Synthèse et caractérisation de silicates de calcium hydratés hybrides

Classification des silicates

   Les silicates forment une classe de matériaux extrêmement vaste, en composition, en structure, et en propriétés. Pour établir une classification de ces minéraux, il est d’usage d’employer des critères cristallochimiques. Comme les atomes de silicium sont presque toujours en coordinence tétraédrique et que les tétraèdres se connectent toujours entre eux par le sommet [19], il est alors commode de considérer l’arrangement de ces unités entre elles pour établir une classification des minéraux (plutôt que de les classer selon leur groupe d’espace). Dès lors, on retrouve les groupes de silicates bien connus [19], voir Figure 1. 1:
– les nésosilicates: silicates formés de tétraèdres de silicium indépendants des uns des autres (la forstérite par exemple)
– les sorosilicates: silicates formés de groupes finis de tétraèdres (thortveitite). Si les tétraèdres s’organisent en anneaux, ils forment le sous-groupe des cyclosilicates (béryl)
– les inosilicates: silicates formés de chaînes de tétraèdres (wollastonite). Dans lesquels on peut distinguer deux sous-groupes principaux: les pyroxènes (dont le motif de la chaîne silicatée est constitué de deux tétraèdres de silicium), et les amphiboles (constitués de chaînes unies)
– les phyllosilicates: (dits silicates lamellaires) dans lesquels les tétraèdres de silicium forment des plans (argiles, micas)
– les tectosilicates: silicates dont les tétraèdres s’organisent de façon tridimensionnelle (quartz, feldspaths, zéolites)
– les hétérosilicates: classe de silicates dans lesquels l’ordre entre les tétraèdres ne prédomine plus, et dans lesquels plusieurs modes d’arrangement entre les tétraèdres de silicium coexistent (clinozoïsite).
Dans la suite de notre étude, nous nous intéresserons spécifiquement à deux types de silicates hydratés lamellaires: les silicates de calcium hydratés (notés C-S-H) et les phyllosilicates. Nous nous proposons de décrire dans un premier temps la structure des phyllosilicates, de façon à mettre en relief les spécificités structurelles des C-S-H par la suite.

De l’unité structurale au phyllosilicate

    Il convient maintenant de passer de la description d’unités structurales de base à celle des phyllosilicates. Cette étape est complexe, car elle consiste à passer de la description de plans atomiques infinis et parfaits, à la description précise de minéraux lamellaires réels. Pour y parvenir, il faut considérer tout d’abord les paramètres caractérisant la structure intrinsèque d’une lamelle individuelle:
– le mode d’association des couches tétraédrique et octaédrique entre elles,
– le caractère tri ou dioctaédrique du plan octaédrique,
– le caractère continu ou discontinu du plan octaédrique,
– les défauts structuraux, la taille finie des feuillets, ainsi que leur forme.
Mais il faut aussi considérer les paramètres décrivant le mode d’empilement des lamelles dans une particule de taille finie:
– le nombre de lamelles d’un empilement (pouvant varier d’un dizaine à une centaine),
– la nature, et l’épaisseur de l’espace interfoliaire,
– le caractère mono ou polyphylliteux d’un empilement. En cas d’interstratification, il faut déterminer le mode de succession entre les feuillets de natures différentes (alternance régulière, distribution aléatoire, etc.),
– la polytypie, c’est à dire caractériser la façon dont s’oriente un feuillet par rapport à ses voisins (empilement ordonné, semi-ordonné, à désordre translationnel, à désordre turbostratique (i.e. translationnel et rotationnel) [22]). Tous ces paramètres sont indispensables pour rendre compte de la grande variété du groupe des phyllosilicates. Cependant, notre objectif ici n’est pas de le décrire exhaustivement, mais est plutôt de donner une description de structures moyennes, susceptibles de représenter l’ensemble des minéraux de ce groupe. C’est pourquoi nous nous restreindrons à la description des phyllosilicates ayant les caractères suivants (voir Figure 1. 6):
– couche octaédrique continue,
– monophylliteux (non interstratifiés),
– sans rendre compte ni des défauts structuraux, ni de la taille et de la forme des feuillets, ni de leur polytypie.

