) et celle issue de la LUMO, Bande de Conduction (BC).

Le principe des bandes est identique pour les autres polymères ?-conjugués même si la difficulté à les déterminer précisément s’accroît avec la complexité de l’architecture de la chaîne macromoléculaire ?-conjuguée considérée. Le modèle de la théorie des bandes permet de distinguer les matériaux conducteurs, semi-conducteurs et isolants par la largeur de leur gap (Figure 2). En effet, les isolants possèdent un gap large (> 2 eV) qui ne permet pas le passage des électrons, les semiconducteurs ont un gap faible qui permet un saut de la BV à la BC par simple excitation thermique des électrons, tandis que les métaux n’ont pas gap et les deux bandes peuvent être partiellement remplies.

Dans cette classification, les polymères conducteurs non dopés sont des semiconducteurs à grand gap ou des isolants. Des modifications chimiques de la structure du polymère permettent de moduler la valeur du gap ainsi que la position des bandes grâce à l’ajout de charges. Ce processus chimique qui, par analogie avec les semi-conducteurs inorganiques, est appelé dopage, permet d’obtenir de fortes conductivités, comparables dans certains cas à celles des métaux (Figure 3).

Dopage des polymères ?-conjugués et mode de conduction 

Le dopage chimique consiste :
o d’une part, à extraire des électrons de la chaîne polymère (par oxydation) ou à injecter des électrons dans la chaîne polymère (par réduction)
o et d’autre part, à introduire au voisinage de celle-ci des contre-ions, appelés dopants, de façon à assurer l’électro-neutralité. Le polymère est donc un polyélectrolyte (chaîne polymère contenant une densité de charges positives ou négatives importante) entouré de contre-ions rendant l’ensemble électriquement neutre.

L’introduction d’une charge sur la chaîne macromoléculaire provoque une déformation locale et crée un état localisé dans la bande interdite (le gap), qu’on appelle un défaut chargé localisé (défaut+charge). Il en existe 3 types différents :
o le soliton
o le polaron
o le bipolaron

Le soliton est caractéristique des systèmes dégénérés (polyacétylène) et peut être vu comme un défaut séparant deux formes de résonance énergétiquement équivalentes du polymère conjugué. Un soliton chargé possède une charge ± e et un spin nul alors qu’un soliton neutre possède un spin s = ½. Pour un taux de dopage important, les solitons peuvent former une bande de solitons. Dans ces systèmes, ce sont les solitons chargés qui assurent le transport électronique.

Le polaron possède un spin s = ½ et une charge et peut être vu comme une paire soliton – anti-soliton qui encadre un domaine minoritaire (énergie plus élevée) dans une matrice majoritaire (énergie plus basse). Il s’étend sur quelques distances C-C (environ 4). L’existence des polarons peut être mise en évidence par des expériences de résonance paramagnétique électronique (RPE) [14] et par des mesures optiques [15, 16]. Le bipolaron possède une charge double mais pas de spin. Il est créé lorsqu’on introduit une deuxième charge dans la chaîne et que cette charge n’aboutit pas à la création d’un deuxième polaron. Le bilan énergétique est favorable à la création de bipolaron plutôt qu’à la formation de deux polarons. Ces particules, ou porteurs de charges, sont responsables de la conduction électrique dans les polymères conducteurs. La formation de polaron ou de bipolaron est caractérisée par l’apparition d’états localisés sur les chaînes (Figure 5) et se manifestent par l’apparition dans la bande interdite d’états discrets voire à plus fortes concentrations de bandes polaroniques.

Ces bandes polaroniques devraient permettre un comportement métallique mais dans la grande majorité des cas, le désordre maintient la localisation et la conduction est assurée par un processus de sauts thermiquement activés. On peut alors distinguer deux types de sauts :
o des sauts le long des chaînes polymères (sauts intra-chaînes)
o des sauts entre les chaînes (sauts inter-chaînes)

La conductivité macroscopique mesurée est une superposition de ces deux mécanismes microscopiques de conduction. Plusieurs modèles de conductivité intra et interchaînes ont été proposés [17-22], cependant, aucun des mécanismes proposés ne s’applique à tous les polymères conducteurs et, ce qui est le plus important, tous les modèles proposés n’ont pas été validés. La conductivité intra-chaîne est favorisée par la forte compacité de l’assemblage des chaînes qui limite les torsions et favorise le recouvrement des orbitales ?. Les sauts inter-chaînes sont favorisés par les contre-ions et ont des effets tridimensionnels.

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Table des matières

Introduction générale
CHAPITRE 1 : Rappels bibliographiques
Sommaire du Chapitre 1
Introduction générale du contexte
PARTIE 1 : Les polymères conducteurs et la Polyaniline
A- Les Polymères conducteurs
B- La Polyaniline
PARTIE 2 : L’ammoniac et ses capteurs
A- L’ammoniac
B- Les capteurs d’ammoniac
Objectif et stratégie des travaux
Références bibliographiques
CHAPITRE 2 : Synthèse et Caractérisation du composite organique conducteur
Sommaire du Chapitre 2
Introduction
PARTIE 1 : Synthèse du matériau organique conducteur
A- Les différentes voies de synthèse de la Polyaniline
B- Description de la synthèse du composite conducteur
Sommaire général
PARTIE 2 : Caractérisation des particules de morphologie cœur-écorce
A- Détermination de la formulation du composite
B- Mesure du pH des dispersions aqueuses
C- Mesure de la conductivité des films formés
D- Etude de la morphologie des composites
Conclusion
Références bibliographiques
CHAPITRE 3 : Elaboration, optimisation et calibration de la chambre d’exposition en ammoniac et des capteurs
Sommaire du Chapitre 3
PARTIE 1 : La chambre d’exposition
A- Description de la chambre d’exposition
B- Calculs préliminaires à l’utilisation de la chambre d’exposition
C- Vérifications des teneurs générées en ammoniac
PARTIE 2 : Fabrication d’un capteur et premiers tests
A- Fabrication des capteurs
B- Description des essais et comportement en ammoniac
Conclusion
Références bibliographiques
CHAPITRE 4 : Capteurs : Test, calibration et évaluation des performances
Sommaire du Chapitre 4
PARTIE 1 : Etudes des différents capteurs
A- Introduction
Sommaire général
B- Rappels sur les capteurs étudiés et le protocole de mesure
C- Etude des capteurs à base de composite contenant la Pani dopée HCl
D- Etude des capteurs à base de composites contenant la Pani dopée H3PO4
E- Etude des capteurs constitués des composites contenant la Pani dopée H2SO4
F- Bilan des différents capteurs et Conclusion
PARTIE 2 : Etude des grandeurs d’influence
A- Etude de l’évolution de la résistance en fonction de la température et de l’humidité relative sans ammoniac
B- Etude de l’évolution de la résistance en fonction de la température et de l’humidité relative en présence d’ammoniac
C- Conclusion
Conclusion
Références bibliographiques
Conclusion général

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