Phyllosilicates 2:1:1

   La description du groupe des phyllosilicates s’achève par celle d’un dernier sous-groupe: celui des phyllosilicates 2:1:1. Ces minéraux sont constitués d’une alternance régulière de feuillets Te Oc Te (de type phyllosilicate 2:1) et de feuillets octaédriques (de type brucitique)  Le feuillet Te Oc Te est de type mica (voir chapitre 1.2.5), c’est à dire avec des substitutions de silicium de ses couches tétraédriques par des atomes trivalents (Al3+). Dès lors, les défauts de charge du feuillet peuvent être compensés de deux manières distinctes, à l’origine de deux familles de phyllosilicates 2:1:1:
– groupe des chlorites (ou chlorites vraies), dans lequel les défauts de charges sont compensés directement par le feuillet Oc. S’il est de nature trioctaédrique, la génération d’un excès de charge positive se fait par substitution de cations divalents par des cations trivalents. S’il est dioctaédrique la compensation se fait par la présence d’un excès de cations trivalents dans le feuillet (cf. chapitre 1.2.2.2.). Ce mode d’organisation engendre de fortes interactions entre les feuillets: à la fois de type Van der Waals (plans OH du feuillet Oc face aux plans O des couches Te), ainsi que de type ionique (voir Figure 1. 9). Les chlorites ne sont donc pas gonflantes et présentent une distance basale de l’ordre de 14 Å, dont certains auteurs se servent pour qualifier l’ensemble des phyllosilicate 2:1:1 de « phyllosilicates à 14 Å ».
– groupe des pseudo-chlorites (ou chlorites gonflantes), dans lequel la compensation de charge se fait, comme dans les smectites, par la présence de cations compensateurs hydratés (le feuillet Oc restant électriquement neutre). A contrario des chlorites vraies, les feuillets de pseudo-chlorite ne sont donc liés entre eux que par des interactions de Van der Waals. En outre, la présence d’eau entre les feuillets Oc et Te Oc Te écrante ces intractions, conférant à ces minéraux la propriété d’être gonflantes (comme les smectites). Pour établir une classification des phyllosilicate 2:1:1, il aurait fallu, si nous avions suivi les divisions utilisées pour les autres sous-groupes, considérer les caractères di- ou trioctaédrique de chacun des feuillets constitutifs. Cependant, la très grande majorité de ces minéraux ont leurs deux feuillets constitutifs de nature trioctaédrique [21]. Nous nous contenterons de leur description pour établir une classification de ce sous-groupe (voir Tableau 1. 4), en rappelant toutefois que les autres espèces minérales existent mais sont peu représentées dans la nature.

Synthèse des C-S-H

   Il existe différentes méthodes de synthèse des C-S-H. La première étant bien sûr d’obtenir des C-S-H par hydratation des silicates de calcium présents dans le CPA. Cependant, la composition des C-S-H est très variable dans un ciment [30]. En effet, leur composition dépend à la fois des conditions d’hydratation du ciment (rapport eau/ciment) ainsi que du mode d’arrangement local des phases anhydres au moment de l’hydratation. De sorte que les C-S-H obtenus par hydratation du ciment ont une composition variable, pouvant s’écrire: (CaO)x(SiO2)y(H2O)z avec: 0,6<x/y<2 et 1<z<4 (noté CxSyHz en abrégé). Leur composition moyenne est cependant proche de (CaO)1,7(SiO2)(H2O)4 [30], et peuvent également inclure quelques impuretés comme des aluminates et des sulfates. Un autre mode d’obtention de C-S-H est la méthode de synthèse par réaction dite pouzzolanique (nom donné par analogie avec la méthode de fabrication des ciments des Romains, réalisés à partir de chaux et de cendres volcaniques (riches en silice) de la région de Pouzzole). Cette méthode consiste à laisser mûrir une solution de chaux (CaO) et de silice vitreuse (SiO2), à partir de laquelle les C-S-H vont se former par mécanisme de dissolution/précipitation. Les C-S-H obtenus, voient leur composition varier en fonction de la concentration d’équilibre des ions Ca2+ en solution. L’évolution du rapport x/y -ou Ca/Si- du solide a été étudiée par de nombreux auteurs [30-34].

Paramètres inconnus dans la structure des C-S-H

   Il est nécessaire de rappeler ici que la structure réelle des C-S-H n’a pas été résolue. Les modèles structuraux présentés précédemment sont certes cohérents avec les données expérimentales acquises sur le matériau et rendent compte de sa composition variable, mais ils restent incomplets. En effet, des incertitudes sur l’organisation structurales des C-S-H demeurent sur trois domaines: – la structure du feuillet
– la nature de l’espace interfoliaire
– le mode d’empilement des feuillets au sein d’une particule
• La structure du feuillet est le domaine sur lequel on bénéficie du plus grand nombre de données expérimentales, et est donc relativement bien appréhendé. Cependant la proportion réelle de sites SiOH déprotonés en fonction du pH n’est pas clairement établi. Cette proportion influe à la fois sur la charge portée par le feuillet et sur le nombre moyen d’atomes de calcium compensateur dans l’interfeuillet. En outre, aucun défaut structurel (autre que les lacunes de tétraèdres pontants), n’a été considéré à ce jour, que ce soit pour les chaînes de silicium ou pour la double couche de calcium. En particulier, on peut tout à fait considérer que certains tétraèdres pontants des C-S-H peuvent effectuer une rotation autour de leur axe (« tilt »). Cette rotation fait apparaître deux sites SiOH et un site CaOH (voir Figure 1. 17). En fonction des conditions de pH de l’eau interfoliaire [33], tout ou partie des sites SiOH peuvent alors être déprotonés, modifiant ainsi la répartition des charges du feuillet.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1: SILICATES HYDRATES LAMELLAIRES
RESUME
1.1. SILICATES HYDRATES LAMELLAIRES 
1.1.1. Introduction
1.1.2. Classification des silicates
1.2. PHYLLOSILICATES 
1.2.1. Généralités
1.2.2. Structure générale
1.2.2.1. Structure de base de la couche de silicium
1.2.2.2. Structures de base de la couche octaédrique
1.2.3. De l’unité structurale au phyllosilicate
1.2.4. Phyllosilicates 1:1
1.2.5. Phyllosilicates 2:1
1.2.6. Phyllosilicates 2:1:1
1.3. SILICATES DE CALCIUM HYDRATES (C-S-H)
1.3.1. Généralités
1.3.2. Synthèse des C-S-H
1.3.3. Microstructure des C-S-H
1.3.4. Structure des lamelles de C-S-H
1.3.4.1. Unités structurales de base
1.3.4.2. Feuillet de tobermorite: un feuillet de C-S-H idéal
1.3.4.3. Trois modèles de feuillets pour les C-S-H réels
1.3.4.4. Paramètres inconnus dans la structure des C-S-H
1.4. C-S-H ET PHYLLOSILICATES 2:1
CHAPITRE 2: PHYLLOSILICATES HYBRIDES
RESUME
2.1. DEFINITIONS
2.1.1. Matériaux composites et matériaux hybrides
2.1.2. Hybrides interstratifiés et dispersés
2.2. METHODES DE SYNTHESE DE PHYLLOSILICATES HYBRIDES 
2.2.1. Synthèses des hybrides de classe I
2.2.1.1. Synthèse par intercalation
2.2.1.2. Synthèse par polymérisation in situ
2.2.1.3. Synthèses par précipitation
2.2.2. Synthèses d’hybrides de classe II
2.2.2.1. Synthèses post creatione d’hybrides de classe II
2.2.2.2. Synthèses ab initio d’hybrides de classe II
2.2.3. Bilan sur les méthodes de synthèse
2.3. STRUCTURE DES FEUILLETS INORGANIQUES DANS LES PHYLLOSILICATES HYBRIDES
2.3.1. Feuillets obtenus par méthode post creatione
2.3.2. Feuillets obtenus par méthode ab initio
CHAPITRE 3: SYNTHESE DE C-S-H HYBRIDES 
RESUME
3.1. SYNTHESE DE C-S-H HYBRIDES DE CLASSE I
3.2. SYNTHESE DE C-S-H HYBRIDES DE CLASSE II 
3.2.1. Positionnement de l’étude
3.2.2. Principes de synthèse des C-S-H hybrides
3.2.2.1. La méthode sol-gel
3.2.2.2. Synthèse de C-S-H par voie sol-gel
3.2.3. Modes opératoires
3.2.3.1. Etapes de synthèses et mécanismes réactionnels
3.2.3.2. Composition des hybrides synthétisés
3.2.3.3. Synthèse « aqueuse » de C-S-H hybrides
3.2.3.4. Synthèse « alcoolique » de C-S-H hybrides
CHAPITRE 4: ORGANO-SILANES DE CALCIUM
RESUME
4.1. C-S-H DE REFERENCE 
4.1.1. Données expérimentales
4.1.2. Analyses
4.2. ORGANO-SILANES DE CALCIUM SYNTHETISES PAR VOIE « ALCOOLIQUE »
4.2.1. Synthèses avec les radicaux aliphatiques
4.2.1.1. Données expérimentales
4.2.1.2. Structure des organo-silanes de calcium obtenus
4.2.2. Synthèse avec le radical fonctionnel Phényle
4.2.3. Conclusion sur les organo-silanes de calcium obtenus par voie alcoolique
4.3. ORGANO-SILANES DE CALCIUM SYNTHETISES PAR VOIE « AQUEUSE » 
4.3.1. Synthèses avec les radicaux aliphatiques
4.3.1.1. Données expérimentales
4.3.1.2. Structure des organo-silanes de calcium formés
4.3.2. Synthèse avec le radical fonctionnel Vinyle
4.3.3. Synthèse avec le radical Aminopropyle
4.3.4. Conclusion sur les organo-silanes de calcium obtenus par voie aqueuse
4.4. DISCUSSION
4.4.1. Comparaison entre les méthodes de synthèse par voie alcoolique et aqueuse
4.4.2. Co-assemblage ou réplication ?
4.4.2.1. Radicaux organiques de faible taille
4.4.2.2. Radicaux organiques de taille importante
CHAPITRE 5: C-S-H HYBRIDES 
RESUME
5.1. INTRODUCTION
5.2. RADICAUX ALIPHATIQUES
5.2.1. Série M-C-S-H
5.2.2. Série E-C-S-H
5.2.3. Série B-C-S-H
5.2.4. Série O-C-S-H
5.3. RADICAUX FONCTIONNELS
5.3.1. Série V-C-S-H
5.3.2. Série A-C-S-H
5.3.3. Série P-C-S-H
5.4. DISCUSSION
5.4.1. Comparaison entre les différentes séries
5.4.2. Hybride homogène ou hétérogène ?
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
ANNEXES

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